LUTTE INTEGREE CONTRE LES RAVAGEURS DES CULTURES MARAICHERES A LA REUNION

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Transcription:

LUTTE INTEGREE CONTRE LES RAVAGEURS DES CULTURES MARAICHERES A LA REUNION Philippe Ryckewaert et Frédéric Fabre CIRAD-3P, Saint Pierre,La Réunion RESUME Les cultures maraîchères à la Réunion sont fréquemment soumises aux attaques de plusieurs insectes et acariens ravageurs comme les aleurodes, les chenilles ou les mouches des légumes. La lutte chimique classique ayant montré ses limites, il devient indispensable de s orienter vers d autres méthodes comme la lutte intégrée. Un suivi de diverses parcelles expérimentales montre que des auxiliaires peuvent limiter le développement de certains ravageurs en combinaison avec une lutte chimique raisonnée. Toutefois la lutte contre d autres insectes nuisibles nécessite la mise au point de méthodes basées sur l attractivité de substances ou de pièges, et sur le développement de la lutte biologique. Mots Clés: lutte intégrée, entomologie, lutte chimique, lutte biologique, cultures maraîchères, Réunion INTRODUCTION Les insectes et acariens ravageurs, ainsi que les maladies qu ils transmettent, provoquent souvent des dégâts importants sur les cultures maraîchères, notamment dans les zones tropicales. Les producteurs utilisent généralement de façon massive et répétée un certain nombre d insecticides et acaricides dont l utilisation entraîne de nombreux problèmes: coût en produits et main d œuvre, risques de résidus dans les parties consommées, pollution de l environnement, élimination des organismes utiles et apparition de résistances aux pesticides. De nouvelles méthodes de lutte contre les ravageurs se développent en privilégiant une gestion durable des populations d insectes et acariens tout en évitant des dégâts économiques et en préservant l environnement et la santé humaine. Ces méthodes s inscrivent dans un cadre appelé lutte intégrée combinant une lutte chimique raisonnée, la lutte biologique, des moyens biotechniques et des mesures prophylactiques. A la Réunion, un programme récent de recherches et d expérimentations sur certains aspects de la lutte intégrée a été mis en place. La lutte intégrée contre les ravageurs La limitation des populations de ravageurs peut se faire par des méthodes complémentaires (Ryckewaert, 1998): respect de la prophylaxie au niveau de l exploitation : protection de la pépinière, choix des parcelles par rapport au vent, élimination des vieilles cultures, vide sanitaire, choix de variétés bien adaptées, bonne conduite des plantes (irrigation, fertilisation, désherbage ); lutte chimique raisonnée par le choix du moment d application (seulement quand les populations d un ravageur deviennent trop importantes) et par le choix de pesticides les plus inoffensifs possibles pour les auxiliaires. Il convient également de respecter les doses prescrites, le mouillage pour une surface donnée, les délais d emploi des produits avant récolte et d alterner les familles chimiques de pesticides pour éviter les phénomènes d accoutumance. lutte biologique: réalisée par les auxiliaires (prédateurs, parasitoïdes, entomopathogènes) soit naturels soit introduits dans la culture. N est possible que si la lutte chimique est raisonnée; moyens biotechniques: basés sur le comportement de certains insectes qui sont attirés par différents attractifs visuels (couleur) ou olfactifs (aliments, phéromones ). Ces couleurs et 99

