Le fichier national des accidents corporels de la circulation routière Le fichier national des accidents corporels de la circulation routière joue un rôle central dans l orientation et l évaluation de la politique française de sécurité routière, fournissant en outre un apport chiffré aux différentes campagnes de communication élaborées par le ministère chargé des transports (alcool au volant, efficacité de la ceinture...). Co-administré par le SETRA et l ONISR et géré au moyen du logiciel «SAXO», ce fichier est alimenté par les bulletins d analyse d accident corporel (les BAAC) établis par les services de la police et de la gendarmerie nationales. Les accidents corporels de la sécurité routière Dans la pratique française 1, est qualifié d accident corporel de la circulation routière tout accident survenu sur une voie ouverte à la circulation publique et impliquant au moins un véhicule dès lors qu il a provoqué au moins une victime : personne tuée sur le coup ou dont l état va nécessiter, sinon une hospitalisation, du moins un minimum de soins médicaux. Le bilan définitif s apprécie au terme de six jours. Outre celles tuées sur le coup, seront en effet également comptabilisées en tués les victimes décédées dans les six jours qui suivent l accident. Les autres victimes seront comptabilisées en blessés graves ou blessés légers, le premier qualificatif s appliquant aux personnes toujours hospitalisées six jours après l accident. En 2001, ont été recensés 116 745 accidents corporels répondant à la définition ci-dessus, dont 6 920 accidents mortels. Ils ont provoqué 7 720 tués et 153 945 blessés dont 26 192 blessés graves. Il est précisé que la France et le Portugal (tués à 24 heures) demeurent à ce jour les deux seuls pays de l Union européenne et même de l OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) à ne pas fonder leurs statistiques nationales sur la définition du «tué à 30 jours» telle que l avait arrêtée la Convention de Vienne de 1968 : «Une victime d un accident de la route est considérée comme tuée si elle décède sur le coup ou dans les trente jours qui suivent l accident.» Le nombre de tués à 30 jours communiqué par la France pour les besoins des comparaisons internationales est obtenu en multipliant par 1,057 le nombre des tués à 6 jours (le Portugal applique pour sa part un coefficient multilplicateur de 1,14). Nombre de tués à 30 jours dans les pays de l Union européenne (chiffres de l année 2000)* Tués à 30 jours Le BAAC Tués à 30 jours par million d habitants Allemagne 7 503 91 Autriche 976 120 Belgique 1 470 144 Danemark 498 93 Espagne 5 776 146 Finlande 396 77 France 8 079 136 Grèce 2 116 201 Irlande 415 110 Italie 6 410 111 Luxembourg 76 175 Pays-Bas 1 082 68 Portugal 1 995 210 Royaume-Uni 3 580 60 Suède 591 67 *1999 pour la Grèce et le Portugal. France : 7 643 tués à 6 jours 7 643*1,057 = 8 079 tués à 30 jours. Tout accident corporel de la circulation routière doit normalement faire l objet d une fiche BAAC, remplie par le service de police ou de gendarmerie compétent. Véritable clé de voûte du système d information de la sécurité routière, cette fiche regroupe une information très complète, organisée en quatre grands chapitres articulés les uns avec les autres : contexte (date et heure, commune, conditions atmosphériques, type d accident...), description détaillée du lieu de survenue, caractéristiques de chacun des véhicules impliqués (avec indication de la manœuvre effectuée avant l accident), caractéristiques socio-démographiques et situation circonstancielle de chacun des usagers impliqués (conducteurs, passagers ou piétons, tués, blessés ou indemnes) avec mention des manquements éventuels (conduite sous l influence de l alcool, absence d un équipement de sécurité...). Elle est revêtue du numéro de code de l unité émettrice et du numéro de procès-verbal si procès-verbal il y a eu. 1. Il n existe pas de définition normalisée au niveau international. Courrier des statistiques n 103, septembre 2002 21
