Guide pratique pour la réalisation de Listes rouges régionales des espèces menacées. Méthodologie de l UICN & démarche d élaboration



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Ouvrage publié par le Comité français de l UICN, Paris, France. Citation : UICN France (2011). Guide pratique pour la réalisation de Listes rouges régionales des espèces menacées - Méthodologie de l UICN & démarche d élaboration. Paris, France. Ouvrage disponible en téléchargement à l adresse : www.uicn.fr/listes-rouges-regionales.html Disponible en version papier auprès de : Comité français de l UICN 26, rue Geoffroy Saint-Hilaire 75005 Paris - France Tel : 01 47 07 78 58 Droits de reproduction : La reproduction à des fins non commerciales, notamment éducatives, est permise sans autorisation écrite à condition que la source soit dûment citée. La reproduction à des fins commerciales, et notamment en vue de la vente, est interdite sans autorisation écrite préalable du Comité français de l UICN. Conception & création : Trait de Caractère(s) / 04 71 43 03 89 / www.atdc.eu Imprimé par : Imprimerie Caractère / 04 71 48 05 46 / www.caractere-sa.fr ISBN : 978-2-918105-14-5 Dépôt légal : Septembre 2011 Photos de couverture : Ambrette des sables Olivier Gargominy ; Anguille européenne Denis Poracchia ; Azuré de la croisette David Demerges ; Grenouille verte de Lessona Jean-Pierre Vacher ; Hygrophore en capuchon Pierre-Arthur Moreau / SMF ; Laîche de Buxbaum Mario Klesczewski ; Milan royal Christian Aussaguel / LPO ; Phoque veau-marin Picardie Nature ; Pique-prune Olivier Vinet / ONF ; Sabot de Vénus Philippe Feldmann / SFO

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Contributions et remerciements Auteurs : Aurore Cavrois (UICN France) & Florian Kirchner (UICN France) Sous la direction de : Sébastien Moncorps (UICN France) Contributions : La réalisation de ce guide pratique s inscrit dans le cadre du projet d appui à l élaboration des Listes rouges régionales des espèces menacées, mené en partenariat par le Comité français de l UICN, le Muséum national d Histoire naturelle, la Fédération des conservatoires botaniques nationaux et la fédération France Nature Environnement. Les lignes directrices concernant l application de la méthodologie de l UICN à l échelle des régions administratives françaises ont été nourries par les réflexions méthodologiques conduites avec le Service du patrimoine naturel du MNHN et le réseau des Conservatoires botaniques nationaux. Ce document a été réalisé avec la contribution d acteurs régionaux ayant participé à la réalisation de Listes rouges régionales et avec l appui des experts de la Commission de sauvegarde des espèces du Comité français de l UICN. Remerciements aux contributeurs : Philippe Antonetti (CBN Massif Central), Stéphane Aulagnier (SFEPM), Sophie Auvert (CBN Bassin Parisien), Julien Birard (Natureparif), Vincent Boullet (CBN Massif Central), Grégory Caze (CBN Sud-Atlantique), Gilles Corriol (CBN Pyrénées et Midi-Pyrénées), Annabelle Cuttelod (UICN / Red List Unit), Cyrille Deliry (CORA Faune Sauvage), Bruno Dutrève (FCBN), Sébastien Filoche (CBN Bassin Parisien), Christelle Galindo (UICN France), Barbara Gérard (Fédération de pêche Loire-Atlantique), Guillaume Gigot (FCBN), Patrick Haffner (MNHN / SPN), Vanessa Hequet (IRD), Xavier Houard (OPIE), Laetitia Hugot (CBN Corse), Gérard Largier (CBN Pyrénées et Midi-Pyrénées), Sylvie Magnanon (CBN Brest), Benoît Marchadour (LPO), Pierre Migot (ONCFS), Jean Olivier (FCBN), Jean-Louis Pratz (FNE), Dominique Py (FNE), Jean-Philippe Siblet (MNHN / SPN), Alain Thiéry (Université de Provence), Jean-Marc Thiollay (LPO), Jacques Trouvilliez (MEDDTL), Patrick Williot (indépendant). 2

Sommaire Avertissement... 5 Introduction... 6 1/ Méthodologie... 8 1. Principes généraux de la méthodologie de l UICN... 8 a) Points-clefs... 8 b) Echelles d évaluation...12 c) Données à mobiliser...13 d) Utilisation des critères A à E...15 e) Utilisation des catégories NT, RE et DD...18 f) Précisions sur les facteurs de classement...20 Individus matures (critères A, B, C et D)...20 Réduction et déclin continu (critères A, B et C)...21 Temps de génération (critères A, C et E)...22 Zone d occurrence et zone d occupation (critères A, B et D)...24 Localités (critères B et D)...30 Fragmentation sévère (critère B)...32 Fluctuations extrêmes (critères B et C)...32 2. Application régionale des catégories et critères...34 a) Sélection des taxons soumis au processus d évaluation...34 b) Etape 1 : évaluation initiale...37 c) Etape 2 : ajustement de la catégorie préliminaire...37 2/ Démarche...42 1. Approche partenariale et évaluation collégiale...42 2. Mise en œuvre...43 3. Principales étapes...44 4. Validation...46 5. Communication des résultats...47 Annexes... 49 1. Grille de synthèse des critères de l UICN pour la Liste rouge...50 2. Modalités d obtention de la labellisation de l UICN France...52 3. Notation standard des critères de classement...54 4. Charte des couleurs pour les catégories de la Liste rouge...55 3

