La jeune veuve 5 10 15 20 25 30 35 40 45 La perte d'un époux ne va point sans soupirs ; Entre la veuve d'une année La différence est grande ; on ne croirait jamais Que ce fût la même personne : L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits. Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne C'est toujours même note et pareil entretien ; Comme on verra par cette fable, Ou plutôt par la vérité. L'époux d'une jeune beauté Partait pour l'autre monde. A ses côtés, sa femme Lui criait : «Attends-moi, je te suis ; et mon âme, Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler.» Le mari fait seul le voyage. La belle avait un père, homme prudent et sage ; Il laissa le torrent couler. A la fn, pour la consoler : «Ma flle, lui dit-il, c'est trop verser de larmes : Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes? Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure Une condition meilleure Change en des noces ces transports 1 ; Mais, après certain temps, souffrez qu'on vous propose Un époux beau, bien fait, jeune, et tout autre chose Que le défunt. - Ah! dit-elle aussitôt, Un cloître est l'époux qu'il me faut.» Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Le deuil 2 enfn sert de parure, En attendant d'autres atours ; Revient au colombier ; les jeux, les ris 3, la danse, Ont aussi leur tour à la fn : Dans la fontaine de Jouvence 4. Le père ne craint plus ce défunt tant chéri ; Mais comme il ne parlait de rien à notre belle : «Où donc est le jeune mari Que vous m'avez promis?» dit-elle. Les Fables, Livre VI, 21. 1 Manifestations de douleur, particulièrement bruyantes. 2 La coutume consistant à marquer le décès d'un être proche par le port de vêtements sombres - porter le deuil - était très vivante à l'époque de La Fontaine. Elle subsiste encore, à des degrés divers, dans bien des régions. 3 Rires. 4 La fontaine de Jouvence avait la propriété de rajeunir ceux qui s'y baignaient.
PRÉSENTATION DE LA FABLE "La jeune veuve" est une fable du livre 6, la dernière fable de se livre. Cette fable est inspirée d une des fables d Abstenus «la femme qui pleurait sa femme mourante, et son père qui la consolée». "La Jeune Veuve" reprend l'intrigue d'une femme qui jure fdélité à son mari défunt et qui ne s'y tiendra pas du tout. Le texte est plutôt une comédie de caractère, plus proche d un conte que d une fable (il n'y a pas d'animaux). PROBLÉMATIQUES En quoi ce texte est-il un apologue? En quoi cette fable fait-elle l'apologie de la vie? AI-JE BIEN LU? 1. Quelle est la morale? 2. Comment la morale est-elle séparée du récit? Où commence le récit? 3. Comment le mot "temps" est-il mis en valeur, aux vers 3 et 4? 4. Que souhaite la femme quand son mari meurt? a. aux vers 18-19? b. aux vers 32-33? 5. Quelle est l'attitude du père : a. au vers 22? b. au vers 34? c. quel verbe est répété dans ces deux vers? 6. a. Relevez les indications de temps aux vers 34 et 35? b. En combien de temps la jeune veuve change-t-elle d'avis? DES AXES I. Un éloge du temps, force de guérison. II. Un rejet de ce qui est contre-nature : la mort et le cloître. / Le temps, seul personnage important. III. Un éloge de la vie et du plaisir. LES NEUF IDÉES ESSENTIELLES 1. La morale est particulièrement longue. 2. Le temps est omniprésent dans cette fable : 3. selon le fabuliste, la vie n'est pas éternelle et le temps guérit les blessures de la vie. 4. Le temps est le seul personnage important. 5. Le père est un allié du temps. 6. La jeune veuve recherche d'abord la mort et le cloître, ce qui est contre-nature. 7. Le fabuliste insiste sur la beauté et la jeunesse de la femme. 8. La Fontaine réussit à nous faire comprendre qu'il est important de profter de la vie. 9. Jean de la Fontaine ne condamne pas la veuve car son comportement est naturel. LES PROCÉDÉS Relevé Outil d'analyse Interprétation La perte d'un époux ne va point sans soupirs ; Morale explicite
Entre la veuve d'une année La différence est grande ; on ne croirait jamais Que ce fût la même personne : L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits. Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne C'est toujours même note et pareil entretien ; Comme on verra par cette fable, Ou plutôt par la vérité. ; on ne croirait jamais Présent de vérité générale Pronom indéfni Dans la fontaine de Jouvence Entre la veuve d'une année La différence est grande Je ne dis pas que tout à l'heure Une condition meilleure Change en des noces ces transports 5 ; Mais, après certain temps, souffrez qu'on vous propose Un époux beau L'autre mois Champ lexical du temps indications de temps Allégorie majuscule Répétition Comme on verra par cette fable, Ou plutôt par la vérité. antithèse Entre la veuve d'une année La différence est grande ; L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits. antithèses Le mari fait seul le voyage. Le deuil enfn sert de parure, Revient au colombier ; les jeux, les ris, la danse, Ont aussi leur tour à la fn : Le père ne craint plus ce défunt tant chéri ; Présent de narration 5 Manifestations de douleur, particulièrement bruyantes.
Il laissa le torrent couler. Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Passé simple Répétition du verbe «laisser» A ses côtés, sa femme Lui criait : «Attends-moi, je te suis; et mon âme, Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler.» Le mari fait seul le voyage. Ironie euphémisme/métaphore L'époux d'une jeune beauté A ses côtés, sa femme La belle avait un père, homme prudent et sage ; Mais comme il ne parlait de rien à notre belle : + - Ah! dit-elle aussitôt, Un cloître est l'époux qu'il me faut.» Champ lexical de la beauté et de la jeunesse personnifcation La belle avait un père, homme prudent et sage ; Il laissa le torrent couler. Le père lui laissa digérer sa disgrâce. Le père ne craint plus ce défunt tant chéri ; Mais comme il ne parlait de rien à notre belle : Point de vue interne + laisser + passé simple adjectifs mélioratifs A ses côtés, sa femme Lui criait : «Attends-moi, je te suis Il laissa le torrent couler. A la fn, pour la consoler : «Ma flle, lui dit-il, c'est trop verser de larmes : Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes? ± Le deuil enfn sert de parure, En attendant d'autres atours ; Revient au colombier ; les jeux, les ris, la danse, Ont aussi leur tour à la fn : «Gradation» champ lexical de la douleur discours direct Enjambement
Gradation Gradation Gradation ou énumération Revient au colombier métaphore