Rapport du séminaire sur «tirer profit des investissements, la réponse parlementaire a la ruée vers les terres»



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Transcription:

Rapport du séminaire sur «tirer profit des investissements, la réponse parlementaire a la ruée vers les terres» Cotonou, Benin Organisé par le Parlement Panafricain et le Comité interparlementaire de l Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, en collaboration avec l Institut International du Développement Durable www.iisd.org

Tables des matières 1.0 Tendances et caractéristiques générales des investissements étrangers dans les terres agricoles et les ressources en eau en afrique de l ouest... 1 1.1 Les caractéristiques principales des transactions foncières... 1 1.2 Qui sont les investisseurs et quelles sont les forces motrices?...2 1.3 La situation agricole en Afrique de l Ouest...3 1.4 Les impacts de l accaparement des terres... 4 1.5 L expérience de la Sierra Leone...5 1.6 L expérience du Sénégal... 6 2.0 Le rôle de l état régulateur...7 2.1 Le cadre légal de l investissement étranger ou la problématique de la pyramide renversée... 8 2.1.1 Des règlementations incomplètes dans les codes des investissements... 8 2.1.2 Des droits extraordinaires dans les traités de protection des investissements... 9 2.1.3 Des rapports déséquilibrés dans les contrats d investissement...10 2.2 Les expériences du Libéria et de l Éthiopie...10 3.0 Initiatives pour un meilleur encadrement des questions foncières...11 3.1 Les directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers de la FAO...11 3.2 L initiative conjointe de la Banque Mondiale, de la CNUCED, de la FAO et de IFAD...12 3.3 Les campagnes des ONG...13 3.4 Le projet de création de l observatoire régional sur le foncier de l UEMOA...13 4.0 La réponse parlementaire a l accaparement des terres en afrique de l ouest...14 4.1 La Déclaration des parlementaires...14 4.2 Le plan d action...16 5.0 Programme du seminaire...20 ii

1.0 Tendances et caractéristiques générales des investissements étrangers dans les terres agricoles et les ressources en eau en afrique de l ouest 1.1 Les caractéristiques principales des transactions foncières Les participants au séminaire ont eu l occasion de prendre connaissance des principales caractéristiques des transactions foncières en Afrique. Il est ressorti des présentations qu au cours de la dernière décennie, plus de 50 millions d hectares de terre en Afrique ont fait l objet de contrat de vente et de baux à long terme. Ces nouvelles vagues d investissements directs étrangers connus pour leur ampleur sont désignées par «accaparement des terres» et sont définies comme l acquisition par une entité d une surface de terres supérieure à 200 hectares ou deux fois la surface de la propriété médiane, selon le contexte national1. Ces transactions caractérisées par des contrats non transparents contribuent à compromettre les droits humains et ne respectent pas les principes de consentement libre, préalable et éclairé, au titre desquels les communautés concernées doivent être informées d un projet et en mesurer l ampleur avant de l approuver ou de le refuser. De plus, les évaluations approfondies des impacts sociaux, économiques et environnementaux ne sont guère prises en compte et ces projets se déroulent généralement sans planification démocratique, ni surveillance indépendante et participation véritable des acteurs intéressés, particulièrement les parlementaires. En octobre 2012, la «Land Matrix» de l ILC dénombrait pour 1107 transactions foncières documentées pour un total de 67.042.000 ha dans le monde. En effet, l Asie (27.902.236 ha) et l Amérique latine (3.360.697 ha) connaissent également ce phénomène, mais l Afrique subsaharienne est particulièrement touchée 34.195.189 ha. L intérêt pour les terres africaines en soi est un phénomène ancien qui connait une évolution avec la crise alimentaire et financière de 2008-2009 et l arrivée de nouveaux acteurs. En effet, aux ressources minières de grande valeur et matières premières, le continent attire une demande d investissements diversifiée à des fins commerciales, touristiques et plus récemment en production pour satisfaire les besoins alimentaires à l étranger et en biocarburant. Le manque et la rareté croissante des ressources en eau, l appât du marché de la compensation carbone comme les flux spéculatifs de capitaux sont autant de facteurs émergents, vecteurs de cet intérêt pour les terres africaines. 1 Définition de la notion «à grande échelle» par la Coalition internationale pour l accès à la terre. 1

1.2 Qui sont les investisseurs et quelles sont les forces motrices? Le profil et les motivations des investisseurs dans les terres agricoles ont été présentés aux parlementaires et suscités des questions d éclaircissements. En substance, les participants ont retenu que différents facteurs permettent d expliquer cet engouement pour les terres agricoles africaines. La hausse des cours du pétrole en 2007 et la crise alimentaire mondiale de 2007-2008 à laquelle s ajoute la crise financière mondiale, causée par la crise du crédit hypothécaire aux États-Unis qui a exacerbé une demande pour les investissements dits «alternatifs» dans des produits d investissement financiers nouveaux, telle que les infrastructures ou les terres sont les déterminants de l explosion de ce phénomène. Ces crises ont en effet conduit de nombreux investisseurs à changer leur appréciation des risques qu ils couraient et à placer des capitaux dans le secteur agricole. C est ainsi qu au cours de l année 2008, des banques d investissement, des fonds de pension, des gestionnaires de portefeuille, des fonds spéculatifs ont organisé des levées de capitaux et constitué des fonds d investissement spécifiquement tournés vers le secteur agricole. Les terres agricoles constituent un placement stratégique puisque leur valeur est indépendante des variations des autres actifs comme l or ou les devises. Le continent africain apparait alors comme un marché émergent en raison de l abondance des terres agricoles, d un climat propice à la production agricole, d une main-d œuvre bon marché et d un 2

