Les essais de non-infériorité

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Note méthodologique Sang Thrombose Vaisseaux 212 ; 24, n o 2 : 93-9 Les essais de non-infériorité Caroline Elie 1, Emmanuel Touzé 2 1 Université Paris Descartes, Faculté de Médecine, EA 4472 ; Hôpital Necker-Enfants Malades, service de biostatistique et informatique médicale, 149 rue de Sèvres, 7515 Paris <caroline.elie@parisdescartes.fr> 2 Université Paris Descartes, Inserm UMR S894, Hôpital Sainte-Anne, service de neurologie, 1 rue Cabanis, 7514 Paris Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.239 le 17/1/217. doi:1.1684/stv.212.682 Tirés à part : C. Elie Résumé. Dans bon nombre de pathologies, des traitements efficaces sont déjà disponibles. Les bénéfices escomptés avec de nouveaux traitements en développement sont ainsi souvent réduits, rendant la démonstration statistique de leur supériorité difficile voire impossible. C est pourquoi de nombreux essais ont maintenant pour but de démontrer qu un nouveau traitement est plus sûr et/ou plus simple d utilisation, mais sans perte d efficacité. Il s agit d essais de «non-infériorité». De tels essais sont à distinguer des essais cliniques de supériorité, tant au niveau de la méthodologie que de l analyse statistique. Cette note a pour but de présenter certains points statistiques et méthodologiques propres aux essais de non-infériorité. Après un rappel des principes généraux de tels essais, nous présenterons leur analyse par la méthode des intervalles de confiance et les aspects méthodologiques spécifiques de la conception du protocole. Finalement, nous aborderons la possibilité de changer de stratégie d analyse (non-infériorité/supériorité). Mots clés : essai contrôlé randomisé, essai de non-infériorité, intervalle de confiance Abstract Non-inferiority trials In many diseases, effective treatments are already available. Thus, expected benefits with new treatments in development are often small. In this context, the statistical demonstration of superiority of these new treatments is often difficult even impossible to be proven. Consequently, many current trials aim to show that a new treatment is safer and/or easy to use without loss of efficacy, rather than to demonstrate superiority. Such trials, called non-inferiority trials, need be distinguished from superiority trials regarding both methodological and statistical aspects. In this note, we examine the statistical rationale and methodological features of non-inferiority trials. We present analysis methods using confidence intervals approach and key aspects of their design. Finally, we consider the possibility to switch from non-inferiority to superiority testing. Key words: randomized controlled trial, non-inferiority trial, confidence intervals Pour citer cet article : Elie C, Touzé E. Les essais de non-infériorité. Sang Thrombose Vaisseaux 212 ; 24 (2) : 93-9 doi:1.1684/stv.212.682 93

Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.239 le 17/1/217. Dans de nombreuses pathologies, nous disposons déjà de traitements efficaces. Ainsi, les bénéfices escomptés avec de nouveaux traitements sont ainsi souvent faibles, rendant la démonstration statistique de leur supériorité plus difficile, avec la nécessité de réaliser des essais sur de très grands échantillons. Par ailleurs, l intérêt potentiel d un nouveau traitement, outre son éventuelle efficacité thérapeutique, peut être fondé sur d autres critères comme une réduction des effets indésirables immédiats ou à long terme, une meilleure facilité d utilisation ou une voie d administration plus aisée. Ainsi, l évaluation d un nouveau traitement peut avoir comme objectif de démontrer qu il plus sûr et/ou plus simple d utilisation, mais sans perte d efficacité. Il est alors nécessaire de mener des essais dits de «noninfériorité». De tels essais sont à distinguer des essais cliniques de supériorité, tant au niveau de la méthodologie que de l analyse statistique. La méthodologie des essais cliniques de supériorité continue trop souvent d être employée à tort pour montrer la non-infériorité, et produit des résultats sans valeur scientifique. Une revue récente de la littérature fait état de la qualité des publications des essais de non-infériorité ou d équivalence [1]. 