4

Avertissement L UICN a publié en 2001 1 et en 2003 2 deux guides de référence, le premier définissant la méthodologie pour l élaboration de la Liste rouge des espèces menacées au niveau mondial, le second décrivant les modalités d application de cette méthodologie à l échelle de régions du monde. Le présent guide a pour but de prolonger les informations contenues dans ces deux publications, en apportant des précisions et des recommandations spécifiques à l application de la méthodologie de l UICN au niveau des régions administratives de France métropolitaine 3. La lecture des Catégories et critères de l UICN pour la Liste rouge et des Lignes directrices pour l application, au niveau régional, des critères de l UICN pour la Liste rouge est donc un préalable nécessaire à la compréhension et à l utilisation de ce guide pratique. Dans la suite du document, ces deux ouvrages sont désignés par les mentions «Guide UICN 2001» et «Guide UICN 2003». Des précisions pour l application de la méthodologie de l UICN sont également fournies par les Lignes directrices pour l utilisation des catégories et critères de l UICN 4. Ce document est désigné par la suite par la mention «Guide d utilisation 2011». 1. UICN (2001). Catégories et critères de l UICN pour la Liste rouge : Version 3.1. Commission de la sauvegarde des espèces de l UICN. UICN, Gland (Suisse) et Cambridge (Royaume-Uni). Document disponible en téléchargement à l adresse www.uicn.fr/listes-rouges-regionales.html 2. UICN (2003). Lignes directrices pour l application, au niveau régional, des critères de l UICN pour la Liste rouge. Commission de la sauvegarde des espèces de l UICN. UICN, Gland (Suisse) et Cambridge (Royaume-Uni). Document à télécharger sur www.uicn.fr/listes-rouges-regionales.html 3. Les différentes collectivités françaises d outre-mer font déjà l objet d évaluations organisées dans le cadre de la Liste rouge nationale des espèces menacées. 4. IUCN Standards and Petitions Subcommittee (2011). Guidelines for using the IUCN Red List categories and criteria. Version 9.0. Document en anglais régulièrement actualisé, à télécharger sur www.iucnredlist.org (rubrique Resources / Red list training). 5

Introduction La Liste rouge de l Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) constitue l inventaire mondial le plus complet sur la situation globale des espèces végétales et animales. Ses principaux objectifs sont de hiérarchiser les espèces en fonction de leur risque de disparition, d offrir un cadre de référence pour surveiller l évolution de leur situation, de sensibiliser sur l urgence et l importance des menaces qui pèsent sur la biodiversité, et de fournir des bases cohérentes pour orienter les politiques publiques et identifier les priorités de conservation. La Liste rouge mondiale des espèces menacées 5 se présente sous la forme d une base de données en ligne régulièrement actualisée, exposant la situation d environ 59 500 espèces (version 2011.1) parmi les 1,8 millions d espèces connues. L élaboration de la Liste rouge de l UICN s appuie sur une série de critères précis pour évaluer le risque d extinction de chaque espèce ou sous-espèce, sur la base des meilleures connaissances disponibles. Cette méthodologie est issue d un vaste processus de concertation et de validation, mené durant plusieurs années par les experts de la Commission de sauvegarde des espèces de l UICN. Elle a par la suite été complétée par la publication de lignes directrices permettant son application à différentes échelles, notamment nationale et régionale. Au niveau national, la Liste rouge des espèces menacées en France 6 est réalisée par le Comité français de l UICN et le Muséum national d Histoire naturelle (MNHN), en collaboration avec de nombreuses organisations. Elle se décline en chapitres taxonomiques (mammifères, plantes vasculaires, crustacés d eau douce, rhopalocères ) et géographiques (métropole, Réunion, Guadeloupe, Nouvelle- Calédonie ). Sa réalisation associe les organisations disposant d une expertise et de données fiables sur le statut de conservation des espèces et repose sur l expertise de nombreux naturalistes et scientifiques. Cet inventaire de référence contribue à mesurer l ampleur des enjeux, les progrès accomplis et les défis à relever pour la conservation des espèces en France. Au niveau des régions administratives de France métropolitaine, de plus en plus de démarches d élaboration de Listes rouges régionales voient le jour, destinées à fournir des inventaires des espèces menacées et à guider les politiques régionales de conservation. 5. Site internet : www.iucnredlist.org 6. Résultats consultables sur : www.uicn.fr/liste-rouge-france.html 6

Afin de garantir la cohérence des résultats entre les différentes Listes rouges régionales d une part, et entre les Listes rouges régionales et la Liste rouge nationale d autre part, l utilisation d une méthodologie et d une démarche communes est indispensable. L objectif de ce guide est d apporter des informations utiles à la réalisation de Listes rouges régionales des espèces menacées, basées sur la méthodologie de l UICN et sur une démarche commune d élaboration. Le guide apporte des précisions sur l application de la méthodologie à l échelle d une région administrative française, fournit des réponses aux principales interrogations que se posent les acteurs réalisant des Listes rouges régionales et présente la démarche partenariale et collégiale à mettre en œuvre pour leur élaboration. 7

Méthodologie Principes généraux de la méthodologie de l UICN La méthodologie à appliquer pour l élaboration d une Liste rouge régionale selon les catégories et critères de l UICN est intégralement décrite dans le Guide UICN 2001 et le Guide UICN 2003. Des précisions sur l application de la méthodologie à des groupes d espèces particuliers sont également disponibles dans le Guide d utilisation 2011. Points-clefs La Liste rouge des espèces menacées constitue un état des lieux visant à dresser un bilan objectif du degré de menace pesant sur les espèces à l échelle d un territoire donné. Elle permet de mesurer le risque de disparition d une région des espèces de la flore, de la fonge et de la faune qui s y reproduisent en milieu naturel ou qui y sont régulièrement présentes. Selon la méthodologie de l UICN, chaque espèce ou sous-espèce peut être classée dans l une des 11 catégories de la Liste rouge en fonction de son risque de disparition de la région considérée (Figure 1). EX EW RE Eteinte au niveau mondial Eteinte à l'état sauvage Disparue au niveau régional CR EN VU En danger critique En danger Vulnérable NT Quasi menacée LC Préoccupation mineure DD NA NE Données insuffisantes Non applicable Non évaluée 8 Figure 1. Présentation des catégories de l UICN utilisées à une échelle régionale (d après les Guides UICN 2001 & 2003)

