Orientation diagnostique devant : Douleur buccale (305) F. Cheynet, C. Chossegros, J.L. Blanc Février 2006



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Orientation diagnostique devant : Douleur buccale (305) F. Cheynet, C. Chossegros, J.L. Blanc Février 2006 Objectifs : Devant des douleurs buccales, argumenter les principales hypothèses diagnostiqueset justifier les examens complémentaires pertinents. Références : L ouvrage de référence pour l ENC est le Campus Illustré, Chirurgie Maxillo-Faciale et pour le 2nd cycle des études médicales. Edition révisée 2006, Elsevier Ed, Paris 120 p. 1. Introduction Une douleur buccale est un motif de consultation très fréquent. Douleurs buccales et faciales sont fréquemment associées par l innervation trigéminale commune. Douleurs buccales et cervico-céphaliques sont souvent intriquées. Si les lésions dentaires dominent en fréquence les causes de douleur buccale et orientent souvent d emblée le patient vers le stomatologiste ou l odontologiste, il existe de nombreuses autres étiologies qu un examen complet et minutieux devra rapporter à sa véritable cause. Dans de rares cas, la douleur ressentie dans ou autour de la bouche résulte de l atteinte d organes de voisinage ou des nombreuses structures nerveuses qui participent à l innervation sensitive de la face. L examen clinique couplé à la radiographie panoramique dentaire suffit dans la grande majorité des cas à reconnaitre la cause de la douleur. La tomodensitométrie, et dans certains cas l IRM, centrée sur la cavité buccale, la face, la base du crâne ou le cou permettent de rapporter à leur cause certaines douleurs atypiques ou celles ayant pour origine une lésion profonde. Il persiste quelques douleurs buccales anorganiques à bilan paraclinique normal (ou douleur idiopathique). Elles relèvent de mécanismes physiopathologiques complexes en cours de démembrement (neuroplasticité, algie neurogène, psychalgie, syndrome douloureux régional complexe). 2. Rappels anatomo-physiologiques La douleur de la région bucco-maxillo-faciale emprunte divers circuits, le principal étant celui du nerf trijumeau ou cinquième paire des nerfs crâniens (V) avec ses trois branches (nerf ophtalmique, nerf maxillaire, nerf mandibulaire). Le nerf trijumeau transmet la sensibilité somatique de la face et des cavités buccales et nasales. Les corps cellulaires des neurones de premier ordre se situent dans le ganglion de Gasser. Le nerf trijumeau pénètre ensuite le tronc cérébral à la partie moyenne du Pont. Les fibres nerveuses se projettent sur le «complexe sensitif du V» qui correspond au premier relais dans le système nerveux central et qui s étend à travers tout le tronc cérébral (des premiers segments cervicaux à la limite caudale du mésencéphale). Ce complexe comprend deux noyaux : rostralement, le noyau principal et caudalement le noyau spinal (divisé en 3 sous-noyaux : oral, interpolaire et caudal). A coté des neurones nociceptifs spécifiques mettant en jeu des fibres Aδ et C, il faut souligner l abondance des neurones à convergence dans le noyau spinal du V intégrant des stimulations nociceptives et mécaniques via les fibres Aαβ, mais aussi des fibres Aδ et C. Les messages nociceptifs sont ensuite transmis au cortex cérébral via la formation réticulée bulbaire et le thalamus. Il existe ainsi plusieurs niveaux de régulation du message douloureux expliquant la multiplicité des approches thérapeutiques possibles. 1

Quelques afférences somesthésiques empruntant le nerf facial (ou septième paire des nerfs crâniens (VII)), le nerf glossopharyngien (neuvième paire des nerfs crâniens (IX)) et le nerf vague (dixième paire des nerfs crâniens (X)) participent à la sensibilité de l oropharynx (base de langue surtout), mais aussi d une petite partie du pavillon de l oreille (zone de Ramsay-Hunt). Il faut également souligner la participation du nerf spinal accessoire (onzième paire des nerfs crâniens (XI), des nerfs afférents sympathiques et parasympathiques crâniens, ainsi que des fibres non myélinisées des racines motrices des nerfs périphériques. Tous ces éléments constituent un véritable «réseau électrique» dont la complexité explique les intrications et les irradiations douloureuses parfois trompeuses des douleurs buccales avec les autres douleurs faciales et cervico-céphaliques. 3. Bilan d une douleur buccale Ce bilan vise d une part à préciser la sémiologie de la douleur, d autre part à rechercher sa cause. 3.1. Interrogatoire A la fois ouvert et directif, l interrogatoire fait préciser les divers aspects et dimensions de la douleur : siège : point de départ (précis ou diffus), extension du territoire algique, irradiation à distance, caractère neurologique ou non du territoire algique, algies intriquées des territoires voisins. caractères : qualité (lourdeur, tension, brûlure, piqûre, décharge électrique, broiement, pulsation...) et intensité (de la simple gêne à la douleur atroce, à grader si possible sur une échelle visuelle analogique (EVA de 0 à 10), une échelle sémantique (4 à 5 adjectifs de minime à extrême ) ou par rapport à une douleur étalon. La richesse descriptive et la grandiloquence des termes employés par le patient doivent aussi être notées. modalités évolutives : date d apparition, durées (ancienneté globale depuis le début : chronicité si > 6 mois ; durée de chaque crise; durée des phases d accalmie...), installation brutale ou progressive, rythmes (crise unique, crises en salve, douleur continue) et en cas de crise répétée, préciser le rythme dans le temps (nychtéméral : diurne ou nocturne ; hebdomadaire : jour particulier? ; annuelle : saison particulière?) circonstances d apparition et facteurs de modulation : déclenchement spontané ou provoqué, facteurs déclenchants (mastication, alimentation froide ou chaude, mouvements divers...), facteurs aggravants et/ou calmants (chaud, froid, pression, mouvements, type d aliments, décubitus, automédication, traitements déjà prescrits ), facteurs favorisants (évènements antérieurs ou concomitants; terrain : sexe, âge, hygiène...) signes d accompagnement (locaux, régionaux, à distance) par mécanismes inflammatoire, vasomoteur (réponse sympathique) ou réflexe (réflexe d axone déclenché par la stimulation des fibres C) : oedème, rougeur, larmoiement, rhinorhhée, sialorrhée, vertiges, lésions cutanées, contractures musculaires, postures adaptatives, trouble du sommeil, troubles digestifs (nausée, vomissements, diarrhée...). répercussions de la douleur sur les actes de la vie courante, le sommeil (algie insomniante), l alimentation (poids?), le psychisme (trouble de l humeur, dépression induite), les relations humaines (isolement?), l activité professionnelle (arrêt de travail?). 3.2. Examen clinique Il doit être complet et minutieux, méthodique, associant de manière systématique inspection et palpation, à la recherche d'une cause organique. D abord extra-buccal (facial, crânien, cervical, 2

