Évaluation de la performance du béton projeté

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Évaluation de la performance du béton projeté Louis-Samuel Bolduc 1, Marc Jolin 1, Benoît Bissonnette 1 1 Départment de Génie Civil, Université Laval Québec, QC, Canada, G1K 7P4 T: 418-656-3797; F: 418-656-3355; E: louis-samuel.bolduc@gci.ulaval.ca Résumé Le béton projeté est une technique de mise en place qui est largement utilisée pour le support souterrain, la stabilisation de pente, et la réhabilitation d infrastructures. Lorsqu un béton projeté est spécifié dans un devis, on doit généralement respecter une valeur de résistance à la compression minimale, et une valeur d absorption maximale. Puisque les paramètres qui influencent l absorption d un béton projeté sont mal connus, les concepteurs de mélange de béton projeté ont souvent recourt à un processus de conception parfois itératif et peu économique pour arriver à respecter le critère d absorption maximal spécifié dans les devis. Cet article présente certains résultats tirés du plus récent projet de maîtrise en béton projeté entrepris au CRIB de l Université Laval. Un objectif de ce projet de recherche est de déterminer l influence des différents paramètres de projection et des caractéristiques des mélanges sur l absorption du béton projeté. Ceci permettra l optimisation de la formulation des mélanges puisque les principes de conception actuels sont essentiellement fondés sur la résistance mécanique et sur le rebond. Les résultats démontrent entre autres que la granulométrie initiale du mélange influence le volume de pâte en place, qui a un effet marqué sur l absorption d eau. L article se termine par une discussion sur la pertinence d utiliser l essai d absorption comme critère de durabilité. 1. Historique L apparition du béton projeté remonte à 1907, aux États-Unis. Son inventeur, Carl Ethan Akeley, était naturaliste et taxidermiste au Field Museum of Natural History de Chicago. Alors que le directeur du musée se plaignait de l apparence de son édifice, Akeley a développé une machine pour recouvrir la façade endommagée avec du plâtre de Paris. Cet appareil, alors appelé le Plastergun, consistait à projeter la poudre de plâtre dans une conduite avec de l air comprimé, et à ajouter la quantité d eau nécessaire au bout de la lance. Cette machine, bien que très rudimentaire, constitue la première version du canon à béton projeté. Après y avoir apporté quelques améliorations, Akeley obtint un brevet en 1911 pour son invention : le Cement Gun. Peu après, Akeley a cédé les droits de sa machine à une firme d ingénierie qui a changé de nom pour devenir la Cement Gun Company (Teichert 2002). À cette époque, le matériau utilisé était un mortier (appelé Gunite), constitué seulement de sable et de ciment. Les premières utilisations du béton projeté consistaient principalement à recouvrir les charpentes d acier pour les protéger contre le feu et la corrosion. Dans les années suivantes, le béton projeté est devenu de plus en plus populaire, et ce, dans plusieurs domaines (réparation de bâtiments et de ponts, construction de réservoirs d eau, de barrages et de tunnels, applications en réfractaire). En 1915, le béton projeté est arrivé en Europe, toujours sous la propriété de la Cement Gun Company. Autant le mélange que la 10-1