prix de la terre dérisoire. Les ressources en eaux et les systèmes fonciers faibles ou inexistants caractérisés par une faible gouvernance sont autant de facteurs qui expliquent l attrait, la facilité et l ampleur des acquisitions en Afrique. Ainsi, la libéralisation économique et l augmentation de la demande alimentaire et énergétique mondiale ont poussé de nombreux acteurs économiques à investir dans les terres agricoles. Les destinations particulièrement visées en Afrique de l Ouest sont le Nigéria, le Ghana, la Sierra Leone, le Sénégal et le Mali. 25 20 15 10 5 0 Arabie Saoudite Chine Royaume Unis USA France Italie Norvège Pays-Bas Lybie Afrique du Sud Singapour Canada Espagne Inde Nigeria Suisse Thailande Emirats Arabe Unis Australie Burkina Faso Brésil Cote d'ivoire Allemagne Egypte Iran Qatar Suède Vietnam Reliable Total 1.3 La situation agricole en Afrique de l Ouest Les discussions se sont focalisées sur la situation spécifique dans la région de l Afrique de l Ouest. Les présentations ont ainsi permis aux participants de mieux saisir l ampleur du phénomène ainsi que les principaux enjeux. On sait en effet que la situation agricole et rurale de la région de l Afrique de l Ouest, contraste avec l immense potentiel agro économique dont dispose la région. L agriculture contribue pour plus de 35% à la formation du PIB et procure 15,3% des recettes d exportation. Elle emploie 70% de la population active. Quand bien même, elle est liée au marché international à travers un certain nombre de cultures telles que le café, le coton ou le cacao, l agriculture ouest-africaine demeure essentiellement orientée vers la consommation et les marchés domestiques. Elle repose sur l exploitation familiale qui assure 90% de la production. Les rendements sont en général très bas, les pertes après les récoltes élevées et la transformation faible. La production agricole est sujette aux aléas climatiques, aux attaques parasitaires ou à la dégradation des sols. 3

La région possède de grands fleuves et d immenses terres irrigables qui sont tout autant d atouts lorsque que l on sait que sur 71, 6 millions d hectares de terres cultivables, seuls 14 % sont utilisés. L investissement dans le secteur agricole est un impératif, notamment dans les petites exploitations agricoles, car il serait garant d un bien-être social et d un développement garanti. En Afrique de l Ouest, la tendance des investisseurs est de se focaliser sur les pays les plus pauvres, ayant une faible régulation du régime foncier, mais accordant une grande protection pour les investisseurs. Ces derniers ciblent les terres riches, facilement accessibles, bien dotées en eau et créent une forte concurrence avec les exploitations familiales. On constate aussi que 66 % des investissements agricoles réalisés ont lieu dans des pays où la famine est souvent récurrente. De ce fait, les impacts négatifs sont nombreux (éviction et déplacement des populations, conflits entre les communautés touchées et les investisseurs, problèmes d équité et justice sociales, impacts environnementaux considérables), alors que les impacts positifs sont pour le moment limités (accroissement des investissements, aménagement des terres, construction d infrastructures, équipements). De nombreux projets d investissements sont encore loin de réaliser les bénéfices escomptés pour les populations locales en termes d emploi, de transfert de compétences et de bien-être. 1.4 Les impacts de l accaparement des terres L impact socio-économique et environnemental de l accaparement des terres en Afrique a fait l objet de discussions animées. Les conditions qui s appliquent dans l attribution de terres arables et leurs conséquences sur la population ont suscité des interrogations chez les parlementaires sur l opportunité de ces nouveaux investissements. Les risques liés au phénomène d accaparement des terres concernent la perte de terres par les producteurs familiaux, avec pour corolaire l apparition de paysans sans terre, la suppression d emplois notamment dans les modes de production hyper mécanisés, la dégradation de l environnement, et la négation ou la méconnaissance des droits légitimes et intérêts stratégiques des populations des pays d accueil. Il est ressorti des débats que l investissement étranger ou national dans l agriculture peut et doit être bénéfique pour les pays de la région, mais qu il peut également avoir des conséquences désastreuses pour les populations s il n est pas bien encadré et règlementé. Plusieurs problèmes et enjeux ont été mis en lumière lors des discussions comme freinant la capacité des pays de la région à tirer profit de ces investissements. Le gouvernement hôte qui est propriétaire de la majeure partie des terres dans de nombreux pays africains joue un rôle prépondérant dans l affectation des baux fonciers. Les baux emphytéotiques d une durée oscillant entre 50 et 99 ans. Les ventes de terres sont guidées par l attrait de l investissement et poussent les gouvernements à faire bénéficier à l investisseur d une réglementation avantageuse, sans imposer en contrepartie des obligations suffisantes pour assurer la contribution de l investissement au développement durable. Il persiste une dualité des systèmes fonciers qui conduit à des situations conflictuelles. En effet, des populations locales cultivent et habitent ces terres sur la base de règles coutumières, bien qu elles ne possèdent pas de titre de propriété. 4