général), puis intra-buccal, il intéresse les différents systèmes et structures impliqués dans les douleurs buccales : neurologique : sensibilité, motricité, réflexes musculaire (masticateurs+++, linguaux, vélo-pharyngés, cervicaux, peauciers) articulaire (A.T.M.) : palpation, auscultation, cinétique salivaire : ostium, salive, canaux, glandes immunitaire (amygdales, ganglions de la face et du cou) ventilatoire (nez, sinus, mode de ventilation, posture de sommeil) cutanéo-muqueux (lèvres, joues, palais, plancher, gencive...) dentaire : inspection, palpation, percussion, tests de vitalité, sondage parodontal, occlusion, état des prothèses fixes ou amovibles. Les signes de bruxomanie (parafonction manducatrice fréquente à type de crispation des mâchoires ou de grincement des dents, souvent nocturne) sont à rechercher systématiquement : hypertrophie musculaire, abrasion dentaire, fracture coronaire, mylolyse, hyperostose alvéolaire. 3.3. Les examens complémentaires Orientés par l'examen clinique, ils doivent comporter : systématiquement une radiographie panoramique dentaire (orthopantomogramme ou OPG), complétée si nécessaire par des clichés rétro-alvéolaires pour l étude dentaire précise, à la demande : une tomodensitométrie (TDM) de la cavité buccale, étendue si nécessaire à l ensemble de l extrémité céphalique et au cou en cas de douleurs atypiques ou idiopathiques, une échographie, sialographie, et/ou IRM pour les atteintes salivaires essentiellement des prélèvements microbiologiques (bactério, myco, viro, sérologies) et biopsiques en cas de lésions muqueuses. 4. Diagnostic de douleurs selon la structure tissulaire 4.1. Douleurs d origine dentaire Les douleurs dentaires sont parmi les douleurs les plus précoces de l enfant (gingivostomatite d éruption, caries précoces par syndrome du biberon sucré nocturne). Les soins et les avulsions dentaires sont aussi l une des premières occasions de rencontre entre un patient souffrant et un thérapeute (risque de «peur du dentiste» quasi-phobique de l adolescent et de l adulte, en cas de mauvaise prise en charge initiale de la douleur). Il faut insister sur le caractère très polymorphe des douleurs dentaires qui prennent souvent le masque des syndromes névralgiques les plus divers, et sur leurs signes d'accompagnement, tels que douleurs secondaires, spasmes musculaires, sialorrhée ou larmoiement. Quoi qu'il en soit, il est habituel de considérer, à tort trop souvent, toute douleur de la région bucco-maxillo-faciale comme étant d'origine dentaire. 4.1.1. Douleurs d'origine pulpaire Lorsque l'origine est pulpaire, la douleur varie en fonction du degré d'inflammation de la pulpe. La cause habituelle est la carie (destruction des tissus durs de la dent par attaque acide due à la dégradation de sucres par des bactéries de la plaque dentaire). 3

La carie limitée à l émail est habituellement indolore. La carie de la dentine entraîne une douleur brève, toujours provoquée par des stimuli (froid, chaud, sucre, acide). Une carie plus profonde atteint la pulpe richement innervée : la pulpite évolue en plusieurs étapes (hyperhémie réversible, infection aiguë ou chronique, nécrose ou mortification pulpaire), ces étapes étant parfois synchrones sur les dents pluriradiculées comme les molaires. La pulpite aiguë est la «rage de dent», plutôt nocturne avec des douleurs irradiées, homolatérales. La dent causale est parfois difficilement identifiée mais elle peut être à distance du territoire d'expression de la douleur (synalgies, douleurs projetées). On pensera à une pulpite chronique, quand, après une ou plusieurs crises de pulpite aiguë, des douleurs modérées se produisent par poussées. La parodontite apicale aiguë, stade succédant à la pulpite, signe la diffusion de l infection dans l espace péri-apical (desmondonte et os alvéolaire). On y pense devant une douleur d'abcès alvéolaire (douleurs lancinantes parfois intenses aggravées par le décubitus et la chaleur, avec un œdème et une sensibilité des tables osseuses en regard). L identification de la dent causale est facile, car le moindre contact à son niveau est insupportable. La sensation de «dent longue» est due à l inflammation du ligament alvéolo-dentaire qui soulève légèrement la dent. La parodontite apicale chronique est une des évolutions possibles de la mortification pulpaire. L organisme établit une réaction de défense sous forme d un granulome apical, à rechercher par la radiographie (image radio-claire à l apex dentaire), devant une symptomatologie longtemps muette, émaillée de légers accès douloureux (poussée de réchauffement). La dent se reconnaît à la percussion axiale qui réveille la douleur osseuse. Dans ces différentes situations, le geste utile doit reposer sur un geste technique local. Les prescriptions médicamenteuses sont un appoint thérapeutique (antibiotiques type pénicilline A et antalgiques type paracétamol +/- dérivés morphiniques). Cette prescription est temporaire en attendant les soins adaptés. Les anti-inflammatoires sont très efficaces, mais ils peuvent favoriser et masquer la diffusion des «cellulites». Chez l enfant et chez l adulte pusilanime, la mise en condition (ambiance rassurante et relaxante, anesthésie muqueuse de contact (Xylonor ), voire la sédation par mélange oxygène-protoxyde d azote (Entonox ) permettent d effectuer de nombreux soins indolores. 4.1.2. Douleurs d'origine parodontale Le diagnostic est ici facilité par la percussion, extrêmement douloureuse qui renseigne sur l'origine dentaire. Lors des parodontites, la gencive est inflammatoire (rouge, oedématiée, décollée) dans la région du collet de la dent. La pression à ce niveau fait sourdre une gouttelette de pus autour d'une dent mobile et provoque une gingivorragie. Un bourrage alimentaire entre 2 dents peut provoquer des douleurs intenses (syndrome du septum ou septite). Là encore, le traitement anti-infectieux (Péni, macrolide), les antiseptiques locaux (bains de bouche, gels) et le geste local (détartrage, surfaçage, curetage) sont indiqués. 4.1.3. Autres douleurs d'origine dentaire La douleur constitue le signe clinique majeur de deux affections de diagnostic étiologique simple: les alvéolites après extraction et les accidents d évolution des dents de sagesse. Moins bien connu, la douleur peut accompagner les traitements orthodontiques. 4

