LES ENTREPRISES CHINOISES A LA CONQUETE DU MONDE SOMMAIRE



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1

LES ENTREPRISES CHINOISES A LA CONQUETE DU MONDE SOMMAIRE Introduction : La Chine, nouveau géant 7 Chapitres 1. L internationalisation des firmes chinoises : une affaire d Etat? 9 1.1. Ces entreprises qui viennent du froid 1.2 L Etat et les entreprises main dans la main 1.3 L obsession des «champions nationaux» 1.4 Des flux d investissement croissants, difficiles à saisir 1.5 Où, pourquoi, comment? 1.6 Quelles stratégies? Page 2. Sortir du marché intérieur chinois : les stratégies de développement organique 23 2.1 La nouvelle frontière des entreprises chinoises 2.2 Stratégies de développement et leviers d'action 2.3 Succès et lacunes du modèle actuel 3. Une difficile courbe d apprentissage : les stratégies de fusion-acquisition 41 3.1 Acquérir des actifs stratégiques 3.2 Comment ces entreprises opèrent 3.3 Un bilan contrasté, mais une construction d expérience 4. La recherche de partenariats globaux 55 4.1 Un outil stratégique essentiel pour les entreprises chinoises 4.2 Un secteur particulièrement concerné : l industrie automobile 4.3 Des coopérations souvent difficiles et temporaires 5. Tous azimuts : les stratégies d accès aux matières premières et énergétiques 65 5.1 Etat d urgence 5.2 Une nouvelle géopolitique des ressources 5.3 Les défis d une soif dévorante 6. Effervescence dans la sphère financière 77 6.1 L importance de l autofinancement 6.2 Un système de financement contrôlé par l Etat 6.3 La percée sur les marchés financiers 7. La Chine en Afrique : invasion ou effet d optique? 91 7.1 L Afrique, nouvelle frontière de la Chine 7.2 Les intérêts chinois en Afrique 7.3 Le soutien politique et financier de Pékin Annexes 105 Présentation de 9 grandes entreprises chinoises Sources documentaires 2

ENTREPRISES CHINOISES MENTIONNEES DANS L ETUDE Agricultural Bank of China (ABC) Banque publique Fanerdun Group Conglomérat Air China Transport aérien Galanz Produits blancs Bank of China (BOC) Banque publique Geely Automobile Beijing Chang Cheng Construction BTP Great Wall Motor Automobile Bird Equipementier télécom Haier Produits blancs Blue Star Chimie Hisense Electronique grand public BOE Semiconducteurs Huapeng Biens d équipement Brilliance Automobile Huawei Télécom BYD Fabricant de batteries Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) Banque publique CBMI Contruction Cimenterie Jiangling Motors Automobile Chalco Aluminium Lenovo PC Chalkis Fournisseur de concentré LinkGlobal Logistics Transport logistique Chambishi Mining Mines Midea Produits blancs Chery Automobile Minmetals Métaux/Mines China Bak Battery Inc. Batteries d ordinateur portable et de téléphones mobiles Nanjing Automobile Equipementier automobile China Construction Bank Banque publique Ningbo Bird Téléphones portables China Development Bank Banque publique Norinco (China North Industry Corporation) China Eastern Airlines Transport aérien PEARL RIVER PIANO Group Pianos d'entrée de gamme Armes China Electronics Corp (CEC) PetroChina Pétrole/gaz China Exim Bank Banque publique PolyTech Industries Armes China International Fund Limited BTP SAIC Automobile China International Marine Containers Group (CIMC) Conteneurs maritimes Shanghai Baosteel Acier China Merchant Ship Navigation Shanghai Jingmin Biens d équipement China Mobile Téléphonie mobile Shanghai Shanda Fournisseur de jeux en ligne China National Blue Star Alimentation Shenyang Machine Tool Machines-outils China National Chemical Corp. Chimie Shinco DVD China National Nuclear Corporation Nucléaire Sinochem Pétrole/gaz : trading China National Petroleum (CNPC) Pétrole/gaz SinoHydro BTP China Netcom Téléphonie fixe Sinopec Raffinage/ pétrochimie China Overseas Engineering Ouvrages hydroélectriques Skyworth Electronique grand public China Railway Construction Corporation (CRCC) China Shipbuilding Industry Group BTP SMIC Semiconducteurs Construction de navires TCL PC China Southern Airlines Compagnie aérienne TCL PC Chinca Bureau d'ingénierie TECHTRONICS Industries Co Outillage électrique CHUNLAN Climatiseurs Tianli Construction BTP Citic Conglomérat Transtec Engineering BTP (tunnels, chemins de fer) CNOOC CNPC Pétrole/gaz : exploration /production offshore Pétrole/gaz : exploration /production onshore Tsingtao Wanxiang Bières Cosco Logistique Yanzhou Coal Charbon Dalian Machine Tool Biens d équipement ZTE Télécom Equipementier automobile 3

