ANNEXE 7. Cartographie prédictive de la répartition verticale des ceintures algales. E. De Oliveira, Octobre 2004

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Transcription:

REseau BENThique (REBENT) Région Bretagne RAPPORT 2004 ANNEXE 7 Cartographie prédictive de la répartition verticale des ceintures algales E. De Oliveira, Octobre 2004 Rapport IFREMER RST.DEL/AO-04-17 décembre 2004

Cartographie prédictive de la répartition verticale des ceintures algales Eric De Oliveira Les algues marines n'occupent qu'un fragment assez étroit du littoral. Elles sont irrégulièrement distribuées le long du littoral breton, qui est parmi les plus riches en algues d'europe. Cette richesse tient de la convergence de plusieurs facteurs favorables. La côte rocheuse granitique du Massif Armoricain est un support idéal pour la fixation des algues. Les facteurs lumière, température et éléments nutritifs se présentent en Bretagne de manière optimale. De plus les forts courants de marées brassent efficacement les eaux et renouvellent les éléments nutritifs. Les algues, tributaires de la lumière, ne peuvent vivre profondément et se limitent à des profondeurs de 25 à 30 mètres voire jusque 50 mètres dans les régions les plus favorables. Sur la zone de balancement des marées, le rôle de la marée, et donc les phases d'immersion et d'émersion, exerce un rôle prépondérant sur la répartition des algues. La Bretagne est une région à fortes marées avec des amplitudes allant jusque 14 mètres au Mont St Michel, ce qui définit deux domaines distincts : Le domaine intertidal, zone de balancement des marées où les algues découvrent à chaque marée basse ; le domaine subtidal, zone où les algues sont constamment immergées. La présence des algues auxquelles nous nous intéressons est directement liée à la nature du substrat. Les espèces suivies sont des espèces dites fixées, et par conséquent un substrat dur (rocheux) est nécessaire à leur développement. De ce fait, la nature du substrat représente le premier critère de présence des algues. Les différentes espèces d'algues se répartissent le long de l'estran en fonction de leurs affinités, et se succèdent en ceintures du haut vers le bas de l'estran, selon un étagement dont les degrés sont marqués par des espèces caractéristiques. Les algues brunes constituent ces ceintures de référence. Les espèces se retrouvant aux niveaux élevés de l'estran sont exposées à l'air et donc à la dessiccation et doivent être capables de supporter l'alternance de conditions strictement aquatiques et strictement aériennes. Ce constat, déjà établit par la littérature (Fig. 1) nous a amené à poser, comme second critère de présence des espèces d algues dominantes sur le littoral, le temps passé hors de l eau. Figure 1: Distribution verticale des principales espèces d'algues en zone intertidale (d'après Feldman, 1978)

Matériel et méthode Le but de ce travail est par conséquent de modéliser la répartition des algues sur le littoral en fonction des paramètres environnementaux du milieu validés à partir d'échantillonnages réalisés sur les deux domaines. Les informations environnementales proviennent de mesures, telles l'orthophotographie du littoral, la couverture végétale (obtenue à partir de photos satellites), la nature sédimentaire des fonds, la bathymétrie ou de modèles numériques, comme les pourcentages annuels d'immersion, les courants de marée, des modèles de propagation de houle... Pour le domaine intertidal, trois facteurs environnementaux ont été retenus, la nature du substrat, le temps d immersion et l exposition à la houle. Ces trois facteurs conditionnent en grande partie la distribution des algues. Pour le domaine subtidal, les paramètres sont en cours d identification. Cependant plusieurs paramètres ont déjà été retenus comme la nature du sédiment, la bathymétrie, la turbidité, la houle et la température. Les domaines de présences,pour chacun des ces facteurs, des espèces algales choisies seront estimés à partir d échantillonnages réalisés sur le terrain. Les statistiques calculées lors du croisement entre la répartition des ceintures algales et les paramètres environnementaux retenus permettront d'établir les règles de distribution des algues : les probabilités de présence de chaque espèce sont obtenues par des algorithmes de logique floue. Le concept de la logique floue fut introduit en 1965 par Lotfi Zadeh. Ce concept vient de la constatation que la variable booléenne, qui ne peut prendre que deux valeurs (vrai ou faux), est mal adaptée à la représentation de la plupart des phénomènes courants. La première étape du traitement d'un problème par la logique floue consiste donc à modéliser chacune des entrées du système par des courbes donnant les degrés d'appartenance à différents états identifiés pour ces entrées. Cette étape de quantification "floue" des variables d'entrée est aussi appelée fuzzyfication. Pour établir les règles de fuzzyfication, nous nous baserons : pour le domaine subtidal, sur un échantillon des ceintures de laminaires réalisé en Bretagne constitué de 30 stations de plongée(échantillon non complet à ce jour) ; pour le domaine intertidal, sur des échantillonnages visuels des ceintures algales positionnées à l'aide d'un DGPS. Détection de la présence des algues Pour le domaine subtidal, l information concernant la nature du substrat est nécessaire pour détecter les zones potentiellement colonisables par les algues. En domaine intertidal, il existe une alternative qui consiste à utiliser le canal proche infrarouge des photos satellites. En effet, la couverture végétale est proportionnelle à l intensité du signal réfléchit. Ainsi, il est possible de détecter la présence des champs d algues sur l estran de façon globale. Après traitement de la photo satellite, on obtient une cartographie des pourcentages de recouvrement de la végétation (Fig. 2). Pour la classification, seuls les pourcentages de couvertures supérieurs à 20% seront considérés comme étant des zones d algues. Figure 2: Pourcentages de couverture végétale obtenues à partir d'image satellite.

