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Transcription:

CANADA PROVINCE DE QUÉBEC CM-8-90-21 CONSEIL DE LA MAGISTRATURE MONSIEUR ROBERT TAMILIA, plaignant, - vs - HONORABLE ANDRÉ SURPRENANT, juge à la, Chambre civile, intimé. RAPPORT DU COMITÉ D'ENQUÊTE Un comité d'enquête fut formé par le Conseil de la magistrature, à la suite d'une plainte reçue de Monsieur Robert Tamilia, concernant l'honorable André Surprenant, juge de la Chambre civile de la. Lorsque le comité a procédé à l'enquête dans cette affaire, le plaignant, présent, n'était pas représenté par avocat, Me Louis Crête agissait à titre de procureur du comité et Me François Aquin représentait le juge Surprenant. Depuis l'audition de cette affaire, l'un des membres du comité, M. Gilles Cadieux, a été nommé juge de la Chambre criminelle et pénale de la et il a pensé préférable, dans les circonstances, de ne pas participer à la décision finale. Le 17 avril 1991, le comité, fut saisi d'une demande formulée par le plaignant, Robert Tamilia, qui désirait présenter d'autres faits qu'il disait pertinents à sa plainte contre le juge Surprenant. Les parties furent alors convoquées pour une audition le 26 avril 1991, et après avoir entendu le requérant qui à cette occasion était assisté d'un procureur, maître Rénald Boisvert, le comité a décidé de ne pas accorder la demande de réouverture d'enquête.

Essentiellement, les griefs formulés par le plaignant à l'endroit du juge Surprenant étaient les suivants: - Avoir reçu une demande en rétraction de jugement au-delà du délai de dix (10) jours prévu par la loi; - avoir reçu cette demande alors qu'elle était formulée par un avocat, au nom de la requérante; - avoir considéré cette demande sans qu'il y ait de mandat écrit au dossier; - avoir décidé sur la rétractation de jugement sans l'avoir convoqué afin qu'il soit entendu. Le comité doit déterminer s'il y a eu un ou des manquements déontologiques par le juge Surprenant dans cette affaire, et il n'est pas de la compétence du comité de se prononcer sur le bien fondé des décisions qui furent prises. Ainsi, notre rôle est de statuer sur le comportement du juge Surprenant, eu égard au respect du Code déontologique, et particulièrement de s'assurer qu'il a agi dans le cadre du Droit et qu'il n'y a pas de partialité ou d'apparence de partialité. Il est nécessaire de préciser immédiatement que, dans le cadre de son approche du dossier, M. le juge Surprenant n'a pris aucune décision définitive en rapport avec les quatres (4) griefs que lui reproche le plaignant. La seule intervention du juge a été de "recevoir" une requête en rétractation, pour qu'il soit ensuite discuté lors d'une audition subséquente des quatres (4) points de droit qui ressortent de cette requête, les parties étant convoquées à cet effet. En aucun temps, les droits du plaignant n'ont été menacés par cette décision de nature surtout administrative du juge Surprenant. Lors de son témoignage, le juge Surprenant a expliqué les raisons pour lesquelles il a estimé devoir interpréter les dispositions du Code de procédure civile concernant le recouvrement des

Petites créances de façon large, afin de s'assurer que la forme ne l'emporte pas sur le fond. C'est ainsi qu'il croit que le délai de dix (10) jours n'empêche pas le juge de fournir l'opportunité à une partie requérante en rétractation de faire valoir les motifs pour lesquels elle n'aurait pu respecter ce délai. De plus, il explique avoir considéré chez Maître Jacques Fleurant son statut de conjoint de la requérante Madame Labelle plutôt que son statut d'avocat, lorsqu'il a pris connaissance de la demande de rétractation. Il n'a pas considéré non plus l'absence de mandat écrit au dossier comme étant fatale, croyant que ce mandat écrit pouvait toujours être déposé ultérieurement soit avant ou à l'occasion de l'audition qu'il avait ordonnée. Le comité est d'opinion que cette façon d'interpréter la loi ne révèle aucune faute déontologique, et ne permet pas de conclure qu'en agissant ainsi le juge Surprenant manifestait une certaine forme de partialité à l'égard de Madame Labelle. Un juge conserve toujours l'entière discrétion judiciaire quant aux décisions qu'il rend à l'égard des causes qui lui sont soumises, et c'est son rôle que d'interpréter et d'appliquer la loi aux faits qui lui sont prouvés, l'obligation déontologique qui lui est faite de rendre justice dans le cadre du droit ne devant jamais priver le juge de cette entière discrétion judiciaire. Une erreur de droit ne constituera un manquement à l'obligation déontologique de rendre justice dans le cadre du Droit que s'il est établi que le juge qui a fait cette erreur a fait preuve d'une grossière ignorance d'une règle de droit, ou qu'il y a délibérément dérogé. La preuve révèle que le 8 février 1989, le juge Surprenant, agissant alors à titre de juge coordonnateur de la Chambre civile de la pour Saint-Jérôme, Joliette et Laval, a émis une directive concernant les demandes de rétraction de jugement à la division des Petites créances.