Leur éviction au profit de l investisseur tout comme les impacts environnementaux considérables interpellent à bien des égards les notions d équité et de justice sociale. Les femmes souffrent davantage, car elles sont évincées des prises de décisions et peu reconnues pour l apport au travail sur la terre. De plus la production à grande échelle généralise des modes de production industrielle dont les corollaires sont l élimination des petits producteurs qui ne peuvent rivaliser dès lors que les prix sont uniformisés, la perte de la culture et du savoir-faire des sociétés rurales, ainsi que l exode vers la ville. Par ailleurs, le contrôle parlementaire sur l acquisition des terres à grandes échelles est quasiment inexistant. Se pose alors la question du cadre réglementaire dont l efficacité permettrait à veiller à ce que les pays hôtes et leur population saisissent l investissement comme une opportunité. Car de la réponse que les acteurs politiques vont apporter au phénomène dépendent pour une large mesure, l avenir de l agriculture africaine et la paix sociale. Il est donc nécessaire de bien appréhender le phénomène, ses forces motrices, ses caractéristiques et ses tendances afin d envisager des mécanismes pertinents et efficaces de régulation. 1.5 L expérience de la Sierra Leone La situation de l accaparement des terres en Sierra Léone a été présentée aux parlementaires à travers une étude de cas. Cela leur a permis de percevoir de manière concrète les problèmes et défis liés à l accaparement des terres. L étude de cas a porté sur un investisseur suisse en Sierra Leone, Addax Bioenergy. Elle illustre les impacts négatifs des acquisitions de terres à grande échelle dans le pays. La présentation du contexte général a fait percevoir que la terre est question très controversée en Sierra Leone. Les entreprises opèrent dans un contexte général caractérisé par un faible contrôle parlementaire sur les transactions foncières à grande échelle, peu ou pas de transparence financière de la part les investisseurs, l absence d un plan d aménagement du territoire, ainsi que la faible capacité de suivi-évaluation des investissements à grande échelle dans le foncier par les structures étatiques. L étude elle-même a été menée par SiLNoRF (Sierra Leone Network on the Right to Food/le Réseau sierra-léonais sur le droit à l alimentation). La société Addax Bioenergy développe en Sierra Léone un projet intégré d agriculture pour produire de l éthanol et de l électricité. La société a loué 57.000 ha de terres pour une période de 50 ans. 13.617 personnes vivent dans des zones touchées par le projet. En premier lieu, les enquêtes de SILNORF ont démontré que le consentement libre, préalable et éclairé des communautés locales n a pas été respecté en pratique. En effet, les conseils juridiques ayant assisté les populations locales lors de la négociation du contrat ont été engagés et payés par Addax ; ce qui pose un problème de partialité. Au cours des négociations, Addax a fait des promesses juteuses, mais non obligatoires aux paysans, qui avaient peu ou aucune connaissance des termes du contrat de bail foncier. 5

En second lieu, plusieurs clauses du contrat sont problématiques dans la perspective du respect des droits de l Homme. Par exemple, une clause de contrat confère un droit à Addax d arrêter ou de modifier un cours d eau ou de restreindre l accès à un cours d eau. Cela constitue une ingérence dans le droit à l accès à l eau pour les usages domestiques de ceux qui vivent à l intérieur ou à proximité de la zone du projet tel que stipulé par la loi nationale de 1963 sur l eau. En troisième lieu, les droits des femmes ont été compromis par le projet. Elles n avaient pas leur mot à dire pendant les négociations du contrat de bail et leurs besoins spécifiques tels que l accès aux sources d eau et la distance vers des sites agricoles, les zones pour le bois de chauffe et les herbes médicinales, ou les marchés locaux, n ont pas été pris en compte. En outre, les possibilités d emplois non qualifiés pour les femmes de la région sont limitées et faiblement rémunérées. En dernier lieu, le projet a considérablement compromis le mode de vie et la sécurité alimentaire des communautés locales. Avec l acquisition de terres par ADDAX, la taille des exploitations a été réduite de manière significative conduisant ainsi à une réduction de la production alimentaire. 1.6 L expérience du Sénégal Les parlementaires ont pris connaissance également d une étude de cas sur le Sénégal. La présentation a mis en exergue que le pays connait une dépendance accrue par rapport aux importations de pétrole et aux importations alimentaires. Le gouvernement a alors décidé d explorer d autres options pour diversifier la production énergétique à travers un programme de biocarburants lancé depuis 2007. En théorie, la loi sur les biocarburants est favorable aux droits à l alimentation des populations, car elle assure expressément des garanties foncières aux nationaux, le respect de l équilibre entre différentes spéculations, la destination locale de la production, la nécessité d une étude d impact environnementale avant toute mise en œuvre. Mais la pratique est bien différente comme le démontre l étude de cas de deux projets d investissements italiens de biocarburant au Sénégal. Le premier projet porte sur la production de Senethanol/Senhuile. Elle est conduite par les sociétés ABE Italia et Tampieri Financial Group SPA. Le second projet porte sur la production et la transformation de Jatropha Technology. L investisseur est la société Tozzi Renewable Energy (TRE SPA). L analyse du processus d investissement et d acquisition foncière de ces deux projets et menée par l Initiative Prospective Agricole et Rurale (IPAR) a permis de tirer les conclusions suivantes. Les deux projets étaient caractérisés, entre autres, par une forte implication des autorités dans le processus d investissement (Ministères et APIX), et un manque de transparence dans le processus d acquisition foncière. Par ailleurs, la consultation des communautés locales était tronquée, car les investisseurs ont mis uniquement en exergue les emplois à créer et ont fait miroiter immédiatement des sommes dérisoires (150.000Fcfa) aux paysans pour obtenir leur consentement, tout en masquant les effets négatifs de l investissement. On a constaté alors un décalage entre les 6

