.GENESE ET AFFIRMATION DES REGIMES TOTALITAIRES.

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.GENESE ET AFFIRMATION DES REGIMES TOTALITAIRES. Introduction Š Qu est-ce qu un régime totalitaire? Doc. 1 page 206 : «L Europe politique dans les années 1930» Dans l entre-deux-guerres, l Europe présente plusieurs types de régimes politiques : - des démocraties libérales (régime qui respecte le pluralisme, la séparation des pouvoirs, la liberté d expression et le droit de vote) que l on trouve plutôt à l Ouest de l Europe, qu elles prennent la forme de républiques comme en France, en Suisse ou de monarchies comme au Royaume-Uni et aux Pays-Bas ; - des régimes autoritaires ou dictatures (régime dans lequel le pouvoir est concentré entre les mains d un homme ou d un groupe réduit d individus) plutôt situés au Sud et à l Est de l Europe (l Espagne de Franco, l Autriche de Dollfuss ) ; - trois régimes totalitaires en URSS, en Italie et en Allemagne : il s agit d un type de régime totalement nouveau à l époque (l adjectif «totalitaires» est utilisé pour la première fois en 1924 par un opposant à Mussolini, afin de dénoncer le régime qu il venait de mettre en place). Un régime totalitaire est une dictature qui vise à contrôler toute la société et à remodeler les individus en fonction d une idéologie. Les trois régimes totalitaires européens sont en place en Italie entre 1922 et 1945, en URSS entre 1925 et 1953 et en Allemagne entre 1933 et 1945. Tous ont pour point commun de naître après la Première Guerre mondiale mais deux d entre eux s effondrent à la fin de la Seconde Guerre mondiale (alors qu en URSS la sortie du totalitarisme est plus tardive). Problématique : Quels sont les points communs et les différences entre ces trois régimes, à la fois dans leur mise en place et dans leur fonctionnement? I. Quelles conditions ont permis la mise en place des régimes totalitaires? A. Des problèmes ethniques et politiques avant Avant 1914, la question des minorités ethniques secoue l Italie, l Allemagne et la Russie et cette question alimentera la mise en place des totalitarismes dans l entre-deuxguerres. Depuis 1870, l Italie revendique les Terres irrédentes (Istrie et Dalmatie) afin d achever son unité. Bien que les vainqueurs de la guerre aient promis de lui donner ces terres une fois la paix revenue, l Italie ne les obtient finalement pas, ce qui alimente les rancœurs dès 1918. Depuis les années 1860, le nationalisme (théorie politique qui place de l intérêt national au-dessus de l intérêt des individus et des autres nations) allemand revendique le regroupement de toutes les populations germanophones dans une grande Allemagne, idée que les nazis reprennent dans leur politique extérieure. Mais jusque dans les années 1930, ce projet ne voit pas le jour alors qu il est largement partagé par une majorité des Allemands. En Russie, qui est un Etat pluriethnique (composé de plusieurs groupes ethniques), on trouve de nombreuses minorités aux marges du territoire : la Russie s emploie à leur imposer la culture russe par la force ce qu on appelle la «russification» mais cette politique menée par le pouvoir impérial suscite des résistances et des révoltes de la part des minorités concernées. Avant 1914, la démocratie est peu voire pas implantée en Allemagne, en Russie et en Italie. En Russie, l Empire autoritaire rejette en bloc les valeurs démocratiques : le tsar gouverne seul et sans consultation du peuple. Dans l Empire autoritaire allemand, un parlement contrebalance faiblement les pouvoirs du kaiser, qui a de toute façon le dernier mot. En Italie, la monarchie constitutionnelle a mis en place le suffrage universel masculin en 1912. La démocratie est seulement présente en Italie mais elle est très récente donc encore peu implantée avant 1914. Dans l entre-deux-guerres, quand les totalitarismes se mettent en place, les Italiens, les Russes et les Allemands n ont pas de tradition démocratique donc ne s effrayent pas de la mise en place de ces régimes. 1

B. Les séquelles de à la Première Guerre mondiale Après la guerre, la violence est transférée des champs de bataille à la vie politique. Des anciens combattants forment des groupes paramilitaires (les «squadristes» en Italie ou les «sections d assaut» en Allemagne) qui sèment la terreur, sur fond de frustrations liées à la défaite ou aux traités de paix. En Russie, le régime tsariste s effondre suite à la révolution de février 1917, permettant ainsi aux bolcheviques (nom des communistes russes) de prendre le pouvoir en octobre 1917. La signature du traité de Brest-Litovsk avec l Allemagne en mars 1918 impose à la Russie d importantes pertes territoriales en Europe de l Est, ce qui nourrit les rancœurs. L Italie s estime lésée par les traités de paix car elle ne reçoit pas les Terres