l'alvéolite sèche est une ostéite localisée qui suit une extraction dentaire (molaire, infecté, terrain stressé/tabagique). Le diagnostic est évoqué devant une douleur violente, insomniante et irradiée à point de départ reconnu, survenant deux ou trois jours après une extraction dentaire, et durant 8 à 10 jours Il faut cependant rechercher une autre cause dentaire toujours possible. Le traitement est local (vérification de l alvéole, mise en place de pansements anesthésiants et antiseptiques) et général (antibiotiques type pénicilline A et antalgiques type paracétamol +/- dérivés morphiniques). Les «alvéolites» suppurées, plus fréquentes, correspondent à la surinfection du caillot sanguin qui comble la cavité alvéolaire. Cette infection du site opératoire survient entre 7 et 21 jours et nécessite un drainage-curetage avec irrigation sous anesthésie locale. les accidents d évolution de la dent de sagesse mandibulaire associent douleurs et signes locaux très nets dans le territoire de la dent chez un sujet jeune entre 16 et 25 ans en moyenne. La gencive recouvrant la couronne de la dent est hyperhémiée (péricoronarite), il peut exister un léger trismus. La palpation est douloureuse, du pus peut sourdre de la poche péri coronaire. Le traitement repose sur un geste local : soit découverte de la couronne par ablation de la muqueuse sus jacente, soit avulsion de la dent s il n y a pas assez d espace pour la mise en place sur l arcade. Un traitement général doit souvent être associé quelques jours (antibiotiques type pénicilline A et antalgiques type paracétamol +/- dérivés morphiniques). Les douleurs induites par l orthodontie, d intensité modérée, méritent d être connues du fait de la fréquence accrue des traitements multibagues. Elle traduisent habituellement une mobilisation dentaire trop rapide avec risque de hyalinisation parodontale. La prise de paracétamol pendant 24 heures après toute modification de l appareillage orthodontique suffit à calmer ces douleurs. Des douleurs vives correspondent à des incidents plus graves (blessure muqueuse par un fil métallique, expulsion partielle de dent) et imposent l intervention du spécialiste d orthopédie dento-faciale. 4.1.4. Les abcès d origine dentaire Ce sont les complications évolutives des pathologies infectieuses précédentes. Chronologiquement, l infection des tissus celluleux péri-maxillaires est séreuse puis collectée, phlegmoneuse. Elles se développent souvent après un traitement anti-inflammatoire non associé à une antibiothérapie et surtout non accompagné d un geste spécifiquement dentaire. La douleur lancinante, insomniante, s accompagne de signes généraux plus ou moins marqués (fièvre, asthénie) et surtout de signes locaux : œdème, comblement du vestibule buccal en regard de la dent responsable, rougeur cutanée, trismus, adénopathies cervicales. La douleur locale est plus marquée en cas de prédominance de germes anaérobies. Le traitement en est chirurgical, le plus souvent sous anesthésie locale (difficile) ou mieux générale. Il comprend l avulsion de la dent causale et le drainage de la collection purulente si elle existe. Un traitement général lui est associé quelques jours (antibiotiques type pénicilline A+acide clavulanique et antalgiques type paracétamol +/- dérivés morphiniques). En cas de gangrène gazeuse, une oxygénothérapie hyperbare peut être indiquée. 4.2. Les douleurs d origine sinusienne Toutes les cavités sinusiennes peuvent être le siège de phénomènes infectieux, mais seuls les sinusites maxillaires peuvnet s accompagner de douleurs buccales. 5

4.2.1. La sinusite maxillaire d origine dentaire Elle est typiquement chronique avec des poussées de surinfection. Ses caractéristiques sont l unilatéralité de la douleur spontanée ou provoquée (pression antérieure), l unilatéralité de la rhinorrhée, la cacosmie (germes anaérobies), la présence d une ou de plusieurs dents «sinusiennes» (prémolaires, 1 ère ou 2 ème molaire) délabrées ou dévitalisées. Le traitement repose sur l avulsion de la dent, le drainage du sinus, les aérosols, l antibiothérapie adaptée aux prélèvements bactériologiques. 4.2.2. Les sinusites maxillaires aiguës d origine nasale Ellesapparaissent souvent au décours d une rhinite et sont le plus souvent bilatérales. La fièvre, inconstante, peut atteindre 38 5-39 C. Elle s accompagne de signes locaux : rhinorrhée purulente, douleur pulsatile, augmentant en position déclive et en période nocturne. Cette douleur est sous-orbitaire avec des irradiations dentaires ( dents sinusiennes ). L extension des douleurs en sus-orbitaire et en fronto-orbitaire fait craindre une pansinusite (maxillo-frontoethmoïdale). Le traitement est local (aérosols), général (antibiothérapie, antalgiques - fébrifuges) et chirurgical spécialisé (drainage des collections sinusiennes suppurées). 4.2.3. Les sinusites maxillaires chroniques Elles se manifestent principalement par des douleurs chroniques (> 3 mois) peu intenses parfois réduites à une sensation de pesanteur. Ces douleurs sont associées à une obstruction nasale, une rhinorrhée purulente. La notion d intervention chirurgicale est fréquemment retrouvée dans les antécédents (recherche de communication bucco-sinusienne, de dépassement de pâte dentaire). Le traitement médical local est systématique et utilisé en première intention. L indication du traitement chirurgical est du ressort du spécialiste. 4.3. Les douleurs d origine osseuse 4.3.1. L'ostéite Elle correspond à une affection inflammatoire du tissu osseux. Depuis 50 ans, la fréquence relative des ostéites des os de la face a beaucoup diminué grâce au progrès de l'antibiothérapie, à la prise en charge précoce des ces pathologies et à la mise en place d'une hygiène bucco-dentaire beaucoup plus rigoureuse. L'origine est essentiellement microbienne et locale tout particulièrement alvéolodentaire (inoculation directe ou de voisinage). Les pathologies infectieuses générales ne donnent que de façon exceptionnelle des localisations maxillomandibulaires. Les causes chimiques et parasitaires sont, elles aussi, exceptionnelles. L inoculation directe peut être secondaire à une avulsion dentaire, un traumatisme (fracture), une intervention chirurgicale (pose d implant, chirurgie orthognatique). L inoculation par contiguïté se développe à partir des dents ou des sinus. Douleur, tuméfaction osseuse et chronicité se retrouvent dans pratiquement tous les cas. Une fistule cutanée, un empâtement vestibulaire, une anesthésie labio-mentonnière (signe de Vincent), un trismus sont possibles. Les radiographies (OPG et TDM) retrouve une association de zones hyper denses et de zones d ostéolyse avec disparition de la trame osseuse. Un séquestre osseux, sous forme d image radio opaque homogène entourée d une zone radio-claire floue peut s observer. La scintigraphie, qui n a de valeur qu avant tout geste chirurgical, est hyperfixante. Le traitement des ostéites est médical dans les formes minimes, médico-chirurgical dans les autres formes 6

