FSL COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE MARSEILLE N 11MA04203 --- M. M. M. L'hôte Rapporteur M. Deliancourt Rapporteur public Audience du 21 janvier 2014 Lecture du 11 février 2014 24-01-01-01-01-02 26-04-04 71-01-003 71-02 C RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS La cour administrative d'appel de Marseille 7 ème chambre Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2011, présentée pour M. Hugo M., [ ], par Me Lacrouts ; M. M. demande à la Cour : 1 ) d annuler le jugement n 1000739 du tribunal administratif de Bastia du 15 septembre 2011 en tant qu il a rejeté sa demande tendant à l annulation de l arrêté du préfet de la Corse-du-Sud du 17 mai 2010 portant transfert d office et classement dans le domaine public communal de la commune de Sotta de la route dite «d Alzitella ou de Vergajola» et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; 2 ) d annuler l arrêté contesté ; 3 ) de mettre à la charge de l Etat la somme de 3 000 euros en application de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; Il soutient que :
N 11MA04203 2 - l article R. 141-5 du code de la voirie routière a été méconnu dès lors que l arrêté du maire ordonnant l ouverture de l enquête publique n a pas été publié par voie d affichage, sans que la publicité faite dans la presse locale ne soit de nature à dispenser la commune de son obligation ; - le dossier soumis à l enquête publique ne comportait pas la note indiquant les caractéristiques techniques de l état d entretien de la voie, prévue à l article R. 318-10 du code de l urbanisme ; - le tribunal a omis de répondre à ce moyen pourtant opérant ; - l article L. 318-3 du code de l urbanisme est contraire à l article 1 er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales, dès lors qu il autorise une privation de propriété sans une juste et préalable indemnité ; le tribunal a écarté ce moyen par une motivation lacunaire n évoquant pas l absence d indemnisation juste et préalable ; - les articles L. 318-3 du code de l urbanisme et L. 162-5 du code de la voirie routière ont été méconnus dès lors que la voie en cause ne se situait pas dans un ensemble d habitation et qu elle n était pas ouverte à la circulation publique ; - le transfert opéré ne répond à aucun objectif d utilité publique ; les premiers juges n ont pas répondu à la branche de ce moyen tirée de l existence d une autre voie d accès entre le centre du village et la route départementale n 859 ; - la procédure engagée par la commune a pour unique raison de justifier a posteriori l emploi de deniers publics ayant servi à goudronner une partie de la voie ; - l équité commandait qu aucune somme ne soit mise à sa charge au titre des frais d instance ; Vu le jugement attaqué ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2012, présenté pour la commune de Sotta, par Me Menage, tendant au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - l article R. 141-5 du code de la voirie routière n a pas été méconnu ; - le tribunal a répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l article R. 318-10 du code de l urbanisme ; - le dossier soumis à enquête comportait la note prévue par cet article ; - l exception d inconventionnalité de l article L. 318-3 du code de l urbanisme devra être écartée ; - le requérant ne rapporte pas la preuve qu il était propriétaire de la voie ; - les articles L. 162-5 du code la voirie routière et L. 318-3 du code de l urbanisme n imposent pas que le transfert soit rendu nécessaire par une considération d utilité publique ; - la voie est située dans un ensemble d habitations ; - la voie est ouverte à la circulation publique depuis 1982 et l est restée durant l enquête aussi bien qu à la date de l arrêté attaqué ; - le requérant a clairement manifesté sa volonté de laisser cette voie ouverte à la circulation publique ;
N 11MA04203 3 - le moyen tiré de l absence d utilité publique de l opération est inopérant et manque en fait ; - le but d intérêt général poursuivi par l opération a été constatée par l ordonnance du tribunal administratif de Bastia du 8 juillet 2010 ayant rejeté la demande de suspension présentée par le requérant, qui est revêtue de l autorité de la chose jugée ; Vu l ordonnance en date du 5 juin 2013 fixant la clôture d instruction au 5 juillet 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ; Vu le mémoire, enregistré le 4 juillet 2013, présenté pour M. M., tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ; Vu l ordonnance en date du 8 juillet 2013 portant réouverture de l instruction et fixant sa clôture au 6 août 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ; Vu le mémoire, enregistré le 30 juillet 2013, présenté pour la commune de Sotta, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ; Vu la lettre en date du 11 octobre 2013, informant les parties, en application de l article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d être fondée sur un moyen soulevé d office ; Vu le mémoire, enregistré le 31 octobre 2013, présenté pour M. M., en réponse au moyen d ordre public ; Vu le mémoire, enregistré le 14 janvier 2014, présenté pour le ministre de l égalité des territoires et du logement ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; Vu le code de l urbanisme ; Vu le code de la voirie routière ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l audience ;
N 11MA04203 4 Après avoir entendu au cours de l audience publique du 21 janvier 2014 : - le rapport de M. L hôte, premier conseiller, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Lacrouts, pour M. M. ; Après avoir pris connaissance des notes en délibéré, enregistrées les 22 et 24 janvier 2014, présentées respectivement pour M. M. et pour la commune de Sotta ; 1. Considérant que M. M. défère à la Cour le jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 septembre 2011 en tant qu il a rejeté sa demande tendant à l annulation de l arrêté du préfet de la Corse-du-Sud du 17 mai 2010 portant transfert d office et classement dans le domaine public communal de la commune de Sotta de la route dite «d Alzitella ou de Vergajola» et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l article L. 761-1 du code de justice administrative ; Sur la légalité de l arrêté du 17 mai 2010 : 2. Considérant qu aux termes de l article L. 162-5 du code de la voirie routière : «La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d habitations peut être transférée dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées dans les conditions fixées à l article L. 318-3 du code de l urbanisme» ; qu aux termes de l article L. 318-3 du code de l urbanisme, dans sa rédaction applicable en l espèce : «La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d habitations peut, après enquête publique, être transférée d office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées. La décision de l autorité administrative portant transfert vaut classement dans le domaine public et éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les biens transférés. Cette décision est prise par délibération du conseil municipal. Si un propriétaire intéressé a fait connaître son opposition, cette décision est prise par arrêté du représentant de l Etat dans le département, à la demande de la commune. L acte portant classement d office comporte également approbation d un plan d alignement dans lequel l assiette des voies publiques est limitée aux emprises effectivement livrées à la circulation publique. ( )» ; 3. Considérant qu en application des dispositions précitées, le conseil municipal de Sotta a décidé, par une délibération du 9 juillet 2009, la mise en œuvre de la procédure de transfert d office dans le domaine public communal de plusieurs voies située sur son territoire, dont la route dite «Alzitella» reliant les routes départementales 959 et 459 ; que, par un arrêté du 20 janvier 2010, le maire a prescrit l ouverture d une enquête publique sur le projet de transfert de cette voie et a désigné un commissaire enquêteur ; que l enquête publique s est déroulée du 15 février au 3 mars 2010 ; que le commissaire enquêteur a remis son rapport le 24 mars 2010 ; que, par une délibération du 26 mars 2010, le conseil municipal de Sotta a demandé au préfet de procéder au transfert de la route en cause ; que celui-ci a fait droit à cette demande par l arrêté contesté du 17 mai 2010 ;
N 11MA04203 5 4. Considérant qu une voie privée ne peut être réputée affectée à l usage du public que si son ouverture à la circulation publique résulte du consentement, au moins tacite mais non équivoque, des propriétaires ; 5. Considérant que la voie litigieuse a été aménagée par la commune de Sotta en 1986, avec le consentement des propriétaires dont le requérant, afin de relier la RD 959, permettant l accès au centre du village, à la RD 459 ; qu il est constant que, depuis la réalisation de ces travaux, la voie a été affectée à la circulation publique et, notamment, a été empruntée plusieurs fois par jour par le car de ramassage scolaire ; qu il ressort cependant des pièces du dossier que, par un courrier du 28 avril 2009, figurant au dossier de première instance, M. M. a informé la commune, de la façon la plus claire, de «sa volonté de fermer définitivement à la circulation publique le chemin» et en a immédiatement obstrué le passage ; que, s il est exact, comme le fait valoir la commune de Sotta, que la libre circulation a été rétablie dans les deux jours qui ont suivi, le dégagement de la voie a cependant été effectuée d office par des engins communaux, contre la volonté du requérant ; que ce dernier a d ailleurs contesté, le 16 mai 2009, devant le tribunal administratif de Bastia les deux arrêtés du maire de Sotta des 28 et 30 avril 2009 le mettant en demeure de permettre la libre circulation sur la voie ; que la commune de Sotta soutient également que, dans la mesure où M. M. ne se serait plus opposé ultérieurement au passage du public jusqu à la date de l arrêté contesté, il doit être regardé comme ayant révoqué son opposition exprimée en avril 2009 ; qu à aucun moment, l intéressé n a cependant exprimé son intention de revenir sur sa décision explicite de fermer la voie à la circulation publique, alors qu il a au contraire maintenu son recours contre les arrêtés de mise en demeure des 28 et 30 avril 2009, dont il n a obtenu l annulation par le tribunal que le 10 juin 2010, soit postérieurement à l arrêté préfectoral en litige ; que, dans ces circonstances, l ouverture de la route dite «Alzitella» à la circulation publique ne pouvait être regardée, à la date de l arrêté contesté, comme recueillant le consentement non équivoque, même tacite, de l ensemble des propriétaires ; que, par suite, et sans qu il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. M. est fondé à soutenir que le préfet de la Corse-du-Sud a illégalement ordonné le transfert d office et le classement de cette route dans le domaine public de la commune de Sotta ; 6. Considérant qu il résulte de tout ce qui précède, et sans qu il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que M. M. est fondé à soutenir que c est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l annulation de l arrêté du préfet de la Corse-du-Sud du 17 mai 2010 et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Sotta et non compris dans les dépens ; Sur les conclusions tendant à l application des dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Considérant que les dispositions de l article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. M., qui n est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Sotta demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l espèce, il n y a pas lieu de mettre à la charge de cette dernière la somme demandée par M. M. au même titre ;
N 11MA04203 6 DÉCIDE : Article 1 er : L arrêté du préfet de la Corse-du-Sud du 17 mai 2010 est annulé. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 15 septembre 2011 est réformé en ce qu il a de contraire à l article 1 er du présent arrêt et en ce qu il met à la charge de M. M. la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Sotta et non compris dans les dépens. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hugo M., au ministre de l écologie, du développement durable et de l énergie et à la commune de Sotta. Délibéré après l audience du 21 janvier 2014, où siégeaient : - M. Bédier, président de chambre, - Mme Paix, président assesseur, - M. L hôte, premier conseiller. Lu en audience publique, le 11 février 2014. Le rapporteur, Le président, V. L'HÔTE J.-L. BEDIER Le greffier, V. DUPOUY La République mande et ordonne au ministre de l écologie, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier,