Table des matières Avant-propos... 5 Chapitre 1. La place de l analyse de l organisation du discours dans les didactiques des langues et des littératures maternelles et secondes... 9 Chapitre 2. Un instrument d analyse de la complexité de l organisation des discours... 26 Chapitre 3. Un dialogue dans une librairie... 37 Chapitre 4. Une demande de rendez-vous par téléphone... 66 Chapitre 5. Un dialogue théâtral... 99 Chapitre 6. Un dialogue de film... 107 Chapitre 7. Un récit dans un entretien télévisé... 129 Chapitre 8. Un texte philosophique... 143 Chapitre 9. Une lettre... 163 Chapitre 10. Un dialogue romanesque... 184 3
Conclusion Un instrument d exploration et d appropriation de l organisation des discours... 206 Index des dimensions et formes d organisation décrites... 215 Bibliographie... 217 4
Avant-propos Le discours, sous toutes ses formes (dialogues de la vie quotidienne, récits, entretiens, textes de presse, etc.), occupe dans les recherches et les débats en sciences humaines une place centrale, qui reflète son rôle prédominant dans la vie sociale. Il n est donc pas surprenant qu il occupe aussi une place de plus en plus grande dans la pédagogie des langues, maternelle et secondes. De fait, une bonne partie des cours et des exercices de langues portent sur des (fragments de) dialogues ou de textes authentiques (c est-à-dire non fabriqués pour les besoins de l enseignement). Par ailleurs, on observe en pédagogie des langues un intérêt croissant pour les activités métalangagières (voir Dolz & Meyer 1998) et, corollairement, un retour marqué et bienvenu du courant de l éveil au langage (language awareness ; voir Moore 1995), qui recommande, comme je l avais fait dans l ouvrage sur l intégration des pédagogies de langues maternelle et secondes paru en 1980 dans cette même collection (Roulet 1980a), d accorder une place plus grande à la réflexion sur la langue et sur le discours dans l enseignement-apprentissage des langues. Si l introduction toujours plus marquée des discours dans les cours de langues constitue manifestement un progrès, dans la mesure où elle rapproche l objet d étude des motivations des apprenants et des besoins de la vie sociale, et si le retour du courant de l éveil au langage est propre à favoriser le travail de réflexion/découverte sur l organisation des discours, ces développements soulèvent aussi deux problèmes majeurs pour les enseignants et les apprenants : un problème de représentation de ce qu est le discours et un problème d instrument d analyse. Sur le premier point, on constate que les enseignants, comme les étudiants, en restent à une représentation étroitement linguistique du discours comme texte, c est-à-dire comme succession de phrases, sans tenir compte des informations extra-linguistiques (connaissances du monde, de la situation d interaction, etc.) qui sont implicitées par le texte et qui sont nécessaires à l interprétation. Lehmann affirmait nettement en 1986 : «Reste que - pour en revenir à la didactique telle qu elle se fait tous les jours, et non telle qu il faut la scruter pour l aider à se mieux faire - la balle peut sembler, paradoxalement ou non, à nouveau placée dans le camp de la linguistique, ou du moins des sciences du langage. Ceci dans la 5
mesure où l effort de ces dernières années, qui a essentiellement porté sur le pan enseignement-apprentissage de l enseignement-apprentissage des langues, aurait toutes chances de rester lettre morte si n étaient pas mis en œuvre les moyens permettant de provoquer, chez les enseignants comme chez les apprenants, une modification profonde dans les représentations des langues à apprendre [c est moi qui souligne]. A quoi bon construire et imposer de nouvelles pratiques si, pour les partenaires de l acte, l objet visé reste conçu et perçu comme pure intégration de lexèmes à des structures, ou pire comme sacs de mots et de règles» (1986, 12). De fait, il s agit de passer d une représentation phrastique ou étroitement textuelle de l objet visé à une représentation discursive, intégrant les dimensions linguistiques, textuelle et situationnelles. Sur le second point, on constate que les enseignants disposent aujourd hui de bons instruments pour traiter de la phonologie, du lexique ou de la syntaxe des phrases, mais qu ils ne trouvent guère sur le marché d instruments permettant de saisir les multiples dimensions et la complexité de l organisation des discours qu ils veulent utiliser