4.3.2. L'ostéoradionécrose, ou ostéite post-radique Elle représente l'ensemble des phénomènes biologiques et cliniques qui se produisent au niveau des structures osseuses de la face irradiée, et qui peuvent aboutir à des altérations majeures pouvant mettre en jeu la vie du patient, alors même que le problème carcinologique est en rémission ou en guérison. Cette ostéite survient le plus souvent au niveau de la mandibule. L'apparition d'une ostéoradionécrose implique le tissu osseux, mais aussi tous les tissus de voisinage (muqueuse, muscle, peau et vaisseau) par atteinte vasculaire diffuse. Sa survenue peut être précoce ou tardive, éventuellement plusieurs années après irradiation. La douleur est le maître symptôme. Elle est très localisée ou diffuse, hémifaciale, parfois très violente. Sont associés de manière fréquente, halitose, dysgueusie, dysphagie, trismus, orostome. L examen endobuccal retrouve en règle une dénudation mandibulaire. L imagerie (OPG, TDM, voire IRM) met en évidence une zone d ostéolyse intense, plus ou moins étendue, microgéodique, floue et mal limitée. Une fracture pathologique peut y être associée. Le diagnostic différentiel principal est la récidive tumorale. Cette affection dont la fréquence a diminué depuis les années 1970, pose toujours d'importants problèmes thérapeutiques lorsqu'elle survient. Si la prévention en est le meilleur traitement, l antibiothérapie, les traitements antalgiques, l'oxygénothérapie hyperbare et les techniques modernes de reconstruction mandibulaire trouvent largement leur place. 4.3.3. Ostéonécrose des maxillaires et bisphosphonates On rapproche des manifestations cliniques de l'ostéoradionécrose une forme particulièrement fréquente de nécrose des maxillaires, l'ostéo-nécrose après administration de bisphosphonates. Ces thérapeutiques sont largement prescrites pour des déminéralisations osseuses, notamment en cancérologie. Au niveau des maxillaires elles fragilisent paradoxalement l'os, et soit spontanément, soit après avulsions dentaires se déclenche un processus ostéitique chronique qui ne guérit pas avec douleurs, ulcération gingivale, tuméfaction, parfois fistule, élimination de séquestre voire même fracture pathologique. Ces phénomènes de plus en plus fréquents imposent un bilan dentaire préalable à toute administration de bisphosphonates. Les formes injectables (Aredia, Zometa) semblent plus fréquemment en cause. L'arrêt du bisphosphonate ne diminue par le risque de nécrose maxillaire." 4.3.4. Les dysplasies et dystrophies osseuses (Paget, dysplasie fibreuse) Elles sont habituellement indolores, mais des poussées inflammatoires douloureuses sont possibles et répondent bien aux AINS, voire aux corticoïdes en cure brève. 4.3.5. Les sarcomes (ostéosarcomes, chondrosarcomes) des maxillaires Ils peuvent être révélés par des paresthésies ou des algies plus violentes dans les formes térébrantes. Une tuméfaction osseuse dure reste toutefois le mode majeur de découverte. 4.3.6. Les tumeurs bénignes les kystes en particulier, sont habituellement asymptomatiques, la douleur n'intervenant qu'en cas de surinfection. 7

4.4. Les douleurs d origine muqueuse Les douleurs muqueuses posent peu de problèmes car leur étiologie est souvent visible : ulcérations traumatiques, aphtes buccaux, ulcérations néoplasiques, érosions et ulcérations infectieuses, stomatites. La douleur est volontiers aiguë, accompagnée d une otalgie réflexe si la lésion siége dans la région pelvi-linguale postérieure. L examen clinique précise le type de lésions, sa localisation, sa taille et sa profondeur, le caractère unique et isolé ou associé à d autres anomalies, à des signes généraux et surtout son caractère induré ou non. L association douleur - ulcération - induration sous-jacente doit immédiatement faire évoquer la possibilité d un carcinome de la cavité buccale. 4.4.1. Les ulcérations traumatiques Elles siègent en règle en regard d une dent délabrée, dont le bord tranchant agresse la muqueuse linguale ou jugale. Il peut aussi s agir d un bord ou d un crochet de prothèse, d une couronne défectueuse, d une auto-morsure, d une brûlure thermique ou chimique. La taille est variable, les bords sont réguliers, plus ou moins œdématiés sans halo érythémateux périphérique. Le fond est fibrineux ou nécrotique. L infiltration sous-jacente est minime. Il n y a pas d adénopathie satellite. La restauration prothétique ou l avulsion de la dent responsable entraîne la guérison spontanée de la blessure muqueuse. Toute ulcération présumée traumatique persistant 10 jours au delà de la suppression de l agent traumatisant sans amélioration clinique nécessite de manière impérative un contrôle biopsique afin d éliminer un cancer. 4.4.2. L aphte buccal Il est une pathologie fréquente, le plus souvent bénigne, mais très douloureuse. Dans sa forme isolée, commune il s agit d une ulcération unique, inférieure à 1 cm, arrondie, à bords réguliers, à fond plat et fibrineux, entouré d un halo rouge périphérique, à base souple guérissant spontanément en 8 jours. Les formes cliniques diffèrent par la taille (aphte géant), le nombre (aphtose multiple ou miliaire) ou la fréquence d apparition des éléments nouveaux. Le traitement de la forme commune repose sur l éviction des aliments déclenchant (fruits secs, ananas, fraises, gruyère ), les antalgiques, les bains de bouche tamponnés (bicarbonate de soude, Ulcar ), l application de topiques (colorants, Pansoral, Pyralvex ). 4.4.3. Le carcinome épidermoïde Il se présente fréquemment sous la forme d une ulcération de taille variable, la forme et les bords sont irréguliers, surélevés, éversés, durs. Le fond est végétant, bourgeonnant ou nécrotique. Le signe majeur est la présence d une base indurée, dépassant les limites de l ulcération. La douleur est un symptome malheureusement souvent tardif et de mauvais pronostic. Une intoxication éthylo-tabagique associée est fréquemment retrouvée. Le diagnostic sera confirmé par la biopsie. D autres néoplasies peuvent se présenter sous la forme d ulcérations uniques. Le diagnostic en est assuré avant tout par l histologie sur prélèvement biopsique. Le traitement des douleurs cancéreuses doit suivre les trois paliers proposés par l O.M.S. (1 paracétamol, 2 paracétamol+dérivées morphiniques, 3 morphiniques). Ces douleurs nécessitent souvent des coantalgiques dans les phases hyperalgiques ou terminales à type d anti-épileptiques (Tégrétol, Rivrotil,), d antidépresseurs (Laroxyl ) d anxiolytiques (Xanax, ) et de décontracturants. Les lymphomes non hodgkiniens se présentent souvent comme des tumeurs douloureuses, congestives, sans induration, d aspect pseudo-inflammatoire avec exulcération de surface. 8

