Exercice d analyse didactique CORRIGÉ Introduction Le document proposé est extrait du manuel CM1, livre unique paru aux éditions Istra en 2016. Les activités proposées aux élèves sont en relation avec l écriture en cycle 3 : l adaptation de la fable De La Fontaine, «Le Corbeau et le Renard» (1668) en bande dessinée. Cette unité d apprentissage intègre une séquence liée au théâtre et à la fable et plus particulièrement la fable animalière. 1) Quelles sont les compétences visées au niveau de cette séance? Les compétences visées relèvent de toutes les composantes de la discipline français. Comprendre et s exprimer à l oral : - Écouter pour comprendre un message oral, un propos, un discours, un texte lu ; - Parler en prenant en compte son auditoire ; - Participer à des échanges dans des situations diversifiées. Au niveau de la lecture : - Lire avec fluidité ; - Comprendre un texte littéraire et l interpréter Au niveau de l écriture : - Écrire à la main de manière fluide et efficace ; - Produire des écrits variés ; - Réécrire à partir de nouvelles consignes ou faire évoluer son texte ; - Prendre en compte les normes de l écrit pour formuler, transcrire et réviser. Comprendre le fonctionnement de la langue : - Maitriser les relations entre écrit et oral ; AFADEC Agnès Le Bellego Droits de reproduction réservés 1
- Acquérir la structure, le sens et l orthographe des mots. - Maitriser la forme des mots en lien avec la syntaxe. 2) Quels intérêts verriez-vous à lire et écrire des fables traditionnelles et leurs versions modernes au cycle 3? La fable est un genre littéraire narratif qui participe à la construction identitaire de l élève par le biais d un récit de fiction où les personnages sont des animaux. Dans une dimension symbolique, elle éveille au sens moral tout en ayant l objectif de plaire. Elle participe à la formation du futur citoyen et se révèle un support à l enseignement de la littérature. Aussi, lire et écrire des fables d époques différentes ainsi que leurs transpositions enrôlent les élèves dans une démarche de lectures en réseaux. Il s agit alors de programmer des rencontres avec des œuvres qui vont constituer une culture commune. Cette culture littéraire pourra se construire grâce aux relations découvertes entre les textes, à la prise en considération de leur dimension historique et spatio-temporelle. La lecture en réseaux permet une acculturation au genre lui-même en comparant des textes sources à des adaptations ou à des réécritures pour découvrir une configuration commune dans les fables, liée au motif, aux procédés d écriture et à la symbolique. Cette mise en réseaux des fables contribue également à la compréhension et à l interprétation du genre en mettant en œuvre des stratégies mentales pour comparer, associer et dissocier et expliciter. Elle participe, de fait, à l enseignement de l enseignement de la compréhension de par le développement de compétences de décodage, de compétences linguistiques, textuelles, référentielles ou encore procédurales. Cette mise en réseaux concourt également à l exploration des multiples voies qu offre la littérature, pour des élèves de cycle 3, capables d apprécier détournements, pastiches, parodies, allusion, citation Enfin, cette expérience de lecture se révèle également la base du travail en écriture narrative. 3) À quelles difficultés de compréhension les élèves peuvent-ils être confrontés à la lecture de la fable de La Fontaine «Le corbeau et le Renard»? Le texte proposé, «Le Corbeau et le Renard», fable de Jean De La Fontaine, appartient à la catégorie des textes résistants qui présentent des difficultés de compréhension aux élèves du fait de différents facteurs de complexité. L un des premiers est lié au genre de l œuvre lui-même. Ce court récit patrimonial en vers comprend deux aspects essentiels : une fiction destinée à intéresser un lecteur souvent jeune et une morale qui se déduit de l exemple. Appartenant à la poésie didactique, la fable fait AFADEC Agnès Le Bellego Droits de reproduction réservés 2
passer un message moral. Elle contient, en effet, une sagesse de type universel («Mon bon Monsieur, sans doute»), explicite ici, qu il faudra interpréter. Il s agit également d une leçon d histoire à décoder. Les personnages, animaux anthropomorphisés (Corbeau et Renard) qui, par leur caractère stylisé, représentent des personnages d époque appartenant à des classes sociales différentes, dénoncent les défauts de la société, dans une dimension de comédie. Si le récit se révèle plaisant, La Fontaine n en dépeint pas moins, dans une dimension humoristique, les vices de ses contemporains. Ici, la vanité, la flatterie, le mensonge et la duperie sont mises en scène. Cette dimension humoristique est à faire émerger au niveau des élèves. Le mode de narration présente également des difficultés liées au récit écrit en vers, à l alternance du récit et du discours, au discours métaphorique («le Phénix des hôtes de ces bois»), au registre de langue soutenu inhérent à la langue de La Fontaine et dont témoigne l éloquence de Renard, à sa stratégie de persuasion faisant appel aux sentiments. 4) Quelles activités auriez-vous proposé aux élèves en amont de cette séquence? Justifiez vos réponses. La production d écrit suppose d inscrire les activités dans une interaction forte entre la lecture et l écriture et en relation avec le langage oral et l étude de la langue. Proposer dans un premier temps une acculturation au genre de la fable est nécessaire. La mise en place de lectures en réseaux sur le genre de la fable, sur la comparaison de fables patrimoniales (ex : Le Loup et l Agneau, La Cigale et la Fourmi de La Fontaine) et contemporaines (ex : La Pomme, Le Poulet et la Soupière de Pierre Gamarra) devraient mettre en évidence les enjeux du récit (morale) et son fonctionnement (la structure, les procédés de narration, la construction des personnages). Les situations de lecture envisageables relèvent de la lecture autonome ou de l écoute de textes lus ou racontés. Cette acculturation pourrait également s accompagner de lectures (documentaires et littéraires) et de dispositifs pédagogiques permettant de créer l univers de référence des œuvres pour construire avec les élèves les connaissances scientifiques, historiques, sociales, littéraires, linguistiques et psychologiques convoquées par le récit (comme par exemple, des recherches sur la toile pour découvrir la biographie de La Fontaine, la société au temps de Louis XIV,...). La mise en place de dispositifs de compréhension (à l oral et/ou à l écrit) au service de l interprétation des textes est nécessaire. Pour construire la compréhension différentes activités sont possibles (rappels de récit, recherche et surlignage d informations, questionnaires basés sur l explicite et l implicite, représentations, mise en voix, rédaction d écrits de travail, débats littéraires, utilisation d un carnet de lecture, lecture d illustrations, ). Ces dispositifs pourront s accompagner d un enseignement de la compréhension permettant à l élève la mise en œuvre de son contrôle et l adoption d un comportement de lecteur AFADEC Agnès Le Bellego Droits de reproduction réservés 3
autonome (échanges et mise en évidence des stratégies de utilisées pour comprendre, justifications des réponses, travail sur le lexique inconnu ). Une acculturation au genre de la bande dessinée est également nécessaire pour en faire émerger les codes (procédés de narration, sens de lecture, dessins, complémentarité des textes et des illustrations au service de l interprétation, vocabulaire spécifique). Afin de transférer les compétences développées précédemment, un nouveau dispositif alliant lecture et compréhension pourra être proposé aux élèves à partir de fables adaptées en bandes dessinées (ex : La Fontaine aux fables, Guy Delcourt Productions, 2006). Au niveau du fonctionnement de la langue, plusieurs activités sont à envisager pour appréhender la distinction entre le récit et le discours (repérage des paroles rapportées dans un récit et analyse de leurs caractéristiques grammaticales), pour saisir les phénomènes linguistiques les plus significatifs (valeur des temps, substituts nominaux et pronominaux, niveau de langue) ainsi que les procédés littéraires et les effets de sens produits (figures de style métaphores, périphrases-, ). Des activités autour de phases d institutionnalisation sont également à prévoir par le biais de la rédaction de traces écrites, mémoire des travaux réalisés et outils au service de l exercice d écriture. 5) Quels sont les objectifs visés dans chacune des étapes du manuel? L objectif lié à la 1 ère partie est : lire et comprendre un texte narratif (la fable). L objectif lié à la 2 ème partie est : adapter une fable en bande dessinée en respectant les codes inhérents au genre. 6) Analysez la démarche proposée. L appareil didactique se décompose en deux grands volets liés, dans un premier temps, à la lecture et la compréhension de la fable de La Fontaine «Le Corbeau et le Renard», suivi d un temps d écriture constituant en sa transposition en bande dessinée. Volet 1 : Une première lecture silencieuse du texte est proposée puis suivie d un questionnaire supposant un prélèvement littéral d information (2 et 4) et inférentiel (3,5,6). Au-delà de la compréhension globale du texte, il s agit également d entrer dans une compréhension fine liée à l interprétation : AFADEC Agnès Le Bellego Droits de reproduction réservés 4
La question N 2 interroge le système des personnages : qui sont-ils? La question N 3 suppose l entrée dans une compréhension fine par la prise en considération de la caractérisation des personnages à travers leurs actions, leurs discours et comportements dans une dimension d interprétation. La réponse à la question N 4 est explicite dans le texte : il s agit d un fromage (élément invraisemblable pour un corbeau mais La Fontaine traite des comportements humains sous couvert des animaux). La question N 5, dans une dimension interprétative, suppose la prise en compte de l éloquence du Renard, de son ironie, de sa stratégie de persuasion qui fait appel aux sentiments du corbeau, pour obtenir le fromage convoité. La question N 6, supposant l interprétation du texte, traite des enjeux du récit de par le repérage et l interprétation de la morale d autant plus cruelle car formulée par le Renard lui-même. Volet 2 : Il s agit ici de transposer la fable en bande dessinée. Pour accéder à cet objectif, le dispositif dans un accompagnement procédural prégnant, est structuré en cinq étapes. Les exercices 1 et 2 s inscrivent dans la planification de