Mini-bulletin MR-7F QUELQUES CONSEQUENCES DU LIVRE BLANC SUR LA POLITIQUE DE DEFENSE Michel Rossignol Division des affaires politiques et sociales A LelS jun 1987 Bibliothèque Library of Parliament Direction de la recherche parlementaire
CANADA QUELQUES CONSEQUENCES DtJ LIVRE BLANC SUR LA POLITIQUE DE DEFENSE Le Livre blanc sur la politique de defense rëaffirme les engagements du Canada a protëger sa souveraineté, ~ dëfendre les forces nuclëaires de reprësailles de son principal allié, les Etats-Unis, au moyen de sa participation au NORAD et ~ la defense du continent en gênëral, a défendre l Alliance de l Ouest au moyen de sa participation a 1 OTAN, ainsi qu â instaurer un climat de détente au moyen de mesures de maintien de la paix, de contröle des armements et d autres efforts diplomatiques. Le Livre blanc énonce ëgalement un ensemble de mesures destinëes a donner aux Forces armëes canadiennes les moyens de respecter ces engagements. Nous examinerons ici certaines des consequences des trois principales mesures envisagées, soit l achat de sous-marins nucléaires, l annulation de l engagement a protéger le flanc nord de 1 OTAN et l achat de nouvelles armes. ACHAT DE SOUS MARINS NIJCLEAIRES Le projet d~acheter des sous-marins nucléaires confirme l intention du gouvernement de créer des forces navales pouvant mener des operations tant dans l Arctique que dans l Atlantique et le Pacifique. Les sous-marins nucléaires peuvent demeurer en toute sécurité pendant de longues périodes sous les glaces de l Arctique et mener trés efficacement une guerre anti-sous-marine dans n importe quel ocean. Toutefois, le recours a des sous-marins pouvant manoeuvrer facilement dans l Arctique témoigne ëgalement de l engagement du Canada a protéger sa souveraineté.
2 Ii y a bien des façons pour le Canada de protéger sa souveraineté; l une consiste a se doter de moyens permettant de détecter la presence de navires étrangers indésirables dans ses eaux. tin sous-marin étranger peut d abord Ctre décelé par un système fixe de surveillance sous les glaces comme ceux qu utilise l OTAN entre le Groenland et l Europe. Ce système aiderait les sous marins canadiens a établir précisément la position des navires étrangers et a les suivre a l aide du sonar. On a beaucoup discuté de l utilité des sous-marins dans la protection de la souveraineté, car ils ne peuvent attaquer les navires étrangers en temps de paix ni les forcer a quitter les eaux canadiennes. Toutefois, on n a pas suffisamment insisté sur le fait que le Canada devrait lui-mëme patrouiller efficacement dans l océan Arctique au lieu de confier cette t~che a un autre pays. Sur le plan de la defense anti-sous-marine, le Canada fait face au méme dilemme qu en matière de defense aérienne. L importance stratégique que revct l espace aérien canadien pour protéger les forces nucléaires de représailles américaines est évidente depuis des années, et le Canada a participé, au moyen de son adhesion au NORAD, a l établissement de systèmes radar dans l~arctique canadien. Voulant affirmer sa souveraineté dans le Nord, le Canada a insisté pour assumer au moms une partie des coots d établissement des systèmes radar et pour obtenir le contrôle des forces de defense aérienne dans l espace aërien canadien. Les ~tats-unisconsidèrent maintenant que les eaux de l Arctique canadien sont tout aussi importantes sur le plan stratégique que l espace aérien canadien. Pour éviter de se faire détecter par le système de surveillance de 11OTAN, les sous-marins soviétiques pourraient passer par l océan Arctique pour atteindre les cötes américaines ou lancer des missiles de croisière. Bien que certains contestent le point de vue des ~tats-unis sur la gravité de cette menace, il est evident que ce pays accorde maintenant beaucoup d attention au risque de guerre sous-marine dans l Arctique. Comme en matière de defense aérienne, si le Canada ne pare pas a la menace des sous-marins dans l Arctique, les ~tats-unisy veilleront et mëneront leurs propres patrouilles, réduisant ainsi les prétentions du Canada a la souveraineté. Comme les deux pays ne s entendent pas sur le
