CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES DE PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR 2 ème section Commune de Benevent et Charbillac (Hautes Alpes) Rapport n 2006-0288 Article L. 1612-14 du code général des collectivités territoriales Séance du 20 juin 2006 A V I S Par lettre en date du 15 mai 2006, enregistrée au greffe le 18 mai, le préfet des Hautes- Alpes a saisi la chambre, au titre des dispositions de l'article L. 1612-14 du code général des collectivités territoriales, le compte administratif (consolidé) de l'année 2005 ayant été voté en déséquilibre. Le maire de Benevent et Charbillac a été invité à présenter ses observations par lettre en date du 23 mai 2006. Il a répondu par courrier en date du 5 juin 2006, enregistré au greffe le même jour. Après avoir entendu le rapporteur, la chambre, 2 ème section, a délibéré et adopté le présent avis le 20 juin 2006, dans la formation suivante : M. Rocca, président de section, président de séance, M. Bizeul, premier conseiller et M. Bahuaud, premier conseiller rapporteur. Le présent avis sera notifié au préfet des Hautes-Alpes ainsi qu au maire de Benevent et Charbillac et transmis, pour information, au comptable de la commune, sous couvert du trésorier-payeur général des Hautes Alpes. Aux termes de l'article L. 1612-19 du code général des collectivités territoriales, "l'assemblée délibérante est tenue informée dès sa plus proche réunion des avis formulés par la chambre régionale des comptes". 2006-0288.doc 1/6
1. RECEVABILITE DE LA SAISINE Aux termes de l article L. 1612-14 du code général des collectivités territoriales, "Lorsque l'arrêté des comptes des collectivités territoriales fait apparaître dans l'exécution du budget, après vérification de la sincérité des inscriptions de recettes et de dépenses, un déficit égal ou supérieur à 10 % des recettes de la section de fonctionnement s'il s'agit d'une commune de moins de 20 000 habitants et à 5 % dans les autres cas, la chambre régionale des comptes, saisie par le représentant de l'etat, propose à la collectivité territoriale les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire, dans le délai d'un mois à compter de cette saisine. La commune de Benevent et Charbillac compte 267 habitants et le compte administratif fait apparaître, tel que détaillé dans le tableau ci-après, un déficit consolidé des budgets, en incluant les restes à réaliser, de 85 850 ; soit 17,21 % des recettes réelles de fonctionnement consolidées s élevant à 498 838 : Recettes réelles Budgets C.A. 2005 R.A.R Résultats nets de fonctionnement Commune... 324 597-12 067 312 530 312 487 Eau et assainissement 8 605-13 004-4 399 16 748 Micro-centrale... - 356 484-53 804-410 288 160 999 Transports scolaires 16 307 0 16 307 8 604 TOTAL... - 6 975-78 875-85 850 498 838 La saisine du préfet des Hautes Alpes est donc recevable. 2. LES CAUSES DU DEFICIT La commune de Benevent et Charbillac a plusieurs fois fait l objet de saisines budgétaires du fait du déficit du budget de sa microcentrale électrique. Cette micro-centrale, construite par la commune de Benevent et Charbillac sur la Severaissette, pour assurer le maintien de son agriculture (délibération du 6 février 1987), présente en effet deux inconvénients majeurs : elle a été sujette à de nombreuses pannes techniques et, faute d être approvisionnée en eau de façon permanente, du fait de la multiplication des périodes de sécheresse ces dernières années, elle ne produit pas suffisamment d électricité et donc ne reçoit pas d EDF les recettes propres à assurer son équilibre budgétaire et financier (contrat hydraulicien applicable jusqu en octobre 2012, qui prévoit des modulations de tarifs fixées unilatéralement par EDF). Une autre particularité de cette micro-centrale est qu elle est reliée à un réseau d irrigation, construit en même temps qu elle, la prise d eau sur la Severaissette desservant la microcentrale ainsi que le réseau d aspersion des exploitations agricoles de la commune. En 2003, les pannes se succédant trop fréquemment, le conseil municipal décidait de changer la turbine et la génératrice de la microcentrale. Cet investissement (2004) s élevait à 280 000 (HT). 2006-0288.doc 2/6
L arrêt, pendant quatorze mois, des installations et donc l absence de recettes comme le coût de remplacement de la machinerie, expliquent le déficit actuel du budget de la microcentrale qui s élève, fin 2005, à 410 288 (restes à réaliser compris). 3. L IMPOSSIBILITE DE REDUIRE CE DEFICIT SUR UN SEUL EXERCICE AVEC LES SEULS FONDS DU BUDGET DE LA MICROCENTRALE Dans le cadre de la procédure budgétaire, la chambre ne peut proposer que des mesures relevant des pouvoirs communaux. En effet, même si le maire de la commune a sollicité des aides exceptionnelles auprès des autorités supérieures (Conseil Général des Hautes-Alpes, Conseil Régional de Provence-Alpes-Côte d Azur, Etat), et même si ces aides intervenaient durant l exercice, elles ne pourraient être intégrées dans le cadre de la procédure de saisine de la chambre. Le budget de la microcentrale ne peut être équilibré en modulant à la baisse certaines dépenses (qui pourraient être éventuellement reportées) tout en augmentant, à due concurrence, les recettes. En effet, en ce qui concerne tout d abord les recettes de la centrale, celles-ci sont limitées. D une part, les recettes d arrosage sont limitées par les dispositions de la délibération du conseil municipal en date du 6 février 1987 : «La construction de la microcentrale ayant pour but essentiel de maintenir l agriculture dans la commune, la taxe d arrosage réclamée sera toujours aussi faible que possible et ne saurait dépasser le prix de 150 litres de lait (prix départemental) à l hectare». Sans préjuger de la légalité d une telle indexation, l augmentation qui pourrait être envisagée au cas particulier, ne saurait