machine étaient brevetés. Autrement dit, seul le matériau produit avec un authentique Cement Gun pouvait porter le nom de Gunite. Entre 1920 et 1940, la Cement Gun Company a publié plusieurs documents techniques et résultats de recherches concernant leur produit (Yoggy 2000). Après la seconde guerre mondiale, de nombreux changements ont frappé l industrie du béton projeté. Premièrement, de nouveaux appareils de projection ont vu le jour, les premiers changements depuis l apparition du canon original. Ces nouveaux canons ont permis l introduction de granulats grossiers dans les mélanges; faisant passer le matériau du simple mortier au béton. De plus, le béton projeté par voie humide est arrivé au cours des années 1950. Tous ces changements ont certes fait innover le monde du béton projeté, mais ont aussi amené quelques inconvénients. En effet, le matériau développé la Cement Gun Company était bien documenté, et les procédures pour l appliquer bien définies. L arrivée des nouvelles technologies a entrainée une dislocation dans l industrie; chacun faisait comme il voulait. Cet écart a, pendant quelques années, affecté la qualité et la crédibilité du procédé. Il n existait plus de lignes directrices pour produire du béton projeté de qualité (Yoggy 2001). Il a fallu attendre les années 1970 pour observer la «renaissance» du béton projeté. L arrivée de nouveaux équipements dans les années 1960-1970 a permis une plus grande productivité, autant en béton projeté par voie sèche que par voie humide. De plus, la formation du comité 506 par l American Concrete Institute a engendré la publication de plusieurs documents techniques et normatifs. D importantes avancées technologiques ont aussi contribué à l avancement du béton projeté dans les années 1970. Il y a eu l incorporation de fibres d acier, d accélérateurs de prise et de fumée de silice aux mélanges (Yoggy 2002). Au cours des années 1990, d importantes recherches ont été entreprises dans le milieu universitaire; particulièrement à l Université Laval et à la University of British Columbia. Ces recherches ont permis de répondre à de nombreuses questions, entre autres concernant l influence des accélérateurs de prise, l entrainement de l air et la résistance au gel, l influence des ajouts minéraux, la mise en place et le rebond. Plus récemment, des projets entrepris à l Université Laval étaient reliés à l enrobage des barres d acier d armature, et à l aspect pompage/rhéologie du béton projeté par voie humide. 2. Problématique Le béton projeté est aujourd hui une technique très efficace puisqu elle permet la mise en place rapide de matériaux généralement très performants. Toutefois, peu d information est disponible dans la littérature concernant l évaluation de la performance à long terme du béton mis en place par projection. Un outils cependant souvent utilisé dans l'industrie est présenté au Tableau 1; il s'agit de critères qualitatifs suggérés dans une étude de Morgan (1987) permettant de relier la qualité d un béton projeté à son absorption d eau (ASTM C642). 10-2

Tableau 1 Indicateurs de qualité du béton projeté (Morgan, McAskill et al. 1987) Qualité du matériau Volume des vides perméables (%) Absorption d eau (%) Excellent < 14 < 6 Bon 14 17 6 8 Passable 17 19 8 9 Marginal > 19 > 9 Ainsi, lorsqu un béton projeté est spécifié dans un devis, il doit généralement rencontrer une valeur de résistance à la compression minimale, et une valeur d absorption d eau maximale. Toutefois, contrairement à ce qui est souvent véhiculé dans la littérature, il n y a pas de relation directe entre la résistance en compression d un béton et son absorption et malheureusement, les paramètres qui influencent l absorption d un béton projeté sont mal connus. Ainsi, pour respecter le critère d absorption maximale spécifié dans les devis, les concepteurs de mélanges ignorent quels paramètres modifier et il en résulte souvent un processus de conception itératifs et peu économique. Cet article présente quelques résultats tirés du plus récent projet de recherche en béton projeté au Centre de Recherche sur les Infrastructures en Béton de l Université Laval. Ce projet comporte principalement deux objectifs. D abord, il s agit de déterminer l influence des différents paramètres de projection et des caractéristiques des mélanges sur l absorption du béton projeté. Ceci permettra l optimisation de la formulation des mélanges puisque les principes de conception actuels sont essentiellement fondés sur la résistance mécanique et sur le rebond. La seconde partie du travail a comme objectif d étudier la pertinence d utiliser l essai d absorption d eau comme critère de durabilité. Cet article se concentre sur le premier objectif. 3. Campagne expérimentale 3.1 Béton coulé Les premiers mélanges produits dans ce projet sont des bétons malaxés et coulés de façon conventionnelle. Ces mélanges sont coulés et non projetés pour bien contrôler leur composition en place. On doit obligatoirement parler du matériau en place puisqu en béton projeté, les rebonds modifient la composition du mélange après projection. Les paramètres étudiés dans cette partie sont la granulométrie, la quantité de pâte de ciment et la teneur en air. L objectif de cette partie est de déterminer comment ces paramètres influencent l absorption d eau du béton. Pour ce faire, les mélanges présentés dans le tableau 2 ont été produits. 10-3

