Centre de Gestion de la Fonction Publique Territoriale de la Dordogne - Infos Prévention n 15 Octobre 2010 Infos Prévention LES ENJEUX DE LA PREVENTION SOMMAIRE : LES ENJEUX DE LA PREVENTION Introduction L enjeu humain et l enjeu social L enjeu économique L enjeu juridique Foire aux questions INTRODUCTION : Tout le monde sait qu il vaut mieux prévenir que guérir. Pourtant, historiquement, force est de constater que notre pays a davantage développé une culture et des pratiques axées sur la réparation des accidents du travail que sur leur prévention. Pour bon nombre de collectivités, la prévention des risques ne fait hélas pas partie des priorités. C est bien souvent la survenue d un accident grave qui déclenche une prise de conscience sur la nécessité d engager une démarche. La prévention des risques professionnels consiste à éviter la survenue d accidents ou de maladies professionnelles par la mise en place de mesures de prévention adaptées et efficaces. Ces mesures sont de nature humaine, organisationnelle ou technique. Elus, responsables de services, ACMO, agents, chacun a un rôle à jouer en matière de prévention. Si les employeurs publics et privés sont appelés, de plus en plus, à évaluer et à prévenir les risques au travail, c est parce que cela comporte des enjeux importants. Ce bulletin d information vous permettra de mieux comprendre les «enjeux de la prévention». Pour vous aider à y faire face, le Centre de Gestion de la Dordogne s est doté en 1999 d un «service prévention» au sein de son Pôle Santé et Sécurité au Travail. Son activité a 3 principaux objectifs : - faire prendre conscience aux collectivités (élus, responsables) qu il est nécessaire et même indispensable de développer une politique de sécurité au travail, - développer un réseau d acteurs dans les collectivités, les ACMO (Agents Chargés de conseiller l autorité territoriale dans la Mise en Œuvre des règles d hygiène et sécurité), qui ont un rôle important dans l évaluation des risques et la détermination d actions de prévention adaptées, - conseiller les collectivités dans leur démarche de prévention et sur tout point relatif à la sécurité des agents au travail (visites de conseil, accompagnement dans l évaluation des risques ). Notre site internet comporte de nombreuses informations sur la prévention des risques pour les agents des collectivités (fiches pratiques, journaux d information thématiques ). Vous pouvez y accéder à la rubrique Services facultatifs -> Santé Sécurité au Travail). 1
I- L enjeu humain et l enjeu social Il va sans dire que l Homme est au centre de l organisation et de la politique d hygiène et de sécurité du travail. Car ce sont bien l enjeu humain et l enjeu social qui prédominent, bien avant l enjeu financier et les questions de responsabilité. Il s agit à ce niveau de : - préserver la sécurité, la santé physique et le bien-être des agents, - favoriser leur motivation et leur implication au travail, - améliorer l environnement du travail, - améliorer la qualité et l efficacité au travail. «Si, depuis plusieurs années, les absences pour raison de santé s étaient stabilisées dans les collectivités territoriales, elles repartent aujourd hui à la hausse de manière particulièrement importante». Ce constat réalisé en 2009 par plusieurs sociétés d assurance est confirmé par le CDG24 à partir des déclarations d accidents reçues. Voici un rapide état de la situation pour nos collectivités adhérentes* : Evolution du nombre d accidents 224 accidents de service ont été déclarés en 2009 par les collectivités adhérentes au CDG 24 mais ce chiffre est en réalité plus important car certaines déclarations ne nous ont pas été communiquées. Ils sont en augmentation depuis plusieurs années. Cela représente un accident par journée travaillée. Ces accidents se sont produits dans 106 collectivités et établissements publics en 2009 (116 en 2008). Evolution de l absentéisme causé par les accidents au travail : Les accidents de 2009 ont généré 4800 jours d arrêt de travail, soit 160 mois (équivalent d un agent arrêté pendant 13 ans). Cet absentéisme est en forte hausse depuis 2007. La durée moyenne d arrêt de travail suite à un accident est de 33 jours (augmentation également). Cela signifie que les accidents sont en moyenne de plus en plus graves. * Pour plus de précisions sur l évolution de ces accidents, consulter la rubrique «Services facultatifs -> Santé Sécurité au Travail - > Bilan des accidents du travail» 2
