SÉMINAIRE ORGANISÉ PAR LE CDPPOC DES SPÉCIFICITÉS DE L INDEMNISATION DU DOMMAGE CORPOREL 1 er au 3 décembre 2016 - Chambéry Crédit photo : Alain BACHELLIER
La réparation du dommage corporel peut apparaître formellement comme une branche de droit dénuée d autonomie. En effet, les actions en réparation d un préjudice corporel se font essentiellement sur les fondements, selon les règles et devant les juridictions du droit de la responsabilité civile. La nature de l atteinte apporte toutefois d importantes et indéniables spécificités. D une part des mécanismes coexistent avec la responsabilité civile, qui sont parfois dédiés à ce type spécifique de préjudice, parfois non (fonds d indemnisation, assurances directes, etc.); d autre part, dans la mise en œuvre de la responsabilité civile, des particularismes se manifestent (questions d expertise, d appréciation, etc.). Cette interface entre la responsabilité civile et la réparation du dommage corporel ne doit pas occulter que nombre d autres matières, du droit social au droit des assurances, sont mobilisées pour une telle indemnisation. L avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile présenté par la Chancellerie adopte des règles spécifiques pour l indemnisation du dommage corporel: voici un témoignage de plus de la spéciation grandissante de la matière. Un tel thème ne pouvait qu intéresser les trois entités à l origine de ce séminaire : Le Groupe de Recherche Européen sur la Responsabilité Civile et l Assurance, qui fédère plusieurs centres de recherches. Dans une perspective comparatiste, le GRERCA se propose de promouvoir toute recherche en droit de la responsabilité et de l assurance, permettant de confronter les différents droits et projets de réformes nationaux au sein de l Union européenne. Le master droit privé, parcours droit du dommage corporel, de l Université Savoie Mont Blanc qui est une formation unique en France. Ce master a pour objectif d offrir une spécialisation de haut niveau en abordant les points techniques concernant la réparation du dommage corporel (évaluation médicale du dommage et conséquences juridiques, connaissance des différents régimes d indemnisation, pratique des actions en justice, pratique transactionnelle et des assureurs, recours des tiers payeurs). Le projet «De la responsabilité civile à la socialisation des risques» qui, à travers une lecture novatrice de ces bouleversements et crises de la responsabilité civile, en la considérant comme un phénomène de socialisation des risques, a pour ambition de proposer une rationalisation des mécanismes d indemnisation qui permettra de diminuer les coûts de procédure dans l indemnisation des victimes et d augmenter l efficacité du système de réparation des dommages. L événement est organisé par le Centre de Droit Public et Privé des Obligations et de la Consommation (CDPPOC) de la Faculté de droit de l Université Savoie Mont Blanc.
DES SPÉCIFICITÉS DE L INDEMNISATION DU DOMMAGE CORPOREL Séminaire de Chambéry, Université Savoie Mont Blanc, du 1 er au 3 décembre 2016 Groupe de Recherche Européen sur la Responsabilité et l Assurance Master Droit privé de l Université Savoie Mont Blanc, parcours Droit du dommage corporel Projet de recherche financé par l ANR, De la Responsabilité civile à la socialisation des risques Version de travail
Version de travail
RÉFLEXIONS SUR L AUTONOMIE DU «DROIT» DU DOMMAGE CORPOREL Stéphanie Porchy-Simon, Université Jean Moulin Lyon 3 Directrice de l équipe de recherche de droit privé (EA 3707) La réparation du dommage corporel a connu depuis quelques années un bouleversement, une véritable révolution qui conduit à penser qu on ne peut plus aujourd hui envisager la matière comme il elle aurait pu l être il y a moins d une dizaine d années. L avant-projet de réforme du droit de la tra va responsabilité civile présenté par la chancellerie le 29 avril 2016 porte d ailleurs l évident témoignage de ce bouleversement. Celui-ci consacre un certain nombre de dispositions spéciales à ce type de dommage, dont la réparation apparaît soumise à un particularisme grandissant tant au regard des règles relatives aux effets de la responsabilité que de ses conditions