ÊTRE AGENT DE BREVETS ET AVOCAT A SES PRIVILÈGES? LE SECRET PROFESSIONNEL POUR UN AVOCAT AGISSANT COMME AGENT DE BREVETS



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ÊTRE AGENT DE BREVETS ET AVOCAT A SES PRIVILÈGES? LE SECRET PROFESSIONNEL POUR UN AVOCAT AGISSANT COMME AGENT DE BREVETS Adam Mizera * LEGER ROBIC RICHARD, S.E.N.C.R.L. Avocats, agents de brevets et de marques Centre CDP Capital 1001, Square-Victoria Bloc E 8 e étage Montréal (Québec) Canada H2Z 2B7 Tél. (514) 987 6242 - Fax (514) 845 7874 info@robic.com www.robic.ca 1. Introduction 2. Contexte de l affaire 3. Analyse du tribunal 4. Comparaison avec les États-Unis 5. Conclusion 1. Introduction La Cour fédérale du Canada a dû récemment examiner la portée du secret professionnel entre un client et une personne agissant à la fois comme agent de brevets et avocat pour ce client dans le contexte d un litige en contrefaçon de brevet. Dans l affaire Letourneau c. Clearbrook Iron Works Ltd. 1, la partie défenderesse a cherché à obtenir de John Letourneau (ciaprès désigné comme: «Letourneau») de l information sur ses conversations avec Me Edwards, avocat qui avait aidé Letourneau dans la poursuite de demandes de brevet canadienne et américaine et qui avait également agi en tant qu avocat pour Letourneau dans les premières étapes de ce litige. Ce débat sur le secret professionnel de l agent de brevets est d actualité puisque Industrie Canada, au moment de la rédaction du présent texte, est impliqué dans un processus d examen de propositions de création d un système de protection du secret professionnel et d'autoréglementation pour CIPS, 2005. * Avocat et ingénieur, Adam Mizera est membre de LEGER ROBIC RICHARD, S.E.N.C.R.L., un cabinet multidisciplinaire d'avocats, d'agents de brevets et d'agents de marques de commerce. Publié à (mai 2005), 17-2 CPI. Publication 332. 1 2004 FC 1422, http://www.canlii.org/ca/cas/fct/2004/2004fc1422.html et http://decisions.fctcf.gc.ca/fct/2004/2004fc1422.shtml, en français 2004 C.F. 1422 à http://www.canlii.org/ca/jug/cfpi/2004/2004cf1422.html et http://decisions.fctcf.gc.ca/cf/2004/2004cf1422.shtml (CF; 2004-10-14) protonotaire J. A. Hargrave.

les agents de brevets. Toutefois, la décision du tribunal dans l affaire Letourneau applique des principes bien établis de jurisprudence sur la notion de protection de secret professionnel relié au travail d agent de brevets. 2. Contexte de l affaire Le co-demandeur Letourneau est titulaire d un brevet qui porte sur une colonne utilisée dans la construction de panneaux de béton modulaires. Letourneau avait institué une action en contrefaçon contre la défenderesse Clearbrook. En défense, Clearbrook se portait demanderesse reconventionnelle, invoquant l invalidité du brevet de Letourneau. Les parties, lors des interrogatoires préalables, de part et d autre, ont fait face à plusieurs refus relatifs à certaines questions portant sur les faits de l affaire. Ainsi, à la fois la partie demanderesse et la partie défenderesse ont présenté une requête au tribunal pour forcer la partie opposée à répondre à certaines questions de l interrogatoire. Une des questions importantes pour Clearbrook afin d attaquer la validité du brevet était d obtenir le plus d information possible sur la date de la première divulgation publique de l invention de Letourneau. Ainsi, Clearbrook a cherché à avoir accès à des documents ou toute autre information pertinente que Letourneau aurait échangé avec Me Edwards, son agent de brevets lors de la poursuite de la demande. Afin de justifier sa requête pour avoir accès aux documents échangés, Clearbrook a invoqué un principe basé sur l affaire Control Data Canada Ltd. c. Senstar Corporation 2. Cette affaire traitait de l échange de documents ayant une pertinence par rapport au brevet au cœur du litige. En première instance, le protonotaire avait jugé que, si le document avait été préparé avant que le brevet ne soit accordé, ce document manquait de pertinence, et encore plus si le document était préparé après la délivrance du brevet. Cependant, cette décision a été portée en appel 3. Le juge Cullen en appel de la décision du protonotaire, en se basant sur la règle 465(15) des Règles des cours fédérales, qui a maintenant son équivalent avec la règle 241 4, a permis un interrogatoire de l agent de brevets de la partie demanderesse en 2 (1986), 10 C.P.R. (3d) 284 (C.F.P.I.). 3 (1987), 13 C.P.R. (3d) 546 (C.F.P.I.). 4 La règle 241 des Règles des cours fédérales se lit comme suit: «Sous réserve de l'alinéa 242(1)d), la personne soumise à un interrogatoire préalable, autre que celle interrogée aux termes de la règle 238, se renseigne, avant celui-ci, auprès des dirigeants, fonctionnaires, agents ou employés actuels ou antérieurs de la partie, y compris ceux qui se trouvent à l'extérieur du Canada, dont il est raisonnable de croire qu'ils pourraient détenir des renseignements au sujet de toute question en litige dans l'action».