Les 11 catégories de l UICN pour les Listes rouges régionales Les catégories Eteinte (EX) et Eteinte à l état sauvage (EW) correspondent à des espèces éteintes à l échelle mondiale. La catégorie Disparue au niveau régional (RE) s applique à des espèces ayant disparu de la région considérée mais subsistant ailleurs. Les trois catégories En danger critique (CR), En danger (EN) et Vulnérable (VU) rassemblent les espèces menacées de disparition. Ces espèces sont confrontées à un risque relativement élevé (VU), élevé (EN) ou très élevé (CR) de disparition. La catégorie Quasi menacée (NT) regroupe les espèces proches de remplir les seuils quantitatifs propres aux espèces menacées, et qui pourraient devenir menacées si des mesures spécifiques de conservation n étaient pas prises. La catégorie Préoccupation mineure (LC) rassemble les espèces qui présentent un faible risque de disparition de la région considérée. La catégorie Données insuffisantes (DD) regroupe les espèces pour lesquelles les meilleures données disponibles sont insuffisantes pour déterminer directement ou indirectement leur risque de disparition. La catégorie Non applicable (NA) correspond aux espèces pour lesquelles la méthodologie n est pas applicable et qui ne sont donc pas soumises au processus d évaluation (p. ex. espèces introduites ou espèces visiteuses non significativement présentes dans la région). La catégorie Non évaluée (NE) rassemble les espèces qui n ont pas encore été confrontées aux critères de la Liste rouge. Les acronymes standards correspondent à la dénomination des catégories en anglais et sont utilisés tels quels dans toutes les langues : EX = Extinct, EW = Extinct in the wild, RE = Regionally extinct, CR = Critically endangered, EN = Endangered, VU = Vulnerable, NT = Near threatened, LC = Least concern, DD = Data deficient, NA = Not applicable, NE = Not evaluated. 9

Le classement des espèces dans les catégories d espèces menacées s opère sur la base de cinq critères d évaluation (Figure 2) faisant intervenir des facteurs quantitatifs tels que la taille de la population, le taux de déclin, la superficie de l aire de répartition ou sa fragmentation (cf. Annexe 1). Il suffit qu au moins un des critères A à E soit rempli pour qu une espèce soit classée dans l une des catégories En danger critique (CR), En danger (EN) ou Vulnérable (VU). Ce principe permet de rendre la méthodologie applicable à n importe quel groupe taxonomique : si l un ou l autre des critères peuvent difficilement être renseignés pour le groupe évalué (p. ex. les critères basés sur des effectifs pour les insectes), l évaluation peut toujours se baser sur les autres critères disponibles. En pratique, l examen de tous les critères n est donc pas systématique, en particulier lorsque certains d entre eux sont peu utilisables compte tenu des données disponibles pour le groupe taxonomique étudié. A B C D E Déclin de la population Aire de répartition réduite Petite population & déclin Très petite population Analyse quantitative Figure 2. Les 5 critères de la Liste rouge Au niveau régional, l évaluation des espèces selon la méthodologie de l UICN se déroule en deux étapes : La première étape consiste à effectuer une évaluation initiale de l espèce concernée, en appliquant les catégories et critères pour aboutir à un classement préliminaire. La seconde étape consiste à ajuster si nécessaire la catégorie préliminaire obtenue lors de l évaluation initiale, en l abaissant ou en l augmentant d un ou plusieurs échelons, en fonction de l influence éventuelle des populations situées à l extérieur de la région sur le risque réel de disparition de l espèce. Cette influence s exerce par le biais des migrations ou des échanges de populations intervenant à travers les limites de la région. Pour mener ce processus d évaluation, la réflexion doit se fonder sur des données fiables, récentes et quantifiées, ou sur des informations considérées collégialement comme raisonnablement étayées par l ensemble des experts impliqués. Au final, les catégories déterminées pour chaque espèce reposent donc sur la combinaison de trois éléments fondamentaux : des données fiables et quantifiées, une grille de critères objectifs et l expertise collégiale des spécialistes impliqués. 10

Une Liste rouge n est pas Un état des lieux de la rareté des espèces Une Liste rouge permet d évaluer un risque de disparition et non un état de rareté. Même si les espèces rares ont souvent tendance à être menacées, certaines espèces à aire de répartition très restreinte ou peu fréquentes ne risquent pas de disparaître pour autant. Par ailleurs, des espèces perçues comme communes peuvent être en fort déclin et donc apparaître menacées. Une liste de priorités d actions Une Liste rouge est un état des lieux scientifique et non une liste de priorités. Elle sert en revanche à fournir une base cohérente pour établir des priorités de conservation, en combinaison avec d autres critères (p. ex. niveau de menace des espèces au niveau mondial, caractère patrimonial au niveau régional, rapport coûts/bénéfices des actions de conservation ). Une liste d espèces protégées Une Liste rouge est un outil scientifique et non un document réglementaire. Elle ne constitue donc pas une liste d espèces protégées par la réglementation. Néanmoins, une Liste rouge est un outil de référence pour identifier les espèces devant bénéficier d un régime de protection. 11

Echelles d évaluation Au sujet de l échelle géographique d évaluation, le Guide UICN 2003 indique : «Bien que les Lignes directrices conviennent en principe à toute échelle géographique, il est vivement déconseillé de les appliquer à des zones géographiques très restreintes. En effet, plus la région est petite et plus l espèce étudiée est mobile, plus la population régionale échange fréquemment des spécimens avec des populations voisines : l évaluation du risque de disparition devient alors de moins en moins fiable. Il est impossible de donner des indications précises sur la limite inférieure exacte garantissant une application judicieuse car cela dépend de la nature de la région et, en particulier, des obstacles réels à la dispersion.» Sur le principe, il est donc envisageable d appliquer la méthodologie à des petits territoires. Cependant, plus la zone considérée est d aire restreinte, plus on aboutit à une perte de pertinence des résultats. Dans le cas de territoires trop petits, la seconde étape d ajustement prend en effet une place prépondérante dans l évaluation et conduit à ajuster la catégorie préliminaire d une grande partie des espèces, dont le risque de disparition est surestimé en première étape. Cette situation est d autant plus marquée que le rapport périmètre / surface du territoire est important (cas d un territoire longiligne) ou que ce territoire n est pas isolé par des barrières naturelles. En pratique, la méthodologie peut s appliquer de façon pertinente à toutes les régions administratives de France métropolitaine. En revanche, son utilisation à une échelle départementale est déconseillée. Pour les départements (ou même les communes intéressées), il est préférable d établir des listes d espèces menacées en extrayant les résultats des Listes rouges régionales et nationales existantes, afin d éviter d engager un exercice coûteux en temps et en mobilisation d expertise pour des résultats d une pertinence modérée. 12

