Rencontre du Cnis Comment mesurer les discriminations dans le domaine de l'emploi? Résumé des interventions

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Transcription:

Rencontre du Cnis Comment mesurer les discriminations dans le domaine de l'emploi? Jeudi 22 juin 2017 de 9h à 13h Ministère de l Économie Salle de conférence Pierre Mendès- France 139, rue de Bercy 75012 Paris

DÉFINITIONS ET TERMINOLOGIE Michel Miné Michel Miné, juriste du travail, est professeur du Cnam, titulaire de la chaire droit du travail et droits de la personne, Lise/Cnam/Cnrs, membre du Conseil supérieur de l égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, conférencier à l Académie de droit européen (ERA, Trèves), ancien inspecteur du travail (directeur du travail). Les règles de non discrimination complètent le principe constitutionnel d égalité. Dans le domaine de l emploi, ce principe d égalité se décline dans le principe d égalité de traitement. Le droit des discriminations vient donc compléter le droit de l égalité. Une discrimination est une atteinte particulière à l égalité (de traitement). Toute atteinte à l égalité n est pas une discrimination. Ce droit des discriminations s appuie sur des critères de discrimination (au nombre de 30 trente en France sexe, origine-s sociales/nationales, race, religion, état de santé, handicap, orientation sexuelle, identité sexuelle, activités syndicales, etc.). De façon générale, une discrimination se produit quand une personne subit un traitement défavorable (recrutement, rémunération, carrière, etc.), sans justification, en lien avec un critère (une caractéristique de son être ou de son agir), sur lequel il est interdit de se fonder pour prendre une décision défavorable. Une discrimination peut être directe ou indirecte. Une discrimination directe se produit quand, dans une situation comparable (pas seulement dans une situation identique), une personne est moins bien traitée qu une autre ne l est, ne l a été ou ne l aura été, ou ne le serait, en lien avec un critère (ou plusieurs critères) de discrimination. Une discrimination indirecte se produit quand l entreprise met en œuvre une norme ou une pratique, apparemment neutre (au regard des critères de discrimination), qui a des effets plus défavorables sur les personnes relevant d un critère, à moins que l entreprise puisse justifier la pertinence de cette norme ou de cette pratique et de sa mise en œuvre de façon raisonnable. Publication récente. Droit des discriminations dans l emploi et le travail, 2016, Éditions Larcier (coll. Paradigme), Bruxelles, 852 p.(préface de Jean-Yves Frouin, président de la chambre sociale de la Cour de cassation ; postface de Jacques Toubon, Défenseur des droits). http://editionslarcier.larciergroup.com/titres/134057_2/droit-des-discriminationsdans-l-emploi-et-le-travail.html 2 / 9

LES MÉTHODES DE MESURE ET LES SOURCES PANORAMA DES MÉTHODES ET DES SOURCES PERMETTANT DE MESURER LES DISCRIMINATIONS. Sébastien Roux Sébastien Roux est le chef du département des études économiques à l Insee. Il est également chercheur associé à l Ined et au Crest. De nombreux défis sont posés par la mesure des discriminations. La principale difficulté consiste en le fait que de tels comportements sont condamnables et que leurs auteurs peuvent chercher à les dissimuler. Par ailleurs, les auteurs de discriminations peuvent ne pas en être conscients ou la discrimination résulter d une suite de comportements partagés par un grand nombre d individus au sein d un collectif. Enfin, les victimes de discrimination peuvent cumuler des caractéristiques discriminantes, sans bien identifier laquelle ou quelle combinaison est à l origine du comportement discriminatoire. S il peut pour ces raisons être très difficile de mettre en évidence des discriminations dans des cas individuels, l approche statistique permet de les repérer lorsqu ils se répètent dans plusieurs situations, notamment lorsque plusieurs individus différents mais ayant la même caractéristique potentiellement discriminée se voient pénalisés. L objet de cette intervention est de présenter ces méthodes statistiques ainsi que quelques sources sur lesquelles elles peuvent être appliquées. Ces méthodes peuvent être déclinées selon trois approches. La première est indirecte et consiste à examiner les différences statistiques de performances (salaire, accès à l emploi, ) entre deux groupes (l un potentiellement discriminé et l autre non). La seconde est expérimentale et s appuie sur la méthode de «testing», qui consiste à vérifier si les entreprises adoptent des comportements différents selon les caractéristiques des individus qui s adressent à elles. La troisième est subjective et consiste en l interrogation directe des victimes potentielles de discrimination sur leurs perceptions. Cette présentation sera également l occasion de rappeler comment la statistique publique peut contribuer à la compréhension et la prévention des discriminations en s appuyant sur ces méthodes, les sources qu elle produit et l expertise dont elle dispose. 3 / 9

LES MÉTHODES DE MESURE ET LES SOURCES LES ENQUÊTES EN POPULATION GÉNÉRALE Emmanuel Valat Chargé d étude à la Mission Animation de la Recherche de la Dares, notamment sur les questions d inégalités dans l emploi. En France, de plus en plus d enquêtes en population générale permettent d étudier les inégalités d emploi et de salaires entre certaines catégories de population. Un grand nombre de travaux basés sur l exploitation de ces enquêtes analysent les inégalités entre les femmes et les hommes. L ajout, depuis les années 1990, dans plusieurs grandes enquêtes d informations permettant d identifier les immigrés et leurs descendants a par ailleurs permis d effectuer des recherches sur les inégalités liées à l origine. D autres travaux, plus rares et relativement récents, portent sur d autres critères tels que le handicap ou l appartenance syndicale. Malgré la richesse de certaines bases de données et l utilisation de méthodologies d analyse sophistiquées, un doute persiste sur l influence d éléments inobservables qui pourraient être en partie responsables des inégalités inexpliquées que l on est tenté d attribuer aux discriminations. Aussi, l exploitation de données d enquêtes qui interrogent directement les personnes sur leur perception et leur vécu par rapport à la discrimination permet d améliorer l analyse du phénomène. Plusieurs enquêtes ont développé des modules spécifiques de questions qui portent pour l essentiel sur le sentiment de discrimination dans l emploi et sur l hostilité rencontrée par certains salariés au cours de leurs périodes d emploi. Ainsi par exemple, l enquête Trajectoires et Origines (TeO) de l Ined-Insee, dans la lignée d autres grandes enquêtes plus anciennes s intéressant aux populations d origine étrangère, a permis d apporter un nouveau regard sur la question des discriminations liées à l origine. L enquête TeO a notamment donné lieu à des analyses relativement originales recoupant les informations recueillies sur les discriminations et les inégalités inexpliquées observées. De même, l enquête Condition de travail (CT) Dares-Insee permet de souligner les conditions de travail parfois spécifiques de certains types de salariés ou de rendre compte des comportements hostiles auxquels ils font face, freinant potentiellement leur mobilité au sein de l entreprise. 4 / 9

LES MÉTHODES DE MESURE ET LES SOURCES PRÉSENTATION DE LA MÉTHODE DU TESTING Clémence Berson Chercheuse en économie du travail à la Banque de France et affiliée à l Université Paris 1, Clémence Berson a soutenu une thèse sur les relations entre concurrence et discrimination sur le marché du travail. Ses travaux plus récents portent sur la segmentation du marché du travail et les salaires. La discrimination à l embauche est difficile à mesurer. Une première possibilité consiste à utiliser des données d enquête afin d estimer les différences de probabilité d emploi selon la variable étudiée. Cependant, il ne peut pas être exclu que les écarts expliqués soient partiellement dus à des variables omises. La méthode de testing, expérimentale, permet de mettre en évidence des comportements discriminatoires. L envoi de candidatures identiques à l exception de la variable testée permet de mesurer les différences de retours selon cette variable et donc d en déduire un comportement discriminatoire de l employeur testé. Cette méthode possède toutefois un certain nombre de limites telles que la difficulté d extrapolation de l expérience ou le fait que l expérience donne une information sur les comportements de demande observée mais non de l offre. Si la population discriminée est peu nombreuse, il est possible qu aucun individu ne postule dans une entreprise discriminante et que la discrimination ne s exprime pas. La mise en place de l expérience est alors un point clé pour tenter de mesurer la discrimination en limitant les biais possibles. 5 / 9

