L ABCD de l alimentation des petits mammifères Charly Pignon, DVM, Dip ECZM (Small Mammal) Chef du Service NAC d Alfort Ecole Nationale Vétérinaire d Alfort 7 Avenue du Général de Gaulle 94700 Maisons-Alfort Les petits mammifères regroupent un grand nombre d espèces au régime alimentaire varié. Malheureusement il existe encore beaucoup de méconnaissances des propriétaires concernant ces notions de bases essentielles au bienêtre de leurs animaux. Ces erreurs ont pour conséquences des pathologies qui peuvent conduire au décès de ces derniers. Une bonne maitrise des bases de l alimentation permettra au praticien de conseiller les propriétaires, modifier les régimes inadaptés, et prévenir des pathologies d origines nutritionnelles. I) Le Furet Le furet est un carnivore. L anatomie de son appareil digestif est encore plus simplifiée que celle du chat, ce qui explique des besoins nutritionnels spécifiques. A) Formule alimentaire Le furet a un besoin en énergie 5 fois plus élevé que le chat (soit 200 300 kcal EM/J). La régulation de la prise alimentaire se fait en fonction de l apport énergétique. Dans la ration, il lui faut 40 à 50% de protéines et 20 à 30% de lipides. A l inverse, il lui faut le moins de fibres possible (maximum 1%) et peu de glucides. B) Protéines (35-55%) C est l élément le plus important, car les besoins du furet sont plus élevés que ceux des autres mammifères. Les apports en protéines doivent se faire en grande quantité, et surtout, elles doivent être de bonne qualité. Les éléments à prendre en compte sont la concentration énergétique de la ration, et surtout la composition en acides aminés et la digestibilité des protéines. Il est important de guarantir la présence en acides aminés essentiels. Pour couvrir les besoins en acides aminés essentiels du furet, il faut un apport en méthionine, arginine et taurine suffisant. Les protéines doivent avoir une haute digestibilité et être d origine animale. De plus, les sous-produits animaux conviennent mal au furet, car il ne peut pas digérer le collagène par exemple. B) Lipides (18-30%) Ils constituent la source principale d énergie, et ont une digestibilité de 97%. L avantage des triglycérides est qu ils permettent d augmenter l appétence de la ration. Comme tous les carnivores, une source en acide gras essentiels est nécessaire (avec un équilibre oméga 3 / oméga 6). Les graisses de volailles sont une bonne source de lipides par exemple.
C) Glucides Les glucides ne doivent être incorporés qu à faible taux : maximum 8%. En effet, les besoins du furet en glucide sont très faibles. Les furets ont en outre une très bonne néoglucogenèse qui leur permet de maintenir la glycémie. Quant aux fibres, il en faut 1% au maximum car les furets ne les digèrent pas du tout : elles leur causent des diarrhées. D) Minéraux Les recommandations en minéraux sont les suivantes : Calcium : 0,4-1% Phosphore : 0,4-0,8% Sodium : 195-360 mg/kg/j Potassium : 285-490 mg/kg/j Iode : 3-5 ppm Le rapport phosphocalcique est primordial, il doit être de 1/1 pour éviter les problèmes rénaux. F) En pratique 1) Aliment industriel L essentiel est de bien étudier la composition. L alimentation industrielle bas de gamme n est pas du tout adaptée au furet. Il est important de faire attention à la qualité des protéines et aux excès de fibres. D un point de vue quantité, le furet consomme 20 à 40g/kg/jour de croquettes. Il ingère la nourriture en petite quantité tout au long de la journée, donc l aliment doit rester disponible en permanence. 2) BARF (ou ration ménagère) Elle concerne peu de propriétaires car elle exige du temps de cuisine. Cette ration doit comporter 80-85% de viande, 10-15% d os et 5-10% d abats. Il est nécessaire d apporter un complément phosphocalcique. 3) Proies entières Certains propriétaires aiment donner des proies entières (rats, souris, poussins). Ce type d alimentation peut favoriser la transmission de pathogènes (Salmonelles sp, E. coli, Campylobacter). On estime à 150g/kg/j la quantité de proie entière à donner au furet. 4) Friandises Il faut se méfier des friandises industrielles, car elles sont riches en sucres. Les fruits secs, pâtisseries et pâtes sont à proscrire. On peut à l inverse conseiller des morceaux de viande crue ou séchée et des jaunes d œuf. II) Le lapin Le lapin est un herbivore à fermentation caecale capable de caecotrophie. A) Les fibres (16-25%)