ces substances peuvent être utilisées pour du piégeage de masse, du piégeage d avertissement ou des traitements par taches. Les principaux ravageurs et auxiliaires à la Réunion Un inventaire des ravageurs et auxiliaires des cultures maraîchères a été réalisé ces dernières années (Vayssières, 2001). Les principaux ravageurs se rencontrent parmi les aleurodes (Bemisia tabaci, Trialeurodes vaporariorum sur diverses plantes), les mouches des légumes (Neoceratitis cyanescens sur tomate, Bactrocera cucurbitae, Dacus ciliatus et Dacus demmerezi sur cucurbitacées), les chenilles (Plutella xylostella sur chou, Heliothis armigera sur tomate) et les thrips (Frankliniella occidentalis sur tomate, Thrips tabaci sur alliacées). Certains de ces ravageurs peuvent transmettrent de graves viroses aux cultures comme B. tabaci, F. occidentalis ou les pucerons. Les prédateurs sont essentiellement des punaises (Miridae, Anthocoridae), des coccinelles et des syrphes. Les hyménoptères parasitoïdes sont largement répandus chez les aleurodes, les pucerons, les mouches mineuses et les chenilles. Les entomopathogènes sont présents mais restent encore peu étudiés. La diversité climatique de la Réunion a permis le développement d insectes d origine tropicale aussi bien que d origine tempérée, tandis que son insularité a entraîné la présence d espèces endémiques (à l île ou à la région). ETUDES ENGAGEES A PARTIR DE 2000 La mise au point de méthodes de lutte doit d abord se baser sur des connaissances bio-écologiques des ravageurs concernés. Dans un premier temps, nous nous sommes focalisés sur les ravageurs suivants: aleurodes, teigne du chou et mouches des légumes. Aleurodes Ces insectes sont des ravageurs de première importance, notamment suite aux viroses qu ils peuvent transmettre (Byrne & Bellows, 1990). Les espèces les plus fréquentes sont T. vaporariorum et B. tabaci, principalement sur tomate et cucurbitacées. Récemment une nouvelle espèce a été signalée sur solanacées : il s agirait d Aleurotrachellus trachoides, originaire de la région américaine. L inventaire des parasitoïdes a mis en évidence la présence d une dizaine d espèces appartenant aux genres Encarsia et Eretmocerus. Certaines espèces semblent spécifiques à Bemisia ou à Trialeurodes. Les espèces les plus fréquentes sont Encarsia formosa (introduit en 1977), E. nigricephala (d origine américaine) et Eretmocerus mundus. Afin de suivre la dynamique des populations des deux principales espèces d aleurodes et de leurs parasitoïdes, des parcelles de tomate ont été mises en place. Dans un premier essai, une parcelle de 700 m² plantée début février est partagée en deux moitiés, l une subissant un traitement hebdomadaire avec des insecticides à large spectre, l autre restant sans traitements. Les aleurodes sont comptés chaque semaine sur des panneaux jaunes englués tandis que des prélèvements de feuilles avec des nymphes permettent d estimer le taux de parasitisme. Les observations montrent une augmentation des populations d aleurodes et de mouches mineuses sur la partie traitée alors qu elles diminuent sur l autre partie un mois et demi après la plantation. Les taux de parasitisme dépassent 80 % sur la partie sans traitements alors qu ils atteignent à peine 40 % sur la moitié traitée. Un prélèvement à l aspirateur mécanique D-Vac de l entomofaune présente montre que les parasitoïdes d aleurodes sont dix fois plus nombreux en l absence de traitements. Ces observations démontrent l intérêt de la lutte biologique naturelle contre les aleurodes et d autres ravageurs en l absence de traitements sélectifs. Un autre essai a permis d évaluer les fluctuations de populations d aleurodes sur une culture de tomate sous serre fermée. Des lâchers d Encarsia formosa sont effectués chaque semaine pendant 3 mois et les traitements sont raisonnés en fonction de l apparition de pics de populations. Le cycle de culture s est déroulé sur 9 mois et seuls 3 traitements ont été réalisés contre les aleurodes (essentiellement B. tabaci) avec un nouveau produit spécifique, l ADMIRAL (pyriproxifène). Les populations d aleurodes ont montré quelques développements périodiques, en particulier suite à l arrêt des lâchers 100