116 essais de noninfériorité et 46 essais d équivalence publiés entre 23 et 24 ont été analysés. Ce travail montre qu il existe des déficiences dans la méthodologie de ce type d essais et a permis d élaborer des recommandations. La grille de recommandations pour rapporter les résultats d un essai thérapeutique randomisé (CONSORT : Consolidated Standards of Reporting Trials [2]) a été adaptée pour les essais de non-infériorité et d équivalence [3]. Cette note a pour but de présenter certains points statistiques et méthodologiques propres aux essais de non-infériorité. Principe des essais de non-infériorité Dans l ensemble de cette note, nous supposerons qu une augmentation du critère de jugement principal, critère quantitatif noté, est associée à une meilleure efficacité et que l on étudie une différence d effet entre deux traitements. Rappelons que l essai de supériorité a pour but de montrer que le nouveau traitement (N) est supérieur à un traitement de référence (R). Lors de la phase de préparation de l essai, on doit préciser la différence d effet entre les deux traitements que l on veut mettre en évidence, notée S. Dans un essai de supériorité, on choisit S suffisamment grand pour qu il corresponde à une différence cliniquement intéressante entre les deux traitements. Le calcul du nombre de sujets nécessaire pour avoir une puissance suffisante utilise S mais cette quantité n interviendra pas dans le calcul de la statistique de test. L analyse d un essai de supériorité consiste à effectuer un test de comparaison de l effet des deux traitements (ici un test de Student) et permet de conclure que la différence d effet entre N et R est statistiquement différente de par le calcul du degré de signification (petit p). Les essais comparant deux traitements peuvent avoir une formulation bilatérale ou unilatérale. Les hypothèses testées s écrivent de la manière suivante : Dans la formulation bilatérale : H : = µ N -µ R = ; N et R ne sont pas différents H 1 : ; N et R sont différents Dans la formulation unilatérale : H : ; N n est pas supérieur à R H 1 : > ; N est supérieur à R Dans le cas d un essai de non-infériorité, on définit une autre quantité pour juger de l effet du nouveau traitement N : la marge de non-infériorité, notée L. Elle correspond à la plus grande perte d efficacité que l on peut consentir pour conclure que le nouveau traitement N n est pas inférieur au traitement de référence R. On tolère que N fasse «un peu» moins bien que R ( N < R ), c est à dire que la différence entre N et R ( = N - R ) doit être suffisamment faible pour ne pas avoir de signification clinique. La perte d efficacité N - R doit donc être inférieure à - L. On parle de non infériorité car si N est supérieur à R, cela ne nous gêne pas. Les hypothèses s écrivent donc de la manière suivante : H : = µ N -µ R - L ; N inférieur à R H 1 : = µ N -µ R > - L ; L interprétation des résultats d un essai de non-infériorité peut donc se faire selon les modalités présentées dans la figure 1, si les hypothèses portent sur les moyennes N et R des traitements et qu une augmentation de la moyenne du critère principal de jugement va dans le sens d une meilleure efficacité. Dans le cas d un essai d équivalence, on exige de plus que le nouveau traitement ne soit pas plus efficace que le traitement de référence. Le gain d efficacité N - R ne doit pas donc être supérieur à L. Les hypothèses s écrivent donc de la manière suivante : H : - L ou L Non-équivalence H 1 : - L < < L Équivalence L interprétation des résultats d un essai d équivalence peut donc se faire selon les modalités présentées dans la figure 2, si les hypothèses portent sur les moyennes N et R des traitements et qu une augmentation de la moyenne du critère principal de jugement va dans le sens d une meilleure efficacité. On utilise donc le terme d équivalence dans la formulation bilatérale et le terme de non-infériorité dans le cas de la 94 STV, vol. 24, n o 2, février 212

Infériorité H : H 1 : > Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.239 le 17/1/217. Figure 1. Représentation des zones de non-infériorité et d infériorité en fonction de la valeur de la différence d effet entre N et R. Non-équivalence H : Equivalence H 1 : < < L Non-équivalence H : L Figure 2. Représentation des zones d équivalence et de non-équivalence en fonction de la valeur de la différence d effet entre N et R. formulation unilatérale. Dans la plupart des contextes cliniques et pour la plupart des critères de jugement rencontrés, la formulation la plus pertinente est celle de la non-infériorité. En effet, il est très rare qu il soit gênant qu un nouveau traitement soit plus efficace que le traitement de référence. Un de ces rares cas est le contexte du traitement de l hypertension artérielle puisque le nouveau traitement ne doit ni trop faire monter ni trop faire baisser la tension artérielle par rapport au traitement de référence. Nous ne traiterons plus dans la suite de cette note que des essais de non-infériorité. Aspects statistiques des essais de non-infériorité Analyse d un essai de non-infériorité : l approche par intervalle de confiance On peut utiliser indifféremment deux méthodes pour montrer la non-infériorité : l approche par test d hypothèses ou l approche par intervalle de confiance. La seconde méthode, la plus