LES MÉTHODES DE MESURE ET LES SOURCES PRÉSENTATION DE LA MÉTHODE DU TESTING SOLLICITÉ Eric Cédiey Formation en économie, sociologie et statistiques (ENS Cachan, ENSAE). Aujourd hui directeur d ISM CORUM. Fabrice Foroni : Formation en démographie et en ressources humaines. Responsable d études à ISM CORUM depuis 2004. En charge de diagnostics de mesure des risques discriminatoires sur des territoires, ou chez des employeurs publics ou privés (recrutements, affectations et carrières). Plusieurs grandes entreprises utilisent le testing pour évaluer périodiquement leurs pratiques de recrutement et accompagner une démarche de prévention des discriminations. Par exemple, le Groupe CASINO a déjà fait réaliser trois testings en 2007, 2011 et 2015 auprès de tous ses hypermarchés, supermarchés, cafétérias et entrepôts dans la France entière. Comme ces établissements publient très peu d offres d emploi, des paires de candidatures spontanées leur sont envoyées : l une évoque une origine «hexagonale» et l autre une origine «extra-européenne». Ces deux candidatures sont tantôt de sexe féminin ou masculin et elles ont 5 ou 10 ans d expérience dans les quatre métiers testés (hôte-sse de caisse, employé-e commercial-e, employé-e de restauration et préparateur-trice de commandes). Au total, 1500 tests (soit 3000 candidatures) sont effectués à chaque opération, en les répartissant de manière homogène sur 12 mois et en les reproduisant à l identique d une année à l autre. Les résultats obtenus permettent d analyser précisément les risques discriminatoires liés à l origine supposée, en fonction : du profil des deux candidatures proposées (sexe, niveau d expérience), des caractéristiques des établissements testés (branche d activité, taille, ancienneté moyenne de la population salariée, localisation géographique). Ces résultats sont ensuite partagés avec la direction du Groupe CASINO, les services RH, les organisations syndicales, les lignes managériales et un réseau d une cinquantaine de «référent-e-s diversité». Les testings réalisés à la demande d entreprises permettent ainsi de sensibiliser les parties prenantes internes à la prévention des discriminations et les résultats produits peuvent servir à prioriser, alimenter et suivre les actions mises en oeuvre en la matière par ces entreprises. ISM CORUM. Association œuvrant pour l égalité de traitement et la prévention des discriminations auprès des acteurs publics ou privés, en déployant des outils de diagnostic, de formation, d accompagnement et d évaluation. 6 / 9

TABLE RONDE LE POINT DE VUE DES UTILISATEURS Sophie Pochic, animatrice Chargée de recherche CNRS en sociologie du genre et du travail, HDR, membre du Conseil supérieur de l égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et du réseau MAGE (Marché du travail et genre). Publications sur les inégalités femmes-hommes et le plafond de verre, dans le secteur privé comme le secteur public, et coordination d'une étude sur la négociation de l égalité professionnelle en entreprise, en collaboration avec la Dares. Nathalie Bajos Directrice du département Promotion de l Égalité et de l Accès aux Droits, Défenseur des droits, structure qui a récemment publié le guide Mesurer pour progresser vers l'égalité des chances (en collaboration avec la CNIL) et publie depuis huit ans le Baromètre de la perception des discriminations. Inès Dauvergne Responsable Expertise Diversité des Entreprises pour la cité (anciennement IMS entreprendre pour la cité) un réseau qui fédère 250 entreprises. Depuis, plus de 10 ans, elle accompagne les entreprises dans la conception, la mise en œuvre et le déploiement de leurs politiques de Diversité et d inclusion. Elle a mené des programmes de recherche action sur les stéréotypes en entreprise dont l un a porté sur les stéréotypes sur les origines. Elle a également travaillé sur un programme de mesure de l impact de la Diversité sur la performance et a rédigé plusieurs guides pratiques sur Marketing et Diversité, Recruter sans discriminer ou la Diversité religieuse dans l entreprise. Interlocutrice du réseau auprès des ministères et des institutions sur les questions de non-discrimination et de Diversité. Jean-Michel Denis Professeur d Université Marne la Vallée : spécialiste du syndicalisme, notamment de SUD-Solidaires, a récemment coordonné deux numéros spéciaux de la revue Travail et Emploi sur La discrimination syndicale en question (n 145 et 146, 2016), et a réalisé une recherche collective sur la négociation des accords de droit syndicaux, et la prévention de la discrimination syndicale. Marc Rivault Chef de projet, Réseau AFMD (Association Française des Managers de la Diversité), structure qui développe des guides et des services pour les grandes entreprises adhérentes. L AFMD a récemment publié le Guide Discriminations liées à l'origine. Prévenir et agir dans le monde du travail, en collaboration avec la Fondation Agir contre l'exclusion, et un livret blanc «Mesurer la discrimination et la diversité : éléments de réponse» (dir. Heddia Zannad et Pete Stone). Thématiques soumises à la discussion Du côté des employeurs (notamment organisés en réseaux d échanges, et leurs consultants), comme des salariés (via notamment leurs syndicats, et leurs avocats), ou des structures publiques spécialisées, comme le Défenseur des 7 / 9