suffire à couvrir le déficit, sauf à pratiquer des tarifs insupportables. En tout état de cause, si cette délibération n avait pas existé, les tarifs du réseau d aspersion, qui rapportent peu de recettes, auraient dû être augmentés de façon si excessive, eu égard au faible nombre d usagers, que cela aurait nuit gravement à l activité agricole, faute pour les exploitants de pouvoir régler ce nouveau prix de l eau. D autre part, les recettes sur la vente d électricité à EDF sont limitées par les dispositions du contrat passé avec cette société nationale. Il n est donc pas possible de les modifier unilatéralement. Il n y a pas enfin d autres recettes envisageables. Les dépenses sont constituées des remboursements d emprunts souscrits pour la réparation (en 1998) puis la remise à neuf (en 2004) de la centrale, soit au total, pour 2006, 69 753 d intérêts et 57 685 de capital. Ces dépenses sont incompressibles. Le reste des dépenses est constitué de dépenses à caractère général incluant des taxes (professionnelle, foncière ou autres), des redevances et des charges d entretien et réparation nécessaires pour permettre le fonctionnement des installations. La chambre se trouve donc dans un cas où le redressement du budget annexe est impossible sur ses seules ressources. 2006-0288.doc 3/6
4. LA SOLUTION POUR RESORBER CE DEFICIT Pour résorber le déficit du budget de la microcentrale il convient donc de prévoir un plan de redressement sur plusieurs exercices, faisant appel à des ressources du budget principal de la commune pour couvrir le coût de l investissement relatif à la rénovation des installations de la microcentrale. Les dispositions de l article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, permettent d adopter cette solution. Aux termes de cet article en effet, si : «Il est interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre des services publics visés à l article L. 2224-1 (soit les services publics à caractère industriel ou commercial exploités en régie, affermés ou concédés par les communes). Toutefois, le conseil municipal peut décider une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l une des raisons suivantes : 1/ ( ) ; 2/ Lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ; 3/ ( ). La décision du conseil municipal fait l objet, à peine de nullité, d une délibération motivée. Cette délibération fixe les règles de calcul et les modalités de versement des dépenses du service prises en charge par la commune, ainsi que le ou les exercices auxquels elles se rapportent. En aucun cas cette prise en charge ne peut se traduire par la compensation pure et simple d un déficit de fonctionnement». ( ). La commune de Benevent et Charbillac se trouve bien dans le cas prévu à l article L. 2224-1. En effet, la circonstance que la collectivité a été confrontée en 2004 à une défaillance majeure de sa microcentrale, rendant inévitable une rénovation quasi-complète de celle-ci, aurait dû la conduire dès cette époque à considérer qu elle était placée dans les conditions prévues au 2 ème cas d exonération de l article L. 2224-2. Les difficultés budgétaires rencontrées aujourd hui ne font que confirmer la nécessité qu il y avait alors, pour le budget communal, faute d une aide extérieure directe pour assurer les investissements de rénovation de la microcentrale, d apporter une aide exceptionnelle à ce service public industriel et commercial afin de lui permettre de réaliser un investissement qui était hors de ses capacités budgétaires. 2006-0288.doc 4/6
5. PROPOSITIONS DE LA CHAMBRE 5.1. De façon exceptionnelle, le budget principal de la commune abonderait le budget de la microcentrale d une subvention d investissement de 280 000 HT, permettant de couvrir les seuls coûts de rénovation de la microcentrale. 5.2. L abondement communal qui peut être dégagé dès 2006 ne permettant pas de couvrir plus de 220 000 en 2006, doit être complété en 2007, l ensemble des mesures se développant dans le cadre d un plan de redressement sur trois exercices soit jusqu en 2008. 5.3. Le plan comprendrait, outre cette subvention d investissement, les mesures suivantes : Au budget communal : - une augmentation de la fiscalité de 5 % pendant trois ans ; - un report à un exercice ultérieur (2007 voire 2008) du projet d investissement sur le site des 3 Croix (investissement estimé à 73 549 ) déjà inscrit au budget primitif 2006 ; - la réduction au budget primitif 2006 de la commune de toutes les dépenses de fonctionnement possibles notamment aux comptes 61, 62 et 63 ; - l augmentation au compte 75 des recettes de location de logements de vacances rénovés récemment. Au budget de la microcentrale : - outre une recette exceptionnelle de 280 000 (HT) (sur deux exercices) ; - inscription des subventions locales (obtenues du département, de la région et de l agence de l eau) pour mise en conformité des installations pour porter la production d électricité de 750 KW/H à 868 KW/H, ce qui permettra d accroîtra légèrement le produite de la vente d électricité en 2006. Par ces motifs, la Chambre : Article 1 er : DECLARE recevable la saisine du préfet des Hautes Alpes ; Article 2 : PROPOSE à la commune de Benevent et Charbillac de mettre en œuvre un plan de redressement pluriannuel sur trois exercices ; Article 3 : PROPOSE à la commune de prendre une délibération de subvention d investissement pour les travaux de rénovation de la microcentrale ; 2006-0288.doc 5/6
Article 4 : Propose de reprendre aux budgets concernés les recettes et les dépenses pour aider à la réalisation de ce plan de redressement ; Article 5 : Invite le préfet des Hautes-Alpes à transmettre à la chambre régionale des comptes les budgets à venir de la commune de Benevent et Charbillac pour les exercices 2007 et 2008. Le conseiller-rapporteur, Le président de section, Loïc BAHUAUD Pierre ROCCA 2006-0288.doc 6/6