même. Les dispositions de cet avant-projet ne constituent d ailleurs en aucun cas une rupture mais apparaissent comme l évolution de presque naturelle d un mouvement qui a pris racine bien des années auparavant. Depuis la fin du XIXe siècle, doctrine, jurisprudence et législateur ont en effet joint leurs actions pour n assurer à la victime de ce type de dommage une indemnisation facilitée. Dans un premier temps, la io réflexion a essentiellement porté sur l adaptation des faits générateurs, interprétés de manière favorable à la victime, notamment en les orientant vers des régimes détachés de la faute. Puis, le Ve rs législateur a pris le relais, créant de régimes spéciaux destinés à faciliter la prise en charge du dommage corporel, et parfois des régimes d indemnisation canalisant le poids de celle-ci, non vers celui qui a causé le dommage, mais vers celui qui a le plus d aptitude à l indemniser. Il en est résulté un droit souvent hétérogène et inégalitaire mais garantissant, dans la plupart des hypothèses, sur le terrain des faits générateurs, un droit à indemnisation de la victime. De manière assez paradoxale, et durant cette première période d évolution, la réflexion bouillonnante sur le terrain de l adaptation des faits générateurs, est restée d une très grande pauvreté sur ce qui était pourtant son objet même : le dommage corporel lui-même. C était en effet alors l heure de la confusion totale entre dommage et préjudices, celle de l indemnisation en fonction de concepts frustes, tel celui d IPP, celle de l indemnisation tous chefs de préjudices confondus. Sous l influence d une doctrine opiniâtre relayée par des patriciens soucieux d améliorer les droits des victimes, les choses ont depuis fortement évolué. Au-delà d une inflexion des règles de fond en faveur des victimes de dommages corporels, c est surtout tout un corpus de règles spécifiques à sa réparation qui s est progressivement dégagé et qui fera peut-être demain son entrée dans le Code civil.
DES SPÉCIFICITÉS DE L INDEMNISATION DU DOMMAGE CORPOREL Ces différentes évolutions, qui convergent vers le constat de lege lata d un particularisme toujours accru des règles gouvernant la réparation du dommage corporel, posent la question des limites de ce mouvement et du degré d autonomie qui doit de lege feranda leur être reconnu. Celles-ci doivent-elles en effet rester dans le giron de la responsabilité en étant strictement soumises aux règles générales de cette dernière? Peut-on, ou doit-on, au contraire reconnaître une part d autonomie plus ou moins grande à ces règles, voire prôner l indépendance d une nouvelle branche du droit qui pourrait alors se détacher du droit de la responsabilité? La question est difficile et on conçoit qu elle ne puisse être réglée de manière définitive dans le cadre de cette intervention. Cette problématique de la division du droit a en effet depuis longtemps intéressé la doctrine, qui s est posée la question de savoir quel était le sens de l affirmation d une nouvelle «branche» du droit qui s émanciperait dans une certaine mesure du «tronc» dont elle est issue. Appliquée à la question qui nous intéresse, cette réflexion conduit donc à se demander en fonction de il quels facteurs pourrait-on parler d un «droit» autonome du dommage corporel, la remarque très tra va juste ayant été faite «qu en doctrine, chaque catégorie de spécialistes est tentée de proclamer l autonomie de sa discipline», en l érigeant en droit spécial alors que la pertinence de cette revendication autonomiste est dans le même temps dénoncée. Or, la réponse à une telle interrogation nous semble devoir être articulée autour d une réflexion en deux temps : une première question conduit en effet à déterminer s il est possible d identifier un droit de réellement spécifique à un objet d étude, en l espèce la réparation du dommage corporel (I) ; la n seconde est de savoir si l autonomie de ce droit doit ou peut être revendiquée (II). EXISTENCE D UN «DROIT» DU DOMMAGE Ve rs io I- CORPOREL? A) Un objet particulier d étude B) L existence de règles techniques particulières II - NÉCESSITÉ D UNE AUTONOMIE? A) Impossibilité du constat B) Rejet de l opportunité 8