Accidents en fonction de l ancienneté des agents : Les accidents concernent avant tout les agents de moins de 5 ans d'ancienneté à leur poste (37% soit plus d 1 accident sur 3). Il y a plusieurs causes : leur inexpérience, leur méconnaissance des risques,... Les agents plus expérimentés ne sont toutefois pas épargnés. La durée de l absentéisme suite à accident augmente avec l âge. Plusieurs causes : les habitudes de travail, certaines croyances ("les accidents n'arrivent qu'aux autres", "la sécurité empêche de travailler", "la sécurité est une perte de temps"...). Activités les plus touchées par les accidents : Aucune activité, aucun service des collectivités n est épargné par les accidents. Ils sont plus nombreux et généralement plus graves dans les services techniques et services de collecte des déchets. 3
II- L enjeu économique En cas d accident de service, de maladie professionnelle mais aussi de décès, les collectivités sont amenées à payer un lourd tribut financier : Frais médicaux Indemnités Coût direct (réglé par les assurances) Interruption du service rendu Perte de qualité du service rendu Atteinte à l image de la collectivité Perte ou immobilisation du matériel Remplacement de l agent et coût de formation de son remplaçant Gestion administrative de l absence (enquête, commission de réforme ) Temps consacré aux secours Coût indirect S ils sont moins visibles d un point de vue comptable, les coûts indirects peuvent être 3 à 5 fois supérieurs aux coûts directs, voire plus encore. A titre indicatif, voici quelques données fournies par le courtier en assurance DEXIA-SOFCAP : Coût direct moyen d un arrêt : Accident de service : 2500 Accident de trajet : 4 200 Maladie professionnelle : 22 800 Etant donné l augmentation des accidents et de l absentéisme, les cotisations demandées par les assurances aux collectivités sont en hausse. Par ailleurs, celles-ci sont de plus en plus regardantes sur les démarches de prévention engagées dans les collectivités assurées. Coût indirect moyen d un arrêt (estimation) : Accident de service : 7 500 à 12 500 Accident de trajet : 12 600 à 21 000 Maladie professionnelle : 68 400 à 114 000 4
III- L enjeu juridique REGLEMENTATION EN HYGIENE ET SECURITE De nombreuses obligations s imposent aux employeurs publics dans ce domaine : l autorité territoriale est en effet «chargée de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous son autorité» (Décret du 10 juin 1985 modifié relatif à l hygiène, à la sécurité et à la médecine préventive dans la Fonction Publique Territoriale). En matière d hygiène et de sécurité, les collectivités et établissements publics locaux sont soumis aux règles du Code du Travail (4 ème partie), comme les entreprises privées. La démarche de prévention doit être pilotée par l employeur, en partenariat avec les agents et les différents acteurs de la prévention (responsables de service, ACMO, intervenants extérieurs notamment du CDG 24). RESPONSABILITE POUR ACCIDENT OU MALADIE PROFESSIONNELLE En cas d accident de service sur un agent ou de dommages causés à un tiers, la responsabilité de la collectivité et/ou de ses représentants peut-être engagée dans diverses circonstances. Il existe 2 types de responsabilités qui peuvent être cumulées entre-elles. RESPONSABILITE CIVILE La collectivité engage sa responsabilité civile quand elle est auteur d un préjudice (matériel, physique ou moral). Elle doit alors le réparer et indemniser la victime en lui payant une certaine somme d argent correspondant à la nature du préjudice. Ce risque est assurable : l indemnisation peut donc être prise en charge par les assurances de la collectivité. Il est à noter que les collectivités sont normalement couvertes pour les condamnations civiles de leurs agents. C est-àdire que c est l assurance de la collectivité qui paie pour l agent auteur d un préjudice. Cependant, la collectivité a tout à fait le droit de se retourner contre cet agent. RESPONSABILITE PENALE En cas d infraction à la législation (non respect des lois ou des règlements), la responsabilité pénale de l autorité territoriale (Maire, Président), d autres élus ou de fonctionnaires peut être engagée (parfois simultanément). En général, les infractions commises en hygiène et sécurité sont passibles d un tribunal correctionnel. C est un risque non assurable pour la simple et bonne raison qu il ne s agit pas d une indemnisation mais d une condamnation (amende et/ou peine d emprisonnement). 5
Dans quelles circonstances une responsabilité pénale peut-elle être reconnue? La responsabilité pénale peut être mise en cause, dans certaines circonstances où une faute est reconnue : faits ayant causé une atteinte à l intégrité corporelle des personnes (par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation) Selon la gravité de l atteinte et le fait que les actes ayant causé le dommage soient délibérés ou involontaires, on considérera deux types d infractions : des contraventions et des délits. L atteinte est mesurée en durée d Incapacité Temporaire de Travail (ITT) et en importance (incapacité totale ou partielle). Cette notion est différente de la durée d un arrêt de travail. Infraction(s) à la législation, ou acte(s) ayant causé des dommages INVOLONTAIRE(s) VOLONTAIRE(s) Pas d ITT ITT < 3 mois ITT > 3 mois Décès Contravention de 2 ème classe (150 ) Contravention de 5 ème classe (1500, 3000 en cas de récidive) Contravention de 5 ème classe (1500, 3000 en cas de récidive) 1 an 15000 d amende 2 ans 30000 d amende 3 ans 45000 d amende 3 ans 45000 d amende 5 ans 75000 d amende mise en danger délibérée (manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi, un décret ou un arrêté). Cette infraction est punissable de 1 an de 15000 euros d amende, même en l absence de dommages corporels. Fait de s abstenir volontairement de porter secours à une personne en péril Cela est pénalement punissable d une peine de 5 ans de 75000 euros d amende. Qui peut-être responsable pénalement au sein de la collectivité? Comment? l autorité territoriale : en tant qu employeur, elle est responsable de l hygiène et de la sécurité de ses agents (décret du 10 juin 1985 modifié). Elle peut transférer par arrêté une partie de sa responsabilité et de ses attributions en matière d hygiène et sécurité à des adjoints ou en cas d empêchement, à l un des conseillers municipaux mais cela dépendra des conditions réelles d exercice de la délégation (transfert d autorité, de compétence et de moyens). l encadrement (tout agent qui a une position dans la hiérarchie) : directeur général des services, responsable d un service spécifique, chef d équipe. Il ne peut avoir de responsabilité pénale que dans le cas où toutes les conditions de délégation sont présentes. l agent : il doit, d après les textes, veiller à sa santé et sa sécurité mais aussi à celle de ses collègues et des usagers du service. L agent est responsable de ses actes comme les autres acteurs et peut être sanctionné par la collectivité s il ne respecte pas les consignes et les règles d hygiène et sécurité. Le Centre de Gestion a connaissance de plusieurs jugements concernant des collectivités, notamment de Dordogne. 6