l identifiant comme étant une personne dans la catégorie des agents ou employés actuels ou antérieurs de la partie qui pouvait être alors questionné. Toutefois, il faut noter que, selon la règle 242, une personne peut soulever une objection au sujet de toute question posée lors d'un interrogatoire préalable au motif que la réponse est protégée par un privilège de non-divulgation, ce qui était possiblement le cas dans la présente affaire. Letourneau s est opposé à la requête en basant son argument sur l affaire Stevens c. Canada (Premier Ministre) 5. Cette décision portait sur le niveau de confidentialité qui devait être accordé aux factures qu un avocat adressait à son client. Dans l affaire Stevens, le juge Linden de la Cour d appel présente un historique du principe du privilège client-avocat et l équilibre que les tribunaux ont toujours cherché à atteindre entre l importance de la relation confidentielle entre un avocat et son client et la divulgation publique de faits pertinents à une affaire. Le juge Linden avait établi que, malgré le fait que le privilège est souvent seulement considéré comme une règle de preuve qui agit comme un écran pour empêcher que des documents privilégiés ne soient produits en preuve dans une salle d audience, il fallait aussi le considérer comme un principe «fondamental à une bonne administration de la justice», tel qu établi par la Cour suprême du Canada dans l affaire Solosky c. La Reine 6. Ainsi, Letourneau s est basé sur un principe de l affaire Stevens, qui avait établi que le privilège avocat-client s étendait de manière générale aux factures envoyées par l avocat à son client. En effet, la protection est accordée à de telles communications afin d empêcher la partie opposée de partir à la pêche dans les factures du client, dans l espoir pernicieux de pouvoir divulguer de l information confidentielle. Letourneau a soumis que le privilège accordé à la facturation incluait toute question relative aux dates de rencontres entre l avocat et le client, ce qui pouvait donner de l information sur la divulgation publique de l invention dans la présente affaire. 3. Analyse du tribunal En réponse aux propositions des parties, le protonotaire Hargrave a introduit le concept établi en première instance dans l affaire Whirlpool Corporation c. Camco Inc. 7, à savoir que les communications entre un client et son agent de brevets ne sont pas protégées par le secret professionnel, à moins que les documents impliqués n'aient été préparés par un avocat du client dans le contexte d un litige éventuel. La décision Whirlpool fait référence au 5 [1998] 4 C.F. 89 (C.A.F.). 6 [1980] 1 R.C.S. 821. 7 (1997), 72 C.P.R. (3d) 444 (C.F.P.I.), à la p. 448.