3 statut du passage du Nord-Ouest, il importe pour le Canada de prouver qu il est en mesure de patrouiller efficacement dans toutes ses eaux arctiques. Le gouvernement semble également bien déterminé a faire en sorte que les forces canadiennes se chargent de toutes les operations anti-sous-marines dans les eaux canadiennes. Voila ce qui explique la priorité qu on accorde a l établissement de forces navales capables de patrouiller efficacement dans les trois oceans sans l aide d aucun allié. Cette determination se manifeste aussi dans le projet d acheter des navires de detection devant patrouiller dans l Atlantique et le Pacifique a l1aide du Système de détecteurs de surveillance en réseaux remorqués de la marine américaine. Au lieu de permettre a un nombre relativement petit de ces navires américains de sillonner les eaux canadiennes, le Canada insiste pour se charger lui-mcme des activités de patrouille. L engagement du Canada comporte toutefois la nécessitë de financer tous les éléments d une force anti-sous-marine efficace, notamment des sous marins nucléaires et leurs installations, de nouveaux navires de patrouille et des systèmes de surveillance. Si le Canada est en mesure de détecter et d attaquer lui-même les sous-marins ennemis, les Etats-Unis ne patrouilleront pas, pour l instant, dans les eaux arctiques du Canada. Toutefois, a long terme, le Canada devra maintenir l efficacité de ses forces anti-sous-marines en veillant a les améliorer constamment. Si, a un moment ou a un autre, les ~tats-unisdeviennent mécontents de la façon dont le Canada réagit a la menace des sous-marins soviétiques et qu ils aient l impression que leurs propres intéréts vitaux sont menaces, ils n hésiteront pas a patrouiller dans les eaux canadiennes, posant ainsi une nouvelle menace a la souveraineté du Canada. Bref, le projet d acheter des sous-marins nucléaires ne représente qu un seul volet des efforts cofiteux et constants que le Canada devra déployer durant bon nombre de décennies pour l~établissement d un système de defense anti-sous-marine, qui est en voie de devenir sa principale priorité en matière de defense.
4 ANNULATION DE L ENGAGENENT A PROTEGER LE FLANC NORD DE L OTAN Le Canada a fait part de son intention de se dégager de son obligation d envoyer un groupe-brigade et deux escadrons de chasseurs en Norvège septentrionale en temps de crise. On a toujours douté de la faisabilité de cet engagement, du fait que le Canada ne dispose pas du nombre d avions et de navires requis pour le transport du groupe-brigade et en raison de la planification et du temps que pareille manoeuvre nécessiterait. Un exercice mené en 1986 par 1 OTAN a prouvë qu il serait difficile de respecter cet engagement en temps de crise. Le Canada a maintenant 1 intention de consolider ses forces sur le font central de 1 OTAN en Europe. La decision de se retirer du flanc nord, qui est vulnerable, est critiquée par la Norvëge et par I ensemble des pays membres de l OTAN. Toutefois, le principal engagement que le Canada a contracté a 1 égard de 1 OTAN a toujours été de protéger le front central; aussi a-t-il mis sur pied d importantes installations dans le sud de l Allemagne de l Ouest. Un engagement sur papier est certes important mais, sur les plans militaire et diplomatique, il n a pas la méme valeur que la presence effective de troupes en Europe. Les forces armées et aëriennes du Canada stationnées en Allemagne de l Ouest témoignent de notre engagement envers l OTAN, et leur presence influe sur les opinions qui circulent dans les cercles militaires et politiques de l Alliance. Le Livre blanc indique que les effectifs seront accrus, que le groupe-brigade et les aéronefs affectés a la Norvège viendront renforcer le front central en temps de crise et que les regiments blindés seront dotes des chars d assaut les plus modernes. Ces mesures permettront au Canada d accroitre sa crédibilité militaire et politique au sein de 1 OTAN, particulièrement si ces effectifs renforcés deviennent plus visibles sur le front central. A l heure actuelle, les troupes canadiennes sont tenues en reserve a l arrière, et certains craignent que la participation militaire et politique du Canada a 1 OTAN ne soit pas reconnue comme elle le devrait.