INTRODUCTION LA CHINE, NOUVEAU GEANT Il y a vingt ans, l économie chinoise n était rien, ou si peu : son PIB s élevait à 350 Md. USD - celui de Taïwan aujourd hui - et ses échanges commerciaux à 50 Md. USD, en quasi autarcie. Aujourd hui, la Chine joue dans le groupe des quatre premières économies mondiales, avec un PIB qui sera en 2007 de 3 200 Md. USD - loin devant la France et pratiquement à parité avec l Allemagne - et 1 200 Md. USD d exportations, le double de la France. Ses excédents défrayent la chronique : elle dispose aujourd hui d une colossale marge de manœuvre de 1 300 Md. USD de réserves de change. Dans le même temps, une population majoritairement paysanne a muté, migré, progressé. Hier, tout le monde était pauvre, dans une grande et lancinante égalité. On recense aujourd hui une classe moyenne urbanisée de 400 millions de personnes, dont 100 millions sont déjà raisonnablement aisés. Saisis d une frénésie de consommation, les Chinois ont acheté 5 millions de voitures l an dernier. Ils disposent de 450 millions de téléphones portables. L Etat a construit 7 000 km d autoroutes l année dernière. Le tout à l avenant. La Chine est maintenant un pays ouvert, qui attire massivement les investisseurs étrangers, comme en témoigne la ruée de nos entreprises occidentales. Les investissements directs étrangers battent des records : 300 Md. USD en cinq ans, 65 Md. USD en 2007. Hors investissements de portefeuille, c est une performance mondiale inégalée. Le développement chinois est également dévoreur d énergie et de matières premières, dont la Chine est très inégalement dotée. Va pour le charbon ou le ciment, que le pays peut produire à loisir en puisant dans son sous-sol. Mais pour le cuivre, le nickel, le fer, et surtout le pétrole ou le gaz, il en va tout autrement. Déjà la Chine a dépassé le Japon en 2002 comme deuxième importateur mondial de pétrole. En 2006, elle en a consommé 7 millions de barils et importé 4 millions par jour. A ce train, elle devrait importer 10 M. b/j en 2010. Nulle surprise donc si les grandes manœuvres chinoises en Afrique, au Moyen Orient, en Australie, en Asie Centrale, en Sibérie ou en Amérique Latine ont déjà commencé avec une intensité chaque jour croissante. A mesure de son développement sont apparues des entreprises dynamiques, publiques ou privées, qui sont en passe de devenir des multinationales. Des noms ou des marques chinoises, hier inconnues, commencent à nous devenir familières : Haier, Huawei, Galanz, ZTE Comme des coups de tonnerre dans un club serein de multinationales établies - en grande partie occidentales - les acquisitions de la division PC d IBM par Lenovo, ou celle des téléviseurs de Thomson par TCL ont défrayé la chronique récente. On s est soudain aperçu que la Chine n était pas qu un marché émergent quelconque. Petits joueurs, diront les blasés des grandes fusions et acquisitions lorsqu ils comparent le montant de ces transactions avec les affaires Eon/Endesa (71 Md. USD), Mittal/Arcelor (39 Md. USD), ou ATT/Bell South (89 Md. USD)? Voire. Lorsque, à l été 2005, la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) met 18,5 Md. USD sur la table pour racheter Unocal, le curseur s est déplacé d un cran, même si l affaire tournera court. Lorsque la Bank of China lève à la bourse de Hong Kong 11 Md. USD en mai 2006, et sa sœur la ICBC fait de même pour 22 Md. USD