4.4.4. La pathologie infectieuse Elle est souvent responsable d ulcérations muqueuses. La douleur parfois majeure peut avoir un retentissement sur les prises alimentaires en particulier chez l enfant. Ces ulcérations sont uniques ou multiples. Les étiologies infectieuses des ulcérations uniques sont : La syphilis primaire ou chancre d inoculation, classiquement indolore. La «gomme» ulcérée du voile du palais ou de la langue lors de syphilis tertiaire est exceptionnelle. La tuberculose sous la forme d une ulcération irrégulière, non indurée, à fond jaunâtre, à base ferme, sans halo rouge périphérique, mais avec douleur constante et importante. La lymphoréticulocytose bénigne d inoculation, l infection à cytomégalovirus et l histoplasmose peuvent donner des ulcérations douloureuses. Les étiologies infectieuses des ulcérations multiples sont : Les ulcérations post-vésiculeuses de l herpès (éléments cutanés péribuccaux associés, odynophagie sévère, adénopathies satellites et hyperthermie notamment en cas de primoinfection herpétique de l enfant), de la varicelle (stomatite érythémateuse et éruption cutanée), du zona (territoire neurologique du V) avec algie chronique possible par atteinte neuropathique, du syndrome main-pied-bouche, de l herpangine (stomatite vésiculeuse fébrile à Coxsackie, de siège oropharyngé). L impétigo streptococcique ou staphylococcique, Les gingivites ulcéro-nécrotiques des sujets immunodéprimés. Les candidoses buccales aiguës sont source de douleurs («cuisson») prédominant sur la langue. Le diagnostic est évoqué sur le contexte (bouche sèche, post-antibiothérapie, R.G.O., candidose digestive et vaginale concomitante, baisse de l immunité ) et devant une stomatite érythémateuse (langue rouge vernissée) ou avec efflorescence blanchâtre («muguet»). Le traitement étiologique associe alcalinisation buccale (bain de bouche bicarbonaté) et antifungiques (Fungizone suspension, Daktarin gel, Triflucan ). Les ulcérations post-bulleuses de l érythème polymorphe ont un siège labial préférentiel. L association à des lésions cutanées en cocarde et un antécédent d infection virale ou de prise médicamenteuse assurent le diagnostic. Les autres toxidermies (Stevens-Johnson, Lyell) peuvent aussi s accompagner d ulcérations muqueuses douloureuses, mais le tableau général domine la situation. Dans le pemphigus vulgaire, les érosions post-bulleuses sont très douloureuses, extensives. L ulcération a un contour irrégulier, un fond violacé. Les lésions de la pemphigoïde cicatricielle siègent essentiellement au niveau de la gencive. Le diagnostic de ces 2 dernières pathologies auto-immunes repose sur l immunofluorescence directe d un échantillon biopsique de muqueuse. Les mucites (ou mucosites) induites par la radiothérapie cervico-faciale (radiomucite) et/ou par certaines chimiothérapies (chimiomucite) se caractérisent par des lésions d atrophie muqueuse et d ulcérations avec pseudo-membranes souvent surinfectées. Empêchant parfois toute alimentation pendant plusieurs jours du fait des douleurs sévères (odynophagie nécessitant la prise de morphiniques et d anesthésiques de contact), ces mucites sont des facteurs limitant des traitements anti-néoplasiques. Leur traitement, préventif ou curatif, est souvent décevant (étalement des doses de raiothérapie, bains de bouche glacé, alimentation parentérale, morphiniques ). 9

4.5. Les douleurs d origine salivaire Six glandes salivaires principales entourent la cavité buccale (2 parotides, 2 sub-mandibulaires, 2 sub-linguales). Un tapis de glandes salivaires accessoires sous-muqueuses s étend dans la cavité buccale. Ce tissu salivaire est le siège de pathologies lithiasique, infectieuse et tumorale plus ou moins douloureuses. 4.5.1. Les lithiases Elles se manifestent au cours du repas, par une tuméfaction accompagnée le plus souvent d une violente douleur de la langue et/ou du plancher (à type de colique) irradiée à l oreille qui régresse spontanément dans un délai de quelques minutes à deux heures (phase des accidents mécaniques). Les glandes sub-mandibulaires sont beaucoup plus souvent touchées que les parotides. L affection est liée à la présence d un ou plusieurs calculs au niveau du canal excréteur de la glande (souvent enclavée dans son ostium) ou de la glande elle-même. Le diagnostic est assuré par l interrogatoire (symptomatologie prandiale), la palpation du calcul, l échographie ou les clichés radiographiques (cliché occlusal ou mordu, plus rarement sialographie, voire TDM). Le traitement étiologique est l ablation du calcul. Le traitement symptomatique de la crise repose sur les antispasmodiques (Spafon Lyoc,) et les AINS. La pathologie infectieuse se développe en association avec une lithiase (phase des accidents infectieux) ou de manière isolée. Les accidents infectieux sur lithiase (inauguraux ou à la suite d accidents mécaniques) associent dans la forme typique de la lithiase sub-mandibulaire : une douleur au niveau du plancher buccal irradiant à l oreille, une gène aux mouvements habituels de la langue, une odynophagie, un trismus modéré. Le plancher est le siège d une inflammation, la crête sub-linguale est tuméfiée mais toujours séparée de la table interne de la mandibule par un sillon (stade de Whartonite). Si la symptomatologie s amplifie (signes précédents accentués, signes généraux marqués), il s agit d une périwhartonite ou abcès du plancher buccal. L infection de la glande sub-mandibulaire se manifeste par une tuméfaction cervicale dure et douloureuse de la glande, une issue de pus à l ostium d un canal de Wharton turgescent, une irradiation de la douleur à l oreille, une fièvre élevée. Le traitement est conduit en milieu hospitalier, associant antibiothérapie parentérale, antalgiques, antispasmodiques. Le calcul (et bien souvent la glande intéressée) sont retirés dès la phase aiguë passée. La parotide est par contre la glande la plus souvent atteinte par les processus infectieux non lithiasiques. 4.5.2. La sialadénite aiguë virale, sans suppuration à l ostium Elle a pour modèle la parotidite ourlienne ou oreillons. L incubation est de 3 semaines (notion de contage), fièvre, asthénie sont présentes. Des douleurs à la mastication, à la pression dans la région de l angle mandibulaire sont retrouvées. La tuméfaction parotidienne est d abord unilatérale puis bilatérale, rénitente. L ostium du Sténon est rouge, œdématié, sans pus à la pression. L amylasémie est élevée mais la lipase est normale. Le traitement repose sur l isolement (3 semaines), l hygiène buccale, le repos, les antalgiques, les sialagogues. 4.5.3. La sialadénite aiguë suppurée Elle s accompagne d une suppuration à l ostium. L infection se fait par voie canalaire ascendante à partir de la bouche. Le terrain est particulier : immunodépression, diabète et 10