Jean Chapelon et Fabrice Loones Dictionnaire des sigles ASFA BAAC CDES CERTU CETE CRS DDE DGGN DGPN DRE INRETS LAB ONISR PAF PV SAXO SETRA Association des sociétés françaises d autoroutes Bulletin d analyse d accident corporel de la circulation Cellules départementales d exploitation et de sécurité Les CDES sont implantés dans les DDE. Centre d études sur les réseaux, les transports, l urbanisme et les constructions publiques Service rattaché au ministère de l Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer, le CERTU coordonne dans son domaine d activité l action des CETE. Centres d études techniques de l équipement Les CETE sont des services techniques déconcentrés de niveau supra-régional. Compagnies républicaines de sécurité Directions départementales de l équipement Direction générale de la gendarmerie nationale (ministère de la Défense) Direction générale de la police nationale (ministère de l Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales) Directions régionales de l équipement Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité L INRETS est un établissement public sous la double tutelle du ministère chargé de la recherche et du ministère chargé des transports. Laboratoire d accidentologie, de biomécanique et d études du comportement humain Le LAB est intégré aux directions techniques de Peugeot-Citroën et Renault. Observatoire national interministériel de sécurité routière Police aux frontières Procès-verbal Serveur accident sous unix et Oracle Service d études techniques des routes et autoroutes Le SETRA est un service technique central rattaché à la direction des routes du ministère de l Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer. 22
Le fichier national des accidents corporels de la circulation routière Le circuit BAAC représente quelque 3 500 points de collecte, soit environ 3 000 brigades locales de gendarmerie, 465 circonscriptions de sécurité publique comportant chacune une unité spécialisée en matière de sécurité routière et 13 unités CRS 2, auxquelles il convient d ajouter la police aux frontières, compétente pour les accidents survenus aux frontières ou en zone aéroportuaire. À Paris, chacun des 20 commissariats d arrondissement est responsable de son secteur et rend compte auprès du bureau central des accidents de la préfecture de police. La remontée des fiches BAAC au niveau national emprunte des circuits différents, selon qu elles ont été établies par les services de gendarmerie nationale (qui dépendent du ministère de la Défense) ou par les services de police nationale (ministère de l Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales). Les BAAC établis par les brigades locales de gendarmerie sont transmis aux escadrons départementaux (directement ou via les compagnies de gendarmerie) qui, après validation et consolidation, les transmettent à leur tour au Centre national de traitement de l information de Rosnysous-Bois, le tout au moyen de logiciels et procédures informatiques propres à la gendarmerie nationale. Ceux établis par les unités CRS et le bureau central des accidents de la préfecture de police de Paris sont directement transmis au Centre d exploitation informatique de Beauvau ; ceux émanant des commissariats (autres que les commissariats d arrondissement parisiens) ou de la police aux frontières sont d abord adressés au Centre de traitement informatique de Juvisy qui, après avoir effectué de premiers contrôles, les concatène et les fait suivre à Beauvau 3. Au total, les 116 745 accidents corporels recensés en 2001 se répartissaient comme suit : 75 425 accidents recensés par la police nationale, 41 320 par la gendarmerie nationale. La constitution du fichier national Les BAAC centralisés par Rosny-sous-Bois et Beauvau sont envoyés au SETRA sous forme de fichiers mensuels, incluant le cas échéant des reliquats des mois antérieurs. Le fichier de Rosny est disponible en moyenne 20 jours après la fin du mois sous revue, celui de Beauvau dans un délai d un mois et demi. Ces fichiers une fois réceptionnés par le SETRA sont soumis à toute une batterie de contrôles s ajoutant à ceux déjà intégrés aux logiciels de saisie utilisés par les forces de l ordre. Incorporée au logiciel SAXO, cette expertise qualité de niveau national recouvre à la fois le dépistage des doublons, le contrôle de l intégrité du fichier en lecture (ordre et structure des BAAC qui y sont contenus), le repérage des modalités invalides (cas où a été saisie pour une variable donnée une valeur ne faisant pas partie du référentiel de cette variable), enfin la vérification de la cohérence intrinsèque des BAAC (par exemple, un bulletin sera marqué en anomalie si le conducteur d une voiture y est décrit comme casqué). Assurée par l ONISR, la correction de ces erreurs touchant à la cohérence intrinsèque des BAAC exige un examen particulièrement attentif des bulletins en question, assorti le cas échéant de demandes de précisions auprès des services qui les ont établis. D autres contrôles, plus informels, visent à repérer des ruptures dans les envois de tel ou tel service de police ou de gendarmerie, afin de récupérer les bulletins manquants et/ou activer le rétablissement des circuits défaillants. De telles interruptions sont souvent dues à des dysfonctionnements informatiques passagers empêchant la saisie ou la transmission des bulletins. Elles peuvent aussi résulter d une situation ponctuelle de sous-effectif contrecarrant l établissement même des BAAC. Compte tenu de toutes ces opérations de correction, le fichier de diffusion rassemblant l ensemble des BAAC (police + gendarmerie) du mois m n est disponible qu au milieu du mois m +3, celui de l année complète vers la fin du mois de mars de l année suivante. 