Introduction : naissance du marxisme premier mouvement ouvrier s industrialiser deuxième puissance industrielle d Europe

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2Thème 3 : Idéologies et opinions en Europe de la fin du XIXe siècle à nos jours : Socialisme et mouvement ouvrier Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875 Introduction : L Allemagne est le pays de naissance du marxisme. C est là que s organise le premier mouvement ouvrier de l histoire. L Allemagne commence à s industrialiser au milieu du XIX e siècle. Dans les années 1870, elle devient la deuxième puissance industrielle d Europe. L industrialisation entraine un exode rural, le développement des villes et l apparition d une classe ouvrière de plus en plus nombreuse, qui représente déjà un tiers de la population en 1870. Elle connait des conditions de travail très dures, face à un patronat qui s enrichit. C est dans ce contexte que naissent les idées socialistes. Marxisme : Théorie politique fondée par Karl Marx, selon laquelle les prolétaires doivent renverser l ordre social capitaliste bourgeois par une révolution issue de la lutte des classes, afin d organiser une société sans classes sociales. Le but du marxisme est donc de fonder une société égalitaire. Marxisme révolutionnaire : cette idéologie respecte le marxisme tel qu il a été élaboré par Marx : la transformation de la société passe par une révolution, un soulèvement violent du peuple contre la bourgeoisie et l Etat. Dès 1917-1921, le marxisme révolutionnaire allemand s appelle le communisme. Marxisme réformiste : idéologie qui veut aussi une société sans classes sociales, sans passer par la révolution, mais à travers des réformes. Les marxistes réformistes veulent transformer la société dans le cadre démocratique en participant aux élections et en votant des lois sociales. o Entre 1857 et 1917, le marxisme réformiste s appelle la socialdémocratie. 1

o Dès 1917-1921, le marxisme réformiste allemande s appelle le socialisme. Attention : avant 1917-1921, on ne fait pas la différence entre socialisme et communisme. Le marxisme est à la fois du socialisme et du communisme. Syndicalisme : Mouvement de défense des intérêts des travailleurs face aux propriétaires d entreprise et aux décideurs politiques. Ce sont des organisations qui ont pour but de défendre les droits d une profession, d un secteur d activité à travers différents modes d action (grèves, occupations d usines, manifestations, soutien financier aux travailleurs,...). I. La naissance du socialisme en Allemagne (1875-1914) a. Invention et division du marxisme Avec l industrialisation, le nombre d ouvriers augmente rapidement. De plus en plus d intellectuels s intéresse à leurs conditions de vie et de travail, comme les inventeurs du marxisme, Marx et Engels. Ils écrivent en 1848 Le Manifeste du parti communiste, où ils expliquent leur nouvelle idéologie. Dès les années 1860, deux mouvements politiques inspirés par le marxisme s organisent pour défendre les ouvriers : 1. L Association générale des travailleurs allemands (ADAV), créée par Ferdinand Lassalle. Lassalle s inspire de Marx pour développer sa propre version du marxisme, le marxisme réformiste. Il est contre la révolution et veut que les socialistes arrivent au pouvoir par voie démocratique. 2. Le Parti social-démocrate des travailleurs (SDAP), organisation marxiste révolutionnaire. En 1875, lors du congrès de Gotha, l ADAV et la SDAP fusionnent pour créer le premier parti ouvrier d Europe : le Parti socialiste des ouvriers allemands (SAP). Le SAP veut instaurer le socialisme en Allemagne, et l internationalisme dans le monde. Le SAP balance plus du côté des réformistes que des révolutionnaires. Ainsi, dans le programme de Gotha, il y a bien des expressions marxistes («classe capitaliste», «servitudes») mais on ne parle pas de «lutte des classes», ni de «révolution», l avènement du socialisme passe «par tous les moyens légaux». Les syndicats émergent en Allemagne en même temps que le socialisme. Ils sont légalisés en 1869 1. Entre 1890 et 1910, le nombre de travailleurs syndiqués est multiplié par 10! Les syndications se spécialisent par secteurs d activités (métallurgie, mines, imprimerie ). Ils sont de diverses orientations (syndicats chrétiens, divisés entre catholiques et protestants, syndicats socialistes opposés à la religion ) b. Les tensions avec l Empire De 1871 à 1918, l Allemagne est un Empire gouverné par Guillaume II et son chancelier, Bismarck. Cet Empire possède un parlement (Reichstag) élu au suffrage universel mais qui peut être dissout à tout moment par l Empereur et le Chancelier. La démocratie est donc très limitée. 1 C est donc très tôt qu ils sont légalisés en Allemagne. A titre de comparaison, la France ne les légalise qu en 1884. 2

De 1875 à 1917, le marxisme réformiste est appelé la social-démocratie, car il cherche à atteindre le socialisme par les moyens démocratiques (élections, nouvelles lois ). En 1877, lors des élections parlementaires, le SAP reçoit 500'000 voix et donc 12 sièges au Reichstag (sur ~400). Ce premier succès du SAP alarme Bismarck et les libéraux, opposés au marxisme. Bismarck lutte contre le marxisme par deux moyens : 1. En 1878, il établit les lois antisocialistes qui interdisent les organisations socialistes. Le SAP est interdit et ses chefs exilés. 2. Pour éviter que les ouvriers ne deviennent marxistes, il propose luimême des réformes sociales. Il crée un socialisme d Etat. Sans être socialiste, l Etat propose des mesures sociales pour montrer aux ouvriers que le marxisme n est pas la seule solution. Exemples : 1883 : création des caisses d assurance maladie 1889 : loi sur l assurance vieillesse (retraite à 70 ans) Le socialisme d État de Bismarck est un échec : o Les salaires sont diminués pour payer les mesures sociales. Les ouvriers n adhèrent donc pas à ces mesures. o Les ouvriers sont solidaires avec le SAP interdit. Les candidats sociodémocrates se présentent individuellement (sans parti, puisqu il est interdit) et remportent des élections à tous les niveaux. o Bismarck quitte le pouvoir en 1890 et la même année, les lois antisocialistes sont annulées. En 1891, au Congrès d Erfurt, le SAP change de nom. Il devient le Parti social-démocrate (SPD). C est un parti qui est officiellement marxiste réformiste. c. L expansion du socialisme et du syndicalisme Entre 1890 et 1914, le socialisme et le syndicalisme sont de plus en plus importants. Les deux mouvements sont politiquement très proches 2 : o Les dirigeants des syndicats socialistes sont généralement des politiciens socialistes. o Les syndicats optent pour le marxisme réformiste. Ils négocient avec le patronat, proposer des nouvelles lois sociales au Parlement, etc. même si ils continuent à faire des grèves quand nécessaire. o Les syndicats socialistes deviennent plus importants que les syndicats chrétiens ou des autres partis. En 1892, les syndicats socialistes s unifient en créant la Confédération nationale des syndicats, étroitement liée au SPD. Le nombre de grèves et de revendications sociales augmente beaucoup à cette époque. Par exemple, une des grèves les plus connue regroupe 300 000 mineurs dans la région de la Ruhr en 1912. A la fin du XIX e, le SPD devient le parti qui a le plus de sièges au Reichstag. A la veille de la Première Guerre mondiale, il obtient 35% des voix, avec 4 millions d électeurs. Par ailleurs, le SPD est de plus en plus réformiste. Les marxistes révolutionnaires, comme Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht commencent donc à s éloigner du SPD. 2 Ce n est pas le cas en France par exemple où les syndicats sont à cette époque méfiants vis-àvis du parti socialiste 3

