ELUARD, L Amour la poésie (1929) La terre est bleue comme une orange Jamais une erreur les mots ne mentent pas Ils ne vous donnent plus à chanter Au tour des baisers de s entendre Les fous et les amours Elle sa bouche d alliance Tous les secrets tous les sourires Et quels vêtements d indulgence A la croire toute nue. Les guêpes fleurissent vert L aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté.
NOTES Alliance : union ; bague symbolisant cette union Indulgence : capacité de pardonner, d excuser Fleurir : produire des fleurs, s épanouir, s ouvrir L aube : premiers rayons du soleil de la journée Solaire : qui appartient, qui se rapporte au soleil
La terre est bleue comme une orange Jamais une erreur les mots ne mentent pas Ils ne vous donnent plus à chanter Au tour des baisers de s entendre Les fous et les amours Elle sa bouche d alliance Tous les secrets tous les sourires Et quels vêtements d indulgence A la croire toute nue. Les guêpes fleurissent vert L aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté.
LES DIFFICULTES DE LECTURE D UN POEME SURREALISTE Expressions surprenantes = images surréalistes : Elles fonctionnent d une nouvelle façon : absence de lien entre comparant et comparé soit deux catégories différentes, soit abstrait/concret : >>permet souvent la personnification surprenante d un élément Une énonciation apparemment incohérente : 3 e pers >>2 e pers sing Une syntaxe qui perd ses repères grammaticaux Pas de ponctuation (sauf point final de la strophe) A partir du v.5 on n a plus de verbe conjugué : - pas de phrase grammaticale - simple juxtaposition de mots surprenante elle aussi (fous/amour elle/bouche-secrets/sourires vêtements/ nue) - une exclamative («quels») précédée de «et» : on ne voit pas le rapport avec ce qui précède Pas de versification vers libres vers blancs
La terre est bleue comme une orange Terre+ orange = rondeur / décalage de taille planète bleue+ couleur de l orange >>image fondée sur l oxymore Jamais une erreur les mots ne mentent pas Ils ne vous donnent plus à chanter Au tour des baisers de s entendre Les fous et les amours Elle sa bouche d alliance Tous les secrets tous les sourires Et quels vêtements d indulgence A la croire toute nue. Les guêpes fleurissent vert L aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté.
DES IMAGES QUI SE LISENT AUTREMENT «les mots ne mentent pas» : avertissement LE DECOR NATUREL La Terre devient orange : éclairée par le soleil matinal - Le soleil éclaire les fenêtres de la maison : elles brillent comme des perles >>collier - >>personnification de l aube comme une jeune femme se faisant belle au lever Le champ lexical du renouveau de la nature : - Les animaux habituels (insectes, oiseaux qui nichent/couvée : «couvrent» leurs petits, mais aussi les branches par leur présence) - La végétation qui teint tout en vert (fleurs, arbres) >>le glissement de l attribut des uns sur les autres (guêpes jaunes >>vert ; guêpes >>fleurs ; «ailes» (métonymie/synecdoque de l oiseau)>>feuilles) évoque le joyeux mélange de la vie qui éclot (début des fleurs, saison des guêpes qui apparaissent, nids des oiseaux) // au lever du jour
La terre est bleue comme une orange Jamais une erreur les mots ne mentent pas Ils ne vous donnent plus à chanter Au tour des baisers de s entendre Les fous et les amours Elle sa bouche d alliance Tous les secrets tous les sourires Et quels vêtements d indulgence A la croire toute nue. Les guêpes fleurissent vert L aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté.
LA FEMME La temporalité de la nature (lever du soleil) se retrouve dans l image de la femme : - Femme au réveil, habillée légèrement (saison chaude) : elle est «pardonnée» d avance - Peut-être éclairée par le soleil levant, qui révèle sa beauté L union amoureuse sous deux formes - La déclaration / suivie par une forme officielle (mariage) dont la métonymie est «l alliance» - Physique (lorsque les mots ne suffisent plus) L amour fou (thème surréaliste par excellence) - Une expression déstructurée formée sur l expression habituelle «amour fou» (nom + adj) Ici deux noms dans un parallélisme de construction, coordonnés par «et» >>met les deux noms à égalité, leur donne toute leur force Insistance du pluriel qui amplifient le sentiment, le démultiplient - Accumulation d hyperboles résumant le bonheur amoureux + rythme binaire + exclamative : (en blanc)
La terre est bleue comme une orange Jamais une erreur les mots ne mentent pas Ils ne vous donnent plus à chanter Au tour des baisers de s entendre Les fous et les amours Elle sa bouche d alliance Tous les secrets tous les sourires Et quels vêtements d indulgence A la croire toute nue. Les guêpes fleurissent vert L aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté.
LE LIEN ENTRE LES DEUX THEMES (nature et femme) Reprise nouvelle d un thème poétique classique : «la belle matineuse» càd la femme présentée dans la promesse du jour qui se lève, à la fois visible et cachée (légèrement vêtue, mais malgré tout mystérieuse : «tous les secrets», belle dans «ce léger apparat» - comme dit Racine, dans Britannicus) Un entrelacement De la terre (féminin) on glisse à l amour «elle» ; lorsqu on passe au «tu», il est étroitement lié au soleil qui éclaire la terre >>le soleil devient le symbole du bonheur amoureux : la femme est solaire, et fait lever le soleil sur le poète comme la nature le fait sur la Terre L IMAGE SURREALISTE DE LA FEMME La lumière La vie : promesse de nouveauté, de fécondité (éclosion des fleurs, œufs couvés?, nature qui revit : «vert», «feuille») La paix : elle a une influence pacificatrice (guêpent ne piquent plus), thème de l union, de la compréhension mutuelle («s entendre»), du bonheur («sourires», «joies solaires»), du pardon («indulgence») La muse du poète Si le poète est en mal d inspiration, la femme est une source de renouvellement par son amour