2. Les gendarmes recensent les accidents survenus en rase campagne ou dans une agglomération de moins de 7 000 habitants, les policiers interviennent dans les agglomérations d au moins 7 000 habitants, les CRS sur les autoroutes urbaines. 3. Les unités CRS et le bureau central des accidents de la préfecture de police de Paris sont équipés de leur propre logiciel de saisie et de transmission. La plupart des commissariats utilisent le logiciel PACTOL, développé par le CETE de Rouen, certains continuent d utiliser l ancien logiciel AURORE. Juvisy doit toutefois saisir les (très rares) BAAC qui lui sont adressés par la PAF ainsi que ceux provenant des quelques commissariats non encore équipés d un logiciel ad hoc. Courrier des statistiques n 103, septembre 2002 23
Jean Chapelon et Fabrice Loones Afin toutefois de pouvoir diffuser une information essentielle dans des délais raccourcis, a été progressivement mis en place en 2000 un dispositif de collecte complémentaire dit «de remontées rapides» permettant d établir dès les premiers jours du mois le nombre d accidents corporels survenus le mois précédent ainsi que les nombres de tués (sur le coup) et de blessés (graves ou légers) qui en ont résulté. Un fichier très utilisé Outre les exploitations qu en font pour leurs besoins propres le SETRA et l ONISR, le fichier national des accidents corporels de la circulation routière est aussi très utilisé par d autres services du ministère, notamment le CERTU, et, au niveau local, les CETE, les observatoires régionaux de sécurité routière (situés dans les DRE) et les CDES (situés dans les DDE). De nombreuses analyses de niveau national sont ainsi conduites au sein du ministère à partir d exploitations spécifiques du fichier. Celui-ci sert également de base de sondage pour des études d enjeu ciblées sur des types particuliers d accidents et réclamant de retourner aux informations circonstanciées consignées sur les procèsverbaux. Au niveau local, les services déconcentrés établissent en particulier des bilans annuels complétant le bilan annuel France entière de l ONISR. Ils effectuent aussi des études d enjeu ciblées sur des tronçons de route particulièrement accidentogènes. Ces travaux sont appuyés sur des extractions départementales du fichier national, produites par le SETRA à l adresse des DDE. Ces fichiers bénéficient en local de corrections complémentaires, portant principalement sur des éléments de localisation et d infrastructure routière mais pouvant aussi inclure l ajout d accidents non enregistrés dans le fichier national. Hors le ministère, le fichier national des accidents corporels de la circulation routière constitue un précieux outil de travail et de référence pour l INRETS, l ASFA et le LAB, et, plus généralement, pour l ensemble des instituts d accidentologie. À l ordre du jour : simplification et déconcentration Un important projet de rénovation de notre système d information sur les accidents corporels de la circulation routière est actuellement en chantier, visant à produire des statistiques à la fois plus rapides et plus fiables. 4. Les consignes relatives à l établissement d un tel acte sont extrêmement variables selon les parquets. À propos de l exhaustivité du fichier national Une étude récente ciblée sur le département du Rhône a montré que, dans ce département, le fichier des accidents n était pas exhaustif s agissant des accidents corporels n impliquant pas de tiers (et n ayant pas provoqué de tués) 1 : c est particulièrement vrai lorsque l unique véhicule en cause est un deux-roues à moteur (et encore davantage s il s agit d un vélo), et d autant plus en l absence de blessures importantes. Accessoirement, cette étude a également révélé que nombre de blessés légers étaient à tort comptabilisés en blessés graves au moment de l établissement des BAAC. 1. Cette étude a consisté à créer un registre de victimes d accidents corporels de la sécurité routière à partir d une enquête