II. Les deux guerres mondiales (1914-1945) a. La division en deux du SPD Conformément à la théorie de Marx, les marxistes sont pacifistes. En effet, pour lui, l ennemi du peuple est la bourgeoisie et les patrons. Tous les prolétaires du monde devraient être unis contre cet ennemi commun, en faisant abstraction des divisions entre les Etats. La révolution doit donc être internationale. Dès 1864, les partis et associations de travailleurs du monde entier se réunissent dans des mouvements nommés les Internationales. De 1889 à 1919, c est la II e Internationale qui les regroupe. En 1914, la II e Internationale ordonne à tous les partis socialistes d organiser une grève générale en cas de risque immédiat de conflit mondial, afin d empêcher la guerre. Mais en 1914, en Allemagne comme en France, l approche de la guerre demande un renforcement de l unité nationale. Tous les partis s unissent pour former l Union sacrée. Pour ne pas avoir l air antipatriotique, le SPD les rejoint et se positionne contre la grève générale. En désaccord avec le tournant réformiste et anti-pacifique du SPD, en 1915, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht créent un nouveau mouvement politique pacifiste et marxiste révolutionnaire : la Ligue Spartakiste. La division entre réformistes et révolutionnaires s officialise. Luxembourg et Liebknecht sont emprisonnés pendant la guerre pour pacifisme. Au fil de la guerre, les députés pacifistes du SPD sont exclus du parti. Ils fondent un nouveau parti en 1917, l USPD, et se rapprochent des spartakistes. En novembre 1918, l Allemagne perd la guerre. C est la fin de l Empire de Guillaume II : o Les principaux partis politiques (SPD, libéraux et centre) créent une République parlementaire, la République de Weimar, un régime démocratique et parlementaire. Le SPD y partage donc le pouvoir avec d autres partis. Le chancelier allemand élu en 1918, Ebert, est socialiste. o De leur côté, les spartakistes et l USPD fondent ensemble le Parti communiste allemand (KDP). Ils veulent profiter des désordres d après-guerre pour lancer la révolution communiste. Dès janvier 1919, pour amorcer la révolution, le KPD organise des manifestations et des grèves massives contre la République de Weimar. Pour mettre fin aux soulèvements, Ebert fait appel aux corps francs, c est à dire aux soldats qui rentrent du front. 1500 grévistes sont tués, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassiné. On appelle cet épisode la Semaine Sanglante. Elle marque la rupture définitive entre les marxistes réformistes et révolutionnaires, et la victoire des réformistes. Dès 1917-1921, on appellera communisme le marxisme révolutionnaire, et socialisme le marxisme réformiste. b. Les socialistes et communistes face à la montée du nazisme La II e Internationale est dissoute pendant la Première Guerre mondiale. En 1917, les bolchéviques communistes prennent le pouvoir en Russie, qui devient l URSS. Ils fondent la III e Internationale, commandée par le Parti Communiste d URSS. Cette III e Internationale est révolutionnaire et opposée au réformisme. En Allemagne, le Parti Communiste de l URSS prend le contrôle du KPD dont les principaux chefs ont été assassinés. Le KPD est donc de plus en plus opposé à la social-démocratie du SPD. 4

Le SPD perd beaucoup de partisans après la Semaine Sanglante. Il fait passer une série de réformes sociales (8h/jour de travail, chômage, vote des femmes), qui ne suffisent pas à rétablir sa popularité. Il est donc contraint de s allier avec le parti du centre (Zentrum), proche du capitalisme, pour concurrencer le KPD et la montée du parti national-socialiste (NSDAP) d Adolf Hitler. Ainsi, il s éloigne de plus en plus du socialisme de Marx. En 1929, la crise économique touche violemment l Allemagne. Comme partout, elle favorise la montée des partis extrémistes. o Le SPD reste le parti avec le plus de sièges au Reichstag, mais il perd à nouveau de la popularité. o La crise économique relance la progression du KPD, qui affirme qu elle est la preuve de l échec du capitalisme. En 1930, il monte à 13% des voies puis atteint 16,9 en 1932. De 1928 à 1932, le parti double le nombre de ses électeurs. o Mais ces succès sont faibles par rapport à ceux du NSDAP, le parti nazi. Les nazis accusent le SPD d avoir trahi l Allemagne en signant le traité de Versailles. Ils dénoncent un «coup de poignard dans le dos». Pour eux, le SPD a accepté de signer le traité pour avoir le pouvoir dans la République de Weimar. Le SPD serait aussi responsable de la crise économique car il a accepté de payer de lourdes réparations à Versailles. En 1932, le SPD appelle le KPD