Données à mobiliser La synthèse des données nécessaires à l évaluation est une étape importante pour assurer la qualité des résultats. Cette étape a pour objectif de rassembler, dans la mesure des données disponibles pour chaque espèce : toutes les données (passées et actuelles, voire futures 7 ) permettant d obtenir une image fidèle de la situation actuelle de l espèce dans la région, toutes les données passées existantes permettant d obtenir un aperçu de la situation de l espèce dans un passé récent (idéalement, sur les 10 dernières années), et des informations sur les possibilités d échanges entre les populations régionales et extrarégionales, en se basant notamment sur l état de conservation des populations extrarégionales de l espèce. La plupart de ces informations doivent être mobilisées sous la forme de données quantifiées, mais elles peuvent souvent être exprimées selon des ordres de grandeur définis par rapport aux seuils de la méthodologie (p. ex. aire d occupation < 500 km², nb d individus matures > 10 000 ). De plus, toutes les informations jugées raisonnablement étayées par le collège d experts impliqués peuvent également être prises en compte lors de l évaluation. Exemples Pour le chapitre «Poissons d eau douce de métropole» de la Liste rouge nationale, la superficie de l aire de répartition actuelle des espèces a été estimée en compilant toutes les données de présence disponibles sur la période 1970-2008, et en retirant ensuite les données qui n étaient plus d actualité. De même, pour l évaluation de la flore vasculaire métropolitaine, toutes les données de présence remontant à 1990 ont été mobilisées lors des pré-évaluations, puis affinées en excluant notamment les stations disparues entre-temps. 7. Par exemple, connaissance de la disparition prochaine de certaines stations en raison d un projet d aménagement programmé. 13

Tableau 1. Données à réunir pour chaque espèce en vue de l évaluation, dans la mesure des informations disponibles. Données à réunir pour chaque espèce Nom Données brutes (actuelles et passées) Données élaborées pour l évaluation Autres informations Informations sur les possibilités d immigration Nom scientifique Nom commun Nombre d individus matures* Aire de répartition régionale de l espèce, accompagnée si possible d une cartographie Nombre de stations, de mailles ou de communes où l espèce est présente Zone d occurrence* mesurée ou estimée Zone d occupation* mesurée ou estimée Nombre de localités* identifiées Existence ou non d un déclin continu* de l espèce Réduction* de la taille de la population (estimée sur 10 ans ou trois générations, selon la plus longue des deux périodes) Existence ou non d une fragmentation sévère* Existence ou non de fluctuations extrêmes* Tendance d évolution de l habitat Menaces pesant sur l espèce Possibilités d immigration de propagules en provenance des régions limitrophes (p. ex. importance des échanges potentiels avec les régions voisines, existence ou non de corridors ou de barrières, capacité de migration de l espèce) Etat des populations extrarégionales (p. ex. statut Liste rouge et tendance d évolution des populations dans les régions limitrophes, au niveau national et au niveau mondial) * Dénominations propres à la méthodologie de l UICN, voir définitions p. 20 à 33 14

Utilisation des critères A à E Cette partie s attache à préciser les points d utilisation des critères A à E pouvant poser des difficultés ou nécessitant des précautions particulières lors de leur application au niveau d une région administrative française. Pour plus d informations sur ces critères, il convient de se référer au Guide UICN 2001, p. 16 à 23. Recommandations générales L application de la méthodologie de l UICN, telle qu elle est conçue, requiert de conserver les seuils quantitatifs inchangés, quelle que soit l échelle géographique considérée. Le respect de ce principe de base est essentiel au maintien d une cohérence d ensemble entre les résultats des différentes régions et ceux de la Liste rouge nationale et de la Liste rouge mondiale. Les particularités d une évaluation menée à une échelle restreinte sont prises en compte par la méthodologie lors de la seconde étape de l évaluation (cf. p. 37). Utilisation des critères A à E Critère A : Réduction de la population Pour pouvoir utiliser le critère A, il est nécessaire de pouvoir justifier une réduction quantifiée (cf. p. 21) du nombre d individus matures sur 10 ans ou 3 générations, en retenant la plus longue de ces deux durées (maximum 100 ans). Exemples Une espèce dont le niveau de réduction de la population n est pas connu précisément, mais pour laquelle des éléments solides concourent à dire qu elle a décliné de plus de 50% sur les 10 dernières années, peut être classée menacée selon le critère A. Une espèce inféodée à une zone humide, dont la superficie a décliné de plus de 50% en 10 ans, peut être classée En danger selon le critère A2c si tous les experts s accordent à dire que cette réduction d habitat a entraîné une réduction d au moins 50% de la population de l espèce. Critère B : Répartition géographique Pour être classée sur la base du critère B, une espèce doit impérativement : avoir une zone d occurrence (B1) ou d occupation (B2) inférieures à un des seuils de surface indiqués (cf. p. 24), et remplir au moins deux des trois sous-conditions a, b et c proposées. 15

En raison de la taille des régions administratives françaises, il est préconisé pour le critère B : d éviter d utiliser au niveau régional le seuil de 20 000 km² pour la zone d occurrence (sous-critère B1 pour la catégorie VU), de veiller à ce que, pour toute utilisation des autres seuils du critère B, les deux sousconditions requises (a+b, b+c ou a+c) soient parfaitement remplies. Exemple Une espèce présentant une zone d occupation d environ 100 km², présente dans 5 localités (cf. définition p. 30) et connaissant un déclin continu de la superficie de son habitat, peut être classée En danger (EN) sur la base du critère B2ab(iii). En revanche, si sa population a connu un déclin ancien mais désormais stoppé, ou si l espèce est présente dans 7 localités, elle ne peut pas être classée EN selon le critère B. Elle peut toutefois être classée en catégorie Quasi menacée (NT). Critère C : Petite population et déclin Pour être classée sur la base du critère C, une espèce doit impérativement : présenter un nombre d individus matures inférieur aux seuils indiqués, présenter un déclin continu (cf. p. 22), et remplir au moins l une des quatre sous-conditions indiquées (1, 2a(i), 2a(ii) ou 2b). Exemple Une espèce dont la population régionale compte 2000 individus matures, présentant un déclin en cours et dont 95% des effectifs sont rassemblés en une seule souspopulation, peut être classée En danger (EN) sur la base du critère C2a(ii). En revanche, si sa population est désormais stable, l espèce ne peut pas être classée menacée selon le critère C. Critère D : Population très petite ou restreinte Pour être classée selon le critère D, une espèce doit présenter un nombre d individus matures (cf. p. 20) inférieur aux seuils proposés OU remplir les conditions relatives au sous-critère D2 pour un classement en catégorie Vulnérable (VU). L utilisation particulière du sous-critère D2 pour la catégorie VU est conditionnée à l existence de menaces plausibles pouvant conduire l espèce à devenir plus menacée dans un futur proche (Guide d utilisation 2011). 16

Exemple Une plante rare dont la superficie exacte de l aire d occupation est inconnue, mais dont tous les experts s accordent à dire, sur la base d observations solides et d une argumentation étayée, que sa zone d occupation (basée sur l utilisation de mailles de taille adéquate, cf. p. 26) ne dépasse de toute évidence pas 20 km², peut être classée en catégorie Vulnérable (VU) sur le critère D2, s il existe des menaces plausibles susceptibles de l affecter dans un futur proche. Critère E : Analyse quantitative L utilisation de ce critère particulier nécessite de disposer de modèles et de jeux de données suffisants pour faire des projections réalistes permettant d estimer de manière étayée la probabilité de disparition d une espèce dans le futur (cf. Guide d utilisation 2011). 17

Utilisation des catégories NT, RE et DD Catégorie Quasi menacée (NT) «Un taxon est dit Quasi menacé lorsqu il a été évalué d après les critères et ne remplit pas, pour l instant, les critères des catégories En danger critique, En danger ou Vulnérable mais qu il est près de remplir les critères correspondant aux catégories du groupe Menacé ou qu il les remplira probablement dans un proche avenir» (Guide UICN 2001). Le classement d une espèce dans la catégorie Quasi menacée (NT) doit être justifié par la mention des critères qui apparaissent proches d être remplis. Exemples de situations justifiant un classement en catégorie Quasi menacée (d après le Guide d utilisation 2011) : La réduction de la population de l espèce sur les trois dernières générations se situe entre 20% et 30%, avec des causes non-arrêtées, non-comprises ou irréversibles (NT proche de A2). L aire d occupation de l espèce est inférieure aux seuils du critère B (p. ex. aire d occupation de 250 km²), mais l espèce ne remplit qu une seule des deux sousconditions a, b ou c requises (p. ex. déclin continu uniquement) (NT proche de B2b). La taille de la population de l espèce est inférieure aux seuils du critère C (p. ex. 2 000 individus) et l espèce présente un déclin continu, mais ne remplit aucun des souscritères C1 ou C2 proposés (NT proche de C). La population de l espèce est comprise entre 10 000 et 15 000 individus, l espèce présente un déclin continu et remplit un des sous-critères C1 ou C2 requis (NT proche de C1 ou C2). La population de l espèce est supérieure à 1 000 individus matures mais n atteint pas plus de 2 000 individus (NT proche de D1). L aire d occupation de l espèce est comprise entre 20 et 30 km² et il existe des menaces plausibles pouvant affecter l espèce (NT proche de D2). Catégorie Disparue au niveau régional (RE) Une espèce peut être classée Disparue au niveau régional (RE) lorsque toutes les mesures mises en œuvre pour la détecter dans la région se sont soldées par un échec (recherches menées dans toutes les zones concernées historiquement, en mobilisant les moyens adéquats, aux bons moments de l année, et dans des conditions pertinentes pour la détecter) (Guide d utilisation 2011). Ainsi, comme pour les espèces éteintes au niveau mondial (EX), ce n est pas uniquement une durée sans observation qui détermine le classement d une espèce en catégorie RE. 18

La date à partir de laquelle une espèce est considérée Disparue au niveau régionale correspond habituellement à celle des recherches ayant échoué à la repérer. Cette date peut éventuellement être antérieure si des éléments concrets le justifient (p. ex. date connue de la destruction du dernier habitat de l espèce). Lorsqu une espèce n a pas été revue depuis un certain temps mais que la disparition du dernier individu de l espèce n est pas certaine (p. ex. car l espèce est peu visible ou vit dans des endroits peu accessibles), il est possible d indiquer cette situation en la classant dans la catégorie En danger critique, complétée par une indication du type «peut-être disparue» ou «disparue?» (Guide d utilisation 2011). Comme pour la catégorie Eteinte (EX), seules les espèces disparues dans la période récente (après 1500) devraient être classées dans la catégorie Disparue au niveau régional (RE). Catégorie Données insuffisantes (DD) Lorsque les informations disponibles sont considérées comme insuffisantes pour pouvoir évaluer une espèce, celle-ci est classée dans la catégorie Données insuffisantes (DD) dans l attente de l acquisition de nouvelles connaissances (Guide UICN 2001). De manière générale, il est souhaitable d éviter le recours à cette catégorie, dès lors que les informations disponibles permettent d apprécier raisonnablement la situation de l espèce. Les espèces classées DD ne doivent pas être considérées comme des espèces nonmenacées. Cette catégorie peut en effet comprendre des espèces rares ou méconnues qui seraient classées menacées si un minimum d informations sur l état de leurs populations était disponible (Guide d utilisation 2011). Exemples Une plante de montagne pour laquelle très peu d informations sont disponibles, car difficilement observable ou vivant dans un habitat peu accessible, peut être classée en catégorie DD. Un lépidoptère posant des problèmes de détermination ou de confusion avec une espèce proche peut être classé DD sur la base de l avis collégial des experts impliqués, si cette situation aboutit à des incertitudes sur la répartition réelle de l espèce. Des espèces ayant fait l objet d une révision taxonomique récente peuvent être classées DD si les changements intervenus conduisent à une absence d information sur la répartition et l abondance des nouvelles entités décrites. 19