déshydratation (parotidite du sujet âgé, hospitalisé, à l état général altéré). Les douleurs de la région parotidienne sont vives, la fièvre est autour de 39 C, la parotide est tuméfiée, rouge, tendue. La muqueuse buccale est érythémateuse, sèche, recouverte de la salive purulente retrouvée à l ostium du canal de Sténon. Le traitement repose sur la réhydratation, l hygiène buccale, une double antibiothérapie par voie parentérale (Augmentin + Ciflox par ex.). 4.5.4. Les sialadenites chroniques Elles peuvent toucher l adulte (poussées multiples de parotidite infectieuse, un traitement chirurgical peut être envisagé en cas d épisodes trop fréquents et gênants, syndrome de Gougerot-Sjögren). Chez l enfant, la parotidite chronique juvénile est de cause inconnue, la première poussée se fait en général vers 3 ou 4 ans. La parotidite est subaiguë, le plus souvent unilatérale, avec gonflement parotidien, présence de pus ou de salive muco-purulente à l ostium. La poussée est traitée par les antibiotiques mais les récidives sont fréquentes. La sialographie, réalisée à distance d une poussée, assure le diagnostic (images d opacités multiples en «plomb de chasse» ou «fleurs de pommiers») et parfois le traitement. Une disparition de la symptomatologie est souvent observée à la puberté. 4.5.5. Les tumeurs salivaires en particulier bénignes Elles sont en règle indolores et se manifestent par une tuméfaction isolée. La pathologie tumorale maligne peut s accompagner de douleurs. L évolution est rapide, associée à une paralysie faciale lorsque le processus touche la parotide. Le traitement est chirurgical. L'histologie peut retrouver un carcinome adénoïde kystique (cylindrome) avec des douleurs provoquées à la palpation, un carcinome, un adénome pléomorphe dégénéré, une métastase. 4.5.6. La sécheresse buccale Plus gênante que douloureuse, elle est un motif de consultation fréquent. Le diagnostic positif est assuré par l interrogatoire (date de début), les signes fonctionnels (bouche sèche gênant la mastication, la déglutition et la phonation, sensation de «feu dans la bouche», amertume, dysgueusie). L inspection retrouve une altération des muqueuses avec des lèvres sèches et craquelées, une perlèche, une langue lisse et dépapillée, rouge. Les autres muqueuses sont recouvertes d un enduit blanchâtre, mousseux, collant, et lisses et érythémateuses après l ablation de l enduit. Les surinfections candidosiques sont très fréquentes. L expression des glandes salivaires donne pas ou peu de salive en général épaisse. L épreuve au sucre assure le diagnostic (temps de délitement >3minutes). Le diagnostic étiologique met en cause des origines iatrogènes (psychotropes de type neuroleptiques et antidépresseurs tricycliques, diurétiques, thérapeutiques spasmolytiques ou belladonées, atropiniques ), la radiothérapie cervico-faciale, les maladies de système métaboliques ou auto-immunes (Gougerot-Sjögren, sarcoïdose, diabète sucré), des maladies neurologiques (Parkinson, S.E.P.), la déshydratation (sujet âgé en période estivale, sujet cachectique), la ventilation orale, l alcoolisme... Le traitement est étiologique et symptomatique (décevant!) : sialogogues (S25, teinture de Jaborandi, pilocarpine, citron, ananas, «tonics» glacés), humidification buccale (sprays, salive artificielle, gel lubrifiant), hygiène buccale, gel anesthésiant (Xylocaïne visqueuse), bains de bouche avec une solution d aspirine. 4.6. Les douleurs d origine musculaire Les douleurs musculaires sont rarement isolées et rentrent soit dans un tableau clinique de dysfonctionnement de l appareil manducateur avec d autres symptômes d origine ligamentaire, 11

condylienne ou discale (voir pathologie de l A.T.M.), soit dans le cadre d un trismus ou limitation douloureuse et réversible de l ouverture buccale et des autres mouvements mandibulaires. Les étiologies des trismus sont nombreuses et peuvent être séparées en causes locales et générales. 4.6.1. Les causes locales de trismus sont : Les causes traumatiques : l interrogatoire met en évidence la notion de choc direct. traumatismes de l articulation temporo-mandibulaire (contusions, entorses) ; contusions et hématomes des muscles masticateurs ; fractures des os faciaux (mandibule, os zygomatique) ; Les pathologies infectieuses de voisinage entraînant une myosite des muscles masticateurs : phlegmon de l amygdale, cellulites d origine dentaire développées à partir des molaires et à développement jugal ou ptérygoïdien, sous-maxillite : l examen clinique, local et général permet le diagnostic. L infiltration tumorale des muscles masticateurs : la tumeur néoplasique est le plus souvent évidente : ulcération indurée de la cavité buccale ou de l oropharynx 4.6.2. Les causes générales de trismus sont : Le tétanos, classique, et heureusement rare actuellement. On doit toujours y penser devant un trismus douloureux inexpliqué par une cause locale chez un sujet âgé. Les intoxications médicamenteuses (neuroleptiques, antihistaminiques, barbituriques, strychnine). L hyperthermie maligne, l hypoglycémie. Les maladies neurologiques telles que l encéphalopathie de Gayet-Wernicke par carence en vitamine B1 (éthylique), la phase tonique de l épilepsie (morsure de langue), encéphalites infectieuses, certains AVC. La bruxomanie, à type de crispation et/ou de grincement, s accompagne souvent d une hypertrophie visible des muscles masséters et temporaux. Les douleurs latéro-faciales sont plutôt matinales (crispation nocturne). Les myorelaxants, la relaxation, les gouttières occlusales, voire les infiltrations musculaires de toxine botulique permettent difficilement de contrôler cette parafonction manducatrice qui survient souvent sur un terrain d obstruction nasale chronique ( le bruxomane est un stressé au nez bouché ). Certains patients serrent au point de se féler une courrone dentaire (prémolaire ou molaire surtout) se traduisant par un tableau de pulpite exacerbé lors des repos (micro-mouvements des fragments coronaires). La maladie de Horton est caractérisée par des douleurs temporales, mais aussi maxillaires uniou bilatérales et s accompagne, lors des crises douloureuses, d'une hypersensibilité du cuir chevelu. On peut retrouver une «claudication» manducatrice par ischémie des muscles masticateurs. Sur un fond douloureux permanent explosent des crises parfois très violentes. L artérite de l'artère temporale se traduit par une artère dure, peu battante et parfois un œdème inflammatoire temporal. Il existe une atteinte marquée de l'état général, des sueurs nocturnes et une accélération de la vitesse de sédimentation. Le diagnostic est assuré par la biopsie de l artère temporale et le traitement repose sur une corticothérapie en urgence. 12