l écrit. La 1 ère étape concerne tout d abord l identification des paroles rapportées dans le récit en vue de l écriture des bulles de la bande dessinée, le repérage du schéma narratif et de son découpage afin d organiser la planche de la bande dessinée (une vignette pouvant correspondre à une étape) et la rédaction des cartouches. La seconde étape s inscrit dans un échange oral visant la confrontation d idées au service de l élaboration des dessins. Elle s intéresse à la dimension spatiale et à la représentation des personnages à styliser en fonction de leur caractère et de leur comportement. Ces recherches graphiques prennent également en considération la mise en valeur de la morale. La troisième étape correspond au premier jet de rédaction. Il s agit de la mise en page de la bande dessinée en lien avec le nombre de vignettes. Le crayonné s effectue en relation avec un scénario découpé suivant les étapes du schéma narratif. Un point de vigilance est souligné quant à la nécessaire complémentarité du texte et des illustrations. L étape suivante finalise la mise en page de par la rédaction des textes dans les bulles et les cartouches. L étape finale permet l évaluation de la production écrite à l aide d une grille critériée considérant la mise en page, le découpage du texte, le repérage du récit et des paroles rapportées. AFADEC Agnès Le Bellego Droits de reproduction réservés 5
7) Quels en sont les intérêts et les limites? Intérêts : Les activités rejoignent les compétences définies dans les nouveaux textes officiels (Socle commun et BO) ; L interaction des activités de lecture et d écriture (construction de repères sur le type d écrit en vue de leur réinvestissement) est inhérente au dispositif. La démarche d écriture s appuie sur des modèles lus, observés et analysés pour construire les règles du genre ; Le choix de textes résistants permet de construire les compétences liées à la lecture littéraire et à l écriture narrative ; Une place est réservée au langage oral en étape 2, au service de la confrontation et de la production d idées ; Toutes les étapes liées au processus rédactionnel (planification, mise en texte, révision de l écrit) sont appréhendées et l accompagnement procédural est progressif. Limites : La situation d écriture ne correspond pas à un réel projet d écriture qui donnerait sens aux activités. Les enjeux communicationnels ne sont pas définis et la démarche proposée n envisage pas la valorisation du produit fini (l écriture du texte) de par sa diffusion ; Au niveau de la compréhension de la fable, les auteurs proposent un questionnaire qui ne met pas en évidence les procédures à mettre en œuvre pour comprendre par le biais d un temps d enseignement explicite ; Tous les points de résistance du texte ne sont pas pris en considération. Le guidage de l élève est prégnant et inscrit dans une dimension «étapiste» de l activité d écriture. La séparation des différentes tâches pourrait conduire à leur parcellisation alors qu écrire suppose des allers-retours réguliers entre toutes les phases. Les étapes du processus sont citées et donnent matière à des exercices. Sa conscientisation, dans une dimension réflexive, attirant l attention de l élève sur le fait qu écrire suppose différentes opérations mentales à mettre en œuvre (compréhension de la situation de communication et de ses différents paramètres, recherche, élaboration et organisation des idées, écriture et réécritures du texte) n apparaît pas. Aucune phase d institutionnalisation n est prévue pour structurer les savoirs acquis au cours de la séquence ; L écriture d un scénario concernant les étapes de réalisation de la planche aurait permis une structuration plus efficace au niveau de la mise en page. AFADEC Agnès Le Bellego Droits de reproduction réservés 6
Au niveau de l évaluation, les élèves auraient pu créer eux-mêmes la grille critériée et l utiliser en groupes au service de la révision de la production et d une réécriture. En outre, cette évaluation prend en compte le produit fini et omet le processus. Cet exercice scolaire de réinvestissement ne considère pas l élève comme un sujet écrivant ayant construit un rapport singulier à l écrit. En effet, il s agit de produire un écrit normé lié à des types d écrits particuliers (la fable et la bande dessinée) avec un document support imposé, la fable «le Corbeau et le Renard.». Pour lui permettre de se sentir auteur-créateur de son texte, on aurait pu lui proposer d écrire sa propre fable et de la transposer en bande dessinée dans une appropriation personnelle l autorisant à libérer son imaginaire ; Le dispositif omet des difficultés éventuelles des élèves et n envisage pas de différenciation ; Aucune allusion n apparaît quant au recours aux outils du numérique (pour la mise en forme des textes par exemple). Conclusion (éventuelle) Cette analyse met en évidence la place essentielle de l écriture dans les programmes de 2015 en relation avec le Socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Outil essentiel pour communiquer, penser, s exprimer et apprendre, il appartient donc aux enseignants d envisager le développement des compétences scripturales dans l interaction avec la lecture, le langage oral et l étude de la langue. AFADEC Agnès Le Bellego Droits de reproduction réservés 7