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S.07.0065.N/2 II. Le moyen de cassation La demanderesse présente un moyen dans sa requête. Dispositions légales violées - articles 6 et 20, 1 et 3, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ; - articles 1 er et 12 de la convention collective de travail du 20 février 1995, conclue au sein la Commission paritaire pour employés de l'industrie chimique, concernant l'accord sectoriel 1995-1996, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 7 août 1995 (M.B. 6 octobre 1995) ; - article 2 de la convention collective de travail du 24 septembre 1993, conclue au sein la Commission paritaire pour employés de l'industrie chimique, relative au barème minimum, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 15 septembre 1994 (M.B. 24 novembre 1994), dans la version applicable antérieurement à sa modification par la convention collective de travail du 4 mai 1999, conclue au sein la Commission paritaire pour employés de l'industrie chimique, relative au barème minimum et aux traitements mensuels, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 26 avril 2000 (M.B. 3 octobre 2000) ; - articles 1 er, 2 et 3 de la convention collective de travail du 4 mai 1999, conclue au sein la Commission paritaire pour employés de l'industrie chimique, relative au traitement minimum des représentants de commerce, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 26 avril 2000 (M.B. 26 septembre 2000), dans la version applicable antérieurement à sa modification par la convention collective de travail du 10 juillet 2001, conclue au sein la Commission paritaire pour employés de l'industrie chimique, relative au traitement minimum des représentants de commerce, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 11 juin 2002 (M.B. 27 juillet 2002) ; - articles 1 er, 2 et 3 de la convention collective de travail du 10 juillet 2001, conclue au sein la Commission paritaire pour employés de l'industrie

S.07.0065.N/3 chimique, relative au traitement minimum des représentants de commerce, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 11 juin 2002 (M.B. 27 juillet 2002) ; - pour autant que de besoin, articles 11, 19 et 31 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires ; - articles 2, plus spécialement alinéa 1 er, et 3 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs ; - articles 1101, 1108, 1128, 1131, 1133 et 1134 du Code civil ; - principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ; - principe général du droit suivant lequel la renonciation à un droit doit être interprétée de manière stricte et ne peut se déduire que de faits ou d'actes qui ne sont susceptibles d'aucune autre interprétation ; - article 141, plus spécialement alinéa 1 er, du Traité instituant (la Communauté européenne), signé à Rome le 25 mars 1957, approuvé par la loi du 2 décembre 1957 (ancien article 119, renuméroté en vertu de l'article 12 du Traité d'amsterdam modifiant le traité sur l'union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes, faits à Amsterdam le 2 octobre 1998, approuvé par la loi du 10 août 1998). Décisions et motifs critiqués Statuant par la décision attaquée sur la demande du défendeur, la cour du travail déclare l'appel du défendeur recevable et fondé et l'appel incident de la demanderesse recevable mais non fondé. En conséquence, la cour du travail infirme le jugement rendu le 27 novembre 2001 par le tribunal du travail et condamne la demanderesse à payer au défendeur une somme de 9.796, 78 euros à titre de frais professionnels, sous déduction de la somme de 2.115, 23 euros et majoration des intérêts. La cour du travail fonde sa décision notamment sur les motifs suivants :

S.07.0065.N/4 «IV. Appréciation. 2. Au fond. En vertu d'une modification apportée à son contrat de travail, (le défendeur) était tenu de supporter personnellement la plus grande partie des frais inhérents à l'exercice de sa profession, tels que les frais de déplacement, de téléphone, de port et de repas nécessaires à l'exécution ou découlant de l'exécution de son contrat de travail. Ces frais sont ordinairement à charge de l'employeur. En effet, par son contrat de travail, le travailleur s'engage en principe à effectuer des prestations de travail moyennant le paiement d'une rémunération et non à mettre à disposition son patrimoine, ses moyens de travail, son outillage et ses moyens de production en vue de l'accomplissement de son travail ( ). En général, ces frais n'incombent pas au travailleur ( ). L'article 20, 1, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail dispose que l'employeur a l'obligation de mettre à disposition l'aide, les instruments et les matières nécessaires à l'accomplissement du travail. Selon l'avis émis par le Conseil d'etat concernant la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, il y a lieu d'entendre par cette disposition : les collaborateurs, l'outillage et les matières premières ( ). La bonne foi avec laquelle les contrats de travail doivent être exécutés incite à une interprétation plus large de la notion et permet de conclure que l'aide de l'employeur s'étend également aux frais découlant de l'exécution du contrat de travail ( ). L'article 20, 1, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail autorise des dérogations à la règle que l'employeur a l'obligation de mettre à disposition l'aide, les instruments et les matières nécessaires à l'accomplissement du travail. La question qui se pose dans ce cas est de savoir s'il y a lieu de suppléer à concurrence de la rémunération barémique la rémunération perçue par un travailleur contractuellement tenu de supporter personnellement les frais inhérents à l'exercice de sa profession par dérogation à l'article 20, 1 er,