en novembre de la même année, on a du mal à faire la fine bouche. Lorsque l Etat chinois puise 200 Md. USD dans ses gigantesques réserves de change en avril 2007 et en dote un nouveau fond destiné à faire des emplettes à l étranger, on change brutalement de dimension. En embuscade, y aura-t-il les Toyota ou les Samsung chinois de demain pour nous surprendre également? Notre traditionnel axe africain nord-sud va-t-il se siniser à vive allure? Les champions nationaux chinois sont-ils des partenaires, des concurrents ou les deux à la fois pour nos entreprises? Quelles stratégies mènent-ils, avec quels ressorts? Voici les questions nouvelles et intéressantes qu aborde cette étude. 4

EXTRAITS CHAPITRE 3 UNE DIFFICILE COURBE D APPRENTISSAGE : LES STRATEGIES DE FUSION-ACQUISITION Les opérations de fusion-acquisition (M&A) des entreprises chinoises ont fortement augmenté ces dernières années pour supplanter en valeur les opérations d investissement greenfield. Ainsi le nombre d opérations M&A est passé de 53 (avec une valeur globale de 3,8 Md. USD) en 2004 à 103 (pour 20,7 Md. USD) en 2006 selon l agence Dealogic. Les M&A sont souvent considérées comme une nécessité par les entreprises, dictées par une compétition mondiale très rude. Ces dernières ne disposeraient pas de temps pour croître de façon naturelle et devraient alors «brûler les étapes» par le biais des M&A. De fait, le nombre et la valeur des opérations n ont fait que progresser depuis quelques années. Valeurs des opérations (Mds USD) 16 14 12 10 8 6 4 2 0 1990 1991 Les acquisitions chinoises hors de Chine (hors Hong Kong) 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 Montant total des opérations (Mds USD) Source : Thomson Financial 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Nombre d'opérations Jusqu à présent, les acquisitions à l étranger annoncées en fanfare n ont donné lieu qu à des succès mitigés qui tiennent essentiellement au manque d expérience, au mode de management et à la nature des entreprises ciblées souvent en perte de vitesse sur leur marché. La qualité des actifs acquis ne correspond pas toujours aux exigences des consommateurs - du moins sur les marchés matures - de même que la technologie parfois obsolète : c est le cas des téléphones qu Alcatel a cédés à TCL et qui souffrent de la concurrence de Nokia ou Motorola ; ou encore des téléviseurs Thomson de bas de gamme, cédés au même TCL, qui ne sont pas compétitifs face aux téléviseurs Sony ou Samsung. 120 100 80 60 40 20 0 Nombre d'opérations 5

3.1 Acquérir des actifs stratégiques 3.1.1 Marques et savoir-faire marketing Construire une marque internationalement reconnue nécessite d investir des sommes considérables dans la publicité sur plusieurs années. Les firmes chinoises les plus avancées dans leur internationalisation ont bien compris que remonter vers des activités à plus forte valeur ajoutée allait de pair avec une meilleure notoriété de leur marque (avantage compétitif le plus cité par les dirigeants chinois dans un sondage The Economist Intelligence Unit 2005). L acquisition de marques étrangères leur semble pour cela intéressante à plus d un titre. Elle constitue le moyen le plus rapide de gagner cette notoriété qui leur fait tant défaut. Son coût et sa complexité sont bien inférieurs à ceux d un développement en propre. Et dans certains cas, elle permet de modifier son positionnement - pour monter en gamme - ou de l élargir- en termes de zones géographiques, types de clientèle Quelques exemples d'opérations en 2006 et 2007 Bank of China (BOC) / Singapore Aircraft Leasing : L opération a été conclue, fin 2006, pour un montant de 965 M. USD. Cette acquisition verticale va permettre à BOC de développer une nouvelle expertise et de renforcer ses liens avec l industrie aéronautique. Il devient aussi l acteur asiatique N 1 du leasing aéronautique. Cette opération est aussi stratégique du point de vue de