Casablanca est une ville «jeune», qui a connu un formidable développement au XXe siècle, passant de 20 000 habitants à plus de 5 millions actuellement. Si en 1901 la ville comptait trois hôtels, elle en possède une centaine aujourd hui. En parcourant les noms des grands hôtels de Casablanca, c est un peu l histoire de la ville qui s écrit. 1 / 5
En 1900, la ville de Casablanca se concentre dans ce qu on appelle aujourd hui l ancienne médina, un espace d environ 70 ha entouré de murailles. Le commerce international y est en plein essor, même si le port n est pas encore construit. L hôtel Central, immeuble transformé en hôtel en 1912, est placé en face de la porte de la Marine, seule porte qui ouvre sur la mer. Cet emplacement nous rappelle que Casablanca est une ville tournée vers la mer et vers l Europe. Depuis l intérieur de l hôtel, grâce à ses balcons et ses baies vitrées, on aperçoit justement l océan. Le style méditerranéen de son architecture est le témoin du développement du commerce avec les Espagnols. Actuellement, cet hôtel a gardé sa fonction et reste l un des plus intéressants édifices de l ancienne médina. L hôtel Excelsior est l un des deux premiers grands édifices, avec le grand magasin Paris-Maroc, à s installer en dehors des murs. Construit entre 1914 et 1916 par l architecte Delaporte, il est l archétype de l immeuble colonial dans toute sa splendeur, avec ses références stylistiques néo-mauresques semblables à celle de l architecture coloniale de Tunis ou d Alger. Mais l utilisation du béton armé pour sa construction est révolutionnaire. L importance de cet hôtel vient également du fait qu il s impose comme un nouveau gabarit pour la ville. Cet immeuble de cinq étages deviendra vite le nouveau lieu où se retrouvent les grands spéculateurs qui délaissent peu à peu le Café du Commerce situé dans les murs de la médina. C est également l escale obligée des voyageurs venus d Europe, un premier pied à terre en attendant de s installer Dans les années 1920, s établissent plusieurs hôtels aux façades richement décorées : l hôtel Majestic, le Grand Hôtel Franco-Belge (actuel Touring), l hôtel des Ambassadeurs... En 1922, s ouvre un hôtel qui porte le nom d une compagnie maritime, la compagnie Transatlantique, œuvre d Edmond Gourdain. L architecte Marius Boyer construit aussi plusieurs hôtels marquants dans la ville, dans des styles très différents qui illustrent bien son évolution. Il s agit, en 1920, de l hôtel Volubilis, situé rue Abdelkrim Diouri, puis de l hôtel Atlas, en 1922, près de la gare Casa voyageurs. Dans les années 1930, ce même architecte transforme la Banque Commerciale du Maroc, construite par Gourdain sur la nouvelle avenue menant au port, (l actuel boulevard Houphouët-Boigny), qui devient l hôtel Plazza. Enfin, en 1938, l «Anfa hôtel», de style paquebot, est construit sur la colline d Anfa. Ce dernier établissement est le témoin d une grande page d Histoire. C est dans ses murs qu a lieu, en janvier 1943, la célèbre conférence dite d Anfa, réunissant Roosevelt, Churchill et de Gaulle. C est dans ce lieu mythique que fut scellé le sort de la seconde guerre mondiale puisque c est à ce moment que furent prises d importantes décisions stratégiques qui permirent aux Alliés de remporter la guerre. Les motifs de la destruction malheureuse et inopportune de l hôtel, dans les années 1970, restent encore mystérieux. Ce lieu historique aurait très bien pu être transformé en musée. Cependant, le Maroc, à l époque fraichement indépendant, n avait pas conscience de l intérêt de ce patrimoine et des énormes bénéfices qu il aurait à le préserver. 2 / 5
L hôtel Guynemer, construit 1932, est un hôtel marquant, où une certaine clientèle américaine avait ses habitudes. Sa façade est joliment décorée de bas-reliefs. Les hôtels construits après-guerre sont d une toute autre échelle. Ce sont les témoins du nouveau dynamisme de l économie marocaine dont Casablanca est l épicentre, portée en cela par l ambitieux plan d urbanisme mené par Ecochard. Deux d entre eux sont construits vers 1955 par l architecte Emile Duhon : l hôtel Paquet ou Marhaba (il est actuellement désaffecté, malgré un projet de rénovation) et le Royal Mansour. Ces deux «gratte-ciel» dont le premier devait comporter à l origine 24 étages matérialisent le concept d une ville densifiée qui a pour modèle les Etats-Unis. En 1972, l hôtel Casablanca (actuellement Hyatt Regency), de style international, prend la place de l ancien mellah et s aligne, au détriment de l ancienne médina, sur la place des Nations-Unies, conformément au souhait d Ecochard. De couleur noire pendant une période, c était le grain de beauté de la ville, ou sa verrue, suivant les sensibilités. Parmi les derniers venus, les hôtels Ibis, Novotel, Sofitel renouent avec l idée d une ville densifiée. Enfin, comment ne pas parler de l hôtel Lincoln? Cet édifice de l architecte Hubert Bride situé sur le boulevard Mohammed V et datant de 1917, constitue un élément phare du centre-ville. Aujourd hui, son état est symptomatique de la prise en compte du patrimoine dans la ville. C est l histoire d un patrimoine délaissé et si l intention de le sauver est bien là, les moyens ne suivent pas... Depuis des années, on attend une solution pour cet immeuble à l agonie. Il est sans doute déjà trop tard! Auteur :Yohann BOUIN Paru dans A+E Architecture et environnement au Maroc N 2 1erT, 2014 3 / 5
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