Impact de la modernisation agricole sur l évolution piézométrique de la nappe phréatique du Haouz (Maroc central)

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Impact de la modernisation agricole sur l évolution piézométrique de la nappe phréatique du Haouz (Maroc central) A. Abourida, S. Errouane, C. Leduc, G. Chehbouni To cite this version: A. Abourida, S. Errouane, C. Leduc, G. Chehbouni. Impact de la modernisation agricole sur l évolution piézométrique de la nappe phréatique du Haouz (Maroc central). Ali Hammani, Marcel Kuper, Abdelhafid Debbarh. Séminaire sur la modernisation de l agriculture irriguée, 2004, Rabat, Maroc. IAV Hassan II, 9 p., 2005. <cirad-00187938> HAL Id: cirad-00187938 http://hal.cirad.fr/cirad-00187938 Submitted on 15 Nov 2007 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of scientific research documents, whether they are published or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Projet INCO-WADEMED Actes du Séminaire Modernisation de l Agriculture Irriguée Rabat, du 19 au 23 avril 2004 Impact de la modernisation agricole sur l évolution piézométrique de la nappe phréatique du Haouz (Maroc central) A. Abourida 1, S. Errouane 1, C. Leduc 2, G. Chehbouni 3 1 Faculté des sciences Semlalia, Département de géologie, Marrakech, Maroc 2 Institut de Recherche pour le Développement, UMR Hydrosciences, Montpellier, France 3 Institut de Recherche pour le Développement, Toulouse, Faculté des sciences Semlalia, Marrakech, Maroc E-mail : a.abourida@ucam.ac.ma Résumé - Dans la région de Marrakech (Maroc central), la population du Haouz est constituée de 60 % de ruraux dont l activité principale est l agriculture. La mobilisation de plus en plus importante des ressources en eau pour l irrigation a conduit à la mise en place d aménagements agricoles réalisés par l Office régional de mise en valeur du Haouz. Les prélèvements sont de 238 millions de m3, 73 % dans le Haouz pour 122 000 ha aménagés depuis 1998 et 27 % dans la Tassaout, pour 52 000 ha aménagés en 1978). L étude, intégrée dans le programme scientifique franco-marocain Sud- Med, met en évidence les modifications du régime de la nappe phréatique dans différents secteurs sous l influence de l irrigation à partir des eaux de surfaces et des eaux souterraines. La variation du niveau piézométrique de la nappe du Haouz a été mesurée depuis les années 70. Des situations de baisse piézométrique coexistent avec d autres où la hausse piézométrique peut atteindre 15 mètres. Ces évolutions contrastées illustrent les changements importants dans le fonctionnement hydrologique des nappes et l importance de l infiltration des eaux d irrigation dans l alimentation actuelle de la nappe. La plupart des points d observations montrent une baisse de la nappe entre 1981 et 1987, puis dans certains secteurs, on observe des remontées piézométriques variables en fonction de la mise en eau des périmètres. La diversité des situations indique qu il n est pas possible d établir une relation simple entre le fonctionnement d un périmètre irrigué et la dynamique de la nappe phréatique. L analyse doit être entreprise par sous-ensemble homogène (hydrogéologie, apport des eaux de surface, exploitation des eaux souterraines). En outre, une modélisation physique des écoulements souterrains est en cours afin de mieux cerner la diversité des ressources et des usages de l eau dans le Haouz. Mots clés :eaux souterraines, infiltration, irrigation, modélisation, nappe phréatique, périmètre irrigué, piézométrie, recharge, ressources en eau, Maroc, Haouz. 1 Introduction Depuis toujours, les conditions climatiques semi-arides du Maroc ont fait de l irrigation une technique incontournable qui, au fil des années, a acquis des dimensions économiques et sociales très importantes. L irrigation s est imposée comme une voie privilégiée du développement agricole et bénéficie de ce fait d une attention particulière. Le développement économique du Haouz fondé sur l agriculture et les sécheresses répétées des dernières années ont entraîné un recours