Singapore Aircraft Leasing car elle lui permet d avoir un accès privilégié au marché aéronautique chinois, dont la croissance devrait être exponentielle dans les années à venir. China Mobile Communication / Paktel : La maison mère de China Mobile a fini par conclure, en janvier 2007, la première acquisition à l international du groupe, après que sa fille ait essuyé un certain nombre d échecs (PTCL en 2005, Millicom en 2006). L opération reste modeste (460 M. USD), Paktel possédant une base de consommateur 230 fois plus petite que China Mobile. Néanmoins la reprise d un opérateur pakistanais devrait pouvoir permettre l échange de meilleures pratiques, accroître l influence de la Chine dans cette région et s implanter sur un marché en pleine expansion... China Electronics Corp (CEC) / Philips (branche «Téléphonie Mobile») : Le groupe néerlandais Philips a cédé son activité, en février 2007, pour une valeur d entreprise de près de 420 M. USD. Cette opération fait partie d une série de reprises (peu concluantes) dans le secteur de la téléphonie mobile (Siemens-BenQ, TCL-Alcatel ). Dans ce cas précis, CEC était déjà le principal sous-traitant de Philips sur ce secteur, ce qui assimile davantage cette opération à une croissance verticale (remonté de filière) qu à un simple rachat de marque par un concurrent. Ce type d opérations n est cependant pas garanti de succès. Les entreprises occidentales renommées (type IBM, Thomson) ne cèdent généralement certains actifs (comme une marque) qu avec un certain nombre de passifs (endettement, mais surtout positionnement concurrentiel très tendu), qui ont mené à des échecs financiers patents (TCL pour Alcatel et Thomson). Cela n a cependant pas empêché, en février 2007, China Electronics Corp (CEC) de racheter la branche «Téléphonie Mobile» du groupe néerlandais Philips pour une valeur d entreprise de près de 420 M. USD. CEC était alors son principal fournisseur de combinés. Les termes de l accord prévoient que CEC pourra conserver l usage de la marque Philips dans les cinq prochaines années et récupérera également la marque Xenium. Le phénomène ne se limite pas uniquement à quelques opérations très médiatisées autour d IBM, Alcatel ou Philips. Des PME peuvent elles-aussi adopter un raisonnement similaire certes, à plus petite échelle. Ce qui est sûr, c est que les premières grosses acquisitions de sociétés occidentales par des industriels chinois 6

ont accru la notoriété mondiale de ces derniers en un temps record, et bien au-delà de la portée de la marque rachetée. Même les opérations ratées contribuent à faire connaître les sociétés chinoises à travers le monde. L'acquisition d'une société pour récupérer sa marque n'est pas la seule méthode employée par les Chinois pour se faire connaître hors de leurs frontières. Certains groupes ont préféré s'associer à des leaders mondiaux afin de faire profiter leurs gammes de produits de la notoriété de leur partenaire étranger. De nouvelles formes de partenariat, courantes dans les pays développés, commencent à voir le jour (voir chapitre 4). Outre le gain de notoriété, les entreprises chinoises qui rachètent une société étrangère cherchent aussi à s'approprier son savoir-faire marketing afin de mieux maîtriser le développement de leur propre marque. Certaines opérations comportent les droits d'usage de la marque rachetée pendant une période prédéfinie et la possibilité pour l acteur chinois d imposer in fine son propre nom. Le rachat d'une marque étrangère n'est alors qu'une phase transitoire devant permettre au groupe chinois d'acquérir de l'expérience sur le plan international et d'accéder à un début de notoriété. 