d Encarsia en fin de cycle, mais aucun dégâts n est observé. L ADMIRAL semble avoir une certaine efficacité sur les larves des deux espèces d aleurodes. Le taux de parasitisme a dépassé 80 % sur B. tabaci. Pour affiner la connaissance des comportements des parasitoïdes vis à vis de l hôte et en fonction de la plante support, nous avons initié une étude de ces relations tritrophiques, celles-ci ayant une influence directe sur les taux de parasitisme potentiels (Pickett et al., 1991; Rajam et al., 1988). Les résultats permettront d optimiser le choix des parasitoïdes à lâcher dans une culture donnée et pour une proportion Bemisia / Trialeurodes donnée. La mise au point du protocole est en cours mais les premiers résultats indiquent des taux de parasitisme compris entre 49 et 60 % pour E. formosa sur B. tabaci sur tomate en situation de non choix. Des expérimentations plus poussées devront confirmer l intérêt de ce parasitoïde sur Bemisia, actuellement utilisé en lutte biologique sur Trialeurodes (Arno & Gabarra, 1996; Hoddle et al., 1998). D autres études sur les aleurodes et les virus qu ils transmettent sont menées par différentes équipes au CIRAD: connaissance de la variabilité du TYLCV transmis par Bemisia, caractérisation des biotypes de Bemisia, fluctuations spatio-temporelles des populations, évaluation des niveaux de résistance de variétés de tomate au TYLCV. Teigne du chou La teigne du chou (Plutella xylostella) constitue de loin le plus important ravageur des choux, malgré la présence de parasitoïdes (Guilloux, 2000). La dynamique des populations de la teigne et de ses parasitoïdes est étudiée sur plusieurs parcelles de chou non traitées situées à différentes altitudes. Pour cela on réalise des prélèvements hebdomadaires de plants où sont comptés les chenilles et les cocons de teigne. Les larves des derniers stades et les cocons sont conservés deux semaines en l attente des sorties de teignes, des parasitoïdes et des hyperparasites. Les populations de teigne augmentent généralement de façon importante après un mois de culture, atteignant 40 chenilles par plant et par semaine. Les taux de parasitisme varient de 10 % en zone cannière à 45 % dans les zones maraîchères, mais les dégâts restent toujours importants. Les populations de parasitoïdes suivent une évolution comparable à celle de la teigne. Diadegma mollipla est le parasitoïde le plus abondant en altitude alors que Cotesia plutellae est plus fréquent à basse altitude. D autres parasitoïdes, des hyperparasites et des prédateurs (syrphes) sont présents mais en très faible nombre. Sur une des parcelles, la moitié a été traitée chaque semaine avec des insecticides à large spectre : les populations de Plutella n ont pas été affectées mais les choux ont été protégés des attaques de la pyrale (Crocidolomia pavonana). On note cependant des taux de parasitisme équivalents dans les deux parties. Nous avons ensuite comparé sur un autre essai l évolution des populations entre une partie témoin sans traitements et une partie recevant un programme de traitements raisonnés contre les chenilles. Dans ce cas on applique un BATIK (B. thuringiensis) toutes les 2 semaines en alternance avec ZOLONE (phosalone) ou TECHNUFAN (endosulfan) l autre semaine (ces 2 produits sont assez peu toxiques sur les auxiliaires). Les populations de Plutella sont à des niveaux comparables durant le cycle de culture sauf près de la récolte où l on assiste à une forte augmentation des populations sur la partie traitée. Nous n expliquons pas ce fait d autant que les taux de parasitisme sont équivalents dans la partie traitée (10 %) et dans le témoin (9 %). Ainsi les traitements se sont avérés inutiles dans ce cas, d autant que les dégâts ont été importants (respectivement 58 et 61 % de rebut). Nous avons enfin testé un filet anti-insecte (protection mécanique) sur quelques plants pour éviter les pontes d adultes sur les feuilles. La protection s avère insuffisante, les teignes finissant par se développer à l intérieur. D autre part, la croissance des choux est perturbée ainsi que la coloration des feuilles. Enfin le coût de ce système reste élevé. Mouches des légumes La mouche de la tomate et les mouches des cucurbitacées provoquent des dégâts importants sur ces cultures et ne sont que partiellement maîtrisées par les traitements insecticides (Brévault, 1999 ; Vayssières, 1999). Ces derniers n étant pas sélectifs, le développement d une lutte intégrée sur ces cultures passe par la mise au point de méthodes «douces» pour limiter les populations de mouches des légumes. A l exemple des méthodes utilisées en arboriculture contre les mouches des fruits, nous 101

tentons de définir des moyens biotechniques basés sur l attractivité visuelle ou olfactive de différents pièges combinés ou non avec des substances chimiques. Concernant la mouche de la tomate, deux types de pièges ont été disposés dans une parcelle: 2 pièges constitués d une sphère creuse orangée engluée et contenant un broyat de fruits verts de bringellier (Solanum mauritanum). L attractivité est à la fois visuelle et olfactive, le système étant sensé attirer les femelles (site de ponte); 2 pièges de type «Téphri-Trap» contenant du TORULA. Il s agit d un piège olfactif de type alimentaire. Ces pièges doivent alerter sur l arrivée des mouches tout en les quantifiant, mais ne constituent pas des dispositifs de lutte directe de piégeage de masse. Ces avertissements permettraient de déclencher de façon raisonnée les traitements. Les résultats sont très insuffisants: on compte au maximum 16 mouches par semaine pour 2 sphères et au plus 9 pour les 2 autres pièges, alors que les fruits ont été sévèrement touchés (36 % des premiers fruits verts atteints). Il est possible que l attractivité de la culture soit supérieure à celle des pièges. Des traitements chimiques avec KLARTAN (taufluvalinate), ZOLONE et VERTIMEC (abamectine) n ont pas permis de diminuer les dégâts par la suite (jusqu à 18 % de fruits en récolte perdus), et nous constatons par ailleurs une augmentation des populations d aleurodes et de mouches mineuses (par élimination des auxiliaires?). Le traitement par taches est une technique utilisée en arboriculture qui consiste à traiter une partie de certains arbres avec un mélange insecticide + attractif alimentaire (Epsky et al., 1994; Liu & Chen, 1995; Tamori & Iraha, 1986). On utilise ainsi moins de produit par surface et on préserve une partie des auxiliaires. Cette technique peut être appliquée aux cultures maraîchères à condition d avoir des attractifs efficaces sur les mouches concernées. Nous avons ainsi dans un premier temps testé en conditions semi-contrôlées (grandes cages extérieures) plusieurs attractifs du marché à différentes concentrations sur la mouche du melon (B. cucurbitae). Les produits testés sont le BUMINAL, le NULURE, le SOLBAIT, l HYMLURE, le CORN STEEP WATER et le PINNACLE. Les gammes de concentration s échelonnent de 0,5 à 10 %. Les taux de captures des mâles et des femelles augmentent avec la concentration sauf pour le BUMINAL où il reste constant. La comparaison des attractifs entre eux (à une concentration donnée) afin de déterminer les plus intéressants montre une meilleure efficacité pour le SOLBAIT, suivi du PINNACLE, du CORN STEEP WATER, du NULURE et de l HYMLURE. Une expérimentation au champ doit confirmer les résultats obtenus en cage. Autres ravageurs Sur tomate, les chenilles de la noctuelle Heliothis armigera causent des dégâts parfois importants sur les fruits, notamment en l absence d insecticides. La régulation naturelle