droits, des méthodes de mesure se développent progressivement. Elles visent en amont à mesurer les discriminations afin de les prévenir et de sensibiliser les acteurs, et en aval à apporter la preuve d un acte discriminatoire et de le réparer (par des procédures internes ou par la justice). A l origine, aux États-Unis c est d ailleurs sur la «discrimination indirecte» que les statistiques ont été les plus utiles pour saisir le traitement différencié systématique d une catégorie notion de disparate impact -, explicable par les théories du racisme ou sexisme institutionnels. Des statistiques, plus ou moins solides, se développent aussi pour tester l argument du «business case» de la diversité, selon lequel des entreprises plus inclusives auraient une meilleure performance. Si en France, les entreprises sont, en théorie, obligées de mesurer annuellement depuis 1983 avec le Rapport de Situation Comparée les inégalités femmeshommes, des outils de mesure se sont développées plus tardivement dans le secteur public ou sur d'autres critères, comme l'origine ethnique, le handicap, l'activité syndicale, l'orientation sexuelle ou la religion. Si sur certains critères, les entreprises sont obligées de négocier (égalité femmes-hommes, handicap, seniors, discrimination syndicale), sur d autres, elles s engagent de manière volontaire dans des démarches de RSE Responsabilité Sociétale des Entreprises, avec souvent des interrogations sur les «données sensibles» (que peut-on mesurer et comment?). 8 / 9

DISCUSSION Stéphane Carcillo Directeur exécutif de la Chaire de Sécurisation des Parcours Professionnels, Sciences Po et GENES ; Économiste senior à l Organisation de Coopération et de Développement Économiques ; Professeur affilié au Département d Économie de Sciences Po ; Chercheur affilié à l IZA (Institute for the Study of Labor). L'OCDE travaille en ce moment sur les discriminations sur le marché du travail, mais aussi sur le marché du logement, dans les domaines de la santé et de l'éducation. Parmi les groupes que nous suivons de près se trouvent les personnes issues de l'immigration ainsi que les LGBTI. Les statistiques sur les LGBTI illustrent bien les difficultés d'identification des discriminations. Par exemple, les données basées sur les enquêtes fournissent souvent des éléments biaisés sur la situation des homosexuels et des lesbiennes sur le marché du travail: elles révèlent que les homosexuels sont pénalisés alors que les lesbiennes seraient favorisées par rapport à leurs homologues hétérosexuels. Ces résultats reflètent en fait un «biais de spécialisation des ménages» encore répandu chez les ménages hétérosexuels mais qui n'existent guère chez les ménages homosexuels. Comme on ne dispose pas de questions directes sur l'orientation sexuelle, les études s'appuient en effet le plus souvent sur la situation des couples. Or un homme hétérosexuel en couple est en moyenne plus impliqué sur le marché du travail qu'un homme homosexuel en couple, alors qu une femme hétérosexuelle en couple est moins impliquée qu'une lesbienne en couple. Pour éviter ce biais, il faut plutôt s'appuyer sur les rares enquêtes disponibles qui incluent des informations directes sur le statut de minorité sexuelle afin de comparer la situation sur le marché du travail entre homosexuels et des hétérosexuels célibataires. Cette stratégie souligne l existence d une pénalité sur le marché du travail pour les homosexuels et les lesbiennes. Ces résultats sont d ailleurs confirmés par les quelques expériences de terrain ou «testings» disponibles, qui ne souffrent pas de biais de sélection. En moyenne, les demandeurs d'emploi homosexuels ont moitié moins de chances d'être rappelés par un recruteur qu un demandeur d'emploi hétérosexuels. Les personnes transgenres et intersexuelles souffrent également d'une pénalité très importante. Par conséquent, il n est pas surprenant que les LGBTI affichent des taux de pauvreté nettement plus élevés que le reste de la population. À ce jour, l'incidence de la discrimination n'a pas été mesurée d'une manière comparable dans tous les pays. Les quelques études disponibles sont spécifiques à chaque pays et diffèrent selon leur méthodologie et leur portée. Pour mieux mesurer la discrimination, mieux comprendre les origines de la discrimination et le rôle des politiques et des institutions, l'ocde prévoit à moyen terme d'entreprendre des testings de manière comparable entre pays. 9 / 9