Manger chez soi : pourquoi? Motivations et obstacles à l achat de fruits et légumes locaux : un sondage pancanadien RÉSUMÉ EXÉCUTIF Équiterre 28 juin 2011
Les aliments locaux ont la cote depuis quelques années au Canada et dans le monde. Du régime des 100 miles en Colombie-Britannique à la consécration de locavore comme mot de l année en 2007, acheter local semble trouver une résonnance chez les consommateurs nord-américains. Les appuis aux initiatives de promotion et de mise en marché de produits locaux se multiplient tels que l illustrent les 14 millions du programme du gouvernement québécois en 2009 pour la diversification des circuits courts ou les 50 millions attribués au programme Mettez le Québec dans votre assiette en décembre 2007. Pour répondre au manque de données canadiennes et pour faire suite à un sondage réalisé sur la consommation responsable (2007) 1, Équiterre, en partenariat avec la firme Léger Marketing, a décidé de mener un sondage pancanadien (du 5 au 14 août 2010) auprès d'un échantillon de 1121 Canadiens et Canadiennes, âgé(e)s de 18 ans ou plus et pouvant s'exprimer en français ou en anglais. Le rapport complet propose une revue de littérature sur la question et enchaîne sur l analyse du sondage avant de proposer certaines recommandations. Achat local : un choix politique Le sondage révèle que les consommateurs canadiens préfèrent acheter un produit du pays, même d une province éloignée, plutôt qu un produit des Etats-Unis situé à quelques kilomètres. Plutôt qu un simple calcul de distance, l achat local refléterait donc un geste plus politique qu environnemental. Ainsi, lorsqu on questionne les répondants sur des idées associées aux aliments locaux, 94 % (le taux le plus élevé) d'entre eux soulignent qu ils encouragent l économie locale. D ailleurs, la majorité des répondants (70%) préfère acheter une tomate non biologique produite localement qu une tomate biologique de la Californie ou de la Floride. Selon la revue de littérature et le sondage réalisés, une définition qui ferait référence à la province d origine des aliments serait donc la stratégie la plus efficace pour interpeler les consommateurs. Qui achète local? Cela ne constitue pas une surprise, 78 % des répondants disent prioriser l achat local, un résultat semblable à ce que le précédent sondage mené par Équiterre en 2007 avait montré (77 %). Les personnes âgées, les retraités, les personnes sans enfants à la maison et les personnes résidant en milieu rural sont significativement plus enclins à acheter des aliments locaux. Le revenu ne semble cependant 1 Équiterre, «Passons à l action et consommons de façon responsable», Montréal, 2007, disponible en ligne : http://www.equiterre.org/publication/passons-a-l%e2%80%99action-et-consommons-de-facon-responsable- 2007 2
pas avoir une influence significative. Autant le sondage que la revue de littérature démontrent finalement que les variables sociodémographiques ne semblent pas avoir un impact clair sur l achat local. De la parole aux actes Le sondage a ses limites : il ne mesure que les intentions des consommateurs et pas leur comportement réel en magasin. Afin d évaluer la force de leurs convictions, Équiterre a demandé aux répondants s ils achetaient des fraises en hiver. Près de 42 % de ceux qui priorisent l achat local ont avoué le faire. Une portion des consommateurs privilégient donc une approche plus pragmatique qu idéologique et optent pour la diversité plutôt que l origine ou la saisonnalité. Ce constat est validé dans la revue de littérature. La variété n est pas le seul obstacle à l achat local. Certaines habitudes de consommation mises en lumière par le sondage freinent aussi son déploiement : Les consommateurs ne fréquentent qu un ou deux établissements pour l achat de leurs fruits ou légumes; Les supermarchés sont les lieux d achat les plus fréquentés, mais Les aliments locaux sont plutôt achetés dans les commerces de proximité tels que les épiceries de quartier, les fruiteries et les kiosques urbains/marchés publics Le tableau suivant énumère les facteurs qui inciteraient les consommateurs à intégrer plus d aliments locaux à leurs emplettes. 3
À quel point chacun des facteurs suivants pourrait vous inciter à acheter davantage des produits locaux? Source : Léger Marketing, 2010 Globalement, les facteurs ayant le plus d influence se regroupent principalement sous le concept de coûts de transaction, c est-à-dire la disponibilité, l accessibilité, le prix et l information. Une majorité de consommateurs (87 %) ne retrouve pas assez d aliments locaux au supermarché et l ajout de points de vente profiteraient à 85 % d entre eux. Des mesures devraient donc pousser les fruits et légumes locaux à se tailler une plus grande place sur les tablettes. La multiplication des points de vente réduirait la distance entre le consommateur et les aliments locaux. Un appui aux initiatives de vente directe (marchés publics, marchés en ligne, agriculture soutenue par la communauté, etc.) permettrait ainsi de multiplier les options pour acheter local, selon les besoins des consommateurs et des producteurs. Une identification claire Sept répondants sur dix disent passer moins de 30 minutes sur le lieu d achat, ce qui porte à réfléchir sur les moyens à utiliser pour les informer et les sensibiliser. En effet, un consommateur qui achète plusieurs dizaines de produits en moins de 30 minutes ne prendra probablement pas le temps de lire des étiquettes ou les logos. 4
Ainsi, s ils se retrouvent dans une situation d incertitude quant à la provenance du produit, la moitié (50 %) des répondants achètent quand même le produit, sans prendre la peine de s informer ou de le substituer. Déjà, en 2007, la majorité des consommateurs (81 %) du sondage «Passons à l action et consommons de façon responsable» 2 se montrait en faveur d une identification réglementée et obligatoire de la provenance de produits alimentaires. Les résultats du sondage amènent à miser sur un éventail de stratégies pour l identification plutôt que de s en tenir à un logo ou à une marque. Cette stratégie permettrait de s adapter au consommateur, selon son milieu (rural / urbain, province de résidence) et selon le lieu d achat. Par exemple, une fruiterie de quartier qui bénéficie d une forte confiance de sa clientèle pourrait ne s en tenir qu à une identification en étalage ou à une politique d achat, tandis que les grandes chaînes devront peut-être tabler sur un label. Une meilleure formation des employés en magasin permettrait aussi de mieux guider les clients vers les produits locaux. Il ressort donc de cette étude que les consommateurs sont prêts à consommer davantage de fruits et légumes produits localement, mais que les conditions nécessaires pour ce faire ne semblent pas encore pleinement réunies. 2 Ibid, p. 12 5