Décision du Défenseur des droits n MLD

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Décision du Défenseur des droits MLD

Transcription:

Paris, le Décision du Défenseur des droits n MLD 2012-174 Le Défenseur des droits, Vu l article 71-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu la loi organique n 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ; Vu le décret n 2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits ; Vu le code du travail ; Après consultation du collège compétent en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l égalité ; Saisi par Madame D qui s estime victime d une discrimination en raison de son état de grossesse. Décide de présenter les observations suivantes devant la Cour d appel. Le Défenseur des droits Dominique Baudis

Observations devant la Cour d appel présentées dans le cadre de l article 33 de la loi n 2011-333 du 29 mars 2011 1. La haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité a été saisie le 29 juillet 2010 d une réclamation de Madame D relative à son licenciement pour faute grave, qu elle estime fondé sur son état de grossesse. 2. Le Collège de la haute autorité, par délibération n 2011-96 du 4 avril 2011 avait estimé que l association Z avait licencié Madame D pour faute grave, seul motif autorisant le licenciement d une salariée en état de grossesse. La faute grave n étant pas établie, le Collège de la haute autorité avait donc considéré que ce licenciement était discriminatoire. Il avait en conséquence décidé de présenter ses observations devant le Conseil de prud hommes. 3. Depuis le 1 er mai 2011, conformément à l article 44 de la loi organique n 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, «les procédures ouvertes par [ ] la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité [ ] se poursuivent devant le Défenseur des droits». 4. Par jugement en date du 21 mai 2012, le Conseil de prud hommes a déclaré nul le licenciement de la réclamante au motif qu il avait été décidé en raison de son état de grossesse. 5. Le mis en cause a interjeté appel de cette décision. 6. Le 12 janvier 2006, Madame D est engagée sous contrat à durée indéterminée par l association Z, en qualité de Déléguée Régionale, position III de la convention collective nationale du personnel d encadrement des entreprises du paysage. Son embauche correspond à la création de la délégation régionale de l association Z en Région B. 7. L association Z est une organisation professionnelle représentant 20 000 entreprises du paysage et les 80 000 actifs qu elles emploient. Elle compte 28 salariés. 8. Madame D gère un portefeuille de 130 adhérents, professionnels. Par ailleurs, elle assiste les membres élus bénévoles du bureau de la région B, dont le président est Monsieur X. Il convient de préciser qu il n existe pas de lien hiérarchique entre Madame D et les élus de l association Z. 9. Le 7 juin 2010, Madame D annonce sa grossesse à ses supérieurs hiérarchiques, par courriers électroniques et lettre recommandée avec accusé de réception. 10. Le 10 juin 2010, Madame D reçoit en main propre une convocation à un entretien préalable au licenciement assortie d une mise à pied à titre conservatoire. 11. Le 1 er juillet 2010, Madame D est licenciée pour faute grave. 12. A la suite du courrier d instruction de la haute autorité du 5 novembre 2010, l association Z a communiqué le 26 novembre 2010, des documents permettant de procéder à l examen de la réclamation de Madame D. 13. Les qualités professionnelles de Madame D ont été reconnues lors de chacune de ses évaluations annuelles (2007, 2008 et 2009). Toutefois, dans son évaluation au titre de l année 2009, Madame D fait état d un «climat social tendu» et son supérieur estime qu elle «manque d empathie». 14. Par courrier du 25 février 2010, le Délégué général avait reproché à Madame D son comportement agressif en ces termes : «Je désire en revanche par la présente émettre de sérieuses réserves sur votre comportement cette année que je qualifierais d agressif en réunions internes, mais également auprès de vos interlocuteurs régionaux». 15. Madame D avait répondu sur ce point par un courrier du 13 mars 2010 dans lequel elle attribuait la vigueur de certains échanges au climat social troublé. Il convient de préciser qu entre les 1

mois d avril 2009 et avril 2010, l association Z a effectivement connu un climat social perturbé. L une des raisons de ces tensions résidait dans le fait que la direction de l association Z avait tenté, à la faveur d une nouvelle convention collective, de faire passer les délégués régionaux du statut de «cadres» à celui de «techniciens agents de maîtrise», ce que refusaient une partie de ces salariés qui considéraient ce changement de classification comme une rétrogradation. 16. C est le même incident qui donnera lieu aux faits qui conduiront au licenciement pour faute grave de la réclamante en juin 2010. 17. Pour illustrer le mécontentement des élus, l association Z s appuie sur «une dizaine de courriers de plainte dénonçant [son] attitude au travail». Il s agit d un courrier type daté du 14 avril 2010 rédigé par Monsieur X, comme en atteste la signature dactylographiée, et envoyé au Délégué général par plusieurs élus de l association Z qui se sont contentés d apposer leur signature sur ce document. 18. L association Z évoque par ailleurs des courriers individuels d élus adressés au Délégué général entre le 12 avril et le 21 mai 2010 où les élus demandent que des mesures soient prises pour rétablir une ambiance de travail sereine, et certains menacent de démissionner de leurs fonctions. 19. Le projet F est un évènement organisé par l association Z. Madame D a été placée en arrêt maladie peu avant cet évènement, du 22 février au 31 mars 2010. 20. Monsieur X, président bénévole de l association Z région B, estime que Madame D a délibérément nui à l organisation de cet évènement. Il précise avoir été contraint de fracturer l armoire de Madame D pour récupérer les documents nécessaires à l organisation de F (chéquier et carnet d adresses) en raison de la non réponse de cette dernière à ses appels. Or, Madame D conteste ces faits : «Pour rappel encore, j ai répondu à votre unique appel du 22 février après 19 H sur mon portable en transférant les mails demandés en date du 25/02/2010 et 10/03/2010». Elle précise par ailleurs que le chéquier se trouvait dans un tiroir non fermé à clé, et produit des documents démontrant qu elle avait proposé plusieurs fois à Monsieur X de lui donner un chéquier. 21. Il apparaît également que l opération F a été l occasion de différents entre Madame D et Monsieur X concernant le règlement de certaines factures. Il semble cependant que Madame D ne faisait que remplir ses fonctions lorsqu elle demandait des éclaircissements et des justificatifs voire de vérifications à Monsieur X. 22. En dehors des élus de l association Z, le mis en cause ne produit qu un seul courrier d une personne se plaignant de l attitude de Madame D (courrier de Madame W du 31 mai 2010), alors même que Madame D gère un portefeuille de 130 adhérents et travaille avec une quinzaine de partenaires. Il convient de noter que l auteur de l attestation travaille pour une entreprise qui n est ni adhérente, ni partenaire mais uniquement fournisseur. 23. En outre, les 46 attestations d adhérents et partenaires, centres de travail et professionnels du paysage, démontrent la qualité du travail de Madame D et les bonnes relations qu elle entretenait avec ces derniers. 24. Enfin, le mis en cause reproche à Madame D des échanges avec des collègues ou sa hiérarchie dans lesquels elle met en cause la politique de gestion des ressources humaines de l association Z. Cependant, Madame D soulève certaines irrégularités qui ont été reconnues par l association Z comme celle relative à sa rémunération pendant un arrêt maladie. Ces critiques pouvaient donc être considérées comme légitimes. 25. Le Collège de la haute autorité, par délibération n 2011-96 du 4 avril 2011 avait estimé que l association Z avait licencié Madame D pour faute grave pour la seule raison que son état de grossesse interdisait toute autre forme de licenciement. Le Collège de la haute autorité avait donc considéré que ce licenciement était discriminatoire. Il avait en conséquence décidé de présenter ses observations devant le Conseil de prud hommes. 2

