PARLEMENT DE LA COMMUNAUTE FRANÇAISE SESSION 2015-2016 17 décembre 2015 PROPOSITION DE DECRET Corrigeant un excès de compétence en matière de protection de la jeunesse et de prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d infraction déposée par Françoise Bertieaux, Virginie Defrang-Firket et Marie Françoise Nicaise - 1 -
RÉSUMÉ La Communauté française a adopté un projet de décret visant à modifier certaines dispositions en matière de protection de la jeunesse et de prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d infraction. Une proposition d ordonnance reprenant in extenso les quatre articles du projet de décret a été déposée à la Cocom. Devant l incertitude liée à l interprétation divergente du Conseil d Etat des nouvelles compétences des Communautés en matière de protection de la jeunesse, il convient d adopter une démarche prudente et de suivre l avis de la Chambre néerlandophone du Conseil d Etat et modifier uniquement les dispositions qui relèvent de la compétence des Communautés. La troisième chambre néerlandophone du Conseil d Etat a relevé que la proposition d ordonnance excédait les compétences de la Cocom alors que la deuxième chambre francophone n a pas pointé cet empiètement de compétence. C est l objet de la présente proposition de décret. - 2 -
DÉVELOPPEMENTS Suite à l adoption de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l Etat 1 telle que modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, et plus particulièrement son article 9, la Communauté française est compétente depuis le 1 er juillet 2014 pour déterminer les mesures qui peuvent être prises à l égard des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction. En effet, l article 5, 1er, II, 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, modifiée par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l Etat, relatif à la détermination des matières personnalisables à charge des Communautés, vise désormais : «La protection de la jeunesse, en ce compris la protection sociale et la protection judiciaire, à l exception : a) des règles du droit civil relatives au statut des mineurs et de la famille, telles qu elles sont établies par le Code civil et les lois qui le complètent ; b) des règles de droit pénal érigeant en infraction les comportements qui contreviennent à la protection de la jeunesse et établissant des peines qui punissent ces manquements, en ce compris les dispositions qui ont trait aux poursuites, sans préjudice de l article 11 et de l article 11bis ; c) de l organisation des juridictions de la jeunesse, de leur compétence territoriale et de la procédure devant ces juridictions ; d) l exécution des peines prononcées à l égard des mineurs ayant commis un fait qualifié d infraction qui ont fait l objet d une mesure de dessaisissement, à l exclusion de la gestion des centres destinés à accueillir ces jeunes jusqu à l âge de vingt-trois ans.» e) de la déchéance de l autorité parentale et de la tutelle sur les prestations familiales.». En Région bilingue de Bruxelles-Capitale, la compétence de déterminer les mesures contraignantes qui peuvent être prises à l égard des 1 Loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l Etat, M.B. :31-01-2014. - 3 - mineurs ayant commis un fait qualifié infraction appartient désormais à la Commission communautaire commune. Les Communautés n'ont en effet pas, en vertu de l'article 128, 2, de la Constitution, la compétence de déterminer, pour la Région bilingue de Bruxelles-Capitale, les mesures directement applicables aux personnes. Les mesures prononcées par les tribunaux de la jeunesse à l égard des mineurs bruxellois sont toutefois exécutées par des services qui dépendent de la Communauté française ou de la Communauté flamande. Sur base de ces nouvelles compétences, la Communauté française a déjà adopté deux décrets : l un portant dispositions diverses en matière d enseignement obligatoire, d enseignement supérieur et de protection de la jeunesse 2 et l autre visant à modifier certaines dispositions en matière de protection de la jeunesse et de prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d infraction 3. Une proposition d ordonnance similaire au deuxième projet de décret a été déposée à la Cocom et adoptée en commission le 16 décembre 2015. Les quatre articles du projet de décret se retrouvent repris in extenso dans la proposition d ordonnance (articles 2 à 5). La différence entre les deux textes se situe au niveau de l avis rendu par le Conseil d Etat. La troisième chambre néerlandophone a relevé que la proposition d ordonnance excédait les compétences de la Cocom 4 2 Décret de la Communauté française du 18 décembre 2014 portant dispositions diverses en matière d enseignement obligatoire, d enseignement supérieur et de protection de la jeunesse, M.B. : 30-12-2014. 3 Projet de décret de la Communauté française visant à modifier certaines dispositions en matière de protection de la jeunesse et de prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d infraction, doc. parl. 241 (2015-2016). 4 Avis 58.612/3 du 14 décembre 2015 relatif à une proposition d ordonnance visant à modifier certaines dispositions relatives à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait.