S.07.0065.N/5 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail qui, déduction faites des frais litigieux, s'avère inférieure à la rémunération barémique minimum. En effet, en tant que représentant de commerce, (le défendeur) était obligé de visiter les clients de son secteur et de se déplacer fréquemment en voiture, ce qui est fort onéreux. Les autres frais, tels les frais de téléphone, de port et de repas, sont également inhérents à l'exercice de cette fonction. (Le défendeur) allègue que, déduction faite des frais qu'il était tenu de supporter personnellement, il n'a même pas perçu la rémunération barémique minimum. En droit du travail, l'indemnité pour frais inhérents à l'exercice de la profession payée par l'employeur au travailleur qui a personnellement supporté ces frais n'est pas considérée comme une rémunération, dès lors qu'en principe, ces frais n'incombent pas au travailleur et que l'indemnité n'enrichit pas celui-ci. Au contraire, l'absence de remboursement de ces frais entraîne un appauvrissement dans son chef. Il y a lieu d'apprécier in abstracto à qui les frais incombent, à la lumière de ce qui est habituel et raisonnable, indépendamment de toutes clauses contractuelles ( ). Dans la logique de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, cette indemnité est considérée comme une rémunération. En effet, cette loi a pour but d'offrir au travailleur une garantie suffisante en matière de rémunération et de lui permettre de consacrer celle-ci librement à son entretien et à celui de sa famille ( ). Grâce à cette indemnité, le travailleur n'est pas obligé d'affecter son revenu professionnel à des dépenses étrangères à sa subsistance. Cette indemnité lui permet de consacrer à son entretien toutes les sommes et avantages perçus à titre de rémunération. Le travailleur qui paye les frais litigieux de sa poche (alors qu'ils incombent en réalité à l'employeur) et n'est pas indemnisé à cet égard, est dans l'obligation d'affecter la rémunération perçue pour ses prestations de travail au paiement de ces frais, ce qui est contraire à l'esprit de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs.

S.07.0065.N/6 Ainsi, pour parvenir à ses fins, la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs s'étend également aux autres éléments du revenu ( ). Par ce motif également, l'indemnité ne peut être prise en compte lors du calcul de la rémunération barémique lorsque la rémunération brute convenue s'avère inférieure à la rémunération barémique. En effet, le paiement de ces frais imposé au travailleur en violation de l'article 20, 1, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail entraîne un appauvrissement dans son chef. Cette thèse est expressément confirmée dans les commentaires de la convention collective de travail n 43. En conséquence, le travailleur qui, par dérogation à l'article 20, 1, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, est tenu de supporter personnellement les frais inhérents à l'exercice de sa profession et n'est pas indemnisé à cet égard, subit un appauvrissement dès lors que, dans ce cas, il ne peut pas consacrer l'intégralité de sa rémunération à son entretien personnel et à celui de sa famille. Il est tenu d'en affecter une partie ( ) au paiement des frais nécessaires à l'exécution de son contrat de travail. Bien qu'en principe autorisé, le contrat qui, par dérogation à l'article 20, 1, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, met ces frais à charge du travailleur sans prévoir d'indemnité, ne peut avoir pour effet de priver le travailleur de la rémunération barémique minimum prévue par convention collective de travail. Ceci ( ) constituerait une violation des barèmes salariaux minimum prévus par les conventions collective de travail. Par ailleurs, les parties ne peuvent davantage convenir d'une rémunération inférieure à la rémunération minimum fixée par les conventions collectives de travail. En vertu des articles 42 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs et 56 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, qui sont d'ordre public, le fait de ne pas payer la rémunération minimum constitue une infraction. Les parties ne peuvent déroger à cette obligation par voie de convention.

S.07.0065.N/7 Les conventions collectives de travail ont précisément fixé des barèmes salariaux minimum afin, à tout le moins, de garantir au travailleur la perception de cette somme minimum à titre de contre-prestation pour le travail convenu et de lui permettre ainsi de subvenir à ses besoins. Il peut être déduit de la date à laquelle la dérogation à l'article 20, 1, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail a été stipulée, à savoir le 16 août 1995, soit quelques mois après la conclusion de la convention collective de travail du 20 février 1995 au sein la Commission paritaire pour employés de l'industrie chimique qui prévoit une majoration de la rémunération barémique minimum des représentants de commerce, que l'intention de (la demanderesse) était de se soustraire aux dispositions concernant les rémunérations barémiques minimum. Une telle clause, convenue au cours de l'exécution du contrat de travail, n'est pas valable dans la mesure où elle implique une renonciation dans le chef du (défendeur) à la rémunération minimum garantie par convention collective de travail. Ainsi, la demande du (défendeur) tendant au remboursement des frais qu'il a supportés par dérogation à l'article 20, 1, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail à concurrence de la rémunération barémique mensuelle minimum due est en principe fondée. Il est manifeste qu'à l'époque, la société elle-même en était consciente dès lors que, par la lettre du 28 septembre 1998 de son conseil, elle a expressément énoncé que : «(La demanderesse) ne nie pas que l'application de l'accord entre les parties quant à l'intervention dans les frais professionnels ne peut aboutir à ce que le travailleur ne perçoive pas la rémunération barémique». (La demanderesse) a confirmé ces dires par conclusions déposées devant le tribunal du travail. Il apparaît en outre qu'à rémunération égale, les autres représentants de commerce ne sont pas tenus de supporter personnellement les frais inhérents à l'exercice de leur fonction, tels que les frais de voyage et autres, et qu'ils perçoivent à cette fin une indemnité forfaitaire ou disposent d'un

S.07.0065.N/8 véhicule de société, de sorte qu'il y a discrimination entre les représentants de commerce. Ceci est contraire à l'article 119 du Traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne qui impose l'application du principe de l'égalité des rémunérations pour un travail de même valeur, non seulement en matière de salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum mais aussi en ce qui concerne les autres avantages accordés par l'employeur en raison de l'emploi du travailleur. Cette disposition a un effet direct. ( )». Griefs ( ) 2. Deuxième branche 2.1. Le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense interdit notamment au juge de fonder sa décision sur un motif juridique que les parties n'ont pas invoqué et à l'égard duquel elles n'ont pas eu l'occasion de se défendre. 2.2. La cour du travail déclare l'appel du défendeur fondé notamment par les considérations que : - il peut être déduit de la date à laquelle la dérogation à l'article 20, 1, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail a été stipulée, à savoir le 16 août 1995, soit quelques mois après la conclusion de la convention collective de travail du 20 février 1995 au sein la Commission paritaire pour employés de l'industrie chimique qui prévoit une majoration de la rémunération barémique minimum des représentants de commerce, que l'intention de la demanderesse était de se soustraire aux dispositions concernant les rémunérations barémiques minimum.

S.07.0065.N/9 - une telle clause, convenue au cours de l'exécution du contrat de travail, n'est pas valable dans la mesure où elle implique une renonciation dans le chef du défendeur à la rémunération minimum garantie par convention collective de travail. Ainsi, la cour du travail accueille également l'appel et la demande du défendeur tendant à entendre condamner la demanderesse au remboursement des frais professionnels supportés par dérogation à l'article 20, 1, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail à concurrence de la rémunération minimum mensuelle due, par les motifs que : - l'accord entre les parties n'est pas valable à défaut d'objet ou de cause licite, à savoir l'intention de la demanderesse de se soustraire aux rémunérations barémiques minimum, - l'accord entre les parties n'est pas valable dans la mesure où il implique une renonciation dans le chef du défendeur au droit à la rémunération minimum garanti par convention collective de travail. Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que le défendeur n'a pas invoqué les deux motifs sur lesquels la cour du travail fonde sa décision et que les parties n'ont pas conclu à cet égard. En fondant sa décision sur ces deux motifs et en invoquant ceux-ci sans donner à la demanderesse l'occasion de prendre des conclusions à cet égard, la cour du travail méconnaît les droits de défense de la demanderesse (violation du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense). Il découle ensuite du grief invoqué au moyen, en sa première branche, que l'accord des parties en vertu duquel les frais inhérents à l'exécution du travail convenu incombent au défendeur, n'a pas un objet ou une cause illicite et qu'il n'implique pas davantage une renonciation dans le chef du défendeur au droit à la rémunération minimum garantie par les conventions collectives de travail applicables en l'espèce, de sorte que la cour du travail viole également les articles 6 et 20, 1 et 3, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, tous les articles des conventions collectives de travail conclues au sein la Commission paritaire pour employés de l'industrie chimique applicables en l'espèce dont la violation est invoquée en tête du