Il est à noter que pour l instant les collectivités sont peu inquiétées en cas de manquement à une réglementation n engendrant pas d accident (pas de contrôle de l inspection du travail), mais cela pourrait changer car la mise en place d une inspection est prévue par la réglementation. Foire Aux Questions : La prévention coûte-t-elle cher aux collectivités? Certes, la prévention a un coût, mais il est bien moins important que celui existant en cas d accident. Les exemples ne manquent pas : une coupure de la main coutera bien plus cher qu une paire de gants ; une surdité professionnelle coutera bien plus cher qu un casque de protection auditif ou même qu un traitement acoustique des locaux, une chute d échelle lors d un élagage peut coûter bien plus cher qu une location de nacelle avec formation des agents. N est ce pas une perte de temps? Travailler en sécurité, c est aussi rendre un service de qualité aux administrés. Cela ne prend pas forcément plus de temps. Par ailleurs, que de temps perdu en cas d accident! Ne gêne-t-elle pas dans le travail? Certes, certaines mesures de prévention peuvent gêner dans le travail (exemples : gants rigides offrant peu de dextérité ou encore chaussures de sécurité difficiles à porter). Il faut essayer de concilier la sécurité avec le travail (recherche de confort et d éviter les gênes). Les dommages corporels causés par un accident ne permettent pas toujours de reprendre le travail. Pourquoi faire de la prévention alors que nous n avons jamais eu d accident? Pas d accident ne veut pas dire qu il n y a pas de risques Vous n avez pas eu d accident, jusqu au jour où. Les accidents n arrivent pas qu aux autres. L habitude est l une des premières causes d accident grave car elle fait perdre la notion du risque. Nous avons fourni des EPI (Equipements de Protection Individuelle) aux agents, n est-ce pas suffisant? Non car ces équipements souvent contraignants à porter ne doivent être utilisés que quand d autres mesures plus efficaces et permanentes n ont pu être adoptées (cf. principes généraux de prévention à l article L4121-2 du Code du travail). Prenons l exemple d un travail d élagage : il est prioritaire de rechercher la possibilité de travailler depuis le sol ou sur nacelle que de monter dans l arbre en utilisant un harnais! (il faudra d ailleurs être formé pour l utiliser et le faire contrôler). Par ailleurs quand la collectivité choisit de fournir des EPI à ses agents, elle doit aussi donner les consignes liées à leur utilisation. Concernant la responsabilité pénale : de quels critères le juge tient-il compte pour rendre sa décision? Pour rendre sa décision, en particulier en cas d accident grave, le juge tient compte de : - l organisation réelle de la collectivité, des missions, des fonctions, des compétences, des pouvoirs et des moyens de chacune des personnes concernées directement ou indirectement par l accident. - l ensemble des éléments ou indicateurs d une politique de prévention, tels notamment les actions réalisées ou prévues, les formations à la sécurité, l engagement dans une démarche d évaluation des risques avec la rédaction du document unique (évaluation des risques et plan d actions). L autorité territoriale a donc tout intérêt à se «couvrir» en respectant au mieux la réglementation, en laissant des traces écrites, en clarifiant les responsabilités et les circuits de décision. L ACMO peut-il être reconnu responsable pénalement en cas d accident de service au sein de sa collectivité? Cette interrogation fait l objet de diverses interprétations, mais actuellement, la responsabilité des ACMO ne peut être engagée pleinement dans la mesure où il n a qu un rôle fonctionnel (conseil) et où il n a pas de délégation de pouvoir de l autorité territoriale (à la fois transfert d autorité, de compétence et de moyens). Cela est différent dans le cas où l agent ACMO est également responsable d un service et dispose de ce transfert pour les agents sous son autorité. L ACMO pourrait éventuellement être inquiété s il est prouvé, à la suite d un accident grave, qu il a eu connaissance du danger et qu il n a pas fait clairement remonter l information jusqu à son Maire ou Président (faire un écrit est toujours préférable). Nous n avons pas connaissance de situations de ce type. Centre de Gestion de la Fonction Publique Territoriale de la Dordogne Service Prévention des Risques Professionnels 7 1 Boulevard Saltgourde MARSAC BP 108 24051 PERIGUEUX CT CEDEX 9 Tél : 05.53.02.87.17 - Fax : 05.53.02.87.57 - E-mail : prevention@cdg24.fr www.cdg24.fr