à s allier contre les nazis. Mais le KPD, contrôlé par l URSS et anti-réformiste, refuse. Du coup, le parti nazi devient le premier parti au Reichstag en nombre de siège aux élections législatives de 1932 (33% des suffrages, contre 20% au SDP et 13% KPD). En 1933 Hitler est nommé chancelier. La division de la gauche allemande explique donc en partie la prise du pouvoir nazie. c. Répression et résistance Une fois au pouvoir, un des premiers objectifs de Hitler, est d éliminer ses opposants politiques. o Il cherche d abord à se débarrasser des communistes. En février 1933, a lieu un incendie criminel au Reichstag. On ne sait toujours pas aujourd hui si ce sont les communistes ou les nazis qui l ont provoqué. Dans tous les cas, Hitler accuse les communistes, et interdit le KPD. Environ 4000 communistes sont arrêtés. Pour les interner, Hitler crée le premier camp de concentration, celui de Dachau. o En mars 1933, Hitler décrète une loi qui lui assure les pleins pouvoirs. Il peut donc prendre des décisions sans consulter le Parlement. Le SPD et d autres partis s opposent à cette loi. Du coup, en été 1933, tous les autres partis politiques que le parti nazi, dont le SPD, sont interdits. o Hitler interdit également les syndicats. Mais pour s assurer le soutien des travailleurs, il crée un Front allemand du travail. Cet organisme sert à encadrer les ouvriers (1/3 de la population). Il développe les organisations de loisirs pour ouvriers comme la Force par la Joie. Les socialistes et communistes qui parviennent à s enfuir organisent la Résistance allemande : o Le SPD organise la Résistance depuis Londres. o Le KPD organise la Résistance depuis Moscou. A Moscou, un comité national de l Allemagne libre est fondé en 1943 par Walter Ulbricht (KPD). 5

o 70% des tracts interceptés par la Gestapo proviennent du SPD et du KPD. Mais en général, entre 1933 et 1939, les partis socio-démocrates et communistes disparaissent de la scène politique allemande. III. L évolution du socialisme en Allemagne depuis 1945 a. La guerre froide A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l Allemagne est divisée en quatre zones d occupation entre la France, les Etats-Unis, l URSS et la Grande-Bretagne. En 1949, les parties américaines, françaises et anglaises fusionnent, et deux Etats sont créés : la République Démocratique d Allemagne (RDA), insérée au bloc soviétique et la République Fédérale d Allemagne (RFA) au bloc occidental. La RDA : En 1949, le KPD et le SPD fusionnent en RDA pour former le Parti socialiste unifié d Allemagne (SED), dirigé par Walter Ulbricht. Le SED devient à peu près le seul parti politique autorisé en RDA. Le SED participe à l effort de guerre du bloc soviétique : espionnage industriel, opérations militaires, police politique (Stasi) pour surveiller l adhésion de la population au communisme Ulbricht organise l économie de la RDA sur le modèle communiste soviétique : nationalisation des entreprises, collectivisation des terres, planification quinquennale L Etat subventionne le sport, la culture, la santé, l éducation, bref, tout le secteur social. Mais le niveau de vie reste très bas. Des millions d Allemands s enfuient de RDA. Pour les en empêcher, le SED construit le mur de Berlin en 1961. Les grèves sont interdites et fortement réprimées, parfois avec l armée. Le pouvoir communiste crée la Fédération libre des syndicats d Allemagne (FDGB) totalement contrôlée par le SED. Les syndicats servent à contrôler les travailleurs et non plus à les défendre. La RFA : En RFA, le SPD revient sur les devants de la scène politique en 1946. En 1959, a lieu un tournant majeur dans son idéologie au Congrès de Bad Godesberg. Pour mieux se plier à l idéologie du bloc occidental, le SPD abandonne le marxisme. Il se rallie à l économie de marché et à la démocratie libérale, sur le modèle américain. Il continue à s appeler socialisme, même s il ne s oppose plus au capitalisme Ce tournant assure au SPD un électorat nombreux. En 1969, le député du SPD Willy Brandt est élu chancelier. En 1974, un nouveau chancelier du SPD lui succède, Helmut Schmidt. En 1949, le gouvernement crée la Confédération allemande des syndicats (DGB) qui regroupe tous les syndicats. Le DGB est proche du SPD, réformiste et peu marxiste. Il pratique la cogestion, c est-à-dire la négociation permanente entre les patrons et les représentants syndicaux, pour éviter les grèves. Le niveau de vie et les conditions de travail s améliorent en RFA. En 1956, le KDP est interdit car il est jugé trop proche de la RDA. L opposition d extrême gauche se radicalise. Une partie de ses membres crée la 6