utilisée, est celle que nous détaillerons ici. Nous avons défini précédemment la zone, limitée par la marge de non infériorité - L, permettant de conclure à la non-infériorité du nouveau traitement. Comme toute estimation ponctuelle, la différence d effet observée entre les deux traitements m N -m R doit être accompagnée de son intervalle de confiance. L analyse de l essai consiste donc non pas seulement à positionner la différence d effet observée par rapport à - L, mais également son intervalle de confiance. Si celui-ci est en dehors de la zone de noninfériorité, totalement ou partiellement, on ne peut pas conclure à la non-infériorité. L interprétation des résultats d un essai de non-infériorité peut donc se faire selon les modalités présentées dans la figure 3, en gardant comme hypothèses que le critère de jugement est quantitatif et qu une augmentation du critère principal de jugement va dans le sens d une meilleure efficacité. Dans les cas 1, 2 et 3, l intervalle de confiance de la différence d effet observée entre les deux traitements ne dépasse pas la limite de non-infériorité, on peut donc rejeter H et conclure à la non-infériorité de N par rapport à R. En revanche, dans les 2 derniers cas, la borne inférieure de l intervalle dépasse - L et on conclut que N est inférieur à R. Il est important de noter que dans ce contexte, l intervalle de confiance est utilisé comme un test pour rejeter ou non H. Pour que cette approche donne une conclusion identique au STV, vol. 24, n o 2, février 212 95

La borne inférieure de l intervalle de confiance ne dépasse pas la limite de noninfériorité Rejet de H La borne inférieure de l intervalle de confiance dépasse la limite de non-infériorité Non-rejet de H non démontrée Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.239 le 17/1/217. Infériorité H : H 1 : > Figure 3. Zone de non-infériorité et conclusion en faveur d une non-infériorité ou non. test statistique de non-infériorité (non détaillé ici), c est-àdire pour rejeter ou non H avec les mêmes risques et, il est nécessaire de calculer l intervalle de confiance à 1-2 (9 % dans le cas d un risque de 5 %) et non l intervalle de confiance à 95 % que l on utilise habituellement dans les estimations [5]. En réalité, on peut choisir l un ou l autre de ces intervalles : soit l intervalle de confiance à 95 %. Cette approche est recommandée par le Committee for Proprietary Medicinal Products [4] car elle est conservatrice (elle diminue le risque de conclure à la non-infériorité à tort) et elle diminue la puissance de l étude ; soit l intervalle de confiance à 1-2 (9 % dans le cas d un risque de 5 %). Cette approche aboutit à des risques et proches de ceux que l on choisit pour le calcul du nombre de sujets nécessaire (voir plus loin). Cet intervalle donne des conclusions similaires à celles des tests statistiques de non-infériorité. Calcul du nombre de sujets nécessaire dans un essai de non-infériorité Le nombre de sujets nécessaire pour un essai de noninfériorité est calculé de manière similaire à celle de l essai unilatéral de supériorité. Les mêmes formules peuvent être utilisées, en fixant les risques suivants : (probabilité de rejeter H à tort) : probabilité de conclure que le nouveau traitement est non inférieur alors qu en réalité la différence plus petite que - L ; (probabilité de ne pas rejeter H à tort) : probabilité de ne pas conclure que le nouveau traitement est non inférieur alors qu en réalité la différence est plus grande que - L. La puissance 1-, associée à - L, est ici la probabilité de conclure à une non-infériorité qui existe effectivement. Le calcul nécessite de fixer la valeur de - L. Ce choix est très délicat et est d autant plus important que la marge de non-infériorité intervient également à l étape de la décision et de l interprétation des résultats. Il n y a pas de règle stricte. Il faut que la différence consentie entre les deux traitements soit «faible», celle-ci est donc forcément inférieure à la différence S que l on aurait choisie dans une étude de supériorité. Il s agit dans tous les cas d une discussion entre les statisticiens et les cliniciens. Pour un critère de jugement quantitatif et en supposant que les groupes sont d effectifs égaux, le nombre de sujet par groupe s obtient à l aide de la formule suivante : 2 2σ 2 n = ( z 2 1 α + z1 β) L avec 2 la variance du critère de jugement. Pour un critère de jugement qualitatif et en supposant que les groupes sont d effectifs égaux, le nombre de sujet par groupe s obtient à l aide de la formule suivante : n 1 ( π ( 1 π ) + π ( 1 π ) + z 2π ( π )) = z 1 2 1 α N N R R 1 β R L avec π N et π R les pourcentages de succès avec le nouveau traitement et avec le traitement de référence, respectivement. D autres formules existent et sont également utilisables. Comme L est petit, le nombre de sujets nécessaire pour un essai de non-infériorité est souvent important, ce qui pose parfois des problèmes de faisabilité. R 2 96 STV, vol. 24, n o 2, février 212

Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.239 le 17/1/217. Particularité du design d un essai de non-infériorité Conduite de l essai de non-infériorité En dehors de ses aspects statistiques, il convient tout particulièrement dans ce type d essai d être très vigilant et rigoureux quant à la qualité du protocole et de sa mise en œuvre. En effet, les défauts méthodologiques et les écarts au protocole tendent le plus souvent à rendre les deux traitements artificiellement semblables et donc à favoriser une conclusion de non-infériorité. Les faiblesses méthodologiques de l étude «protègent» les expérimentateurs au lieu de les pénaliser. Conclure que le nouveau traitement n est pas inférieur au traitement de référence n implique pas forcément que tous les deux soient efficaces! D une manière générale il faut construire un protocole qui ressemble beaucoup à celui qui a établi l efficacité du traitement de référence. Mais certains points doivent être vérifiés avec attention : le traitement de référence doit développer toute son efficacité. Il doit être administré dans des conditions optimales. Il est donc primordial de vérifier son efficacité lors de l essai de non-infériorité en la comparant à celle observée dans les études antérieures de supériorité ; les caractéristiques des sujets inclus doivent être identiques à celles des sujets chez qui le traitement de référence a été démontré efficace. L inclusion d une proportion anormalement élevée de sujets mauvais répondeurs au traitement de référence, peut, si l efficacité du nouveau traitement est médiocre, amener à conclure que les deux traitements sont globalement équivalents, car les deux traitements sont inefficaces dans ce sous-groupe de mauvais répondeurs ; l administration parallèle de traitements concomitants efficaces doit être évitée. Une administration autorisée de traitements adjuvants dont l impact clinique est majeur conditionnera une grande part de l efficacité globale. Les effets thérapeutiques propres des traitements étudiés sont alors dilués dans ceux des traitements complémentaires. Population d analyse Rappelons que dans l analyse en ITT (intention to treat), les sujets sont analysés dans le bras de traitement défini par la randomisation, quel que soit le traitement réellement pris. Dans l analyse PP (per protocole), seuls les patients qui n ont présenté ni changement ou arrêt de traitement, ni déviation majeure au protocole, sont conservés pour l analyse. L analyse de la population en ITT est recommandée pour les essais de supériorité. En effet, les déviations au protocole, les arrêts ou les changements de traitement vont, en principe, entraîner une diminution de la différence d efficacité entre les deux traitements. Dans un essai de supériorité, cette approche n augmente donc pas le risque, c est une approche conservatrice. De plus, elle garantit la comparabilité des groupes induite par la randomisation. Dans les essais de non-infériorité, ce phénomène produit un effet inverse, puisque c est justement une faible différence entre les deux traitements qu il est intéressant de montrer. Si les patients ayant arrêté le traitement de référence pour manque d efficacité ou pour effet indésirable sont conservés dans l analyse, l efficacité du traitement de référence va tendre vers celle du nouveau traitement. En augmentant le risque, l analyse en ITT tend ainsi à conclure à la non-infériorité. Elle permet cependant de vérifier l efficacité du traitement de référence par comparaison avec les essais de supériorité déjà publiés. L analyse PP permet quant à elle d estimer l efficacité des traitements dans les meilleures conditions d utilisation possibles. Elle est ici donc à privilégier. Les raisons du choix d exclure certains sujets de l analyse doivent être précisément décrites et doivent être identiques dans les deux groupes. En revanche la comparabilité des groupes en analyse PP n est plus respectée. Les deux populations d analyse (ITT et PP), doivent ainsi être décrites et analysées. Une conclusion de non-infériorité n est acceptable que si les deux analyses concordantes. Changements de stratégie d analyse Nous allons aborder pour finir les problèmes de changements de stratégie d analyse ou «switch» [4]. De la non-infériorité à la supériorité Le premier cas rencontré est celui d un essai ayant démontré la non-infériorité du nouveau traitement (la borne inférieure de l intervalle de confiance de la différence observée ne dépasse pas la marge de non infériorité - L ). Deux situations peuvent ensuite se présenter, illustrées par la figure 4. Si la borne inférieure ne dépasse pas, la différence d efficacité entre les deux traitements peut même aller dans le sens d une plus grande efficacité de celui-ci (situation 2) car la différence d effet entre les deux traitements est alors significativement différente de. On peut se demander si le nouveau traitement n est pas plus efficace que le traitement de référence. Plusieurs éléments doivent alors être STV, vol. 24, n o 2, février 212 97