3.1.2 Technologies et actifs productifs Les PDG chinois ont bien compris que l'innovation constituait une nécessité, sinon une obligation, pour survivre dans un monde de plus en plus concurrentiel. Ils veulent sortir du schéma OEM (Original Equipment Manufacturer) dans lequel l'essentiel de la valeur ajoutée serait capturée par les firmes étrangères. Dans ce but, certains ont choisi d acheter des sociétés étrangères plutôt que de développer leurs propres capacités technologiques et managériales. Dans certaines opérations de rachat, l acteur chinois cherche donc à mettre la main sur des actifs productifs et des process industriels, soit pour se les approprier en l'état, soit pour en extraire le savoir-faire et le délocaliser ensuite en Chine. La reprise de MG Rover par Nanjing Automobile (en 2005 pour plus de 100 M. USD) relève de cette logique, tout comme les nombreuses acquisitions effectuées dans les machines-outils en Allemagne. Il est d ailleurs intéressant de noter que l expansion internationale a un lien avec le décollage du marché domestique. A titre d exemple, le marché automobile : en 2006, la Chine est devenue le second marché automobile avec 7 millions de véhicules particuliers et utilitaires vendus. Autre exemple dans un secteur porteur, l aéronautique : la reprise de certains sites ou sous-traitants d Airbus par un constructeur chinois semble sérieusement envisagée, ce qui correspondrait parfaitement à l intention du gouvernement chinois de mettre en place une véritable industrie aéronautique nationale. On en a un avant goût avec la forte pression des autorités chinoises sur Airbus pour ouvrir une chaîne de montage d A320 à Tianjin en 2008, opération qui est en cours. Le secteur là-aussi n est pas choisi au hasard quand on sait que d ici à 2020, la Chine devrait devenir le deuxième plus grand marché mondial d aviation civile et qu en 2006, 40% des nouvelles commandes d avions provenaient d Asie. Dans ce contexte, le 7

gouvernement chinois a indiqué le 19 mars 2007 avoir donné son feu vert au programme de fabrication d'un avion gros-porteur par le constructeur AVIC. Cet appareil serait susceptible de transporter plus de 150 passagers et de contester le duopole d Airbus et Boeing sur ce segment du marché des gros porteurs. Les secteurs ciblés dans le cadre de cette stratégie ne sont donc en aucun cas le fruit du hasard, même si sa mise en œuvre peut paraître souvent très opportuniste. D autres industriels chinois, en rachetant des actifs industriels étrangers, cherchent aussi à améliorer leur productivité, encore très insuffisante dans certains secteurs, à contourner des restrictions anti-dumping ou à diminuer les coûts de transport comme dans le textile ou l automobile. 3.1.3 Réseaux de distribution La stratégie de M&A peut aussi se révéler pertinente dans un autre contexte. Elle favorise l acquisition de positions concurrentielles dans les secteurs où les barrières à l'entrée sont fortes et sur lesquels la pénétration du marché en propre serait beaucoup plus coûteuse Encore faut-il avoir les reins assez solides pour relancer une activité, car les actifs cédés sont parfois dans une situation préoccupante. Etablir un réseau de commercialisation représente une bonne alternative à une implantation sur place complète (qui inclut l appareil de production) ou au rachat d un concurrent, en particulier pour les groupes chinois dont la faible assise financière leur impose une flexibilité limitée. Dans ce cas, racheter une société étrangère possédant un tel réseau constitue le moyen le plus rapide et le plus sûr pour acquérir un portefeuille de clients ou un référencement dans les circuits de distribution locaux. C'est notamment l'objectif poursuivi par de nombreuses firmes chinoises qui rachètent des PME allemandes dans la machine-outil ou l'électronique. Au-delà des contrats et des relations commerciales, l'intérêt des opérations de M&A dans les réseaux de distribution consiste également, dans certains cas, à récupérer des équipes commerciales et marketing compétentes. 