Actes du Séminaire Modernisation de l Agriculture Irriguée 2 croissant à l irrigation et la mise en place de périmètres de grande hydraulique. Ceci a causé une mobilisation de plus en plus importante des ressources en eau qui s est traduite, entre autres, par une forte sollicitation de la nappe phréatique, avec une exhaure de l ordre de 11 m 3 /s pour l irrigation et de 1 m 3 /s pour l alimentation en eau potable de la ville de Marrakech et des autres localités du Haouz. Pour assurer la pérennité d une agriculture moderne exigeante en eau, des mesures favorisant l utilisation des eaux de surface ont été prises. Ainsi plusieurs aménagements ont été réalisés, notamment la surélévation du barrage Lalla Takerkoust pour irriguer 1 200 ha dans le périmètre N Fis, et le transfert d un volume moyen annuel de 300 Mm 3 d eau régularisée à partir des barrages Moulay Hassan 1 er et Sidi Driss par le canal de Rocade pour l irrigation (260 Mm 3 ) et l alimentation en eau potable de la ville de Marrakech (40 Mm 3 ). Les conséquences de ces multiples modifications des écoulements de surface et souterrain sur l équilibre de la nappe phréatique ont été étudiées. Au-delà de son intérêt local, le cas du Haouz est typique des situations rencontrées dans les régions de grande irrigation en zone semi-aride. 2 Matériels et méthodes, cadre géographique 2.1 Environnement régional Situé au centre du Maroc, le Haouz de Marrakech est une vaste plaine de 6 000 km 2 de superficie. Il est limité par la chaîne du Haut Atlas au sud, les reliefs primaires des Jbilet au nord, les premiers versants du Moyen Atlas à l est et les plateaux d Essaouira - Chichaoua (figure 1). Fig. 1 Situation géographique de la zone d étude (Image landsat TM de résolution 30m). Le Haouz de Marrakech est un bassin sédimentaire d origine tectonique dont la pente générale s atténue de la montagne vers l oued Tensift et s achève en plateau vers l Ouest. Des pointes du socle primaire émergent à l intérieur de la plaine (Guemmassa, Jbel Gueliz). Le comblement de ce bassin est lié à l accumulation au Tertiaire et au Quaternaire d importantes formations

Actes du Séminaire Modernisation de l Agriculture Irriguée 3 détritiques, issues du démantèlement de la chaîne atlasique soulevée lors de l orogenèse atlasique (Ferrandini et Le Marrec, 1982[3]). Le réseau hydrographique du Haouz est composé d une multitude de cours d eau qui s organisent en deux systèmes : le Tassaout Lakhdar, affluent de l Oum ErRbiaa, et le Tensift qui reçoit en rive gauche tous les oueds du Haouz central. Ces cours d eau sont régularisés par trois grands barrages : Lalla Takerkoust, Moulay Youssef et Moulay El Hassan. Sur l ensemble de la plaine du Haouz les dépôts sédimentaires abritent une nappe libre d épaisseur importante, pouvant atteindre 70 m au sud. Ces dépôts sont caractérisés par d importantes variations verticales et horizontales de faciès et d épaisseur se manifestant par une forte variabilité spatiale du gradient hydraulique et des paramètres hydrodynamiques (Sinan, 1986[5]). L écoulement général de la nappe se fait du Sud (bordure atlasique) vers le Nord (l oued Tensift), avec un fort gradient hydraulique (1,5 à 2 %) près de la limite sud de la nappe. Le potentiel élevé des ressources en eaux souterraines de la région du Haouz est intensément exploité : les prélèvements annuels sont estimés à 238 Mm 3 dont 173 Mm 3 dans le Haouz central et 65 Mm 3 dans la partie amont du Tassaout (CSEC, 2001[1]). Afin de réduire le décalage de développement entre les zones irriguées et bour (terres irriguées à partir des eaux pluviales), et d améliorer les revenus dans les zones défavorisées, des projets de mise en valeur des zones en bour ont été conduits. Dans la zone d action de l Office régional de mise en valeur du Haouz (ORMVAH), 122 000 ha étaient déjà aménagés en 1998 sur une superficie totale de 162 000 ha (Debbarh et Badraoui, 2002[2]), répartis en plusieurs zones (figure 2). Fig. 2 Localisation des différents secteurs irrigués. Le périmètre de la Tassaout amont achevé en 1978, s étend sur une superficie de 52 000 ha au Haouz oriental, dont 30 000 ha aménagés et 22 000 ha réalimentés à partir des eaux de crues. L irrigation de ce périmètre est assurée par un volume d eau de 260 Mm 3 mobilisé à partir du barrage Moulay Youssef. Le Haouz central est divisé en deux tranches d irrigation. Une première tranche d irrigation d une