n a pas été étudiée mais semble très insuffisante. Les mouches mineuses sont très présentes sur tomate mais sont généralement bien parasitées en l absence de traitements chimiques classiques. Les thrips et notamment Frankliniella occidentalis (vecteur du TSWV) sont restés peu nombreux sur nos essais. Les pucerons (surtout Aphis gossypii) posent des problèmes essentiellement sur cucurbitacées par les viroses qu ils transmettent. Des populations semblent résistantes au PIRIMOR (pirimicarbe), aphicide conseillé en lutte intégrée. Les acariens tétranyques (araignées rouges) peuvent pulluler à certaines périodes. CONCLUSION Les premières expérimentations menées à la Réunion montrent l intérêt de la lutte biologique naturelle associée à une lutte chimique raisonnée pour limiter les populations de ravageurs des cultures maraîchères. Cependant certains d entre eux sont mal contrôlés par ces moyens (chenilles, mouches 102

des légumes ) et il sera nécessaire de mettre au point d autres techniques complémentaires comme l utilisation de divers attractifs ou l introduction de nouveaux auxiliaires. Pour cela, la connaissance de la biologie et des comportements des insectes devra être approfondie. Enfin le développement de ces méthodes ne pourra se réaliser qu en coopération avec les organismes locaux et régionaux impliqués dans cette démarche. BIBLIOGRAPHIE ARNO J and GABARRA R. 1996. Potential for biological control of mixed Trialeurodes vaporariorum and Bemisia tabaci populations in winter tomato crops grown in greenhouse. In: Bemisia: 1995. Taxonomy, Biology, Damage, Control and Management: 523-526. BREVAULT T. 1999. Mécanismes de localisation de l hôte chez la mouche de la tomate, Neoceratitis cyanescens (Bezzi) (Diptera, Tephritidae). Thèse Ecole Nationale Agronomique de Montpellier, 139 p. BYRNE DN and BELLOWS JRTS. 1990. Whiteflies in agricultural systems. In: Whiteflies ; their Bionomics, Pest, Status and Management. 227-262. EPSKY ND, HEATH RR, HOLLER TC, HARRIS DL and MULLINS T. 1994. Corn Steep Water as proteil bait for Anastrepha suspensa (Diptera: Tephritidae). Environ. Entomol. 23: 827-831. GUILLOUX T. 2000. Etude de la variabilité biologique, biochimique et génétique de populations d origines géographiques différentes de Cotesia plutellae (Kurdjumov) (Hymenoptera: Braconidae), parasitoïde de la teigne des Brassicacées Plutella xylostella (L.) (Lepidoptera: Yponomeutidae). Thèse Université Paul Valéry, Montpellier. 215 p. HODDLE MS, VAN DRIESCHE RG and SANDERSON JP. 1998. Biology and use of the whitefly parasitoid Encarsia formosa. Annu. Rev. Entomol. 43: 645-669. LIU YC and CHEN SK. 1995. Development of food attractants for melon fly, Dacus cucurbitae Coquillett. (In Ch.) Plant Protection Bulletin (Taipei). 37: 189-199. PICKETT JA, POWELL W, WADHAMS LJ, WOODCOCK CM and WRIGHT AF. 1991 Biochemical interactions between plant-herbivore-parasitoid. 4th European Workshop on Insect Parasitoids, Perugia, April 3-4, 1-14. RAJAM B, PETER C and DAVID BV. 1988. Influence of host plants on the parasitism of Bemisia tabaci Gennadius (Homoptera: Aleyrodidae) by Encarsia sp. Curr. Sci. 57: 1246-1247. RYCKEWAERT P. 1998. Lutte intégrée en cultures maraîchères. Fiche technique CIRAD-FLHOR, 16 p. TAMORI N and IRAHA K. 1986. A study on the dilutions of protein hydrolysate, an effective attractant for melon fly. (In Jap.). Research Bulletin of the Plant Protection Service Japan. 22: 91-92. VAYSSIERES JF. 1999. Les relations insectes-plantes chez les Dacini (Diptera, Tephritidae) ravageurs des cucurbitaceae à la Réunion. Thèse Muséum National d Histoire Naturelle, Paris, 205 p. VAYSSIERES JF. 2001. Inventaire préliminaire des arthropodes ravageurs et auxiliaires des cultures maraîchères sur l'île de la Réunion. Insect Science and its application (sous presse). 103