positions des conseillers ruraux qui voulaient prendre le temps de la réflexion et les populations qui avaient uniquement en vue les indemnisations promises par les investisseurs. En définitive, le droit à une information préalable et éclairée n a pas été respecté. Par ailleurs, les plans d affaires des investisseurs étaient inappropriés ou prenaient peu en compte les intérêts des agriculteurs, notamment la sécurité alimentaire. Ce processus d acquisition foncière tronqué a fini par être préjudiciable aussi bien aux investisseurs qu à ceux qui ont cédé leurs terres. Les premiers ont dû faire face par la suite à l opposition des communautés locales lorsqu elles ont réalisé que les effets positifs escomptés du projet n étaient pas au rendez-vous. Les seconds ont rapidement regretté d avoir cédé aussi facilement leurs terres pour des sommes dérisoires et sans garanties d amélioration de leurs conditions de vie. Les effets socio-économiques des deux projets ont été dans l ensemble négatifs. Les projets ont créé des emplois souvent éphémères, très faiblement rémunérés (1500Fcfa à 3000Fcfa/j) et à un nombre très en deçà des promesses. De même, la perte de terres par les paysans et l impact sur la sécurité alimentaire (baisse production) ainsi que sur les femmes est importante. En l absence de toute étude d impact environnemental pourtant requis par la législation, les risques environnementaux n ont pas été évalués. Tous ces problèmes ont entrainé une forte opposition des populations au projet qui a entrainé des émeutes causant la mort de plusieurs personnes. À l arrivée, moins de 10% des surfaces allouées au projet ont été finalement aménagées par les investisseurs. Les études de cas de la Sierra Léone et du Sénégal ont suscité des questions et débats intéressants. Les parlementaires ont ainsi mieux percu les effets négatifs du phénomène de l accaparement des terres. Ils ont relevé la nécessité de mener des actions afin de mieux règlementer les investissements dans les terres agricoles pour le bien-être des populations. 2.0 Le rôle de l état régulateur Le rôle de l Etat en général et des parlementaires en particulier a été longuement discuté au cours du séminaire. Le constat général est que la planification tout comme le système de gestion du foncier par les gouvernements dans la région demeure faible et exacerbe le manque de capacité des institutions étatiques à surveiller ces acquisitions. Cependant, les présentations et discussions ont permis de réfléchir sur la manière de gérer la responsabilité des multinationales et les bonnes pratiques des gouvernements afin de «rentabiliser» l investissement. 7

2.1 Le cadre légal de l investissement étranger ou la problématique de la pyramide renversée LA BONNE APPROCHE Traités Contrats Droit national LA MAUVAISE APPROCHE Traités Contrats Droit national Il a été rappelé qu il existe trois sources de règles applicables aux investissements étrangers : les codes régissant les investissements et les contrats d investissement au niveau interne, et les traités de protection de promotion des investissements au niveau international. Idéalement, les codes devraient être les plus détaillés et les plus complets possible afin de laisser le moins de place possible aux négociations bilatérales dans les contrats ou les traités. Toutefois, la pratique montre que les codes détiennent la partie congrue de la règlementation au bénéfice des contrats et codes. 2.1.1 Des règlementations incomplètes dans les codes des investissements Les codes d investissement sont établis par les États et ont valeur de lois nationales. Leurs contenus précisent les conditions générales que l État réserve à l investissement étranger. Ces codes règlementent notamment les règles fiscales, sociales et environnementales qui s appliquent aux investissements et aux activités économiques auxquelles ces derniers donnent lieu. 8

Cependant, il a été mis en exergue lors des discussions que l une des grandes caractéristiques de la faible gouvernance des États réside dans les lois qui sont peu, voir pas, adaptés aux nouveaux contextes. Les codes ne vont pas toujours dans le détail de règlementation et les textes régissant l investissement étranger sont souvent hétérogènes et incohérents. Les multinationales qui opèrent dans un faible environnement juridique profitent davantage de ces faiblesses. De plus, les codes des investissements, afin d attirer les entreprises, prévoient systématiquement un régime favorable aux investisseurs, leur accordent des avantages fiscaux importants durant les phases d installations et d exploitations. De même, les parlementaires ont reconnu qu il existe généralement un contraste entre la règle et la pratique. En effet, même si la loi nationale accorde des garanties foncières aux nationaux et qu elle exige le respect de la destination locale de la production ou la nécessité d une étude d impact environnemental avant toute mise en œuvre ; la pratique à bien des égards est différente. Les règles restent généralement symboliques et le manque de transparence dans le processus d acquisition foncière et de mise en œuvre de ces projets contribue à cette situation. 2.1.2 Des droits extraordinaires dans les traités de protection des investissements Une introduction a été faite sur les traités de protection et de promotion des investissements encore appelés traités bilatéraux des investissements (TBI) lorsqu ils lient deux pays. Ce sont des accords internationaux passés entre des États. Ils établissent les droits que chaque État signataire s engage à accorder aux investisseurs/investissements de l autre État établis sur son territoire. Ces textes aménagent systématiquement des garanties importantes pour les investisseurs étrangers protégés. C est le cas notamment de l obligation de non-discrimination en faveur des investisseurs nationaux (obligation de traitement national) ou des investisseurs de pays tiers (obligation du traitement de la nation plus favorisée). C est le cas également de la clause relative à la protection de l investisseur contre l «expropriation sans indemnisation». Mais l une des garanties les plus décisives dans ces traités est celle de la possibilité accordée à l investisseur étranger de déclencher directement une procédure arbitrale contre l État d accueil pour violation alléguée des clauses du traité. Les arbitrages d investissement ont montré que ces traités, du fait de la formulation vague et large des obligations des étatiques, de la quasi-inexistence d exceptions ou clauses de sauvegarde pour la protection de l intérêt public, ou encore du système biaisé des arbitrages d investissements, peuvent limiter la marge de manœuvre des États à règlementer dans l intérêt public. Or, lorsque le coût d une potentielle indemnisation sur les finances publiques est insupportable, il y a de forts risques que l État d accueil renonce à introduire de nouvelles règlementations environnementales, sociales ou fiscales, fusse dans la poursuite d un développement durable. Ces traités, qui ont un effet permanent limitent donc largement la marge de manœuvre politique des États et notamment celle des parlementaires à adopter des lois plus rigoureuses ou protectrices des droits humains. Ce constat a directement interpellé les parlementaires qui ont manifesté le besoin de regarder de plus près ce type d accord à l avenir avant de les ratifier. 9