raisonnement dans l affaire Lumonics Research Ltd. c. Gould 8 de la Cour d appel fédérale à l'effet que : Au Canada, il est clair que le privilège de la profession juridique ne s étend pas aux agents de brevets. Toutefois, la seule raison en est que les agents de brevets, en tant que tels, n appartiennent pas à la profession juridique. C est la raison pour laquelle la correspondance entre eux et leurs clients n est pas confidentielle, même si cette correspondance est échangée dans le dessein d obtenir ou de donner des conseils juridiques 9. Toutefois, l affaire Whirlpool ne traitait pas d une situation dans laquelle l agent de brevets était également avocat. En effet, une telle situation a été examinée par le juge Walsh dans l affaire Montreal Fast Print (1975) Ltd. c. Polylok Corporation 10. Cette décision traitait d un privilège refusé dans le cas de communications d un avocat américain relativement à l application d un brevet canadien dans la mesure que ces communications fournissaient des conseils sur le droit canadien. Le juge Walsh a reconnu la difficulté d établir la portée du secret professionnel dans les cas où un avocat joue le double rôle de donner des avis juridiques comme avocat et de participer à la poursuite d une demande de brevet. Cependant, il remarque que : Nevertheless the jurisprudence appears to have made the distinction, at least in situations where litigation was not in contemplation. While in one sense it can be said that there is always a possibility of litigation arising out of any patent application, there is nothing in the present case to indicate that the primary purpose of any advice given to the client whether by the American attorneys or by the solicitors in Canada was not in connection with obtaining the patents in question, and this is primarily patent agents'work even though the patent agent can consult with or obtain legal advice from other members of his firm qualified to give such advice in connection with these applications. 11 En suivant ce raisonnement, le protonotaire Hargrave conclut qu une protection du secret professionnel de l agent de brevets ne devrait potentiellement pas être accordée dans les cas où un avocat accomplit les tâches d un agent de brevets. Cependant, le protonotaire souligne que l argument du juge Walsh dans l affaire Montreal Fast Print ne tient pas compte de l observation de la Cour d appel dans l affaire Lumonics à l'effet 8 (1983), 70 C.P.R. (2d) 11 (C.A.F.). 9 (1983), 70 C.P.R. (2d) 11 (C.A.F.), à la p. 15. 10 (1983), 74 C.P.R. (2d) 34 (C.F.P.I.). 11 (1983), 74 C.P.R. (2d) 34 (C.F.P.I.), aux pp. 43-44.

que l absence de privilège est dû au fait que les agents de brevets n appartiennent pas à la profession juridique. Le protonotaire mentionne aussi que les livres de doctrine sont muets sur le sujet puisque les auteurs traitent souvent seulement de cas de communications entre les clients et leurs agents de brevets qui ne sont pas des avocats. Ainsi, le protonotaire Hargrave met alors en évidence un extrait du texte de la décision Lumonics qui vient mettre un bémol à l argumentation voulant refuser le privilège aux agents de brevets parce qu ils ne sont pas membres de la profession juridique : On the other hand, all confidential communication made to or from a member of the legal profession for the purpose of obtaining legal advice or assistance are privileged, whether or not those communications related to the kind of legal advice or assistance that are normally given by patent agents. Legal advice does not cease to be legal advice merely because it relates to proceedings in the Patent Office. Those proceedings normally raise legal issues; for that reason, when the assistance of a solicitor is sought with respect to such proceedings, what is sought is, in effect, legal advice assistance. 12 [Les italiques sont nôtres] Ainsi, le protonotaire utilise cet extrait de l affaire Lumonics dans laquelle l agent de brevets était également agent de brevets pour conclure qu une protection devrait être accordée aux communications entre un client et son agent de brevets qui est aussi membre de la profession juridique, peu importe si ces communications sont reliées à des conseils ou de l aide normalement donnés par des agents de brevets. Par conséquent, le protonotaire Hargrave refuse d accorder la partie de la requête de Clearbrook visant à obtenir de l information sur les communications entre Letourneau et son avocat/agent de brevets. Les auteurs Dimock et Lam ont traité de questions similaires dans un article sur la notion de privilège et la pratique de l agent de brevets au Canada 13 en affirmant que les «les clients d un avocat, qui est également agent de brevets, pourront bénéficier du privilège client-procureur en certaines circonstances» 14. En effet, la Cour supérieure de la Colombie-Britannique a affirmé que : 12 (1983), 70 C.P.R. (2d) 11 (C.A.F.). 13 Ronald E. Dimock et Cedric G. Lam, «Privilege and Patent Agency Practice in Canada» (1999), 16 CIPR 107; «La notion de privilège et la pratique de l'agent de brevets au Canada» (2000), 12-3 Cahiers de propriété intellectuelle 867. 14 Supra, note 13, section 4.2.3.