C est la part la plus importante de l alimentation du lapin. Elles sont nécessaires à l usure des dents car elles obligent l animal à faire des mouvements de mastication complets qui ne sont pas présents lorsqu il mange des grannulés. Les fibres sont également très importantes pour la digestion car elles permettent de maintenir une vitesse normale du transit. Un animal sédentaire qui ne mange pas assez de fibres aura tendance à souffrir de ralentissement voire d arrêt du transit. Source de fibres peuvent être le foin, l herbe, les granulés (en fonction des marques), la verdure fraiche. Elles doivent représenter 16 à 25 % de la ration. Plus il y en a, mieux c est. B) Protéines (18-19%) Les protéines permettent une bonne fermentation caecale. Elles correspondent à 12-16% de la ration. Ce taux doit être augmenté en lactation, gestation ou croissance (18-19%). Celles-ci doivent évidemment être d origine végétale. C) Matières grasses (2,5-4%) Il en faut un taux relativement faible (2,5-4%). Cependant, la qualité est importante. On évitera ainsi les sous-produits industriels. E) Calcium (0.5-1%) Le métabolisme calcique est particulier chez le lapin : il absorbe le Calcium de manière indépendante de la vitamine D. L absorption est passive au niveau des intestins, puis il est excrété via les reins et concentré dans les urines. D où un risque de calculs lorsque la ration est trop concentrée en calcium. Il y en a beaucoup dans la luzerne, les endives, le pissenlit, les blocs minéraux. Ces derniers notamment sont à éviter. Les recommandations sont de 0,5 à 1%. C) Glucides Ils sont mal digérés et peuvent entrainer des dysbacterioses en cas d excès. Ces bactéries produisent du gaz ce qui peut provoquer des distensions caecales et intestinales. G) En pratique 1) Foin Il doit être bien vert, odorant, peu poussiéreux et non compact. Le distribuer à volonté et ne pas hésiter à le renouveler car les lapins ont tendance à jouer avec ou à uriner dessus. 2) Verdure Il faut qu elle soit variée : 3 sortes de légumes verts par jour. Par exemple des fanes de carotte, des épinards, de la mâche, du brocoli, du céleri, du persil, du thym, du cerfeuil. Cela correspond environ à une gamelle par jour 3) Alimentation industrielle
Les mélanges de graines sont à proscrire. En effet, les lapins trient et mange les graines les plus grasses et les plus sucrées. Il faut donc recommander des granulés identiques à raison de 25 à 30 g /j / kg. 4) Fruits Il s agit de friandises qu on donne en petite quantité tous les jours ou tous les deux jours, par exemple en récompense après un jeu. Exemple : banane, fraise, pomme, poire, abricot et même carottes. III) Le Cochon d Inde Le cochon d inde est un herbivore à fermentation caecale dont la ration alimentaire se raproche de celle du lapin Les cobayes développent assez tôt leur préférence alimentaire, ils ont donc des difficultés à changer d alimentation par la suite. Il faut donc leur proposer une large gamme de nourriture adaptée et de bonne qualité dès leur plus jeune âge pour éviter qu ils boudent la gamelle plus tard. Leur besoin en fibres est extrêmement important (10 à 16% de l alimentation), ce sont des herbivores stricts. Ils digèrent encore mieux la cellulose que le lapin car son milieu de vie