2.1.3 Des rapports déséquilibrés dans les contrats d investissement La question des contrats d investissement a suscité de nombreux débats et les parlementaires ont pu noter la diversité des approches nationales sur la question. Dans plusieurs pays de la région, le contrat d investissement est signé entre l investisseur étranger et l État ou l instance publique compétente. Dans d autres pays où les terres appartiennent aux communautés locales ou à des individus, la négociation se fait directement entre personnes privées dans un contexte qui ne permet pas toujours de s assurer du respect des droits de l homme ou de la signature d un contrat équilibré. Dans tous deux cas, le contrôle des parlementaires sur ces contrats sont très minimes ou inexistants dans la majorité des États du fait des règles constitutionnelles de répartitions des pouvoirs. Toutefois, dans certaines législations, les contrats d une certaine envergure doivent être avalisés par le parlement. Les parlementaires ont noté que le renforcement de capacités des négociateurs dans le cadre des contrats d investissement et des traités de protection et promotion des investissements demeure un enjeu pour les pays africains, car il permettra de mettre fin à la conclusion de textes désavantageux pour les États et les communautés. 2.2 Les expériences du Libéria et de l Éthiopie Il est ressorti unanimement des débats que la transparence et le fait de rendre publiques ces transactions contribuent à assurer les conditions d une consultation préalable et éclairée et garantissent le succès des projets. Dans cette perspective, deux présentations ont été faites sur les actions menées en ce sens par le Libéria et l Ethiopie. Le Liberia a montré la voie à suivre en matière de transparence des contrats d investissements. Dès 2009, le gouvernement a introduit la loi sur l Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (Extractive Industry Transparency Initiative Act/the LEITI Act). Cette loi exige la publication sur le site internet de la LEITI de tous les contrats et permis en cours de validité, ainsi que leur réexamen. Le gouvernement du Liberia a également amélioré l efficacité et la transparence du secteur public en appliquant une stratégie de réforme de la gestion des finances publiques et en installant des systèmes de gestion de l information. L option du pays a été d une part de renégocier les vieux contrats de concessions afin de les moderniser au bénéfice du pays et des citoyens, et d autre part de privatiser les anciennes plantations inexploitées pour y injecter immédiatement des capitaux. La renégociation des contrats de concession a permis d inclure des obligations aux investisseurs pour améliorer le niveau de vie des populations. C est le cas par exemple de la construction d écoles primaires gratuites et de centre de santé, de l augmentation de l accès à l eau potable, ou de l obligation d écouler 20 à 25% de la production sur le marché local. Mais de nombreux problèmes demeurent. En particulier, le développement et le maintien des capacités institutionnelles et humaines restent un défi. L acquisition des terres à grande échelle est une question particulièrement controversée en Éthiopie. D ailleurs, l expérience de l Éthiopie a suscité des interrogations d un certain nombre de participants pendant le séminaire en raison de certaines expériences négatives dans le pays. Le gouvernement éthiopien a reconnu ces derniers temps que des erreurs ont été commises par le passé et fait des efforts remarquables pour rectifier ces erreurs et introduire des 10

réformes. Ainsi, suite à des réformes agraires, le code des investissements a été modifié, des nouvelles lois ont été mises en place, et des d agences chargées de suivre les projets d investissements ont été créée. L amélioration des règlementations tout comme la création d agences spécialisées ont créé des conditions d une meilleure acceptation sociale des investissements en rendant transparent le processus, notamment le type de modèle d affaires et l engagement de l investisseur. Ce processus s est également accompagné d un renforcement de capacité des agents chargé de la gestion du foncier. 3.0 Initiatives pour un meilleur encadrement des questions foncières Plusieurs initiatives ont été examinées et discutées lors du séminaire, notamment l Initiative sur les politiques foncières de l UA-CEA-BAD, les directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers de la FAO, les principes pour des investissements agricoles responsables de la CNUCED-FAO-IFAD-BM, les campagnes de la société civile et le projet de l observatoire régional sur le foncier de l UEMOA. 3.1 Les directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers de la FAO Le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) à l Organisation des Nations unies pour l alimentation et l agriculture (FAO), qui débat des questions centrales touchant à la sécurité alimentaire mondiale, a adopté en mai 2012, après un processus de consultation d une période de trois ans, les «Directives volontaires pour une gouvernance responsables des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale». Ces directives ont pour but de fournir des recommandations, principalement aux gouvernements, sur la manière d améliorer le développement et la mise en œuvre des droits fonciers et des systèmes de gouvernance en matière foncière. Mais ces directives demeurent volontaires et ne remplacent pas les lois et les traités en matière foncière. Le rôle accru de la société civile, la vigilance des gouvernements comme l interpellation des parlementaires demeurent donc primordiaux afin de garantir que les investissements étrangers directs conduisent à une croissance économique dont les retombées bénéficient au plus grand nombre. On note également que le 22 octobre 2012, le CSA a décidé de lancer un processus de consultation de deux ans pour développer des principes pour l investissement responsable dans l agriculture qui respecte les droits de l homme, les moyens de subsistance et les ressources. Le CSA a pour objectif de servir de plate-forme inclusive pour les parties prenantes à travailler ensemble pour relever des politiques qui favorisent la sécurité alimentaire et la nutrition. Les principes sont destinés à compléter les Directives volontaires pour une Gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale. 11

