Dífferent Junior 2! FICHE PÉDAGOGIQUE Rara Pepa San Martin Chili 2016 Synopsis : Sara a 13 ans. Avec sa sœur, Catalina, elle vit avec sa mère Paula et la compagne de sa mère, Lia. Son père n apprécie pas cette promiscuité et aimerait que ses filles aient une vie de famille «normale». Mais Sara a bien d autres soucis, entre son premier amour et son corps de jeune fille qui se transforme. Sara aime les garçons bien qu elle les trouve bêtes le plus souvent. Elle a aussi une amie à qui elle dit tout, mais elle lui cache aussi des choses. Sara est une petite fille au seuil de l adolescence qui pense qu elle mène la vie normale d une fille de son âge. Ce n est pas l avis de son père, ni de son entourage. En cause, le fait que sa mère Paula chez qui vivent les deux enfants vit avec une femme et non un homme. À la suite d une petite dispute futile avec sa mère, Sara quitte la maison pour aller chez son père. Ce dernier saute sur l occasion pour tenter de récupérer ses filles. La réalisatrice : La chilienne Pepa San Martín débute sa carrière dans le cinéma en 2004 et a travaillé depuis avec la plupart des réalisateurs de la nouvelle scène du cinéma chilien. En 2011, elle réalise son premier court métrage, «La ducha» (La douche), primé au Festival de Berlin. «Rara» est son premier long métrage de fiction. Inspiré de l histoire de l avocate et juge chilienne Karen Atala, le film obtient le Grand Prix du Jury dans la section Génération Kplus de la Berlinale 2016, et le prix Horizontes Latinos au Festival de San Sebastián. «Rara» est aussi présent en reprise de la compétition officielle 2016 au prochain festival Cinélatino à Toulouse. 1
CONTEXTUALISATION L histoire vraie de Karen Atala. Le film de Pepa San Martin est inspiré de l histoire vraie de la juge Karen Atala, qui en 2003 a initié une bataille légale pour la garde de ses trois filles. Garde qui lui a été retirée du fait de son concubinage avec une personne de même sexe. Cette affaire a même conduit la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) à rendre une décision pour la première fois liée spécifiquement à l orientation sexuelle et l identité de genre. AU CHILI Depuis octobre 2015, les couples de même sexe ont la possibilité d'une «union civile», une sorte de partenariat enregistré qui régit leurs droits et devoirs et les reconnaît comme une famille. Le mariage classique reste, dans le Code civil, explicitement encore réservé aux hétérosexuels. La possibilité d'un partenariat enregistré a déclenché un débat public sur la possibilité d'adoption par des couples de même sexe. EN FRANCE Malgré le vote de la loi sur le mariage pour tous en mai 2013, l accès à la parentalité pour les couples homosexuels reste difficile en France. En effet, la loi française est particulièrement restrictive et interdit l accès à la PMA (Procréation Médicalement Assistée) aux femmes célibataires ainsi qu aux couples LGBT. L unique option légale ouverte aux célibataires et couples de personnes de même sexe qui souhaitent devenir parents est l adoption un processus très long et sans garanties quant à son issue. Rara est le féminin de «Raro». Raro en espagnol signifie «Bizarre» 1 étrange, sortant de l'habituel. 2 en qualifiant un individu, changeant, excentrique, capricieux. PISTES PÉDAGOGIQUES PISTES TECHNIQUES Toute l histoire nous est racontée du point de vue de Sara Au cinéma, on montre le point de vue de celui qui est filmé selon la manière dont le réalisateur va représenter la réalité. Le point de vue implique toujours un regard sur quelque chose et nous montre ce que le réalisateur veut montrer. Dans le film «Rara», la réalisatrice Pepa San Martín nous montre le regard de Sara vers le monde qui l entoure : ses inquiétudes d adolescente, la séparation de ses parents, la relation avec sa mère... Pour que le spectateur n échappe pas au point de vue de Sara, Pepa San Martín utilise l ingénierie de la mise en scène cinématographique. - Les plans séquences. Le plan séquence est un plan long qui inclut l intégralité d une séquence. Un plan 2
