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ICC-01/04-01/06-2531 22-07-2010 1/6 RH T OA17 Original : français N : ICC-01/04-01/06 Date : 22 juillet 2010 LA CHAMBRE D APPEL Composée comme suit : M. le juge Sang-Hyun Song, juge président M. le juge Erkki Kourula Mme la juge Anita Ušacka M. le juge Daniel David Ntanda Nsereko Mme le juge Sabji Mmasenono Monageng SITUATION EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO AFFAIRE LE PROCUREUR c/ Thomas LUBANGA DYILO PUBLIC Réponse de la Défense à la «Prosecution s Appeal against Trial Chamber I s oral decision to release Thomas Lubanga Dyilo and Urgent Application for Suspensive Effect», déposée le 16 juillet 2010 Origine : Équipe de la Défense de M. Thomas Lubanga Dyilo No. ICC-01/04-01/06 1/6

ICC-01/04-01/06-2531 22-07-2010 2/6 RH T OA17 Document à notifier conformément à la norme 31 du Règlement de la Cour aux destinataires suivants : Le Bureau du Procureur M. Luis Moreno Ocampo Mme Fatou Bensouda Les représentants légaux des victimes Mme Paolina Massidda Me Luc Walleyn Me Franck Mulenda Me Carine Bapita Buyangandu Me Joseph Keta Orwinyo Me Jean Chrysostome Mulamba Nsokoloni Me Paul Kabongo Tshibangu Me Hervé Diakiese Les victimes non représentées Le Bureau du conseil public pour les victimes Le conseil de la Défense Mme Catherine Mabille, M. Jean-Marie Biju-Duval M.Marc Desalliers Mme Caroline Buteau Les représentants légaux des demandeurs Les demandeurs non représentés (participation/réparation) Le Bureau du conseil public pour la Défense Les représentants des États GREFFE Le Greffier Mme Silvana Arbia L Unité d aide aux victimes et aux témoins La Section d appui à la Défense La Section de la détention La Section de la participation des victimes et des réparations No. ICC-01/04-01/06 2/6

ICC-01/04-01/06-2531 22-07-2010 3/6 RH T OA17 CONTEXTE 1. Le 8 juillet 2010, la Chambre de première instance I ordonnait pour la deuxième fois 1 l arrêt des procédures contre M. Thomas Lubanga 2. 2. Le 15 juillet 2010, la Chambre de première instance I ordonnait la libération de M. Thomas Lubanga 3. 3. Le 16 juillet 2010, le Procureur annonçait son intention d interjeter appel de la décision ordonnant la libération de M. Thomas Lubanga et demandait à la Chambre d appel d ordonner l effet suspensif de cette décision 4. 4. Par les présentes écritures, la Défense s oppose à la demande d effet suspensif du Procureur (ci-après «la Demande») pour les motifs suivants : OBSERVATIONS - L évolution de la procédure contre M. Thomas Lubanga ne justifie plus le maintien de sa détention 5. L Article 82-3 pose en principe qu une décision de remise en liberté n a d effet suspensif que si la Chambre d appel l ordonne. Dès lors, et tel que souligné par la Chambre d appel: «when faced with a request for suspensive effect, the Appeals Chamber will consider the specific circumstances of the case and the factors its considers relevant for the exercise of its discretion under these circumstances.» 5 1 Le premier arrêt des procédures dans le dossier de M. Thomas Lubanga était ordonné par la Chambre de première instance I le 13 juin 2008, voir ICC-01/04-01/06-1401, et la libération le l2 juillet 2008, voir ICC-01/04-01/06-1418. 2 ICC-01/04-01/06-2517-Conf. 3 ICC-01/04-01/06-T-314-FRA. 4 ICC-01/04-01/06-2522. 5 ICC-01/04-01/06-1444, p. 6, par. 8. No. ICC-01/04-01/06 3/6