bande à Baader, un mouvement terroriste soutenu par la RDA. Mais le communisme de moins en moins d influence sur le monde ouvrier, car dans le cadre des Trente Glorieuses, le modèle capitaliste lui semble être un succès et il accède à la société de consommation. La réunification de l Allemagne : o Dès 1969, Willy Brandt initie l Ostpolitik, une politique qui a pour but la reconnaissance diplomatique mutuelle de la RDA et la RFA. Trois ans après, les deux Allemagnes signent le traité fondamental de 1972 qui officialise cette reconnaissance mutuelle. o Dès 1985, une série de réformes entamées par Gorbatchev allègent la situation de l URSS. Le 6 juillet 1989, à l occasion d un voyage à Berlin, Gorbatchev annonce que l URSS n interviendra plus dans les affaires intérieures de la RDA. o Le SED se retrouve seul face à l opposition qui organise des manifestations anticommunistes («les manifestations du Lundi»). Dépassé, le gouvernement démissionne et annonce la levée de toutes les restrictions de voyage. Cette annonce provoque une ruée vers les postes de passage du mur à Berlin. Sous la pression de la foule, le mur tombe. o Le 3 octobre 1990, l Allemagne est réunifiée. Les communistes disparaissent de l avant-scène politique de la nouvelle Allemagne. Le SED disparaît et la FDGB est dissoute. b. De la réunification à nos jours De 1980 à la fin des années 1990, le communisme, le syndicalisme et le socialisme reculent en Allemagne. o Après la disparition du SED, les militants communistes fondent le Parti du socialisme démocratique (PDS) pour continuer à défendre le marxisme. Mais leur parti est minoritaire, les Allemands sont traumatisés par le communisme. o D une manière générale, le syndicalisme recule fortement (12 millions en 91, 7 millions en 2001!). Le DGB est maintenu, mais en 1996, il renonce définitivement au concept de révolution et lutte des classes. o Le SPD perd aussi du crédit car le socialisme reste associé à l ex-rda. o L Union chrétienne-démocrate d Allemagne (CDU, parti de droite) est pouvoir de 1982 à 1998. Pour remporter les élections de 1998, le SPD s allie avec les Verts. Il lance la stratégie du nouveau centre (Neue Mitte), renonçant définitivement au marxisme. Le socialiste Gerard Schröder, remporte les élections de 1998. Il initie le tournant définitif du SPD vers le néolibéralisme : o Par exemple, en 2002, Schröder lance une série de réformes libérales appelées l Agenda 2010. Le but est de promouvoir la compétitivité des entreprises et des FTN allemandes. L Agenda 2010 est élaboré avec Peter Harz, le directeur de Volkswagen. o Pour favoriser les intérêts des entreprises, l Agenda 2010 propose des mesures de dérèglementation : la protection sociale des travailleurs est réduite, le temps de travail est augmenté. o En 2005, le SPD perd la majorité. Angela Merkel, du CDU est élue chancelière. Elle continue les politiques de libéralisation de Schröder. La 7

frontière entre la gauche et la droite est donc de plus en plus floue en Allemagne, puisque les deux tendances ont adopté le néolibéralisme A cause du tournant libéral du SPD, de nombreux politiciens de gauche quittent le parti et adhèrent au PDS. Dans les années 2000, le PDS s allie avec des petits partis de gauche pour fonder en 2007 le parti Die Linke, la Gauche. Ce parti possède en moyenne 12% des voix. Il dénonce le fait que le SPD est clairement au centre, malgré son nom de «socialiste» et plus à gauche 3. 3 On retrouve un mouvement similaire en France, avec le départ de Jean-Luc Mélenchon du PS pour créer le Parti de gauche, qui s unira avec le PC pour fonder le Front de Gauche. 8