Précisions sur les facteurs de classement Individus matures (critères A, B, C et D) Selon le Guide UICN 2001, «le nombre d individus matures est défini comme le nombre connu, estimé ou déduit d individus en mesure de se reproduire. Pour estimer ce nombre, il faut tenir compte des points suivants : Tous les individus matures dont la fonction de reproduction est empêchée doivent être exclus (p. ex. lorsque la densité est trop faible pour qu il y ait fécondation). Dans le cas de populations présentant une proportion des sexes (sex-ratio) déséquilibrée chez des individus matures ou les reproducteurs, il convient d utiliser des estimations plus faibles du nombre d individus matures pour tenir compte de cette situation. Lorsque les effectifs d une population fluctuent, il convient d utiliser une estimation plus faible. Dans la plupart des cas ce chiffre sera bien inférieur à la moyenne. Les unités reproductrices au sein d un clone doivent être comptées comme des individus, sauf lorsqu elles sont incapables de survivre isolées (les coraux, par exemple). Dans le cas d espèces qui perdent naturellement l ensemble ou une partie des individus matures à un certain moment du cycle biologique, il convient de procéder à l estimation au moment voulu, lorsque les individus matures sont disponibles pour la reproduction. Les individus réintroduits ne doivent être comptés parmi les individus matures qu à partir du moment où ils ont engendré des descendants viables.» Lorsqu il n est pas possible de dénombrer chacun des individus, le nombre d individus matures peut parfois être estimé en utilisant l équation d x A x p, où d est une estimation de la densité de population, A est une estimation de la superficie et p est une estimation de la proportion d individus matures. Cette formule doit être utilisée avec précaution car elle mène souvent à une surestimation du nombre d individus matures. Ainsi, il faudra veiller à ce que la superficie A soit correctement déterminée, que d corresponde bien à une estimation sur l ensemble de la superficie A et que p soit définie en se basant sur la connaissance de l espèce ou d une espèce proche et non pas sur une valeur par défaut (Guide d utilisation 2011). De manière générale, le nombre d individus matures doit être établi en dénombrant tous les individus qui sont en capacité de se reproduire, y compris ceux qui ne se reproduisent pas ou dont la reproduction n aboutit pas une année donnée. 20

Exemple Pour estimer la taille de population d une plante dioïque, tous les individus reproducteurs ou pouvant se reproduire (même ceux qui ne se reproduisent pas une année donnée) doivent être dénombrés. Par contre, les individus d une sous-population isolée qui ne seraient plus en capacité de se reproduire en raison de l absence de pieds femelles ne devraient pas être dénombrés. Précisions pour certains groupes Poissons : Les individus issus de lâchers à des fins de repeuplement pour la pêche ne doivent pas être pris en compte lors du calcul du nombre d individus matures. Organismes clonaux : Le nombre d individus matures est établi en dénombrant le nombre d individus exprimés ou physiques (ramets) et non pas le nombre de clones ou individus génétiques (genets) (Guide d utilisation 2011). Toutefois, pour certaines espèces particulières dont les individus forment des entités clonales complexes, les experts pourront s accorder à préciser ce qu on entend par «individu mature», en fonction du type architectural et du mode de reproduction asexuée. Réduction et déclin continu (critères A, B et C) Réduction «Par réduction on entend un déclin du nombre d individus matures égal, au moins, au pourcentage indiqué dans le critère pendant la période (années) précisée, sans que ce déclin soit nécessairement continu. Une réduction ne doit pas être interprétée comme faisant partie d une fluctuation à moins que l on ne dispose de preuves suffisantes à l appui. La courbe descendante d une fluctuation n est normalement pas considérée comme une réduction» (Guide UICN 2001). Une réduction de population selon le critère A est un déclin quantifié, mesuré sur 10 ans ou 3 générations (cf. p. 22), selon la plus longue des deux périodes (maximum de 100 ans dans l avenir). Il peut s agir d un déclin passé, futur (p. ex. projeté en fonction d aménagements programmés), ou s étalant sur une période incluant à la fois le passé et l avenir. Une réduction se mesure donc par défaut sur 10 ans, sauf pour les espèces ayant des temps de génération significativement longs (> 3 ans), pour lesquelles la réduction de 21

