11 MARS 2014 P.12.0946.N/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N P.12.0946.N I. G. V. D. B., prévenu, demandeur, Me Filiep Deruyck, avocat au barreau d Anvers, II. PRIMINVEST s.a., prévenu et civilement responsable, demanderesse, Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
11 MARS 2014 P.12.0946.N/2 III. J. G., prévenu, demandeur, Me Filiep Deruyck, avocat au barreau d Anvers, IV. PRODECO s.a., prévenu et civilement responsable, demanderesse, les pourvois en cassation I, II, III, et IV contre 1. S. D. P. défendeurs, V. AG INSURANCE s.a., partie civile, demanderesse, contre 1. G. V. D. B., 2. PRIMINVEST s.a.,
11 MARS 2014 P.12.0946.N/3 3. J. G., 4. PRODECO s.a., 5. CONIX ARCHITECS, prévenus, défendeurs. I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR Les pourvois en cassation sont dirigés contre l'arrêt rendu le 19 avril 2012 par la cour d'appel d'anvers, chambre correctionnelle. Le demandeur I présente un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, et un second moyen dans un mémoire additionnel annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme. La demanderesse II présente deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme, et un troisième moyen dans un second mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme. Le demandeur III présente deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme. Les demandeurs IV et V n'invoquent pas de moyen. II. LA DÉCISION DE LA COUR : Sur le second moyen du demandeur I : 14. Le moyen invoque la violation de l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail : la faute intentionnelle visée à cette disposition requiert l'existence dans le chef de l'auteur du dommage non seulement de la volonté de causer le fait dommageable mais aussi de la volonté de causer les effets dommageables de ce fait ; en constatant d'une part que le
11 MARS 2014 P.12.0946.N/4 demandeur a commis une faute intentionnelle et en décidant d'autre part que le demandeur n'a pas eu la volonté de causer les effets dommageables de cette faute commise volontairement et sciemment, l'arrêt ne décide pas légalement que le demandeur ne peut se prévaloir de l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978. 15. En vertu de l'article 18, alinéas 1 er et 2, de la loi du 3 juillet 1978, le travailleur qui cause des dommages à l'employeur ou à des tiers dans l'exécution de son contrat ne répond que de son dol et de sa faute lourde. Il ne répond de sa faute légère que si celle-ci présente dans son chef un caractère habituel plutôt qu'accidentel. 16. Le dol au sens de l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 requiert l'existence dans le chef de l'auteur du dommage non seulement de la volonté de causer le fait dommageable mais aussi de la volonté de causer les effets dommageables de ce fait. La faute lourde au sens du même article ne requiert pas que l'auteur du dommage ait voulu causer le fait dommageable et les effets dommageables de ce fait. 17. L'arrêt décide : "En ce qui concerne la responsabilité extracontractuelle, il y a lieu d'interpréter la notion de 'dol' (ou faute intentionnelle) au sens de l'article 18, contrairement à la notion de 'faute lourde' qui est dénuée de l'élément de 'l'intention', comme étant la violation volontaire d'une règle de droit qui prévoit un ordre ou une interdiction ou instaure une règle de diligence bien déterminée. Cette interprétation ne coïncide pas seulement avec la définition en droit pénal de la notion de 'dol général' mais concorde aussi avec le droit des responsabilités en vertu duquel le fait de causer un dommage ne constitue pas nécessairement une faute, de sorte que la définition de la notion doit essentiellement se référer à l'acte fautif (l'action ou la négligence) et ses caractéristiques et non à ses effets dommageables. En l espèce, (le demandeur), en sa qualité de travailleur, a commis une faute qualifiée qui est en relation causale avec le dommage subi par les parties civiles. Au pénal, son intention était d'omettre volontairement et sciemment de poser les actes prévus en droit pénal en matière de sécurité des travailleurs
11 MARS 2014 P.12.0946.N/5 (violation de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail). Aucun élément du dossier ne permet de constater ou d'admettre qu'en l espèce, il a été victime d'une erreur invincible ou que les faits constituent dans son chef une force majeure excluant sa faute. Par ces motifs, (le demandeur) ne peut se prévaloir de l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978". Par ces motifs, l'arrêt décide que l'immunité instaurée par l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 n'est pas applicable en raison du dol commis par le demandeur, sans constater l'existence dans son chef de la volonté de causer les effets dommageables. Par cette décision, l'arrêt viole l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978. Le moyen est fondé. Sur le deuxième moyen de la demanderesse II : 23. Le moyen invoque la violation des articles 67 du Code d'instruction criminelle et 807 du Code judiciaire : dès lors qu'en première instance, les défendeurs 10 et 11 n'ont pas introduit une action civile au nom de leur enfant mineur I. R., l'arrêt ne pouvait admettre l'introduction d'une telle action en tant qu'extension de l'action civile introduite en leur nom, de sorte que cette action ne pouvait être déclarée recevable. 24. Conformément aux articles 807 et 1042 du Code judiciaire, la partie civile peut, même en degré d'appel, étendre ou modifier l'action portée devant le juge pénal en application des articles 3 et 4 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, pour autant que cette extension ou modification reste fondée sur l'infraction mise à charge du prévenu.
11 MARS 2014 P.12.0946.N/6 25. La demande nouvelle introduite par une partie formelle au procès, en qualité de représentante légale d'une partie matérielle au procès qui n'est pas encore en tant que telle au procès, ne constitue pas une extension de la demande que cette même partie formelle au procès a introduite antérieurement, en son propre nom ou en tant que représentante légale d'une autre partie matérielle au procès. 26. L'arrêt décide quant au mineur d'âge I. R. que l'extension de la demande des défendeurs 10 et 11 formée en degré d'appel est recevable, dès lors qu'elle est fondée sur les faits mis à charge des demandeurs I et III déclarés établis. Ainsi, il ne motive pas régulièrement sa décision. Le moyen est fondé. PAR CES MOTIFS, LA COUR Casse l'arrêt attaqué en tant que : - il décide que le demandeur I ne peut se prévaloir de l'article 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail ; - il statue sur les actions civiles introduites par les défendeurs à l'égard du demandeur I ; - il statue sur l'action civile introduite à l'égard de la demanderesse II par les défendeurs 10 et 11 en leur qualité de représentants de leur enfant mineur I. R. ; - il statue sur les autres actions civiles introduites à l'égard de la demanderesse II et déclare cette demanderesse civilement responsable des frais mis à charge du demandeur III ; Pour le surplus, rejette les pourvois ;
11 MARS 2014 P.12.0946.N/7 Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de partiellement l'arrêt cassé ; Condamne le demandeur I à la moitié des frais de son pourvoi et les défendeurs 1 à 13 à l'autre moitié des frais ; Condamne les défendeurs 1 à 13 aux frais du pourvoi de la demanderesse II ; Condamne les demandeurs III, IV et V aux frais de leurs pourvois ; Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Gand. Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Paul Maffei, président, président de section Luc Van hoogenbemt, les conseillers Alain Smetryns, Peter Hoet et Antoine Lievens, et prononcé en audience publique du onze mars deux mille quatorze par le président de section Paul Maffei, en présence de l avocat général suppléant Marc De Swaef, avec l assistance du greffier Kristel Vanden Bossche. Traduction établie sous le contrôle du conseiller Michel Lemal et transcrite avec l assistance du greffier Fabienne Gobert. Le greffier, Le conseiller,