Irrédentes que la France et le Royaume-Uni lui avaient promises. Les dirigeants italiens sont rendus responsables de cette «victoire mutilée» donc le régime n est plus soutenu par la population. En Allemagne, la population n accepte ni la défaite, ni la responsabilité de la guerre, ni les conditions imposées par le traité de Versailles (désarmement, pertes territoriales et réparations financières). La République de Weimar, née avec l effondrement de l Empire allemand le 9 novembre 1918, et ses dirigeants socialistes et communistes, sont perçus comme des traites qui ont accepté le «diktat» de Versailles. Les sociétés russes, italiennes et allemandes sortent traumatisées de la guerre. En Russie, la guerre et les premières mesures des bolcheviques plongent le pays dans une grave crise économique : elle se manifeste par du chômage, de l inflation et des famines (dans l Oural en 1921). En Italie, dans les années 1920, et en Allemagne, dans les années 1930, la crise économique est tout aussi grave et se manifeste par les mêmes effets (à l exception de la famine) : la population s appauvrit et la bourgeoisie redoute qu une arrivée au pouvoir des communistes (comme en Russie) ne les dépossède de ses propriétés. Ceci favorise son ralliement aux fascistes en Italie et aux nazis en Allemagne C. La naissance des totalitarismes dans l entre-deux-guerres En Russie, une guerre civile éclate en 1918 entre les «rouges» (communistes) et les «blancs» (partisans du tsarisme). Lénine lance alors le «communisme de guerre» pour écraser les blancs et les pays européens qui les soutiennent (c est un succès). Toutes les libertés sont supprimées et les premiers camps du Goulag sont ouverts : la guerre fait donc naître la «dictature du prolétariat», qui doit aboutir à la destruction de la bourgeoisie. Lénine meurt en 1924 : Staline, désirant lui succéder, élimine politiquement ou physiquement tous ses concurrents et transforme l économie avec la collectivisation des moyens de productions et la planification. Bien qu il soit déjà à la tête du PCUS depuis 1922, Staline n arrive à la tête de l Etat par la force qu en 1925. En Italie, la bourgeoisie s inquiète des grèves de 1919 : le parti fasciste, créé par Mussolini en 1919, apparaît comme le seul rempart à ces troubles. Le 28 octobre 1922, il organise la «marche sur Rome» : bien que menaçant de faire un coup d Etat, ses troupes ne font que défiler dans Rome, ce qui suffit à effrayer le roi Victor-Emmanuel III, qui le nomme alors Premier ministre. L arrivée des fascistes au pouvoir est légale. En Allemagne, la percée communiste effraie aussi la bourgeoisie. De plus, le pays est très gravement touché par la crise économique au début des années 1930, crise que les partis de gauche au pouvoir n arrivent pas à enrayer : le chômage touche 6 millions d Allemands en 1932 et l inflation est galopante. Dans ce contexte, le parti nazi apparaît comme le seul rempart efficace contre les communistes et la crise. Après une tentative ratée de coup d état en 1923 (qui mène Hitler en prison où il rédige Mein Kampf), les nazis jouent le jeu des urnes pour arriver au pouvoir. Les suffrages qu ils récoltent progressent : 2,8% aux législatives de 1928 contre 44% à celles de 1933. Le parti nazi étant majoritaire au Reichstag (parlement allemand), Hitler est nommé chancelier par le président Hindenburg le 30 janvier 1933. Son accession au pouvoir est démocratique. 2

II. Quels sont les points communs entre les régimes totalitaires? A. Des régimes anti-démocratiques Doc. 1 page 220 : «Des lois nazies» Doc. 1 page 222 : «La collectivisation» Consigne : Analysez les documents pour montrer que les régimes totalitaires sont des régimes anti-démocratiques. A leur mise en place, les régimes totalitaires suppriment les libertés individuelles (à l instar des nazis en 1933) : liberté d expression, liberté de la presse, liberté de réunion, confidentialité des communications, droit à la propriété (qui peut être confisquée). D autre part, le parti au pouvoir devient le seul parti autorisé : c est le cas en URSS avec le PC depuis 1917, en Italie avec le parti fasciste depuis 1924 et en Allemagne avec le parti nazi depuis 1933. Même si le droit de vote n est pas supprimé, le fait que le pluralisme politique ait été supprimé (ou qu un parti unique soit autorisé) enlève toute possibilité de choix au citoyen (qui, dépossédé de ses droits, n en est plus vraiment un). D autre part, la quasi-totalité des pouvoirs est concentrée entre les mains du chef : à la mort du président Hindenburg en 1934, Hitler cumule les fonctions de chancelier et de président du Reich ; en URSS, Staline est Premier secrétaire du PC et à la tête du Politburo dès 1925. En Italie, les fascistes maintiennent le roi Victor-Emmanuel III sur le trône mais le dépossèdent