population se mesure sur 3 générations. Les déclins anciens antérieurs à cette période de 10 ans ou 3 générations ne doivent pas être pris en compte dans ce calcul de la réduction. Le taux de réduction peut parfois être approché raisonnablement en se basant sur la régression du nombre de stations ou de la surface des habitats favorables, si les experts s accordent à considérer que cette régression a entraîné une réduction parallèle (p. ex. linéaire) de la taille de la population. Déclin continu «Un déclin continu est un déclin récent, en cours ou prévu (régulier, irrégulier ou sporadique) qui peut se poursuivre à moins que des mesures ne soient prises pour l enrayer. Les fluctuations naturelles ne sont normalement pas assimilées à un déclin continu et un déclin constaté ne doit pas non plus être assimilé à une fluctuation, à moins que l on ne dispose de preuves suffisantes à l appui» (Guide UICN 2001). Pour estimer le déclin continu d une espèce selon les critères B et C, le pas de temps à considérer n est pas nécessairement le même que pour une réduction de population, car celui-ci doit concerner la période présente. En effet, le déclin continu est avant tout défini comme un déclin en cours ou récent, dont la valeur peut être faible, et dont les causes n ont pas cessé ou pourraient persister. Exemples La destruction de 50% d une population par un aménagement routier correspond à une réduction de population selon le critère A2, mais ne représente pas un déclin continu, car la réduction constatée a cessé. Par contre, le déclin d une population d hyménoptère lié à l utilisation persistante de pesticides peut être qualifié de déclin continu. Temps de génération (critères A, C et E) «La durée d une génération correspond à l âge moyen des parents de la cohorte actuelle (c est-à-dire des nouveau-nés dans la population). En conséquence, la durée d une génération reflète le taux de renouvellement des reproducteurs dans une population. La durée d une génération est plus grande que l âge à la première reproduction et plus petite que l âge du reproducteur le plus âgé, sauf pour les espèces qui ne se reproduisent qu une seule fois. Lorsque la durée de la génération varie en raison de menaces, c est la durée la plus naturelle, c est-à-dire avant perturbation, qu il convient de retenir» (Guide UICN 2001). 22

En pratique, la durée d une génération n est importante à déterminer que pour les espèces à vie longue, pour lesquelles la durée de 3 générations dépasse a priori 10 ans. Selon le Guide d utilisation 2011, la durée d une génération peut notamment être estimée en se basant sur : l âge moyen des parents d une population, ou l âge moyen auquel un individu a produit 50% de sa descendance. Exemples Pour une plante annuelle ou un mollusque ne vivant pas plus de trois ans, il est inutile d estimer le temps de génération, car le pas de temps à considérer pour le critère A pour ces espèces est par défaut 10 ans. Pour un mammifère atteignant sa maturité sexuelle à 3 ans et présentant une espérance de vie de 12 ans, le temps de génération peut généralement être estimé à 6-7 ans. La réduction de la taille de sa population est calculée sur 3 générations, soit environ 20 ans. Pour un arbre se reproduisant à partir de 10 ans et jusqu à 100 ans, le temps de génération peut être estimé à environ 50 ans. 23

Zone d occurrence et zone d occupation (critères A, B et D) Définitions Zone d occurrence «La zone d occurrence (EOO) est définie comme la superficie délimitée par la ligne imaginaire continue la plus courte possible pouvant renfermer tous les sites connus, déduits ou prévus de présence actuelle d un taxon, à l exclusion des individus erratiques. Cette mesure peut exclure des discontinuités ou disjonctions dans la répartition globale d un taxon (par exemple de larges zones où l habitat est, à l évidence, inadéquat). Figure 3. Représentation d une zone d occurrence La zone d occurrence peut souvent être mesurée par un polygone convexe minimum (le plus petit polygone dans lequel aucun angle ne dépasse 180 degrés et contenant tous les sites d occurrence)» (Guide UICN 2001). Zone d occupation «La zone d occupation (AOO) est la superficie occupée par un taxon au sein de la zone d occurrence, à l exclusion des individus errants. La mesure reflète le fait qu un taxon ne se rencontre généralement pas dans toute sa zone d occurrence, qui peut comprendre des habitats peu appropriés ou inoccupés. Dans certains cas (p. ex. sites irremplaçables de colonies de nidification, sites primordiaux où les Figure 4. Représentation d une zone d occupation taxons migrateurs se nourrissent) la zone d occupation est la plus petite superficie cruciale pour la survie, à tous les stades, des populations existantes d un taxon. L étendue de la zone d occupation est fonction de l échelle utilisée pour la mesurer. Il faut donc choisir l échelle en fonction des caractéristiques biologiques pertinentes du taxon, de la nature des menaces et des données disponibles» (Guide UICN 2001). 24

Calcul de la superficie Zone d occurrence La zone d occurrence peut se mesurer comme la surface totale en km² du polygone convexe le plus petit incluant toutes les stations (individus erratiques exceptés). En raison de la superficie modérée des régions administratives françaises, les disjonctions et discontinuités inclues dans l aire de répartition ne devraient pas être exclues de la zone d occurrence régionale, sauf cas très particuliers (Guide d utilisation 2011). Tableau 2. Principes recommandés pour le calcul de la zone d occurrence. Calcul de la zone d occurence Cas général Pour la plupart des espèces : surface du plus petit polygone englobant toutes les stations Espèces d eau douce Cours d eau - Cas général : somme des superficies de l ensemble des bassins versants dans lesquels l espèce est présente - Pour les espèces vivant strictement au-dessous ou au-dessus d une certaine altitude : somme des superficies des portions de bassins versants situées respectivement en-dessous ou au-dessus de l altitude concernée - Pour les espèces vivant exclusivement dans les fleuves principaux : longueur de la portion de fleuve concernée x 10 km de large Lacs - Cas général : surface totale en km² du plus petit polygone englobant tous les lacs dans lesquels l espèce est présente - Pour les espèces vivant dans des lacs très disjoints : surface cumulée de plusieurs polygones disjoints 25