5 L intensification de l engagement a l égard de l OTAN pourrait aussi, dans une certaine mesure, calmer les allies qui estiment que le Canada n affecte pas suffisamment de fonds a l exécution de ses obligations auprès de l Alliance. Toutefois, cet engagement coincide avec les projets cofiteux de defense anti-sous-marine et aérienne que le Canada met sur pied. Comme dans les années 50, la defense du continent et les engagements contractes auprés de 1 OTAN grèveront considerablement le budget de defense du Canada. A un moment o11 les coots augmentent et les ressources diminuent, le Canada doit tenter de respecter a la fois ses obligations sur le continent et en Europe. La presence continue du Canada en Europe se fonde sur des raisons diplomatiques, économiques et militaires, mais la nécessité croissante de defendre le continent risque de rendre de plus en plus difficile la täche de maintenir des forces sur le front central et d assurer la credibilite politique et militaire du pays au sein de 1 Alliance. ACHAT DE NOUVELLES ARMES Le Livre prochaines années. On fluer sur l efficacité nécessaires, notamment Aurora, car le Canada blanc preconise l achat de nouvelles armes pour les peut noter certaines tendances susceptibles d inmilitaire canadienne. Bon nombre des achats sont celui de dix CF-18 et de six avions de patrouille n en n a pas acheté en nombre suffisant au debut. D après certains experts, le nombre actuel de CF-18 suffit a peine aux besoins de formation et pour remplir les engagements contractés auprès du NORAD et de 1 OTAN, et les 18 Aurora ne suffisent plus a toutes les patrouilles nécessaires. Aux coots déjà élevés des aéronefs sont venus s ajouter ceux des modifications nécessaires pour respecter les exigences canadiennes. Un nombre minimal d armes a ete achete dans le passe en raison de compressions budgetaires; aujourd hui, on ne peut encore en ajouter qu un petit nombre et ce, pour la m~meraison. Le Canada est sur le point d acheter six Aurora, mais il semble qu au moms une douzaine d autres seraient requis pour s acquitter des täches prevues. A une epoque oi~ les armements sont de plus en plus perfectionnés, ce qui fait qu au cours d un
6 conflit, il faudrait sans doute remplacer un bon nombre d aéronefs, de chars d assaut et d autres appareils, les compressions budgetaires nous obligent a n acquérir que les armes absolument essentielles a la satisfaction des besoins actuels. Le problème reside dans le fait que la liste des nouveaux engagements s allonge constamment et dans la proliferation d armes créées pour parer a toute eventualite. Le Livre blanc annonce de nouvelles obligations cooteuses sans toutefois annuler aucune de celles qui ont déjà ete contractëes, mis a part l engagement a l égard du flanc nord. Les coots de ces grands projets limitent peut-ctre déjà les fonds affectés a l acquisition de materiel supplementaire. Le Livre blanc omet de préciser comment nous allons nous procurer d autres services de transport aérien, dont nous avons grand besoin, et il fait état de la decision de moderniser les aéronefs de patrouille de portée intermediaire, vieux de 25 ans, au lieu de les remplacer; cela donne a croire que le budget de la defense a peut-étre deja atteint la limite des possibilités et que la situation ne s améliorera pas dans un avenir previsible, en raison des nouvelles exigences. CONCL1JSI ON Le Livre blanc constitue un examen qui s est fait Iongtemps attendre de la politique de defense canadienne et expose l orientation qu elle prendra d ici a la fin du siècle. L examen de la politique de defense a permis de confirmer les divers engagements du Canada et de cerner les mesures que le pays doit prendre s il veut respecter ses obligations. Toutefois, il aura des consequences a long terme, tant sur la politique extérieure que sur la politique de defense du Canada. Les coots des nouveaux programmes militaires ont un effet sur les programmes existants, et la defense continentale pourrait contrecarrer l engagement contracté auprès de 1 OTAN. Les forces armées et le gouvernement reconnaissent sans doute l incidence que cette situation pourrait avoir sur l efficacite militaire, et ils devront examiner les voies qui s off rent a eux.