d une partie de ses attributions). Les parlements russes (la Douma) et allemands (le Reichstag) sont dissous : les régimes totalitaires mettent donc à mort les structures démocratiques existantes. Enfin, le chef fait l objet d un véritable culte de la personnalité : il est mis en avant par la propagande d Etat, présenté comme le guide du peuple, qu il ne faut pas contester : d ailleurs, les termes de Führer, de Duce ou de Vodj surnoms donnés à Hitler, Mussolini et Staline signifient «guide». B. Des régimes recourant à la violence Doc. 2 page 207 : «Camps du Goulag et foyers de contestation après 1917» Doc. 3 page 227 : «L assassinat de Matteotti en Italie» Consigne : Analysez les documents pour dégager les grandes logiques de la violence exercée par les régimes totalitaires. La violence est exercée directement par l Etat (ou par les organes du parti). On procède à des arrestations souvent arbitraires puis les suspects sont soit déportés dans des camps de travaux forcés (les camps du Goulag en URSS, le camp de prisonniers politiques de Lipari en Italie et les camps de concentration en Allemagne) soit exécutés par la police politique (le Guépéou puis le NKVD en URSS, la Gestapo en Allemagne, l OVRA en Italie). La plupart du temps, il s agit d exécutions sommaires, organisées juste après des simulacres de procès (qui sont de toute façon truqués et où l accusé n a pas les moyens de se défendre). Lors des purges de Moscou (menées entre 1937 et 1939), les accusés ne disposaient pas d avocats, le procureur Vychinski orientait les réponses par ses questions (et on forçait les accusés à avouer des crimes, parfois farfelus, en les violentant/torturant entre les séances). Cette violence d Etat pouvait s abattre sur n importe qui, n importe où et n importe quand, d où un véritable climat de terreur. Les victimes de cette terreur sont : - des minorités ethniques gênantes pour le pouvoir central (tels que les Finnois, les Baltes et les Coréens en URSS ou les Juifs en Allemagne) ; - des opposants politiques qui dénoncent le régime totalitaire ou luttent contre lui (les communistes en Allemagne, le socialiste Matteotti en Italie) ; - des concurrents au chef (ou supposés comme tels par lui) : Trotski, qui est éliminé par les services secrets soviétiques à Mexico en 1940 ; le général Röhm, chef de la SA en Allemagne, assassiné en 1934. 3

C. Des régimes encadrant leur société Doc. 2 page 212 : «L encadrement de la jeunesse» Doc. 4 page 211 : «Discours de Mussolini à Turin, le 14 mai 1939» Consigne : Analysez les documents pour identifier par quels moyens les régimes totalitaires encadrent leur population. Les régimes totalitaires visent à encadrer totalement leur, ce dès le plus jeune âge. Des organisations d encadrement de la jeunesse (Balillas en Italie, Jeunesses hitlériennes en Allemagne et Komsomols en URSS) sont mises en place afin de prendre en charge les enfants afin de leur inculquer l idéologie du régime (qui leur est enseignée en classes avec des manuels scolaires spécialement édités), de les faire travailler au service de la nation (en URSS, ils ont aidé à la construction de la première ligne de métro de Moscou au début des années 1930, d où la présence d une station Komsomolskaya pour leur rendre hommage) et de les former militairement dans l armée (en Allemagne, on cherche à ce qu ils s engagent dans les organes militaires du parti nazi, la SS ou la SA). L objectif est donc de modeler les jeunes afin qu ils deviennent de «bons petits soldats» (à tous les sens du terme) au service du régime. Ce faisant, les régimes totalitaires espèrent qu étant embrigadés (faire entrer quelqu un par la force au sein d une organisation, plus ou moins rattachée à un parti politique) dès leur plus jeune âge, les enfants n échapperont plus au régime (même en étant adultes). Dans les régimes totalitaires, la population est en permanence confrontée à une propagande (diffusion de l idéologie d un parti ou d un régime politique afin de la faire intégrer et accepter par la population) intense. Cette propagande passe par plusieurs moyens : soit des discours du chef, soit par des affiches. En général, les régimes totalitaires organisent des cérémonies grandioses avec une foule immense, utilisant des décors impressionnants en montrant tous les symboles du régime (sur le doc. 4 page 221, la tribune d où parle Mussolini a la forme de l aigle impérial, référence aux étendards de la légion romaine dans l Antiquité). Ces discours sont en général diffusés à la radio et filmés pour être diffusés aux actualités cinématographiques (des réalisateurs sont associés aux régimes totalitaires comme Eisenstein en URSS ou Riefenstahl en Allemagne). Les artistes doivent appartenir à des organisations contrôlées par l Etat pour pouvoir publier («Union des écrivains» en URSS), sinon leurs œuvres sont censurées (du fait qu elles peuvent être contraires à l idéologie du régime). 4