démontrée Supériorité non démontrée démontrée Supériorité démontrée Supériorité Infériorité Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.239 le 17/1/217. Figure 4. De la non-infériorité à la supériorité. vérifiés pour pouvoir conclure à la supériorité du nouveau traitement [4] : l essai doit avoir été conçu et réalisé avec les exigences strictes des essais de non-infériorité (notamment le traitement de référence doit avoir développé toute son efficacité) ; la puissance du test de supériorité doit être suffisante. Ce point est vérifié en général car les essais de non-infériorité nécessitent le plus souvent un nombre de sujets supérieur à celui des essais de supériorité. En revanche, le risque est que le test soit trop puissant et aboutisse à déclarer supérieur le nouveau traitement malgré une différence faible, non cliniquement pertinente. Il est donc préférable d avoir défini a priori dans le protocole la différence minimale d efficacité attendue. la population d analyse privilégiée doit être la population en ITT ; les tests ou intervalles de confiance doivent être adaptés. De la supériorité à la non-infériorité Le second cas rencontré est celui d un essai de supériorité n ayant pas démontré la supériorité du nouveau traitement (l intervalle de confiance de la différence observée inclus ). Deux situations peuvent ensuite se présenter, illustrées par la figure 5. Lorsque la borne inférieure de l intervalle de confiance de la différence observée ne dépasse pas la marge de non-infériorité - L, il est alors tentant de vouloir argumenter en faveur de la non-infériorité du nouveau traitement (situation 2). Cependant, le passage d une conclusion de non-supériorité du nouveau traitement à une conclusion de non-infériorité doit s accompagner d un certain nombre de précautions [4] : la puissance de l essai doit être calculée a posteriori, celle-ci doit être suffisante pour pouvoir mettre en évidence une différence pertinente ; Supériorité non démontrée non démontrée Supériorité non démontrée démontrée Non-supériorité Supériorité Figure 5. De la supériorité à la non-infériorité. 98 STV, vol. 24, n o 2, février 212

Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.239 le 17/1/217. la borne de non-infériorité doit être définie a priori dans le protocole ou peut être justifiée par un large consensus d expert ; le traitement de référence doit être compatible avec un essai de non-infériorité ; la population d analyse privilégiée doit être la population PP ; l essai de supériorité doit avoir été conçu et réalisé avec les exigences strictes des essais de non-infériorité ; les tests ou intervalles de confiance doivent être adaptés. Conclusion Le recours aux essais de non-infériorité est plus fréquent qu auparavant, car bien que de nombreuses pathologies bénéficient de traitements de référence efficaces, de nouveaux médicaments sont développés pour diminuer les effets secondaires, faciliter leur d administration ou simplifier la prise en charge du patient. Dans cette optique, à efficacité équivalente, ces nouveaux traitements présenteront un meilleur service médical rendu par rapport au traitement de référence. Les essais de non-infériorité ne sont pas des essais de supériorité modifiés, ils doivent suivre des règles de construction et d analyse qui leur sont propres. Leurs résultats sont très sensibles aux faiblesses méthodologiques et il est nécessaire d être très rigoureux dans leur réalisation. Conflits d intérêts : aucun Références 1. Le Henanff A, Giraudeau B, Baron G, Ravaud P. Quality of reporting of noninferiority and equivalence randomized trials. JAMA 26 ; 295 : 1147-51. 2. Altman DG, Schulz KF, Moher D, Egger M, Davidoff F, Elbourne D, Gotzsche PC, Lang T. The revised CONSORT statement for reporting randomized trials: explanation and elaboration. Ann Intern Med 21 ; 134 : 663-94. 3. Piaggio G, Elbourne DR, Altman DG, Pocock SJ, Evans SJ. Reporting of noninferiority and equivalence randomized trials: an extension of the CONSORT statement. JAMA 26 ; 295 : 1152-6. 4. Committee for Proprietary Medical Products (CPMP). Point to Consider on switching between superiority and non-inferiority. 2. European Medicines Agency (EMEA). CPMP/EWP/492/99. 5. Deheuvels P. How to analyse bioequivalence studies? The right use of confidence intervals. J Organ Behav Stat 1984;1:1-15. STV, vol. 24, n o 2, février 212 99