séquence peut impliquer plusieurs mouvements de caméra et valeurs de plan. Le film compte de nombreux plans séquence où la caméra suit le personnage de Sara. Par exemple, le film commence avec un plan séquence, filmé sans interruption, qui montre un trajet de Sara dans son école. Depuis la première minute, la caméra suit Sara et le spectateur s installe à ses côtés. - Le cadrage. Le cadrage au cinéma détermine la position de la caméra par rapport au décor et au personnage. Le cadre correspond à ce que les spectateurs verront à l image. Le réalisateur choisit un cadre selon l intention qu il veut transmettre au spectateur. Dans «Rara», le cadrage est souvent précisément travaillé pour situer Sara en décalage du monde qui l entoure. On la voit regarder sagement sa mère de l autre côté de la maison, ou à travers une vitre ou une porte. Cette situation arrive, par exemple, pendant la visite de sa grand-mère ou des amies de sa mère. Ici, la réalisatrice nous suggère que Sara est une fille qui cherche à se rapprocher du monde des adultes. Mais qu en même temps, elle est une enfant méfiante qui ne comprend pas très bien certaines choses du monde des grandes personnes. Une série de disputes avec sa mère crée une première confrontation avec le monde des adultes : la première se produit à l occasion de la visite de ses copines, et la deuxième quand la mère accuse Sara de raconter des histoires à 3
son père. Dans ces deux confrontations : le cadre nous montre Sara face à un adulte, sans distances, ni vitre, ni porte qui puisse la protéger. - Le son. Cet «isolement» de Sara est aussi déterminé par le son. Tous les sons que le spectateur entend sont délicatement travaillés et déterminés dans la phase d écriture du scénario et en post-production. Par exemple, le moment où Sara regarde sa mère parler au téléphone avec sa grand-mère ou son père : Sara n entend pas celui qui est de l autre côté et n arrive pas à comprendre la conversation. Ici, encore une fois, le spectateur a la même information que Sara et se place de fait dans son point de vue. - La photographie : Le directeur de la photographie définit l éclairage scène par scène et organise les prises de vue. Il travaille essentiellement l image du film pour créer une atmosphère. Dans la scène du restaurant, Sara se sent mal à l aise. Dans ce plan, et grâce à la photographie, on peut voir une image bien éclairée et nette avec un arrière plan flou. C est un plan fixe qui attire l attention du spectateur vers le comportement de Sara et ses mouvements. 4
Questions : Sans que le spectateur ne s en rende compte, le point de vue dans ce film est une notion omniprésente. Ici la caméra est en quelque sorte prise en charge par le spectateur car il voit presque les mêmes choses que Sara. Pourquoi la réalisatrice a choisi Sara comme personnage principal du film? Imagine que l histoire soit racontée du point de vue de la mère, du père ou de la petite sœur Qu est-ce que tu aurais changé à la mise en scène? 5
PISTES NARRATIVES Les jeunes enfants n ont pas de préjugés Chacune des sœurs apporte des perspectives différentes. La grande sœur, préadolescente, commence à être consciente de son entourage et doit faire face à ses propres drames. Elle réalise que sa famille ne répond pas à la «normalité sociale établie». La petite sœur, plus innocente, reste dans sa propre logique, et vit de façon abstraite les codes sociaux et les problèmes des adultes. Par exemple, elle fait un dessin de sa famille à l école où elle inclut la compagne de sa mère, et elle ne comprend pas pourquoi les adultes se font tant de soucis. «Les jeunes enfants n ont pas de préjugés» a déclaré à cette occasion la directrice Pepa San Martín. «Les préjugés sont quelque chose que nous acquérons dans notre éducation. Voilà la grande différence entre ces deux sœurs». Sara commence à comprendre ce qui arrive autour d elle. L'autre parvient toujours à vivre dans son monde, celui qu elle a construit à sa façon. Questions : Les deux sœurs parlent du dessin de Catalina sur lequel il y a les deux mères de Sara. Sara conseille à Catalina de ne plus faire de tels dessins et de ne pas les montrer à l école en disant que «ce n est pas bien». Ce passage nous parle de l innocence de la petite sœur. Comment voyons-nous les personnages vus sous cet angle de prise de décision? Pourquoi Catalina ne pourrait pas s exprimer à travers le dessin? À ton avis, est-ce que Catalina a compris pourquoi son dessin a dérangé? Est-ce que tu as retrouvé cet état d esprit différent entre les deux sœurs tout au long du film? 6
LE DEBAT Le film permet d agir sur plusieurs angles de débat. - La discrimination sexuelle. - Les familles homoparentales : lorsqu un enfant vit avec deux parents de même sexe - La pré-adolescente. Possibles questions : Qu est-ce qu on entend par discrimination? Et par discrimination sexuelle? Qui constitue la famille homoparentale de «Rara»? Quelle est la posture des filles par rapport au fait d avoir deux mamans? Comment est la personnalité de Sara? Elle est une fille positive, joyeuse, songeuse bizarre? 7
8 Fiche réalisée par Ana Camuñas