alors que la deuxième chambre francophone n a pas pointé cet empiètement de compétence 5. Selon la chambre néerlandophone, l article 4 de la proposition (article 3 du décret) empièterait sur les compétences fédérales en matière d organisation des juridictions de la jeunesse (article 5, 1 er, II, 6, c, de la loi spéciale du 8 août 1980). En effet, cet article prévoit un report d entrée en vigueur au 1 er janvier 2018 de toutes les dispositions de la loi du 13 juin 2006 «dont l entrée en vigueur n (a) pas été déterminée par un arrêté royal». Le Conseil d Etat cite deux dispositions de la loi qui soulèvent un problème de compétence. Il s agit de l article 57bis, 4 de la loi du 8 avril 1965, inséré par l article 21 de la loi du 13 juin 2006, plus spécifiquement de son alinéa 2 et de l article 24 de la loi du 13 juin 2006, modifiant l article 80 de la loi du 8 avril 1965. implicites» pour l article 57bis, 4 de la loi du 8 avril 1695. La disposition relevant du fédéral, l article 24 de la loi du 13 juin 2006, ne sera pas modifiée. Au jour de la rédaction de la proposition de décret, le décret de la Communauté française n ayant pas été encore publié au Moniteur belge, il n est pas possible d y apporter directement des modifications. Les auteurs de la proposition font donc appel à un principe général de droit (lex posterior derogat priori) pour corriger cet excès de compétence. Ils reprennent in exstenso l article 3 du décret adopté en séance plénière du 9 décembre 2015 en précisant que l article 24 de la loi du 13 juin 2006 ne fait pas partie des dispositions visées par le report. La date d entrée en vigueur de la proposition est la même que celle du décret. Si pour la première disposition, le Conseil d Etat est d avis qu il peut être fait appel au mécanisme des «compétences implicites», inscrit à l article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 pour autant que cela soit précisé lors des travaux parlementaires 6. En revanche, pour l autre disposition, il ne peut être recouru au mécanisme évoqué ci-dessus Il s agit donc d un excès de compétence. Les Communautés ne peuvent pas modifier cette disposition. C est l Etat fédéral qui est compétent au titre de sa compétence en matière d organisation des juridictions de la jeunesse. Devant l incertitude liée à l interprétation divergente du Conseil d Etat des nouvelles compétences des Communautés en matière de protection de la jeunesse, il convient d adopter une démarche prudente et de suivre l avis de la Chambre néerlandophone du Conseil d Etat et modifier uniquement les dispositions qui relèvent de la compétence des Communautés. Par conséquent, il sera fait appel au mécanisme des «compétences 5 Avis 58.280/2. Du 4 novembre 2015 relatif à un avantprojet de décret de la Communauté française visant à modifier certaines dispositions en matière de protection de la jeunesse et de prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié d infraction 6 Le Conseil d Etat avance que l alinéa en question est étroitement lié aux autres parties de cet article et qu il serait absurde que lui seul entre en vigueur le 1er janvier 2016. En outre, cette matière se prêterait à un traitement différencié et les répercussions sur la compétence fédérale seraient marginales. - 4 -
COMMENTAIRE DES ARTICLES Article 1 er Devant l incertitude liée à l interprétation divergente du Conseil d Etat des nouvelles compétences des Communautés en matière de protection de la jeunesse, il convient d adopter une démarche prudente et de suivre l avis de la Chambre néerlandophone du Conseil d Etat et modifier uniquement les dispositions qui relèvent de la compétence des Communautés. Par conséquent, il sera fait appel au mécanisme des «compétences implicites» pour l article 57bis, 4 de la loi du 8 avril 1695. La disposition relevant du fédéral, l article 24 de la loi du 13 juin 2006, ne sera pas modifiée. Les auteurs de la proposition font donc appel à un principe général de droit (lex posterior derogat priori) pour corriger cet excès de compétence. Ils reprennent in exstenso l article 3 du décret adopté en séance plénière du 9 décembre 2015 en précisant que l article 24 de la loi du 13 juin 2006 ne fait pas partie des dispositions visées par le report étant donné que la Communauté n est pas compétente pour modifier cette disposition. Article 2 Au jour de la rédaction de la proposition de décret, le décret de la Communauté française n ayant pas été encore publié au Moniteur belge, il n est pas possible d y apporter directement des modifications. Cet article n'appelle pas de commentaire. - 5 -
PROPOSITION DE DÉCRET C O RRIGEANT UN EXCÈS DE COMPÉTENCE EN MATIÈRE DE PROTECTION DE LA JEUNESSE ET DE PRISE EN CHARGE DES MINEURS AYANT COMMIS UN FAIT QUALIFIÉ D INFRACTION Article 1 er A l article 65, alinéa 1er, de la loi du 13 juin 2006 modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction, les mots «celles-ci entrent en vigueur au plus tard le 1er janvier 2016 à l exception de l article» sont remplacés par les mots «les dispositions dont l entrée en vigueur n a pas été déterminée par arrêté royal entrent en vigueur le 1er janvier 2018, à l exception de l article 24 et de l article 7, 2». Le présent décret entre en vigueur le 31 décembre 2015 FRANÇOISE BERTIEAUX VIRGINIE DEFRANG-FIRKET Marie-Françoise Nicaise Article 2-6 -