naturel est plus sec. Il faut donc leur donner du foin et de la verdure riche en fibre. Pour les extrudés, il faut vérifier que le taux de cellulose soit supérieur à 15 (dans l idéal 18%). Quant aux protéines, il y a assez peu de données quant à la corrélation entre la variation du taux et la bonne santé des animaux (16 à 20%). Les lipides ne doivent pas être en quantité trop importante (environ 3%) ou le cobaye risque l obésité. Les cobayes sont des animaux incapables de synthétiser la vitamine C à cause d un déficit en L-gulonolactone oxidase. Une carence en vitamine C peut entrainer des pathologies qui se rapprochent du scorbut chez l homme. Les besoins du cobaye en vitamine C sont estimés à 30mg/kg/J. Il existe différents moyens de donner de la vitamine C. Tout d abord, on peut la donner dans l eau de boisson, mais la vitamine C s oxyde très rapidement à l air libre (perte de 50% en 24h environ). Il faut donc changer l eau très régulièrement avec ce mode d administration. On peut aussi la donner directement dans la bouche sous forme de solution buvable tous les jours. Une autre solution : les cachets aromatisés à différents goûts qui peuvent être donnés comme des friandises. Pour les extrudés, il existe des processus de stabilisation de la vitamine qui sont utilisés par quelques sociétés seulement. Enfin, on peut donner des légumes riches en vitamine C (persil, poivrons, agrume, kiwi). On considérera que 2 sources différentes de vitamine C sont largement suffisantes pour un cobaye en bonne santé. Les normes de calcium sont controversées chez le cobaye. Le métabolisme du calcium chez le cobaye est mal connu, mais il est suspecté, comme chez le lapin qu un régime trop riche en calcium dans la ration augmente les risques de calculs urinaires. Les carences en calcium peuvent se voir (malocclusion dentaire, lésions osseuses) mais ne sont pas très fréquentes. Les conseils à donner sont donc, en cas d excès de calcium, de choisir un foin pauvre en calcium (pas de luzerne), des extrudés avec un taux inférieur à 1% en calcium et de la verdure variée.
En pratique : - Le foin doit être de très bonne qualité et à volonté - La dose de granulés (avec vitamine C stabilisée) ne doit pas dépasser 20-30 g par jour. - La verdure doit être riche en fibres et en vitamine C. Ce peut être des fanes de carottes, fanes de radis, endives, herbes aromatiques (persil), poivrons, brocolis et salades foncées. - Les fruits (tomates, kiwis, oranges, clémentines) doivent plutôt être considérés comme des friandises car le cobaye digère mal les sucres simples. IV) Le rat Le rat est un animal omnivore. Ses besoins alimentaires se rapprochent de ceux l homme. Il est recommandé de lui donner des granulés complets, comprenant 12 à 15% de protéines qui peuvent être d origine animale (on peut avoir une densité augmentée pour l alimentation junior de 0 à 4 mois environ) et ne devant pas dépasser un taux de lipides de 5 %. En effet, le rat est à satiété une fois son estomac rempli. Avec des aliments trop riches, le rat va devenir obèse rapidement car il en mangera autant qu avec des aliments bien équilibrés. On peut compléter les granulés avec des fruits ou des légumes 2 à 3 fois par semaine. Les propriétaires ont tendance à donner à leur rat des restes de table : le fromage est à consommer avec modération car sinon il provoque une augmentation du cholestérol. Souvent les propriétaires ont du mal qu un petit animal a besoin de petites quantités d aliments. Il est possible de donner de l amidon (pâtes, pain) à des rats mais cela doit rester une friandise. Bibliographie Johnson-Delaney C. A. Ferret nutrition. Vet Clin Exot Anim. 2014: 17(3), pp 449-470 Grant K. Rodent Nutrition. Vet Clin Exot Anim. 2014: 17 (3), pp 471 483 Proença L., Mayer J. Prescription Diets for Rabbits. 2014: 17 (3), pp 485-502