4.7. Les douleurs d origine articulaire temporo-mandibulaire (A.T.M.) 4.7.1. Les douleurs aiguës de l A.T.M. Elles se rencontrent en cas de : arthrite aiguë (exceptionnelle): la région pré-auriculaire est tuméfiée, empatée, chaude. Il existe une limitation douloureuse de l ouverture buccale. On retrouve une symptomatologie infectieuse générale (hyperthermie, hyperleucocytose, syndrome inflammatoire), une asthénie, une insomnie. On retrouve dans les antécédents un traumatisme ouvert de l A.T.M., une infiltration, une infection de voisinage (mastoïdite), une septicémie. Le traitement comporte une alimentation liquide (repos articulaire), une antibiothérapie, un drainage chirurgical éventuel de la collection. traumatisme facial : l ouverture est limitée et douloureuse, il existe éventuellement un trouble de l articulé dentaire, une otorragie (fracture du tympanal). Le bilan radiographique (panoramique dentaire, mandibule défilée, TDM) fait la part des contusions simples et des fractures intra ou extra-articulaires. Luxation antérieure bloquée avec impossibilité de fermeture buccale au décours d un mouvement d ouverture forcée (bâillement, rire, soins dentaires, endoscopie ). La bouche est grande ouverte, la palpation révèle une glène déshabitée, le condyle mandibulaire faisant saillie en avant. Ces signes sont confirmés par la radiographie. La réduction doit se faire rapidement par la manœuvre de Nélaton, éventuellement sous anesthésie locale, myorelaxant, voire sous anesthésie générale, et doit être suivie de la pose d une bande ou fronde mentonnière pour immobiliser temporairement la mandibule. 4.7.2. Les douleurs chroniques de l A.T.M. Elles sont un motif extrêmement fréquent de consultation. 4.7.2.1. Les dysfonctionnements de l'appareil manducateur ou DAM Ils sont habituellement en rapport avec une désunion condylo-discale, uni ou bilatérale. Les douleurs des muscles masticateurs péri-articulaires (masséter, temporal, ptérygoïdien médial et surtout ptérygoïdien latéral) s expriment souvent en premier par des douleurs latéro-faciales, pré-auriculaires et rétro-orbitaires. Les myalgies temporales et massétérines irradient volontiers vers les secteurs molaires maxillaires et mandibulaires, prenant le masque de douleurs dentaires. Le spasme chronique du muscle tenseur du voile, innervé lui aussi par la branche motrice du V, peut provoquer une douleur élective au niveau du crochet de l aile médiale du processus ptérygoïdien (ce crochet ou hamulus sert de poulie de réflexion au tendon intermédiaire de ce muscle). L examen clinque retrouve une douleur de la région temporo-mandibulaire souvent unilatérale, assez localisée, spontanée ou à la pression latérale ou dans le CAE, des douleurs à la pression musculaire par voie endo-buccale (en particulier au niveau de la commissure intermaxillaire, du voile du palais et du fond du vestibule) et par voie cutanée, des bruits articulaire (claquements, craquements) lors de l ouverture buccale et/ou des autres mouvements mandibulaires. La palpation externe perçoit un ressaut condylien. L ouverture buccale est limitée, parfois bloquée. Une latérodéviation et un mouvement d ouverture-fermeture en baïonnette peuvent être observés. Les douleurs sont souvent abondamment décrites par le patient (le plus souvent une patiente) et peuvent irradier vers le cou, les épaules et le crâne. L OPG est en règle normal ; l I.R.M., non systématique, peut retrouver des malpositions et déformations des condyles et des disques, parfois un épanchement articulaire. Ce syndrome résulte de 13

plusieurs facteurs étiologiques souvent intriqué (troubles de l'occlusion dentaire, parafonctions manducatrices, anomalies des postures mandibulaire et céphalique souvent en lien avec une gêne ventilatoire, terrain stressé). Le traitement repose sur la prise en charge occlusale (gouttière oclusale de relaxation), la relaxation psychologique et l amélioration ventilatoire. Les antalgiques, myorelaxants et anti-inflammatoires ne sont utiles que lors des poussées algiques. 4.7.2.2. Les arthrites de l A.T.M Rares, elles s intègrent dans un syndrome rhumatismal chronique inflammatoire (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante ). Les douleurs, légères au repos, augmentent avec les mouvements et s accompagnent de craquements. L évolution se fait souvent par poussées. Les radiographies retrouvent des lésions dégénératives avec ostéophytes et, fréquemment, une résorption progressive des têtes condyliennes. 5. Diagnostic de douleurs buccales de mécanisme particulier 5.1. Les douleurs buccales post-traumatiques La pathologie traumatique faciale est extrêmement fréquente. La notion de traumatisme antérieur est la plus souvent très facilement identifiable. Le problème majeur est de ne pas ignorer une fracture peu déplacée. Les causes sont les accidents de la voie publique, la traumatologie sportive ou domestique, les agressions. La traumatologie faciale comporte : Les plaies : simples ou complexes, superficielles ou profondes, sans ou avec lésion de structure noble (vasculaire, nerveuse sensitive ou motrice, canaux excréteurs lacrymaux ou salivaires ). Elles nécessitent souvent une prise en charge par un spécialiste. Le retentissement psychologique des séquelles cicatricielles est non négligeable. Les fractures du massif facial supérieur (nez, os zygomatique, maxillaires) sont peu douloureuses en raison de l immobilité naturelle de ces pièces osseuses. Les fractures mandibulaires, en secteur denté ou non, sont beaucoup plus algiques en raison de la mobilisation permanente de la mandibule lors des mouvements de déglutition. Les douleurs tardives peuvent être le fait de complications sur le matériel d ostéosynthèse, de mortification dentaire ou de pseudarthrose. Les traumatismes alvéolo-dentaires (contusion, sub-luxation, luxation fracture) sont douloureux et posent le problème d une immobilisation en urgence de la dent concernée. Les fractures coronaires et radiculaires relèvent d une prise en charge spécialisée par un dentiste. A distance, la douleur peut résulter de la mortification tardive et de la surinfection d une dent traumatisée. 5.2. Les douleurs buccales neurogènes La névralgie faciale essentielle de Trousseau, ou névralgie du V, ou tic douloureux de la face est acutellement rapporté à un conflit vasculo-nerveux intra-crânien, détectable en IRM. La douleur, extrêmement violente, est plus ou moins brève, mais toujours discontinue ; elle est paroxystique, fulgurante, en éclair, à type de décharge électrique, en coup de couteau. Elle dure quelques secondes et se répète en salve, séparées par des intervalles complètement indolores. Lorsque cette névralgie est ancienne, les salves douloureuses sont plus durables. La douleur siège dans le territoire d'une des trois branches du trijumeau ; elle peut survenir spontanément, mais il existe souvent une «trigger zone» ou zone gâchette. Il n'y a pas de troubles sensitifs ni de perte du réflexe cornéen. Cette névralgie semble toucher davantage la femme après la 14

cinquantaine. L amélioration sous Tégrétol est quasi-constante. Il faut la distinguer de la névralgie faciale secondaire où la douleur intéresse, mais de façon plus vague et plus diffuse, les territoires des trois branches du V. Elle se retrouve dans les grands syndromes tels que la sclérose en plaques, le zona du ganglion de Gasser, et certaines tumeurs de la base du crâne. Il n'y a pas de «trigger zone» et il existe des troubles sensitifs. L algie vasculaire de la face est évoquée devant une douleur faciale latéralisée, surtout fronto-orbitaire, irradiant vers le cuir chevelu, la mandibule, la région cervicale. Cette douleur, est pulsatile, précède l'apparition de troubles vasomoteurs et sympathiques (larmoiement, rhinorrhée, rougeur de la face, parfois œdème de l'hémiface). Il s'agit d'une douleur d'installation rapide et brutale, atteignant son paroxysme en quelques minutes, qui dure environ une heure sans discontinuer. Elle se manifeste surtout après les repas ou surprend le patient la nuit, en plein sommeil. Très rythmée dans le temps, elle perdure pendant un à deux mois, puis disparaît pendant des mois, voire une année ou plus. Elle est aussi décrite comme un arrachement, un broiement, une brûlure atroce, par un malade qui ne tient plus en place tellement il souffre. Le traitement repose actuellement sur le sumatriptan. La névralgie du glosso-pharyngien ou IX ème paire des nerfs crâniens. Cette névralgie, 75 fois moins fréquente que celle du trijumeau, touche le sujet agé (> 60 ans). C'est une douleur unilatérale, en coup de couteau ou d'aiguille, siégeant à la base de la langue, sous l'angle mandibulaire, irradiant vers l'oreille et la gorge. Elle est déclenchée par la toux, le bâillement, la déglutition. Il existe une zone gâchette sous la base de la langue qui provoque une violente douleur au toucher. Le diagnostic différentiel se fait d abord avec un carcinome de l amygdale ou de la base de langue, mais aussi avec le syndrome d Eagle (styloïde longue). 5.3. Les glossodynies et les stomatodynies Ces douleurs, appelées communément glossodynies parce que leur siège préférentiel est la région linguale, doivent être regrouper sous le terme générique de stomatodynies qui rassemblent toutes les douleurs bucco-dentaires sans cause organique. Il s'agit le plus souvent une femme, de plus de 60 ans, ménopausée qui se plaint d une langue en feu, de brûlures «insupportables» de la langue (pointe et bords), souvent aussi des lèvres, du palais, des gencives (surtout la région antérieure), des crêtes maxillaires édentées, et plus rarement, des dents (le plus souvent un groupe de dents). Cette plurifocalité doit faire douter déjà de l'organicité des douleurs. Souvent décrites avec un très grand luxe de détails, ces douleurs sont apparues insidieusement ou précisément après un soin dentaire, s aggravent progressivement dans la journée (pic vespéral) et sont soulagées par les repas (tendance au grignotage), par le sommeil (somnifère), mais non par les antalgiques habituels. Il s y associe souvent dysgueusie (goût amer, «fiel ou poivre dans la bouche»), dysesthésie (sable dans la bouche) et dysialie (salive rare ou mousseuse). L évolution au long cours est fluctuante sur plusieurs années conduisant au nomadisme médical par absence de diagnostic et échec des diverses thérapeutiques locales. Le terrain psychique est particulier, avec souvent en arrière-plan une cancérophobie obsessionnelle, une solitude, un état anxio-dépressif masqué et nié. L examen buccal est souvent strictement normal (hygiène obsessionnelle), mais parfois c'est autour d'un signe mineure que s'organise la douleur (ulcération, végétation, coloration, dépôt saburral, papille hypertrophique, varicosité linguale ). La prise en charge est souvent difficile. Il faut écouter longuement le patient (besoin fort de se confier), le rassurer et lui expliquer globalement sa maladie, s'abstenir de tout soin et tout geste, lorsqu'il demande une intervention sur la région incriminée (après un effet bénéfique de courte durée - 1 à 3 mois-, une nouvelle crise douloureuse se produit inéluctablement dans la zone anatomique où ont porté les soins). Le 15

malade doit être prudemment et fermement orienté vers un psychiatre ou un neurologue. Le refus de la psychothérapie et des antidépresseurs conduit le patient à errer d'un praticien à un autre, d'une consultation à une autre, avec le risque de laisser les douleurs devenir un véritable mode de vie (algie chronique). 5.4. Les odontalgies atypiques Une odontalgie atypique se caractérise par des douleurs dentaires lancinantes, sans lésion apparente, continue, essentiellement diurne, parfois périodique. Le terrain est le plus souvent une femme, ayant subi un soin endodontique ou une extraction pour douleur dentaire avec résurgence des douleurs dans les 2 mois qui suivent ces gestes. La patiente se plaint des dents voisines et peut réclamer les extractions successives de toutes les dents de voisinage, aboutissant à un édentement très défavotable au plan prothétique et algique puisque les douleurs réapparaissent quelques semaines après l accalmie post-extraction. Les hypothèses étiopathogéniques sont multiples (syndrome de déafférentiation, algies neurogénes, syndrome douloureux régional complexe, neuro-algo-dystrophie sympathique). Parfois, le tableau algique porte sur l os alvéolaire et non sur les dents (douleur de la dent fantôme ). Ces algies idiopathiques pourraient être rapprochées des glossodynies en raison du terrain anxio-dépressif et stressé quasi-constant. Les gestes agressifs sont contre-indiqués. Des traitements sont en cours d étude (anesthésie répétés des ganglions sympathiques, notamment du ganglion sphéno-palatin au liquide de Bonain, psychothérapie, stimulation électrique transcutanée ). Au total, la douleur buccale en tant que motif de consultation, est le point d appel d un grand nombre de pathologie. L interrogatoire et l examen clinique, éventuellement assortis de quelques examens complémentaires simples (panoramique, TDM) doivent permettre au médecin de faire la part de l organique et du fonctionnel et d orienter si besoin le patient vers un spécialiste. 16