S.07.0065.N/10 moyen, les articles 1101, 1108, 1128, 1131 et 1133 du Code civil, ainsi que le principe général du droit suivant lequel la renonciation à un droit doit être interprétée de manière stricte et ne peut se déduire que de faits ou d'actes qui ne sont susceptibles d'aucune autre interprétation. ( ) III. La décision de la Cour Quant à la deuxième branche : 1. En vertu de l'article 20, 1, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, l'employeur a l'obligation de faire travailler le travailleur dans les conditions, au temps et au lieu convenus, notamment en mettant à sa disposition, s'il y échet et sauf stipulation contraire, l'aide, les instruments et les matières nécessaires à l'accomplissement du travail. La notion d'instruments porte non seulement sur l'outillage, mais aussi sur les instruments d'autre nature, tels que les frais liés à l'exécution du contrat de travail. En conséquence, les parties au contrat de travail peuvent convenir que les frais liés à l'exécution du contrat de travail qui, en principe, incombent à l'employeur, seront à charge du travailleur. 2. L'accord en vertu duquel les frais litigieux incombent au travailleur ne peut toutefois avoir pour effet qu'après déduction de ces frais, le travailleur ne dispose plus de l'intégralité de la rémunération minimum garantie par les conventions collectives de travail obligatoires. En vertu des articles 42 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs et 56 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires et en violation de l'article 20, 3, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats

S.07.0065.N/11 de travail, le fait de ne pas payer la rémunération minimum constitue une infraction. Ainsi, eu égard notamment à l'article 6 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, les parties ne peuvent, à peine de nullité, déroger à la rémunération minimum due ni au moment de la conclusion ni au cours du contrat de travail. 3. Par le motif reproduit au point 2 de l'arrêt et par le motif que la demanderesse a reconnu ce motif dans une lettre du 28 septembre 1998 et dans les conclusions déposées devant le premier juge, l'arrêt dit pour droit que le défendeur a droit au remboursement des frais qu'il a supportés au cours de l'exécution de son contrat de travail dans la mesure où il a été privé de la rémunération minimum due. 4. Le défendeur a fait valoir dans son acte d'appel et dans ses conclusions d'appel qu'il était tenu d'affecter une partie de sa rémunération au paiement des frais nécessaires à l'exécution de son contrat de travail de sorte qu'il n'a pas disposé de l'intégralité de la rémunération minimum et qu'en conséquence, la clause du contrat de travail en vertu de laquelle tous les frais professionnels lui incombent est inadmissible et constitue une infraction à la convention collective de travail sectorielle dans la mesure où il n'a pas disposé de la rémunération minimum. Ainsi, le défendeur a fait valoir qu'il n'a pu renoncer par contrat à la rémunération minimum ou à une partie de cette rémunération. Dans la mesure où il fait valoir que le défendeur n'a pas invoqué l'impossibilité de renoncer à la rémunération minimum ou à une partie de cette rémunération, le moyen, en cette branche, manque en fait. 5. L'arrêt ne décide pas que l'accord entre les parties «n'est pas valable» à défaut d'objet ou de cause licite. Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait. 6. Le fait que la demanderesse a eu l'intention de se soustraire aux rémunérations barémiques minimum concerne un motif surabondant qui ne fonde pas nécessairement la décision.

S.07.0065.N/12 Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable à défaut d'intérêt. Quant aux première et troisième branches : 7. L'arrêt condamne la demanderesse par les motifs vainement critiqués au moyen, en sa deuxième branche. Le moyen, en ces branches, critique des motifs surabondants qui ne fondent pas nécessairement la décision et, en conséquence, est dénué d'intérêt et, partant, irrecevable. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi ; Condamne la demanderesse aux dépens. ( ) Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Robert Boes, président, le président de section Ernest Waûters, les conseillers Eric Dirix, Alain Smetryns et Koen Mestdagh, et prononcé en audience publique du dix décembre deux mille sept par le président de section Robert Boes, en présence de l avocat général Ria Mortier, avec l assistance du greffier Philippe Van Geem. Traduction établie sous le contrôle du conseiller Philippe Gosseries et transcrite avec l assistance du greffier Jacqueline Pigeolet. Le greffier, Le conseiller,