III. Quelles sont les différences entre les régimes totalitaires? En Italie En Allemagne En URSS A. Trois idéologies incomparables B. Des «ennemis intérieurs» distincts C. Un degré de violence différent Doc. 3 page 223 Le fascisme affirme la grandeur de l Etat : les individus et les classes sociales sont dissoutes au sein de l Etat pour mettre fin à la lutte des classes. Cette idéologie nationaliste doit permettre à l Italie de retrouver sa grandeur antique (par à des conquêtes coloniales en Ethiopie, en Somalie et en Libye). Doc. 4 page 223 Le nazisme affirme l inégalité entre les races (en ce sens, il reprend les théories darwiniennes) : au sommet, se trouve la race aryenne et en bas, la «juiverie». Le nazisme entend conquérir des terres en Europe de l Est afin de donner à la race aryenne un «espace vital» proportionnel à sa puissance/grandeur. Doc. 2 page 221 Le marxisme-léninisme (que Staline applique) cherche à porter les prolétaires au pouvoir par une révolution. Une fois au pouvoir, ils mettront en place une «dictature du prolétariat» et mettront en commun les moyens de production afin de déposséder et d éliminer la bourgeoisie. Doc. 3 page 227 En terme de violence politique, l Italie ne construit pas vraiment de figure de l ennemi du régime. Celui-ci est avant tout un opposant politique, traqué parce qu il lutte contre le fascisme : Matteotti, chef du parti socialiste, est assassiné sur ordre du Duce en 1924. En ce sens, le fascisme ressemble aux dictatures. Doc. 3 et 4 pages 214-215 Au nom de l antisémitisme d Etat, le juif est la cible principale de la violence nazie. Les lois de Nuremberg (1935) leur ôtent la nationalité, leur interdisent le mariage avec un(e) Allemand(e) et leur interdit l exercice de certaines professions. Leurs biens sont spoliés et ils commencent à être déportés dès 1933. Doc. 1 et 2 page 214 Le stalinisme désigne le koulak (paysan propriétaire de sa terre) comme l ennemi du régime et du peuple soviétiques : il incarne la bourgeoisie paysanne et doit être éliminé par la collectivisation des terres et la répression (déportation dans les camps du Goulag ou exécutions sommaires). En matière de violence, le fascisme emploie des moyens «classiques» (torture, exécutions, détention au camp de prisonniers politiques de Lipari). Le bilan humain, bien que difficile à évaluer, s élève à quelques milliers de morts (essentiellement des opposants politiques et 7300 juifs mais déportés dès 1943 par les nazis). Les nazis ont fait preuve d un véritable déchaînement de violence. Les juifs ont été exterminé par fusillades (160 000 morts à Babi-Yar les 19 et 20 septembre 1941) puis par gazage et crémation (5 millions de morts dont un million au camp d extermination d Auschwitz- Birkenau). Seuls les nazis ont mis en place des camps de ce type. Le stalinisme est de loin le régime le plus meurtrier (des historiens évaluent le nombre de morts à plus de 20 millions). Cependant, les méthodes de mise à mort semblent moins «barbares» que chez les nazis : les victimes meurent soit exécutées, soit d épuisement au travail dans les camps du Goulag soit affamées (famine en Ukraine en 1932-1933). Bilan : L idéologie des totalitarismes (et leur mise en application en matière de lutte contre les «ennemis intérieurs») sont différentes. Le fascisme et le nazisme sont des totalitarismes d extrême-droite alors que le stalinisme est un totalitarisme d extrême-gauche. 5

Conclusion Š Le totalitarisme, un concept pluriel Ces trois régimes ont deux points communs. Ils naissent tous trois dans le contexte troublé de l entre-deux-guerres : la Première Guerre mondiale a déstabilisé les sociétés et fragilisé les régimes en place, laissant le champ libre à leur mise en place. De plus, ces régimes ont des pratiques communes : ce sont des dictatures violentes qui rejettent la démocratie qui encadrent de façon très stricte leur société afin de forger un homme nouveau, conforme à l idéologie du régime. Cependant, bien des points distinguent ces trois régimes. Sur le plan idéologique, le fascisme et le nazisme sont des totalitarismes d extrême-droite alors que le stalinisme est un totalitarisme d extrême-gauche. De plus, même s ils usent tous de la violence, ils ne le font pas avec la même vigueur et dans les mêmes buts. Le fascisme réprime surtout les opposants politiques, ce qui est typique d une dictature alors que le stalinisme et le nazisme massacrent en masse (près de 10 millions de victimes du nazisme, près de 20 millions de victimes du stalinisme) Mais là encore, les mobiles sont différents : en URSS, il s agit de détruire des ennemis de classe alors qu en Allemagne, on cherche à éliminer un groupe ethnique, les juifs. 6