3.2 L initiative conjointe de la Banque Mondiale, de la CNUCED, de la FAO et de IFAD La CNUCED (Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement), la FAO (Fond des Nations Unies pour l Alimentaire et l Agriculture), IFAD (International Fund for Agriculture Development/Fond International pour le Développement de l Agriculture) et la Banque mondiale ont élaboré conjointement un ensemble de principes pour des investissements agricoles responsables qui respectent les droits, les moyens de subsistance et les ressources (PRAI). Le PRAI comprend sept principes qui couvrent tous les types d investissement dans l agriculture, y compris entre les investisseurs principaux et les agriculteurs sous contrat. Dans de nombreux cas, aucun achat de terrains ou de concessions n est impliqué. Les Principes sont fondés sur des recherches détaillées sur la nature, l étendue et l impact des investissements du secteur privé et les meilleures pratiques en matière de droit et politique d investissement. Ils sont destinés à tirer les leçons apprises et fournir un cadre pour les réglementations nationales, les accords d investissement internationaux, les initiatives mondiales pour la responsabilité sociale des entreprises et les contrats individuels des investisseurs. Le rôle des institutions financières comme la Banque Mondiale ou ses institutions affiliées est primordiale et fait l objet de discussions. En effet, la Société Financière Internationale (SFI) finance des projets d investissements qui peuvent aboutir à l accaparement des terres. Sur ce point, il a été porté à la connaissance des participants que la Banque mondiale a mené une enquête sur 179 projets d investissement agricole dans 32 pays, qui ont été financés par une Banque de développement, la Commonwealth Development Corporation, entre 1948 et 2000 (Tyler et Dixie, 2012). La Banque a constaté que cinquante pour cent des projets ont été classés comme des échecs ou des échecs modérés en termes financiers. La principale raison de l échec des projets est que le concept était voué à l échec, par exemple une mauvaise localisation, des cultures inadaptées, ou des hypothèses de planification trop optimistes. D autres projets ont échoué en raison d une mauvaise gestion ou d événements inattendus dans le pays d accueil, comme la guerre civile. Les projets les plus réussis ont utilisé le plan d affaires basé sur le système de plantation industrielles, par lequel un investissement est réalisé dans une usine de transformation, puis les contrats commerciaux sur la production de matières premières sont conclus avec les petits exploitants La Banque mondiale a ainsi tiré des leçons pour les bonnes pratiques en matière d investissement agricoles. Ainsi, elle recommande aux gouvernements des pratiques à reproduire ou à éviter. Les pays devraient faire un choix éclairé pour le type d investissement dans l agro-industrie, être plus exigeants concernant les investisseurs et le modèle d entreprise, avoir un processus d examen systématiquement des investissements, encourager les solutions alternatives aux investissements à grande échelle, et avoir un plan B en cas d échec de l investissement. Au contraire, il leur est demandé de ne pas offrir plus d incitations aux investisseurs étrangers qu aux locaux, de ne pas faire des mégas transactions foncières, de ne pas parier sur un modèle unique d entreprise surtout lorsqu il n a pas encore été expérimenté ailleurs, de ne pas permettre aux gens d avoir des terres sans faire des investissements productifs, ou de transgresser la règlementation foncière existante. 12

3.3 Les campagnes des ONG Les parlementaires ont pris note également avec grand intérêt que les ONG font des recommandations à l intention des institutions financières internationales. Ainsi, OXFAM, avec le soutien du Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs de l Afrique de l Ouest (ROPPA), la Plateforme Sous Régionale des Organisations Paysannes d Afrique Centrale (PROPAC), Actionaid, l Association de coopération et de recherche pour le développement (ACCORD), et la Fédération des fermiers de l Afrique de l est (EAFF), mène une campagne contre l accaparement des terres. À travers cette campagne dénommée «Stop à l Accaparement des terres, notre terre, notre vie», OXFAM et ses partenaires demandent à la Banque Mondiale de geler pendant six mois tous les prêts accordés par l ensemble du Groupe à des projets qui font intervenir ou permettent des acquisitions de terres agricoles à grande échelle; examiner (et rendre publics les résultats de cet examen) les investissements existants du Groupe de la Banque mondiale qui englobent ou rendent possibles les acquisitions de terres; de s assurer que les politiques de mise en valeur du marché du foncier, ne sont et ne seront pas établies au détriment des personnes vulnérables, notamment les femmes, et d examiner les politiques des États en rapport avec le Cadre et les directives sur les Politiques foncières en Afrique et les Directives volontaires des Nations Unies pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, à la pêche et aux forêts. 3.4 Le projet de création de l observatoire régional sur le foncier de l UEMOA Dans la région, l UEMOA, comme ont pu le constater les participants au séminaire, est également active sur la question de l accaparement des terres. En effet, cette institution, en collaboration avec l Initiative sur les politiques foncières de l Union Africaine, la Commission Economique pour l Afrique et la Banque Africaine de Développement (UE-CEA- BAD), a prévu de mettre en place un observatoire régional sur le foncier. L observatoire jouera un rôle d information, d alerte en matière foncière et d aide à la décision en matière d harmonisation progressive des politiques et d appuiconseil en matière de politique foncière. L observatoire devrait également contribuer à l identification concertée de thématiques à approfondir, à la mise en place de groupes de travail et à l organisation d ateliers techniques périodiques. Elle permettra aux pays membres de l UEMOA d avoir à terme un positionnement commun sur les questions foncières stratégiques telles que celles relatives à la nouvelle ruée les terres ou celles relatives aux changements climatiques, au genre (accès des femmes à la propriété foncière) et aux groupes vulnérables (jeunes), etc. Un autre volet que prendrait en charge l observatoire serait l élaboration et l expérimentation d indicateurs communs de suivi-évaluation des politiques et législations. Une étude de faisabilité permettra de définir les contours institutionnels de l observatoire, préciser son champ d intervention et les modalités de son fonctionnement. 13