dans leur pratique. Cela tient à deux raisons : tout d abord, les recherches systématiques sur le discours ne se sont développées que depuis une trentaine d années et les résultats en sont encore limités ; ensuite, les spécialistes de l analyse du discours ont tendance soit à tenir un discours général sur le discours qui en ignore la micro-organisation linguistique et textuelle, soit à approfondir l étude d un aspect particulier, par exemple la structure thématique ou la dimension argumentative, à partir d exemples fabriqués ou d énoncés extraits de discours authentiques. Aussi est-il très difficile encore aujourd hui de trouver un instrument qui permette d analyser de manière précise et détaillée les dimensions linguistiques, textuelle et situationnelles d un (fragment de) discours authentique d une certaine longueur, comme ceux qu on peut utiliser dans une classe de langue ou de littérature. La situation est heureusement en train de changer et plusieurs chercheurs s efforcent aujourd hui, au delà des conflits d école, de développer des approches qui intègrent les différentes dimensions du discours dans une approche globale, en exploitant au mieux les apports des uns et des autres ; voir en particulier Moirand (1990). Aussi le moment est-il venu de proposer un instrument d analyse qui aille au delà des acquis du premier modèle genevois (voir Roulet & al. 1985 et Mœschler 1985, dans cette collection) et qui permette de rendre compte progressivement de la complexité 6
des discours authentiques, à partir de la description de leurs différentes formes d organisation. Compte tenu des objectifs de la collection, j ai adopté délibérément un mode de présentation peu formel et peu technique, orienté vers l acquisition progressive d un instrument pratique d analyse. Je recourrai souvent à l usage de schémas, non pour donner une apparence de formalisation et de scientificité, mais parce que d une part, ils permettent de formuler des hypothèses précises et que, d autre part, il s agit d un métalangage facile à comprendre et à exploiter (je ne dis pas à utiliser tel quel) au plan didactique 1. Après un premier chapitre consacré à la place de l analyse de l organisation du discours dans les didactiques des langues et littératures maternelles et secondes, et un deuxième consacré à la présentation de l instrument d analyse, celui-ci sera illustré par l étude de huit fragments de discours de types très différents et de complexité croissante : l achat d un livre (chap. 3), un dialogue téléphonique (chap. 4), un fragment de dialogue théâtral (chap. 5), un fragment de dialogue de film (chap. 6), un récit extrait d un entretien télévisé (chap. 7), un texte philosophique (chap. 8), une lettre (chap. 9) et un dialogue romanesque (chap. 10) ; les titres mêmes des chapitres indiquent bien que je ne pars pas, comme le fait Moirand (1990), de notions discursives pour illustrer le fonctionnement de chacune de celles-ci à l aide de quelques exemples de discours, mais que je pars d un nombre limité de discours pour en décrire les différentes formes d organisation ; par ailleurs, le choix des huit discours analysés indique clairement que la perspective adoptée dans cet ouvrage est très large, et va de l enseignement de base à l enseignement de niveau universitaire. Enfin, je reviendrai dans la conclusion sur les apports et les limites de l approche présentée ici. Les instruments proposés ici se situent, pour reprendre l expression de Moirand (voir Peytard & Moirand 1992, 85), au niveau pré-pédagogique. Ils ne sont pas destinés à être utilisés tels quels avec des apprenants en classe, ne serait-ce que parce que la métalangue utilisée est parfois trop technique, mais ils doivent permettre à l enseignant de saisir la complexité de l organisation d un discours, avant de concevoir une exploitation de ce discours en classe adaptée aux connaissances, aux motivations et stratégies d apprentissage des apprenants. Ces instruments d analyse peuvent 1. Le lecteur intéressé trouvera une présentation plus formelle du modèle de l organisation du discours dans Roulet (1999). 7
en revanche être utilisés directement par les étudiants de littérature et de linguistique à l université, qui ont à décrire l organisation et à dégager l interprétation de discours particulièrement complexes. Dans les chapitres suivants, je présente en petits caractères les passages qu il est possible de sauter à la première lecture du texte. 8