Mélanges Rapport E/C Tableau 2 Composition des mélanges coulés Ciment Type GU Sable (0-5 mm) Pierre (2.5-10 mm) Eau SP AEA (kg/m 3 ) (kg/m 3 ) (kg/m 3 ) (kg/m 3 ) (ml/m 3 ) (ml/m 3 ) 65/35-500-3 0.40 500 1066 574 200 0 0 65/35-500-13 0.40 500 1066 574 199 0 750 50/50-450-5 0.45 450 809 809 201 1800 0 65/35-450-5 0.45 450 1052 566 201 2700 0 80/20-450-5 0.45 450 1294 323 200 3600 0 65/35-390-5 0.45 390 1133 610 173 4600 0 65/35-450-5 0.45 450 1052 566 201 2700 0 65/35-530-5 0.45 530 945 509 238 1060 0 Le paramètre variable dans les deux premiers mélanges est la teneur en air. Dans les quatre mélanges suivants, la granulométrie est variable et dans les quatre derniers mélanges, le contenu en liant est variable. Le superplastifiant (SP) est ajusté à chaque mélange pour obtenir une maniabilité adéquate. Les propriétés de ces matériaux, à l état frais et durci (28 jours), sont présentées au tableau 3. Tableau 3 Propriétés des matériaux Béton frais Béton durci Mélanges Affaissement ASTM C143 Pourcentage d air ASTM C231 Résistance à la compression ASTM C39 Absorption ASTM C642 RCPT ASTM C1202 (mm) (%) (MPa) (%) (Coulombs) 65/35-500-3 35 3,6 51,7 5,8 4082 65/35-500-13 50 11,5 34,0 6,6 3754 50/50-450-5 200 3,0 42,7 6,5 5664 65/35-450-5 150 5,0 46,7 6,6 6324 80/20-450-5 188 7,0 42,9 6,5 5429 65/35-390-5 60 6,0 42,3 5,7 4709 65/35-450-5 150 5,0 46,7 6,6 6324 65/35-530-5 235 2,0 45,0 7,6 8949 Les résultats de ce tableau permettent d en arriver à quelques observations. La première série d essai permet de conclure que le pourcentage d air n a pas une influence significative sur l absorption du béton. Le mélange à haut volume d air (11,5%) n a une absorption que légèrement supérieure (0,8%) au mélange à faible volume d air (3,6%). Cette faible différence peut être expliquée par le fait que, à pression atmosphérique normale, la saturation des bulles d air entrainé est un processus très lent (Fagerlund 1993). 10-4

Les résultats de la seconde série d essais démontrent que la courbe granulaire a une influence non significative sur l absorption d eau du béton. La figure 1 permet d apprécier graphiquement les résultats d absorption et de RCPT en fonction de la finesse de la granulométrie. Figure 1 Influence de la courbe granulaire La troisième série d essais, dans laquelle on étudie l influence du volume de pâte, démontre qu il existe une relation quasi-linéaire entre l absorption d eau et le volume de pâte. La figure 2 présente la relation entre l absorption d eau et le volume de pâte (gauche), et celle entre la conductivité électrique et le volume de pâte. Figure 2 Influence du volume de pâte 3.2 Béton projeté La seconde partie du projet de recherche comporte plusieurs mélanges qui ont été mis en place par projection, autant avec le procédé sec que le procédé humide. Les mélanges ont été projetés dans la salle de projection du CRIB de l Université Laval. Il s agit d un environnement contrôlé à l intérieur duquel tous les paramètres de projection peuvent être enregistrés (débit d air, débit d eau, température, humidité relative). Les mélanges projetés par voie sèche et humide sont présentés respectivement dans les tableaux 4 et 5. 10-5