Zone d occupation Pour estimer de manière uniforme la zone d occupation de l ensemble des espèces, il est nécessaire de fixer une méthode et une unité de mesure communes. Dans la plupart des situations, il est recommandé d estimer la superficie de la zone d occupation en utilisant des mailles d occupation carrées de 2 x 2 km (soit 4 km²). La zone d occupation se mesure ainsi comme la somme des superficies des mailles d occupation dans lesquelles l espèce est présente (zone d occupation = nb de mailles d occupation x 4 km²). Ces mailles d occupation peuvent être positionnées librement de façon à englober l ensemble des stations tout en couvrant la plus petite superficie possible (Figure 5). Figure 5. Exemple d une zone d occupation de 28 km 2. Exemple La zone d occupation d un reptile, dont les 10 stations connues peuvent être englobées dans 7 mailles d occupation de 2 x 2 km, peut être estimée à 28 km² (Figure 5). L utilisation d un mode unique de calcul reposant sur des mailles de 2 x 2 km pour la plupart des espèces est importante pour assurer la compatibilité de l unité de mesure avec les seuils des critères, et pour garantir une cohérence d ensemble entre les résultats des différentes Listes rouges aux différentes échelles (régionale, nationale et mondiale). De manière générale, l utilisation d une unité de mesure plus fine qu une maille de 4 km² est déconseillée. Ceci conduit à surestimer le niveau de menace et à classer davantage d espèces en catégories menacées que ce que la méthodologie devrait réellement induire. De plus, l utilisation de mailles différentes selon les espèces en fonction de la précision des données disponibles pour chacune d entre elles peut conduire à des résultats non homogènes au sein d un même groupe (Guide d utilisation 2011). Néanmoins, dans certains cas particuliers, pour des espèces vivant dans des habitats très localisés ou linéaires, la zone d occupation peut être estimée en utilisant des mailles d occupation de 1 x 1 km (soit 1 km²), si le niveau de prospection et d information est suffisant pour considérer que l aire de répartition connue de l espèce reflète bien la totalité de son aire réelle. 26

Exemples La zone d occupation d une plante d altitude dont on ne connaît que 4 stations très localisées, dans une zone bien prospectée, peut être estimée à 4 km². La zone d occupation d un crustacé vivant uniquement sur une portion de cours d eau de 4 km de long peut être estimée à 4 km². Inversement, pour une espèce uniformément présente dans un habitat relativement vaste et d un seul tenant, la superficie de la zone d occupation peut être estimée en considérant la surface totale de l habitat dans lequel l espèce est présente. Exemples La zone d occupation d un coléoptère uniformément présent dans une forêt de 125 km² peut être estimée à 125 km². La zone d occupation d un poisson présent sur l ensemble de la surface de deux grands lacs de 25 et 45 km² peut être estimée à 70 km². Tableau 3. Principes recommandés pour le calcul de la zone d occupation. Calcul de la zone d occupation Cas général Pour la plupart des espèces Surface totale des mailles d occupation de 4 km² où l espèce est présente Espèces vivant dans des habitats linéaires ou très localisés, pour lesquelles le niveau d information et de prospection est suffisamment important Par exemple : - plantes en stations très localisées - invertébrés vivant en très petites stations - espèces de cours d eau Surface totale des mailles d occupation de 1 km² où l espèce est présente Espèces vivant dans des habitats vastes et d un seul tenant Par exemple : - invertébrés uniformément présents dans une forêt - poissons vivant dans des grands lacs Surface du massif forestier Surface des lacs 27

28 Dans de nombreuses situations, les données brutes concernant l aire de répartition sont disponibles sous la forme de données par station, par commune ou par maille dans une grille fixe quadrillant le territoire. Pour convertir ces données brutes en mailles d occupation de 4 km², une démarche en deux temps est recommandée (Figure 6) : En première approche, la superficie de l aire d occupation peut être approximativement estimée selon le principe : 1 station ou 1 maille de la grille fixe ou 1 commune = 1 maille d occupation de 4 km² Dans un second temps, pour les espèces approchant l un des seuils du critère B2 ou D2, l estimation doit être affinée en se fondant sur la connaissance des experts et sur la cartographie, en fonction des réponses aux questions suivantes : Existe-t-il plusieurs stations au sein d une même maille de la grille fixe ou d une même commune? Si oui, sont-elles distantes au point de se situer dans plusieurs mailles d occupation différentes? Certaines stations sont-elles au contraire suffisamment proches pour être regroupées dans une seule maille d occupation? Certaines stations chevauchant la frontière de deux communes ou de deux mailles de la grille fixe peuvent-elles être regroupées dans une seule maille d occupation? Certaines des stations recensées s étendent-elles en revanche sur plus d une maille d occupation? Exemples Si les données de répartition d une espèce sont disponibles sous forme de présence/ absence par commune et indiquent que l espèce est présente dans 4 communes (Figure 6), la zone d occupation peut être estimée en première approche en se fondant sur le principe «1 commune = 1 maille d occupation de 4 km²» et en considérant la surface moyenne des communes de la région (ici 15 km²). Dans cette situation, l aire d occupation estimée dans un premier temps est comprise entre 16 km² (4 x 4 km²) et 60 km² (4 x 15 km²). Comme cette fourchette inclut le seuil de 20 km², le calcul doit être affiné grâce à la cartographie et aux dires d experts. Dans l exemple de la Figure 6, ces derniers éléments apportent les informations suivantes : l une des stations est à cheval sur deux communes (= 1 maille d occupation) l une des communes abrite une longue station de 3 km (= 2 mailles d occupation) une autre commune abrite plusieurs stations éloignées pouvant être rassemblées en trois mailles d occupation (= 3 mailles d occupation) les deux stations restantes peuvent être rassemblées en une seule maille (= 1 maille d occupation) Au final, la zone d occupation est estimée à 7 x 4 km², soit 28 km². L espèce ne remplit donc pas le seuil de 20 km² du critère D2.

DONNÉES BRUTES DISPONIBLES Nombre de stations Présence/absence par maille de 5x5 km dans une grille fixe Présence/absence Nombre de par stations commune EN PREMIÈRE APPROCHE Estimation provisoire de la zone d occupation 1 station ou 1 maille de la grille fixe ou 1 commune = 1 maille d occupation de 4 km2 10 stations = 10 mailles d occupation = 40 km2 5 mailles de présence = 5 mailles d occupation = 20 km2 4 communes = 4 mailles d occupation = 16 km2 DANS UN SECOND TEMPS Estimation affinée grâce à la cartographie et aux dires d experts Zone d occupation finale 7 mailles d occupation de 2x2 km = 28 km2 Figure 6. Exemples de calcul d une zone d occupation selon les données disponibles 29