Luc Manil Président de l Association des Lépidoptéristes de France (ALF) Chargé de missions scientifiques au Muséum National d Histoire Naturelle

Luc Manil Président de l Association des Lépidoptéristes de France (ALF) Chargé de missions scientifiques au Muséum National d Histoire Naturelle (MNHN) Coordinateur national du STERF et d Entomovigilance (MNHN)

A quoi servent les papillons? Pourquoi sont-ils populaires? De quoi sont-ils indicateurs? Quel intérêt en milieu agricole? Comment s accommodent-ils des pratiques agricoles?

Question bien formulée? Probablement pas! Ils se sont développés dans une niche écologique où ils sont compétitifs (sélection naturelle des espèces selon Darwin) Les papillons sont des butineurs : ils participent à la fécondation de nombreuses fleurs, notamment celles dont le pistil, implanté trop profondément, rend le nectar peu accessible pour d autres insectes, dont les abeilles et les bourdons.

Les chenilles dévorent des végétaux (feuilles, tiges, fleurs ) Les imagos (ou adultes) sont incapables de manger (pas de pièces buccales, sauf une trompe). Ils ne peuvent que boire (nectar, eau chargée en sels minéraux, excréments)

Les papillons sont gracieux et colorés et leur beauté si diversifiée séduit les admirateurs de la nature. Ils correspondent, dans l imagerie populaire - et dans la réalité -, à un environnement préservé.

Avec les oiseaux, les papillons sont les meilleurs bio-indicateurs des milieux : leur raréfaction ou leur bonne santé sont le reflet de la qualité générale de l environnement et/ou de la détérioration ou de l amélioration de l environnement local (gestion de sites) L étude de leurs populations permet notamment de déterminer l impact des changements climatiques (déplacements des populations vers le nord et en altitude, conséquence (logique) d un réchauffement)

Papillons et réchauffement climatique : Un bel exemple : le déplacement moyen d environ 120 km vers le nord de l aire moyenne de répartition d une cinquantaine d espèces de papillons d Europe et d Amérique du Nord entre 1950 et 1999, ce qui est confirmé à 10 % prés au déplacement des isothermes (Parmesan et al., Nature, 1999) STERF et observatoires de la biodiversité (MNHN) : mesures en temps réel de l évolution des populations, en fonctions des changements environnementaux et climatiques

Papillons et gestion locale des biotopes : Programme Biodiversité luzerne Programme Entomovigilance Suivis RNF et Parcs Nationaux STERF, OPJ et Propage (suivis gestionnaires) Implication des collectivités locales

Évolution de la richesse de 2006 à 2010 35 30 25 20 15 10 SRPV 09 SRPV 10 SRPV 14 SRPV 27 SRPV 32 SRPV 33-34 5 0 2006 2007 2008 2009 2010

Évolution de l abondance de 2006 à 2010 (Nb/ visite/transect) 30,0 25,0 20,0 15,0 10,0 SRPV 09 SRPV 10 SRPV 14 SRPV 27 SRPV 32 SRPV 33-34 5,0 0,0 2006 2007 2008 2009 2010

Les papillons se sont révélé être les meilleurs indicateurs dans l étude Biodiversité-Luzerne de COOP-de-France Leur abondance est largement favorisée par les bandes non fauchées, en fleur en permanence La luzerne elle-même est un élément favorable à la biodiversité : pas d intrants, pas de pesticides, pas d irrigation fleurs nectarifères, tolérance des plantes adventices

Bandes gérées Polyommatus icarus Colias croceus

Richesse t1 : bande fleurie M=9,06 σ= 1,95 t2 t3 t4 t5 t6 M=5,85 σ= 1,89 M=5,66 M=6,12 σ= 2,29 σ= 2,27 Abondance M=2,79 σ= 1,57 M=3,8 σ= 2,21 Abondance t1 t2 t3 t4 t5 t6 2009 5 890 1 371 1 232 1 438 249 510 2010 CA2 836 224 250 255 90 100 2010 CA1 404 182 130 2010 HN 337 79 18

Pieris rapae Pieris napi Pieris brassicae PH : Brassicaceae

Vanesses des bords de champs Vanessa atalanta Inachis io Cynthia cardui PH : Urticaceae C. cardui : + Asteraceae

Pyronia tithonus (Amaryllis) Maniola jurtina (Myrtil) PH : Poaceae Coenonympha pamphilus (Procris)

Les papillons s accommodent de manière contrastée aux pratiques agricoles : Un petit nombre d espèces en tire parti (ceux dont les chenilles se nourrissent de la plante cultivée ou butinent sur ses fleurs ) Un certain nombre s en accommodent (faune des bords des champs : plantes nourricières présentes, résistance aux pesticides ) D autres régressent ou disparaissent D autres se rencontrent de manière sporadique

Conclusions : Les papillons sont d excellents bio-indicateurs des milieux agricoles Ils sont plus le reflet de l environnement du champ plutôt que de la culture elle-même L étude des effectifs (abondance) donne des informations complémentaires indispensables par rapport au seul nombre d espèces présentes (richesse) Il est possible et même indispensable d adapter les pratiques agricoles pour favoriser le maintien d un niveau suffisant de biodiversité en milieu rural