Le tableau 4 présente le pourcentage massique de chaque ingrédient (sec) compris dans le mélange avant projection. Tableau 4 Composition des mélanges (Procédé sec) Ciment Fumée Cendres Sable Pierre Mélanges Type GU de silice volantes (0-5 mm) (2.5-10 mm) (%) (%) (%) (%) (%) Référence 19.0 1.9-69.1 10.0 Mortier 10%FS 19.4 1.9-78.7 - Mortier 12%FS 19.0 2.3-78.7 - Mortier 15%FS 18.5 2.8-78.7 - Béton GU 21.0 - - 69.0 10.0 Béton 25%CV 16.8-4.2 69.0 10.0 Tableau 5 Composition des mélanges (Procédé humide) Mélanges Rapport E/L Ciment Fumée Sable Pierre Eau SP Type GU de silice (0-5 mm) (2.5-10 mm) (kg/m 3 ) (kg/m 3 ) (kg/m 3 ) (kg/m 3 ) (kg/m 3 ) (ml/m 3 ) ACI10SF #1 0.40 451 32 1083 600 192 1933 ACI10SF #2 0.50 387 32 1067 591 206 5039 Mortier #1 0.53 435 44 1511 0 250 2274 En béton projeté par voie sèche, l eau est ajoutée à l extrémité de la conduite par le lancier. Il n est donc pas possible a priori de connaître le rapport eau/liant. Ce paramètre est donc évalué a posteriori avec la méthode proposée par Nagi (1994). La figure 3 présente la relation entre l absorption d eau des bétons projetés et leur rapport eau/liant. 10-6

Figure 3 Absorption d eau en fonction du rapport eau/liant Au premier regard, la corrélation entre ces deux paramètres semble assez faible; le nuage de point ne montre pas de tendance définie. Toutefois, en séparant les trois granulométries utilisées dans ce projet, on observe trois courbes de tendances distinctes. D abord, tel que maintes fois rapporté dans la littérature, on observe que l absorption d eau augmente proportionnellement avec le rapport E/L. De plus, en comparaison avec la granulométrie du procédé sec, les mortiers ont des absorptions plus élevés, et la granulométrie du procédé humide mène à des absorptions plus faibles. Il est important de noter que les trois droites représentent les granulométries et non les procédés; les mortiers ont été projetés par voie sèche et par voie humide. Il peut être tentant de conclure que les granulométries influencent l absorption d eau du béton projeté. Toutefois, le graphique de gauche de la figure 1 démontre clairement que la courbe granulaire n a pas d influence sur l absorption du béton. Pour expliquer la différence entre les trois droites, il faut recourir au volume de pâte. En effet, tel qu illustré sur la figure 3, les différentes granulométries entraînent des volumes de pâte en place distincts. Les mortiers entraînent des volumes de pâte plus élevés que les mélanges ayant une granulométrie de béton projeté par voie sèche, qui eux amènent des mélanges ayant plus de pâte que les mélanges projetés par voie humide. En se référant à la figure 2, où l on observe que l absorption est directement reliée au volume de pâte, on peut expliquer la différence entre les trois courbes. Il faut toutefois être prudent avec l analyse de ce graphique. Un observateur nonexpérimenté pourrait conclure qu il faut projeter des mélanges à faible rapport E/L (ou à une consistance dite sèche) pour obtenir un bon matériau in situ. Il en est tout autrement. En effet, il a été observé maintes fois, en pratique et en laboratoire, que le fait de projeter des mélanges ayant une consistance trop sèche entraîne une augmentation marquée du rebond et de la poussière de projection. De plus, les mélanges trop secs rendent difficile l enrobage des aciers d armature, et ils peuvent même entraîner des problèmes de 10-7

compaction. Le graphique ci-dessous présente les rebonds obtenus pour 5 mélanges projetés à une consistance sèche et à une consistance humide. Figure 4 Effet de la consistance de projection sur le rebond (Procédé sec) Tel qu observé dans la littérature, les rebonds sont moins élevés lorsque les mélanges sont projetés avec une consistance plus humide. Les lanciers devraient donc continuer à observer les recommandations de l ACI (2005), c est-à-dire de projeter des mélanges stables, à la consistance la plus humide possible (soit la wettest stable consistency). 4. Discussion Les données présentées jusqu ici dans cet article répondent à la question : Quels paramètres influencent l absorption d eau du béton projeté? Toutefois, une question reste sans réponse : Est-il pertinent d utiliser l essai d absorption d eau comme critère de durabilité? Au cours des deux dernières décennies, des avancements considérables ont été réalisés en matière de durabilité des structures de béton, particulièrement dans le cas de la corrosion engendrée par la pénétration des ions chlorures. Les mécanismes sont aujourd hui mieux connus, et des méthodes expérimentales ont été développées pour estimer l efficacité du béton à résister à la pénétration des chlores. L essai accéléré RCPT (Rapid Chloride Penetration Test, ASTM C1202) est une mesure de conductivité électrique qui est corrélée avec la diffusion des ions chlorures dans les matrices cimentaires. Cet essai permet d estimer la pénétrabilité du matériau. Les critères cidessous sont proposés dans la norme ASTM C1202. 10-8