4.0 La réponse parlementaire a l accaparement des terres en afrique de l ouest Au terme du séminaire, les parlementaires ont adopté une déclaration et un plan d action. 4.1 La Déclaration des parlementaires Nous, membres du Parlement Panafricain, membres du Comité interparlementaire de l Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, membres du Parlement National du Bénin ; Nous appuyant sur les débats qui ont eu lieu au séminaire organisé conjointement par le Parlement Panafricain, le Comité interparlementaire de l Union Economique et Monétaire Ouest Africain et le Parlement National du Bénin sur le thème «tirer profit des investissements en Afrique : la réponse parlementaire à la ruée vers les terres» tenu les 4 et 5 octobre 2012 à Cotonou au Bénin; Conscients de la nécessité d investir dans le développement de l Afrique, en particulier dans le secteur agricole et dans les zones rurales; Notant avec une vive inquiétude l augmentation récente d accaparements des terres, ainsi que l impact de l investissement direct étranger et local sur le foncier, les ressources en eau et les ressources naturelles connexes; Inquiets des impacts négatifs sur les droits humains, en particulier les populations vulnérables et les femmes ; Préoccupés à garantir l accès à la terre pour tous les usagers dans le but d améliorer la production agricole et améliorer les conditions de vie des populations ; Conscients de l importance de l atteinte des objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ; Reconnaissant l importance de défendre et de promouvoir les principes d égalité et d équité chez nos peuples; Reconnaissant la Déclaration sur les Problèmes et les Enjeux fonciers en Afrique, le Protocole à la Charte Africaine des droits de l homme et des peuples relatifs aux droits des femmes en Afrique, la Déclaration solennelle sur l égalité des genre en Afrique, le Cadre et Lignes Directrices sur les politiques foncières et le Plan d action de Nairobi ; Reconnaissant les Directives Volontaires pour une Gouvernance Responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts; Soulignant l importance de la Déclaration de Maputo de 2003 sur l Agriculture et la Sécurité Alimentaire en Afrique, en particulier l engagement de consacrer 10 % du budget national à la mise en œuvre des politiques agricoles et de développement rural; 14

Nous demandons : 1. Aux États membres de l Union Africaine signataires de la Déclaration de Maputo de 2003 sur l Agriculture et la Sécurité Alimentaire en Afrique de respecter leurs engagements ; 2. Aux États membres de l UEMOA et de la CEDEAO, de réagir de toute urgence au présent phénomène et de mettre en œuvre des réformes de politiques foncières sur la bonne gouvernance foncière inspirées des initiatives existantes de l UA, du Comité de la Sécurité Alimentaire Mondiale et de la FAO ; 3. Aux États membres de mettre en place une législation sur les investissements directs étrangers et locaux relatifs à la terre, aux ressources en eau et aux ressources naturelles connexes qui garantit les bénéfices de l investissement pour le peuple africain et le développement durable. Ceci implique entre autres : a. l obligation juridiquement contraignante et exécutoire pour l investisseur de contribuer à l économie locale et au bien-être de la société; b. la réduction de la pauvreté, l amélioration de la sécurité alimentaire, la protection de l environnement; c. l accroissement de l emploi sur les plans quantitatif et qualitatif ; d. le renforcement des capacités, l amélioration des infrastructures et le transfert des technologies ; e. les consultations préalables avec les communautés locales et les différentes personnes affectées par les projets d investissement et l approbation des investissements à la suite du consentement éclairé et librement obtenu des communautés concernées ; 4. Aux Etas membres d améliorer le système de certification et d enregistrement des terres qui tienne compte préalablement à l investissement foncier des différents systèmes agricoles en particulier du droit coutumier, des droits des femmes et des droits des communautés; 5. À la Conférence des Chefs d États et de Gouvernement la mise en place d une Conférence Ministérielle Africaine sur les investissements fonciers, à l instar de la Conférence ministérielle africaine sur l environnement (CMAE) et du Conseil des Ministres Africains chargé de l Eau (AMCOW) ; Nous nous engageons à : 1. Œuvrer au niveau des parlements communautaires à faire adopter des directives. 2. Œuvrer en vue de la transparence des contrats et des traités sur les investissements directs étrangers et locaux portant sur les terres en les rendant disponibles au public en temps opportun ; 3. Organiser des plateformes et des ateliers régionaux avec toutes les parties prenantes dans le but de les sensibiliser au problème d accaparement des terres et d appuyer les initiatives africaines visant à améliorer les systèmes de gouvernance foncière efficaces et les investissements étrangers ; 15

4. Revoir les législations existantes et initier de nouvelles règles afin de renforcer les lois nationales relatives aux investissements directs étrangers et locaux sur l eau et les terres agricoles ; 5. Soutenir les centres d excellence, y compris les institutions de recherche afin qu ils rassemblent des informations sur les investissements fonciers en cours et partagent ces informations dans des formats accessibles avec les décideurs, les parlementaires, la société civile et les communautés concernées ; 6. Organiser au niveau de chaque parlement national des plaidoyers lors de l étude et du vote du budget général de l État en vue d obtenir l application des principes de Maputo de 2003. 4.2 Le plan d action Cotonou, 5 octobre 2012 Définissant la réponse des parlementaires aux investissements étrangers dans les terres agricoles et l eau, les participants ont élaboré un plan d action commun qui tend à identifier les priorités et des initiatives concrètes au niveau national, régional et panafricain. Ce plan d action porte sur trois priorités d action, à savoir : 1. La transparence et l accès à l information sur l investissement direct étranger ; 2. Des programmes de sensibilisation et des campagnes publiques ; 3. Des nouvelles législations et réglementations améliorées. 1. Sensiblisation et acces a l information Objectifs : veiller à ce que des informations sur les projets d investissement étrangers soient rendues publiques, y compris les contrats, les évaluations d impact environnemental et social, les accords communautaires et les redevances. Identifier le rôle des parlementaires dans la ratification des contrats d investissement et des traités. 16