where a person is both a solicitor and a patent agent then communications between himself and his client will be privileged only when they relate to working or giving legal advice that is, when he is wearing his lawyer s hat, and will not be privileged if they do not relate to working or giving legal advice but relate to some other matter or circumstance where he is wearing his patent agent s hat only Selon les auteurs Dimock et Lam, et en se basant sur les principes établis par les affaires Montreal Fast Print et Lumonics, il faut chercher à établir la nature des communications entre le client et son avocat, qui agit également comme agent de brevets, car ces communications ne seront pas confidentielles si elles sont rédigées seulement à des fins d obtention d un brevet et non pour la communication d un conseil juridique 15. Cependant, le juge Walsh précise dans Montreal Fast Print que : il est évident que les avocats d un bureau employant des agents de brevets discutent des répercussions juridiques des demandes avec ces agents ou, s ils sont eux-mêmes à la fois agents de brevets et avocats, qu ils utilisent certainement leurs connaissances juridiques quand ils présentent des demandes et conseillent leurs clients en conséquence. 16 Ce privilège en faveur des agents de brevets qui agissent aussi comme avocats a été réitéré par le protonotaire Giles dans l affaire F.B. Bourgault Industries Air Voirder Division Ltd. c. Flexi-Coil Ltd. qui déclare que: anything done by a lawyer in connection with [a] patent application [would] not lose any element of solicitor client privilege attached to it just because the lawyer was also a patent agent. 17 Ainsi, la décision du protonotaire Hargrave suit un courant de jurisprudence canadienne qui maintient le secret professionnel et une protection des communications entre un client et son agent de brevets/avocat lorsque la communication contient potentiellement un conseil de nature juridique. Cependant, Industrie Canada, dans son processus d examen de propositions de création d un système de protection du secret professionnel et d'autoréglementation pour les agents de brevets, explique bien le défi avec la qualification des actes de l agent de brevets/avocat : 15 Id. 16 Supra, note 10 aux pp. 43-44. 17 (1995), 64 C.P.R. (3d) 70 (C.F.P.I.) à la page 71.

La difficulté à laquelle se heurte cette position est que le tribunal arrive mal à distinguer les actes accomplis par l avocat en qualité de conseiller juridique et les actes accomplis par l avocat en qualité d agent. Selon un autre courant jurisprudentiel, l ensemble des travaux de l avocat, sans égard au fait qu il soit également agent, est couvert par la protection du secret professionnel, pour autant qu on puisse les assimiler à la fourniture d un avis juridique, d une assistance juridique ou les rattacher à un procès. De plus, les tribunaux ont donné une interprétation large de ce qu il faut entendre par un «avis juridique». L IPIC est d avis que la création de la protection du secret professionnel pour les agents sera bénéfique tant pour ces derniers que pour les avocats en ce qu elle limitera toute incertitude à savoir si les avocats, agissant en leur qualité d agents, bénéficient d une telle protection. 18 Industrie Canada cherche ainsi à créer un environnement juridique qui tentera de minimiser les incertitudes relatives à la protection accordée aux communications échangées avec un client par un avocat agissant en qualité d agent de brevets. Cette incertitude est reflétée dans d autres juridictions. 4. Comparaison avec les États-Unis Aux États-Unis, les agents américains n ont pas de droit légal à la protection du secret professionnel. Toutefois, les tribunaux américains ont accordé une protection aux agents non-avocats en s inspirant de la doctrine du produit du travail de l avocat: Cette protection, similaire à la protection du secret professionnel de l avocat mais différente de celle-ci, met à l abri de la divulgation les communications entre deux parties, dont chacune a un intérêt commun dans un procès, lorsque l une cherche à obtenir ou transmet des renseignements confidentiels pour le compte de son avocat». 19 Pour la situation d un avocat agissant en même temps comme agent de brevets, dans une décision de la Cour suprême des Etats-Unis, Sperry c. 18 Industrie Canada, «Document de travail sur les propositions de protection du secret professionnel et d autoréglementation des agents de brevets et de marques de commerce», Novembre 2003, à la p. 6 voir http://strategis.ic.gc.ca/sc_mrksv/cipo/con_dis/agents/disc_intro-f.html. 19 Supra, note 18 à la p. 13.