Tableau 6 Système de classification de la norme ASTM C1202 Charge électrique (Coulombs) Pénétrabilité face aux ions chlorures >4000 Élevée 2000-4000 Modérée 1000-2000 Faible 100-1000 Très faible <100 Négligeable La figure ci-dessous présente la relation entre les résultats de RCPT, et les absorptions de tous les mélanges projetés dans ce projet. Dans le haut du graphique, on retrouve les critères qualitatifs proposés par Morgan (1987), et sur la droite du graphique se trouvent les critères de pénétrabilités proposés de la norme ASTM C1202. Excellent Bon Passable Marginal Ciment seul Élevée Cendres volantes Fumée de silice Modérée Faible Très faible Figure 5 Relation entre RCPT et absorption d eau Le graphique démontre qu il y a une très faible corrélation entre les deux paramètres. De plus, cette figure illustre une certaine incohérence entre les deux systèmes de classifications. Par exemple, les mélanges ayant une pénétrabilité Très faible selon la norme ASTM C1202 peuvent être classés de Marginal à Excellent selon les critères d absorption. Par contre, les mélanges caractérisés comme Excellents en termes d absorption d eau peuvent avoir une pénétrabilité passant de Très faible à Élevée selon la norme ASTM. Les ingénieurs doivent donc être prudents lorsqu ils exigent des critères d absorption dans les devis. 10-9

6. Conclusion Les données générées dans ce projet ont permis, dans un premier temps, d identifier les principaux paramètres qui influencent l absorption du béton projeté. Ces résultats expliquent pourquoi certains mélanges ne rencontrent pas les exigences spécifiées dans les devis. Il s agit donc d outils supplémentaires pour les concepteurs de mélanges. Dans un deuxième temps, l étude a démontré que l essai d absorption est très faiblement corrélé avec l essai RCPT, qui représente mieux le mécanisme diffusionnel par lequel les ions chlorures pénètrent dans les matériaux cimentaires. Plusieurs résultats issus de ce projet de recherche restent à venir. Une analyse beaucoup plus rigoureuse des propriétés de transport a été entreprise, et sera complétée après la dernière phase du projet qui se tiendra à l été 2009. Les données générées contribueront à la prédiction de durée de vie des applications en béton projeté. 7. Remerciements Les auteurs tiennent à remercier le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) pour leur participation financière par le biais de la Chaire industrielle sur la réparation et l'entretien des infrastructures en béton. Les membres de cette chaire sont : le ministère des Transports du Québec, la Ville de Québec, la Ville de Montréal, BASF Construction Systems inc, King Package Materials and Co., Ciment St- Laurent Inc., Lafarge Canada Inc., Euclid Canada, Grace Canada et Hydro-Québec. 8. Références ACI-506R-05 (2005), Guide to Shotcrete, ACI International Fagerlund, G. (1993), The long time water absorption in the air pore structure of concrete, Div. of Building Materials, Lund Institute of Technology Morgan, D.R., McAskill, N., Neill, J. and Duke, N.F. (1987). "Evaluation of silica fume shotcrete", International Workshop on Condensed Silica Fume in Concrete, Montreal. Nagi, M. and Whiting, D. (1994), "Determination of Water Content of Fresh Concrete Using a Microwave Oven", Cement, Concrete and Aggregates, 16(2), 125-131. Teichert, P. (2002), "Carl Akeley - A tribute to the founder of shotcrete", Shotcrete Magazine, 4(3), 10-12. Yoggy, G.D. (2000), "The history of shotcrete: Part 1", Shotcrete Magazine, 2(4), 28-29. Yoggy, G.D. (2001), "The history of shotcrete: Part 2", Shotcrete Magazine, 3(2), 22-23. Yoggy, G.D. (2002), "History of shotcrete: Part 3", Shotcrete Magazine, 4(1), 20-23. 10-10