Les règles prévues au Code de procédure civile concernant la rétractation de jugement sont claires, mais il apparaît au comité que cette directive a pu, peut-être, prêter à confusion. En effet, cette directive semble consacrer une étape non prévue expressément dans le Code de procédure civile, et au cours de laquelle le juge intervient en toute bonne foi, dans le seul but de minimiser les coûts et les inconvénients pour les justiciables d'avoir à se présenter à deux (2) reprises devant la Cour, pour qu'il y soit décidé d'abord sur la rétraction de jugement et ensuite, s'il y a lieu, sur la demande originaire. Cette intervention n'enlève aucun droit et aucun privilège aux parties, mais lorsque l'on examine le document signé par le juge Surprenant le 3 août 1990, il peut porter à confusion et laisser croire qu'une décision a été rendue, d'autant plus qu'il est intitulé: "Décision sur la recevabilité d'une demande de rétraction de jugement". La confusion qui peut en découler est bien illustrée par l'attitude du plaignant dans la présente affaire, qui se disait convaincu qu'une décision avait été rendue sur la demande en rétractation du jugement prononcé en sa faveur, et ce, sans qu'il soit entendu. Le comité ne se reconnaît aucune autorité pour statuer sur la légalité ou non de la directive du 8 février 1989, adressée aux greffier(es) et aux préposé(es) de la, division des Petites créances, mais ne croit pas que la confusion qui a pu en résulter puisse être imputable au juge Surprenant, et réaffirme qu'aucun des droits de Robert Tamilia de plaider sur le "rescindant" n'a été restreint par la décision du 3 août 1990. Le comité constate que l'avis qui fut envoyé à Monsieur Tamilia à la suite de cette "Décision" du juge Surprenant, est en tout point identique à celui envoyé pour convoquer les parties à l'audition sur le fond de la demande. Cette similitude a sans doute contribué à alimenter la confusion chez le plaignant, car cet avis n'indiquait pas la véritable nature de l'audition pour laquelle il était convoqué.

Le preuve entendue a aussi permis au comité de constater que suite aux informations qui lui auraient été transmises par d'autres personnes, le plaignant Robert Tamilia a cru qu'une décision avait été rendue sur les motifs à l'appui de la demande en rétractation sans qu'il ait pu être entendu. Il semble que ce n'est qu'à l'occasion de la présente enquête qu'il fut véritablement informé qu'aucune décision n'était encore rendue concernant la demande en rétractation de jugement formulée pour Madame Marcelle Labelle par Me Jacques Fleurant, son conjoint. Le comité considère que rien, dans la conduite du juge Surprenant, n'est de la nature d'un manquement déontologique, et il constate également combien il est important de s'assurer, surtout en matière de Petites créances, que les ordonnances de la Cour parviennent aux justiciables dans leur version authentique et intégrale, et qu'elles soient rédigées de façon à ce qu'il n'y ait pas d'ambiguïté quant à leur interprétation. PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ: REJETTE comme non fondée la plainte portée par Monsieur Robert Tamilia contre l'honorable juge André Surprenant, juge de la Chambre civile de la. MONTRÉAL, le 22 mai 1991 HONORABLE JUGE FRANÇOIS GODBOUT Juge en Chef adjoint Président HONORABLE JUGE ANDRÉ BILODEAU, Juge coordonnateur HONORABLE JUGE PIERRE BRASSARD, MAITRE J. VINCENT O DONNELL, c.r.