Temps d exondation Au niveau de l'estran (étage intertidal) et à l'échelle locale, le phénomène de marée entraîne des temps d'exondation plus ou moins long pour les algues. Ce phénomène conditionne en partie la distribution verticale des différentes espèces d algues. L approche choisie a été d'exprimer les hauteurs d'eau résultant de la marée en un paramètre rendant compte du temps d'exondation. Un tel facteur devrait permettre de rendre comparable les distributions verticales des algues pour différents secteurs. On utilise un logiciel de prédiction de marées (Predict) à base de constantes harmoniques fournies par le SHOM. L histogramme cumulé des hauteurs d eau (Fig. 3), permet de calculer le pourcentage annuel d immersion en fonction de l altitude de la position (Fig. 4). On établit ainsi une cartographie des pourcentages annuels d immersion (Fig. 5). (a) Figure 3 : Hauteur d eau et pourcentage annuel d immersion (Zone de l île de Bréhat, 2002). (a) Hauteurs d eau au cours du temps obtenues à partir du modèle de marée, exprimées en cm par rapport au 0 hydrographique. Seuls deux cycles de marée sont représentés. (b) Pourcentages annuels d immersion en fonction de l altitude. (b) Figure 4: Modèle numérique de terrain de l'île de Bréhat (LIDAR) exprimé en mètre par rapport au 0 hydrographique.

Figure 5: Pourcentages d'immersion pour l'île de Bréhat La méthode de classification par logique floue a été appliquée à l'aide du logiciel ecognition, et est constituée de deux étapes distinctes. La première étape consiste à segmenter l'information de façon à délimiter des entités surfaciques (polygones) pour lesquels chaque paramètre est homogène. La segmentation est réalisée à l'aide à partir des cartographies des pourcentages d immersion et des pourcentages de couverture végétale. L orthophotographie n a pas été retenue car il s agit d une mosaïque de plusieurs photos avec des rehaussements de teintes de couleurs différents. Il est donc impossible d utiliser l orthophotographie pour la segmentation. Une fois cette segmentation réalisée, les règles de fuzzyfication sont implantées. Les probabilités de présence des algues dépendent premièrement des pourcentages de couverture végétale (ie de la présence des champs d algues) puis en second lieu des pourcentages d immersion. D autres paramètres environnementaux seront introduits et permettront d affiner les règles de distribution des algues. En particulier, nous cherchons actuellement à introduire, à partir des résultats d un modèle de propagation de la houle à la côte, le niveau d exposition sur la distribution verticale des algues dans le modèle de prédiction.

Résultats La méthode proposée a permis, pour la zone test (Ile de Bréhat), de proposer des règles de distribution des espèces algales dominantes sur l estran par rapport au temps d immersion (Fig. 6) qui ont permis de réaliser une cartographie prédictive des ceintures algales dominantes (Fig. 7 et 8). Une étape de validation semble nécessaire afin de pouvoir conclure quant à la généralisation de la méthode et des règles de distribution proposées. L établissement de ces règles est maintenant possible sur une nouvelle zone en Bretagne (Secteur des Abers). Ainsi nous pourrons comparer les distributions et vérifier si la distribution des algues par rapport au temps d immersion est comparable d une zone à l autre. Figure 6: Probabilités de présence des différentes espèces algales en fonction du pourcentage annuel d immersion. En violet, le Fucus spiralis, en rouge l Ascophyllum nodosum, en vert le Fucus vesiculosus, en gris, le Fucus serratus et en brun les laminaires.

Figure 7: Cartographie prédictive des probabilités de présence de Fucus serratus. Figure 8: Cartographie prédictive des ceintures algales pour le secteur de l île de Bréhat

Conclusions et perspectives La méthode proposée a permis de cartographier les probabilités de présence des espèces algales dominantes sur l estran à partir du croisement entre les pourcentages de couvertures végétales et des pourcentages annuels d immersion. L intégration de la houle au modèle est en cours et devrait permettre d en affiner les règles de distribution. De plus, un travail à partir d un échantillonnage quantitatif des espèces algales (et non plus qualitatif) est en cours de réalisation. Ce type d approche permettra d obtenir une cartographie prédictive des biomasses algales et non plus une cartographie qualitative concernant la présence/absence. Les perspectives à venir concernent plus particulièrement le domaine subtidal. A partir des relevés des limites de ceinture des grandes algues brunes, les règles de distribution de ces dernières seront établies par rapport aux paramètres environnementaux à notre disposition: la nature du sédiment, la bathymétrie, la turbidité, la température et ultérieurement la houle. Pour le domaine immergé, l échelle d étude sera plus large. Nous nous placerons à l échelle régionale avec une grille d homogénéisation de l ordre du kilomètre.