ICC-01/04-01/06-2531 22-07-2010 4/6 RH T OA17 6. À cet égard, la Défense soumet que les circonstances liées à la présente libération de M. Thomas Lubanga diffèrent considérablement de celles prévalant en 2008 et ce, pour les motifs suivants : - le caractère cette fois «inconditionnel» de l arrêt des procédures 6 ; - la prolongation excessive de la détention de l accusé causé par des délais injustifiables imputables à l Accusation ; - le Procureur ayant déclaré sa preuve close depuis le 14 juillet 2009 7, la remise en liberté de M. Thomas Lubanga ne peut en aucun cas mettre en péril la comparution des témoins et la découverte de nouveaux éléments de preuve ; - le caractère purement hypothétique du risque de fuite que pose M. Thomas Lubanga. 7. De l avis de la Défense, ces quatre éléments distinctifs constituent les facteurs prépondérants qui devraient être retenus par la Chambre d appel lors de son examen de la Demande du Procureur. - La préservation des droits fondamentaux de l accusé doit l emporter sur les préoccupations de l Accusation quant à l issue de l appel interjeté contre la libération 8. L un des arguments avancés par le Procureur repose essentiellement sur l assertion selon laquelle la détention constituerait le corollaire du droit d appel de la décision ordonnant la libération, comme si sans cette détention le droit d appel était vide de sens. La Défense soutient qu il s agit là tout au 6 Voir par exemple ICC-01/04-01/06-T-314-FRA, p. 19, lignes 21 et ss. 7 ICC-01/04-01/06-T-209-CONF-FRA ET, p. 78, ligne 24 et ss. No. ICC-01/04-01/06 4/6

ICC-01/04-01/06-2531 22-07-2010 5/6 RH T OA17 plus d un des facteurs que doit considérer la Chambre d appel, et qui ne saurait avoir prépondérance sur les droits fondamentaux de l accusé. 9. Or, M. Thomas Lubanga est maintenu en détention à La Haye depuis le 17 mars 2006, soit depuis maintenant plus de quatre ans. Cette période d incarcération, combinée à l évolution récente de l affaire devant la Chambre de première instance I, ont amené cette dernière à ordonner la libération de M. Thomas Lubanga en spécifiant que «toute autre décision qu une libération sans restriction serait inéquitable» 8. 10. Le caractère inconditionnel de l arrêt des poursuites ordonné par la Chambre de première instance I le 15 juillet 2010 9 et les manquements graves du Procureur aux ordonnances claires de la Cour rendent incertaine la reprise de toute procédure contre M. Thomas Lubanga. 11. Dans ces conditions, le maintien en détention de M. Thomas Lubanga causerait à ce dernier un préjudice disproportionné et injustifié au regard des intérêts que la suspension prétendrait préserver. - l accusé justifie de garanties de représentation telles que sa mise en liberté ne met pas en péril la possibilité d une reprise des procédures 12. Il convient de souligner que la libération de M. Thomas Lubanga ne sera effective que lorsqu une entente sur son transfert sera conclue avec un État visé par les termes de la Règle 185 10. 13. De plus, la Défense rappelle la Chambre d appel à tenir compte du fait que M. Thomas Lubanga n a ni passeport ni documents de voyage, et fait actuellement l objet d une mesure du Conseil de sécurité des Nations Unies lui 8 ICC-01/04-01/06-T-314-FRA, p. 19, lignes 25 et ss. 9 Idem, p. 19, lignes 21 et ss. 10 Ibidem, p. 20, lignes 10-12. No. ICC-01/04-01/06 5/6

ICC-01/04-01/06-2531 22-07-2010 6/6 RH T OA17 interdisant tout voyage international 11. Il lui est donc impossible, en l état, de quitter les Pays-Bas en l absence d une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. 14. Dès lors, la Défense soumet respectueusement que les risques allégués par le Procureur dans sa demande du 16 juillet sont purement hypothétiques et que ceux-ci ne devraient en aucun cas être déterminants lors de l examen par la Chambre d appel de la possibilité de suspendre la libération de M. Thomas Lubanga. 15. Enfin, la Défense souligne que dans l éventualité d une reprise des procédures, ou durant le cours de l appel autorisé par la Chambre de première instance I le 15 juillet 2010, M. Thomas Lubanga s engage à rester à la disposition de la Cour et à cette fin à demeurer aux Pays-Bas. PAR CES MOTIFS, PLAISE À LA CHAMBRE D APPEL : REJETER la Requête du Procureur. Me Catherine Mabille, Conseil Principal Fait à La Haye, le 22 juillet 2010 11 S/RES/1533 (2004); voir aussi: «List of individuals and entities subject to the measures imposed by paragraphs 13 and 15 of Security Council Resolution 1596» (2005), last updated on 3 March 2009.» No. ICC-01/04-01/06 6/6