3.1.4 Toujours en quête de parts de marché Néanmoins, la majorité des opérations, moins médiatiques, se font en Asie, principalement dans un souci de gain rapide de parts de marché. Cette tendance s est renforcée en 2006 et 2007 pour diverses raisons : les difficultés rencontrées lors de M&A avec des sociétés occidentales (problèmes d intégration, échecs de M&A, etc.), souvent relayées par la presse ; le traumatisme de l échec de l opération CNOOC-Unocal en 2005 ; et enfin, problème majeur, les écarts salariaux entre les dirigeants chinois et occidentaux. Par conséquent, les entreprises chinoises, notamment lorsqu elles n ont pas un soutien explicite du gouvernement, préfèrent se lancer dans des acquisitions moins périlleuses ou moins coûteuses dans les pays en développement de l Asie du sud-est. Elles profitent entre autres des liens avec la diaspora mais aussi de la plus grande proximité culturelle et linguistique. Il s agit enfin pour beaucoup d entreprises d un terrain d essai avant de se lancer dans des opérations de plus grandes envergures, un peu dans la logique 8

des investissements greenfield. Ainsi, le rachat de Paktel par China Mobile devrait lui permettre de trouver un relais de croissance, mais surtout lui permettre d expérimenter l intégration d une entreprise étrangère. De leur côté, les pays du sud-est asiatique acceptent généralement mieux les acquisitions chinoises. D une part, ils sont ravis de pouvoir participer à la croissance chinoise (exemple Bank of China / Singapore Aircraft Leasing), de l autre, ils se montrent moins «exigeants» que les pays occidentaux en terme de législations du travail ou de respect de la propriété intellectuelle. 9

L opération Chalkis/Le Cabanon En 2004, une société de la province du Xinjiang, Chalkis, a acquis la société Le Cabanon (dans la région d Avignon), alors en difficultés, dans le but déclaré de conquérir le marché européen du concentré de tomates (acquisition de la marque et du réseau de distribution, apprentissage de l international). Séduit par la coopérative locale, le groupe chinois ne fait aucun audit sur la société Le Cabanon et acquière dans un premier temps 55% des parts de Le Cabanon pour environ 9,7 M. USD. Aucun changement n est entrepris et rapidement Chalkis est confronté à un certain de nombre de problèmes dont certains étaient déjà existants au moment du rachat - remettant en cause le succès de l'investissement à court terme : Mauvaise évaluation de la situation initiale : difficultés financières et opérationnelles/commerciales de la société rachetée sous-estimées, infrastructures et équipes vieillissantes (dans un contexte de baisse du prix de la tomate) ; Problèmes culturels et relationnels : réactions négatives dans la région quant à l'implantation chinoise, difficultés linguistiques, attente de réductions tarifaires des clients (selon le raisonnement que les sociétés chinoises sont toujours capables de baisser les prix) ; Problèmes sociaux et législatifs : lourdeur administrative, droit du travail contraignant (35h, licenciements ). Après une injection régulière de capitaux (au total, Chalkis a investi 18 M. USD) - obtenus en partie grâce à des prêts bancaires chinois négociés par des amitiés locales de Chalkis (taux d intérêts nuls, remboursement au bout de dix ans etc.) -, l acquisition de 100% des parts de Le Cabanon par la société chinoise et la mise en place d un plan de relance, la situation de l entreprise française ne s est pas améliorée. En mars 2007, les banques françaises bloquent les comptes de l entreprise. A partir de cette date, un nouveau manager venu du Xinjiang - sans aucune expérience de la France est parachuté à la tête de Le Cabanon et ajoute à la confusion. Actuellement, le Cabanon est en dépôt de bilan, géré par un mandataire de justice et une prochaine audience devrait décider du sort de cette entreprise. Bref, une acquisition menée «à la chinoise» qui aurait surtout servi à valoriser auprès des autorités chinoises l expansion internationale de Chalkis et à en financer une partie. 10