Florida 20, le plus haut tribunal avait clairement établi que la préparation et la poursuite de demandes de brevets constituait une pratique de droit : We do not question the determination that under Florida law the preparation and prosecution of patent applications of others constitutes the practice of law [...] such conduct inevitably requires the practitioner to consider and advise his clients as to the unpatentability of their inventions under the statutory criteria [ ] as well as to consider the advisability of relying upon alternative forms of protection which may be available under state law. It also involves his participation in the drafting of the specification and claims of the paten application [ ] which this court long ago not '[constitutes] one of the most difficult legal instruments to draw with accuracy', Topliff v. Topliff, 145 U.S. 156 (1892). Ainsi, la difficulté à laquelle se heurtent les tribunaux canadiens qui arrivent mal à distinguer les actes accomplis par l avocat en qualité de conseiller juridique et les actes accomplis par l avocat en qualité d agent est estompée aux États-Unis lorsque l agent est avocat aux États-Unis puisque ces actes peuvent être beaucoup plus facilement considérés comme étant des conseils de nature juridique selon la Cour suprême. Cependant, le problème demeure tant au Canada qu aux États-Unis sur la nature de la protection à accorder aux professionnels qui sont seulement agents de brevets et non juristes. 5. Conclusion Cette décision dans l affaire Letourneau illustre comment un avocat agissant comme agent de brevets peut bénéficier d un privilège qui échappe à un agent de brevets n ayant pas le statut d avocat reconnu au Canada. Tant que la communication entre l avocat et le client revêt la nature d un conseil juridique relativement à la poursuite de la demande de brevet, cette communication pourra jouir de la protection du secret professionnel. Bien que la définition exacte des types de communications qui pourraient qualifier de conseil juridique n ait pas été clairement établie par les tribunaux canadiens, il est clair qu un avocat/agent de brevets jouit de privilèges que ne possèdent pas les agents de brevets n agissant pas comme avocats. Toutefois, si certaines propositions issues du processus d examen de la création d un système de protection du secret professionnel et d'autoréglementation pour les agents de brevets se concrétisent un jour et si l agent de brevets peut éventuellement bénéficier du secret professionnel 20 373 U.S. 379 (1963).

accordé à son confrère avocat, être un agent de brevets aura aussi ses «privilèges» dans un avenir rapproché

ROBIC, un groupe d'avocats et d'agents de brevets et de marques de commerce voué depuis 1892 à la protection et à la valorisation de la propriété intellectuelle dans tous les domaines: brevets, dessins industriels et modèles utilitaires; marques de commerce, marques de certification et appellations d'origine; droits d'auteur, propriété littéraire et artistique, droits voisins et de l'artiste interprète; informatique, logiciels et circuits intégrés; biotechnologies, pharmaceutiques et obtentions végétales; secrets de commerce, know-how et concurrence; licences, franchises et transferts de technologies; commerce électronique, distribution et droit des affaires; marquage, publicité et étiquetage; poursuite, litige et arbitrage; vérification diligente et audit; et ce, tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. La maîtrise des intangibles. ROBIC, a group of lawyers and of patent and trademark agents dedicated since 1892 to the protection and the valorization of all fields of intellectual property: patents, industrial designs and utility patents; trademarks, certification marks and indications of origin; copyright and entertainment law, artists and performers, neighbouring rights; computer, software and integrated circuits; biotechnologies, pharmaceuticals and plant breeders; trade secrets, know-how, competition and anti-trust; licensing, franchising and technology transfers; e- commerce, distribution and business law; marketing, publicity and labelling; prosecution litigation and arbitration; due diligence; in Canada and throughout the world. Ideas live here. COPYRIGHTER IDEAS LIVE HERE IL A TOUT DE MÊME FALLU L'INVENTER! LA MAÎTRISE DES INTANGIBLES LEGER ROBIC RICHARD NOS FENÊTRES GRANDES OUVERTES SUR LE MONDE DES AFFAIRES PATENTER R ROBIC ROBIC + DROIT +AFFAIRES +SCIENCES +ARTS ROBIC ++++ ROBIC +LAW +BUSINESS +SCIENCE +ART THE TRADEMARKER GROUP TRADEMARKER VOS IDÉES À LA PORTÉE DU MONDE, DES AFFAIRES À LA GRANDEUR DE LA PLANÈTE YOUR BUSINESS IS THE WORLD OF IDEAS; OUR BUSINESS BRINGS YOUR IDEAS TO THE WORLD