26. Par jugement en date du 21 mai 2012, le Conseil de prud hommes a déclaré nul le licenciement de la réclamante au motif qu il avait été décidé en raison de son état de grossesse. 27. L article L.1225-4 du code du travail prohibe le licenciement d une salariée en état de grossesse, sauf en cas de faute grave ou d impossibilité de maintien du contrat pour un motif étranger à la grossesse. 28. Et l article L.1132-1 du code du travail prohibe les discriminations, notamment en raison de l état de grossesse. 29. En vertu de l article L.1132-4 du code du travail, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions de l article L.1132-1 du code du travail est nul. 30. La Cour de Cassation considère que le licenciement d une femme enceinte pour faute grave doit être annulé dès lors que les faits reprochés à la salariée relèvent d une insuffisance professionnelle non fautive ou ne sont pas démontrés (Cass. Soc., 25 septembre 2007, n 05-42166). 31. De plus, la Cour de Cassation considère que «en se déterminant comme elle a fait sans tenir compte de la proximité entre la seconde grossesse de Mme X... et la décision de la licencier, qui découlait des données de fait, et de la lettre d une sociétaire de la Comédie Française, dont le contenu pouvait laisser supposer que la situation de famille de Mme X... avait motivé son licenciement, la cour d appel n a pas donné de base légale à sa décision» (Cass. Soc., 6 janvier 2010, n 08-44117). 32. Dans sa délibération n 2008-282 du 8 décembre 2008 (.32), le Collège de la haute autorité a estimé que : «[ ] le recours par un employeur à la qualification de faute grave pour licencier une salariée enceinte est susceptible de constituer une discrimination dès lors qu il est avéré que l employeur a recouru à cette qualification pour pallier l impossibilité de licencier cette salariée pour insuffisance professionnelle ou pour faute simple.» 33. Dans son arrêt du 29 janvier 2009, la Cour d appel d Orléans a suivi le raisonnement de la haute autorité et jugé nul le licenciement pour faute grave d une salariée dont la grossesse était connue de l employeur, dans la mesure où ce dernier, qui ne pouvait recourir qu à la faute grave pour la licencier, ne prouvait pas suffisamment que sa décision fût justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (CA Orléans, 29 janvier 2009, n n 08-02834). 34. Pour étayer une faute grave, le mis en cause exploite des faits résultant d une situation conflictuelle qui n a jamais donné lieu à sanction. 35. Selon la jurisprudence, un problème relationnel qui n est assorti d aucun refus d obéir à un ordre, d aucune critique publique de l entreprise, ou comportement à caractère violent ou indécent n est pas constitutif d une faute grave. 36. Or le mis en cause admet que le conflit durait depuis plus d une année et qu il n a pris aucune sanction. Or, selon la Cour de cassation, est qualifiée de grave la faute «d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis» (Cass. soc., 26 févr. 1991, n 88-44908). 37. En l espèce, plusieurs semaines et mois se sont écoulés entre la date à laquelle l employeur a été informé des faits et le jour où la réclamante a été mise à pied et convoquée à un entretien préalable au licenciement, le 10 juin 2010. Dans sa réponse au courrier de notification de charges de la haute autorité, le mis en cause précise que le courrier que lui avait adressé un adhérent le 12 mai 2010 «suffirait à démontrer l impossibilité de maintenir Madame D dans ses fonctions». Un mois s est pourtant écoulé entre ce courrier et la réaction de l employeur. 38. La Cour de cassation considère d ailleurs que l employeur ne peut convoquer un salarié à un entretien préalable à son licenciement pour faute grave huit semaines après avoir eu 3

connaissance des faits fautifs, même si le délai de deux mois de prescription des fautes n'est pas expiré (Cass. soc., 16 juin 1998, n 96-42054). 39. De plus, la procédure de licenciement pour faute grave a été initiée à peine trois jours après la connaissance par l association Z de l état de grossesse de Madame D. La concomitance entre ces deux faits est un indice supplémentaire de la prise en compte de l état de grossesse de la réclamante dans la décision de la licencier pour faute grave. 40. Le mis en cause justifie ce fait en affirmant que la décision de licencier Madame D avait été prise avant cette date. Il produit en ce sens un courrier électronique daté du 2 juin 2010 par lequel Monsieur S, délégué général adjoint, demande au conseil de l association Z un courrier de convocation à entretien préalable au licenciement «pour la mise à la signature avant ce soir». 41. Cependant, ce courrier électronique ne fait pas mention de la personne dont le licenciement est envisagé et ne précise pas qu il s agit d un licenciement pour faute grave. Il n est donc pas probant. De plus, alors que l avocat de l association Z a répondu à cette demande en quelques minutes, huit jours se sont écoulés avant que Madame D ne soit effectivement convoquée à un entretien préalable par lettre remise en main propre. Si la salariée visée par cette procédure était bien la réclamante, alors il faudrait en conclure qu un licenciement pour cause réelle et sérieuse était envisagé mais que l association Z a décidé de revenir sur cette décision et de recourir à un licenciement pour faute grave lorsqu elle a appris la grossesse de la réclamante. 42. En conséquence et au vu de ce qui précède, après consultation du collège compétent en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l égalité, le Défenseur des droits : - Considère que l association Z a licencié Madame D pour faute grave pour la seule raison que son état de grossesse interdisait toute autre forme de licenciement. Cette mesure étant contraire aux dispositions de l article L.1132-1 du code du travail ; - Décide de présenter ses observations devant la Cour d appel en vertu de l article 33 de la loi n 2011-333 du 29 mars 2011. 4