réalisée dans différentes structures intervenant dans la prise en charge sanitaire. Le registre ainsi constitué a ensuite été confronté au fichier national. Une étape préalable a été la mise en place à la mi-2000 d un groupe de suivi de la production associant l ensemble des services concourant à l alimentation et à la gestion du fichier, en particulier la DGGN et la DGPN, responsables du recueil des BAAC. Les travaux de ce groupe ont d abord porté sur la construction et la diffusion sous forme d un tableau de bord mensuel d indicateurs de qualité des BAAC (complétude, taux d erreurs, délais de transmission...), ainsi que sur la mise en œuvre d opérations de communication et de «remotivation» à l intention des services de police et de gendarmerie chargés d établir ces bulletins. Le groupe s est ensuite attaché à l élaboration d un nouveau guide de référence pour le remplissage des BAAC, puis à l expertise et à l amélioration des circuits de transmission. Parallèlement à ces travaux de consolidation, a été engagée une vaste opération de consultation auprès des différents utilisateurs du fichier, tant internes qu externes, en vue d un allégement raisonné du BAAC. Il s agissait en substance de s interroger sur le degré d utilité de chacune des différentes rubriques distinguées dans ce bulletin, rapporté au degré de difficulté que pouvait supposer le recueil des données en question et au degré de fiabilité de l information effectivement recueillie. Cet examen au cas par cas a montré que le BAAC pouvait être allégé d environ 20 %, partie par simple suppression de certaines rubriques qui dans la pratique ne sont que très rarement ou jamais renseignées, partie en adaptant les modalités de certaines variables. Un autre volet de ce chantier «simplification» portait sur l élaboration d un deuxième modèle de BAAC, sensiblement plus dépouillé et destiné au recensement des accidents n ayant pas donné lieu à établissement d un PV 4 ou n ayant provoqué que des blessés légers. Enfin, a également été mise à l étude la construction d une variable «type d accident» dont les modalités recouperaient des éléments d information actuellement partagés entre différentes rubriques (manœuvres des usagers impliqués, collision, etc.). 24
Le fichier national des accidents corporels de la circulation routière Des véhicules de la DDE des Hauts-de-Seine rangés au pied de l Arche de la Défense, siège des bureaux de l ONISR Outre ces opérations de simplification du document de collecte, le projet de rénovation inclut une refonte complète des circuits de transmission avec mise en place de bases de données départementales, cela dans une double logique d approfondissement des diagnostics locaux et de renforcement des synergies entre les forces de l ordre et les DDE : par exemple, les données relatives à la voirie et à l infrastructure routière pourraient être directement récupérées à partir des fichiers spécifiques gérés par les DDE, d où un nouvel allégement du travail demandé aux services de police et de gendarmerie mais aussi une substantielle amélioration de la qualité des données en question. Dans la nouvelle architecture informatique, appuyée sur un réseau de serveurs locaux, le fichier national sera bien sûr obtenu par extraction/validation des informations engrangées dans les bases de données départementales, avec production en aval de deux sousfichiers respectivement destinés à la DGGN et à la DGPN. Le projet va bientôt entrer en phase d expérimentation dans quatre départements pilotes : Charente-Maritime, Manche, Haute-Garonne et Seine-Saint-Denis. Entre autres bénéfices, cette réorganisation des circuits permettra aux DDE de disposer dans les meilleurs délais d une information directement exploitable en local. Dans le dispositif actuel, les fichiers départementaux, produits à partir du fichier national, ne sont en effet réellement exploitables que dans un délai de quatre à six mois après la fin du mois sous revue. La mise en œuvre s effectuera de façon progressive, tant s agissant de l entrée en service des BAAC simplifiés que des opérations de déconcentration de la constitution du fichier. La généralisation à l ensemble des départements est prévue à l horizon 2003. Jean CHAPELON et Fabrice LOONES Jean Chapelon est secrétaire général de l Observatoire national interministériel de sécurité routière. Fabrice Loones y était chargé d études au moment de la préparation de ce dossier ; il est aujourd hui en fonction à la direction régionale de l Insee-Bourgogne. Courrier des statistiques n 103, septembre 2002 25