Observation : Recherche de fonds ACTIVITÉS PRIORITAIRES 1. Collectionner et mettre à disposition des parlementaires le diagnostic régional (en français et anglais) 2. Faire des études régionales, des recherches sur les projets et les contrats 3. Etablir un état des lieux (contrats, transactions foncières, recensement de toutes les initiatives existantes ou en cours, recensement des personnes ressources) GROUPES CIBLES Parlementaires, Exécutif Les collectivités décentralisées, le Conseil Economique et Social 4. Sensibilisation Informer un plus grand nombre de députés, les communautés à la base, l exécutif, collectivités locales 5. Promouvoir l accès des parlements aux contrats signés et en cours de négociation dans les pays et les publier 6. Plaidoyer pour que les parlements soient associés à tout le processus de négociation et ratification des contrats RESPONSABLES/ PARTENAIRES Institutions de recherches, Organisations internationales, société civile, Parlementaires Réseaux de producteurs Parlement, Organisations paysannes, Ministère de l Agriculture, Commissions parlementaires, réseaux parlementaires Instituts de recherche, organisations paysannes, STRATÉGIES Mission d enquête sur le terrain, Mettre à niveau les parlementaires Recensement documentaire au niveau national et régional Identifier les initiatives en cours et établir les partenariats Radios communautaires, médias, Restitution de l état des lieux 17

2. Transparence Objectifs : Entreprendre des discussions dans les parlements nationaux, des consultations avec les communautés locales, et la mise en place des commissions d enquête. ACTIVITÉS PRIORITAIRES GROUPES CIBLES RESPONSABLES STRATÉGIES 1. Initier et faire adopter des lois sur la transparence en matière de gestion du foncier et la publication des contrats et études d impacts 2. Mise en place d observatoires nationaux 3. Interpeller la commission de l UEMOA sur la mise en place de l observatoire régional du foncier Services techniques de l État Investisseurs Collectivités locales Populations Comité interparlementaire (CIP) de l UEMOA et le parlement de la CEDEAO Sociétés civiles Comités Inter parlementaires Parlementaires Concertation et recensement de toutes les expériences en matière de transparence Identifier les acteurs Faire le point des initiatives S inspirer des bonnes pratiques 3. Nouvelles legislations/reglementations Objectifs : Veiller à adopter de nouvelles législations ou amender celles qui existent afin de renforcer les lois nationales relatives à l investissement étranger, les pratiques agricoles, la gestion de l eau, l emploi, la santé, la sécurité et les réglementations environnementales. Faire le suivi de l avancement des projets d investissement et contrôler leur conformité aux obligations énoncées dans le droit interne et le contrat d investissement. ACTIVITÉS PRIORITAIRES 1. Finalisation des textes fonciers et mettre en place un cadre juridique et adéquat (relecture des textes sur le foncier) JUSTIFICATIONS GROUPES CIBLES RESPONSABLES OBSERVATIONS Doter le pays d un cadre juridique adéquat et pertinent Parlement et exécutif, commission permanente parlementaire sur les questions agricoles foncières Concertation et réactivation des processus entamés ; Partenariat avec le «Land Policy Initiative» 18

2. Faire un état des lieux du cadre juridique au niveau national et régional 3. Initier une directive de l UEMOA sur la question des investissements fonciers, Cadre et Lignes Directrices de l UA Gouvernement commissionne des organes indépendants concernés, Commission de l UEMOA et de la CEDEAO, Commission du Parlement Panafricain, Commissions Parlementaires nationales Concertation avec la Commission de l UEMOA Participation aux «Task Force régionales» 4.Adopter des lois qui rendent la publication des contrats et études d impact obligatoire Parlements nationaux et comités interparlementaires régionaux, Appui de l expertise nationale, régionale et internationale (LPI, IISD, etc). Exécutif Investisseurs États Investisseurs 5. Utiliser toutes les dispositions légales existantes rendant la consultation des parlementaires obligatoire avant toute conclusion de contrat d investissement foncier ou adopter des lois 6. Créer des groupes thématiques parlementaires sur le foncier et l investissement (points focaux) 19

5.0 Programme du seminaire PREMIERE JOURNÉE : mardi 4 octobre 2012 9HOO-10H00 Séance plénière 10H00-11H00 Séance plénière 13H00 14h30 14 h30-16heures Séance plénière 16H00-16H15 16:15 18:00 Séance plénière 19H 00 Allocution de bienvenue : Président du Parlement panafricain Président du Comité inter- parlementaire de l Union économique et monétaire de l Afrique de l Ouest (UEMOA) Président de l Assemblée nationale du Bénin Objectifs et méthodologie Mme Marguerite Monnet, Facilitatrice Que se passe-t-il en Afrique de l Ouest? Un aperçu des investissements étrangers dans le domaine des terres agricoles et des ressources en eau Aperçu : tendances, facteurs, caractéristiques principales des transactions foncières, et impacts sur le genre, Prof. Moussa Djiré, Expert juridique, Université de Bamako, Mali Principaux investisseurs étrangers dans la région de l Afrique de l Ouest, Dr Ward Anseeuw, Université de Pretoria et Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), Afrique du Sud Débats Déjeuner Comment les gouvernements réagissent? La Loi sur la transparence dans le domaine des investissements au Liberia, Hon. Ciata A. Bishop, Directrice excécutif, Commission Nationale de l investissement du Liberia (via téléconference) L expérience de l Éthiopie relative à l amélioration de l investissement dans le domaine de l agriculture, M. Bezualem Bekele Mogessie, Responsable de l Unité de l Administration foncière, Ministère éthiopien de l Agriculture Discussion Pause-café Vers un modèle de contrat d investissement : Un examen plus approfondi des contrats existants entre les gouvernements et les investisseurs et comment améliorer les pratiques actuelles. Dr. Suzy Nikièma, Conseillère juridique, et Carin Smaller, conseillère en agriculture et investissement, Institut international du développement durable (IISD) Débats et observations Dîner et distribution du projet de déclaration (déclaration réservée seulement aux parlementaires) 20