Actes du Séminaire Modernisation de l Agriculture Irriguée 4 superficie 50 000 ha, dont 21 000 pour le périmètre N fis et le reste pour les secteurs R3, Z1, OH2 et H2. L irrigation de ces secteurs est assurée d une part par le transfert annuel d une quantité d eau de 300 Mm 3 à partir du barrage Sidi Driss sur l oued Lakhdar par le canal de Rocade, d une longueur de 118 km, vers le Haouz central, et d autre part par l apport d une centaine de Mm 3 à partir du barrage Lalla Takerkoust sur l oued N fis. Une seconde tranche d irrigation de 60 000 ha, représentée par les secteur R4, O1, O2, Z3 et Z5, est en cours d aménagement (tableau 1). Tab. 1 Volume d eau disponible et superficie des secteurs irrigués. Secteur Volume d eau (m 3 ) Superficie (ha) N Fis RD 19 733 203 21 100 H2 5 100 810 4 600 Tassaout Amont 81 779 316 52 000 R3 4 329 361 2 800 Z1 3 488 975 1 500 2.2 Méthodologie La variation temporelle du niveau piézomètrique de la nappe du Haouz a été effectuée depuis les années 70. La profondeur de l eau a été mesurée grâce à un réseau d une quarantaine de piézomètres installés par l Agence de bassin hydraulique du Tensift (ABHT) dont seulement 23 sont encore fonctionnels (Razoki, 2001[4]). Le niveau de l eau a été mesuré à la sonde électrique par rapport à la surface du sol. Connaissant la cote topographique de chaque ouvrage, il a été possible de déduire la charge piézométrique de tous les points de mesure et ainsi de procéder à l analyse morphologique et hydrodynamique de la nappe. Les mesures utilisées proviennent des piézomètres installés au niveau des périmètres irrigués et présentant de longues séries de mesures afin d observer l impact de l irrigation sur l évolution de la nappe. 3 Résultats : impact de l irrigation sur la piézométrie Le développement économique de la région est fondé sur l irrigation qui alimente un très large éventail de cultures (dont les céréales et l arboriculture), à partir des grands aménagements hydrauliques du Haouz. En bour, seules les cultures d hiver (légumineuses et céréales d hiver) peuvent être exploitées, notamment dans les zones côtières et les vallées de l Atlas. Ce rôle majeur de l irrigation est encore plus marqué pendant les années de déficit pluviométrique qui limitent sévèrement la production en agriculture pluviale. La période 1981-1987 est caractérisée par un déficit pluviométrique important, enregistré dans les différentes stations de la plaine (figures 3, 4 et 5). Ceci a provoqué l utilisation excessive des eaux souterraines par les pompages, entraînant une baisse du niveau de la nappe. Les prélèvements agricoles constituent alors la part la plus importante des sorties de la nappe estimée à environ 378 Mm 3 (CSEC, 2001[1]). En année normale, les différents barrages de la plaine fournissent 930 Mm 3 /an dont 43 Mm 3 pour l alimentation en eau potable. Ainsi la quantité d eau de surface utilisée pour l irrigation est l ordre de 887 Mm 3. A partir de la carte d occupation du sol, élaborée à partir des classifications multitemporelles des images satellitales acquises en 2000 et 2001, on a estimé les quantités d eau utilisées sur la plaine à 1 483 Mm 3, dont 596 Mm 3 issus de pompage dans la nappe. Entre 1987 et 1998, le déficit pluviométrique a persisté, à l exception des années 1996 et 1997.

Actes du Séminaire Modernisation de l Agriculture Irriguée 5 On note toutefois une remontée de la nappe dans certains endroits, surtout au niveau de la rive droite du N fis. Durant cette période, 2 835 stations de pompages ont été autorisées (Razoki, 2001[4]) pour atteindre un total de 13 200 stations en 2001. 3.1 Périmètre du N fis et le Haouz central 3.1.1 Secteur du N fis En rive droite, le piézomètre 385/53 (figure 3a) présente une baisse de 8 m entre 1981 et 1987 suivie par une légère remontée (1 m) entre 1988 et 1989, liée aux crues de l oued N Fis. A partir de 1990, une importante remontée résulte de la mise en eau du premier secteur d irrigation du N fis. Le niveau piézométrique passe alors de 430 m en 1989 à 439 m en 1992. Après cette date, le niveau piézométrique a varié faiblement malgré des précipitations relativement élevées en 1994, 1995 et 1996. Cette évolution montre que, dans ce secteur, l infiltration pluviale a un effet moindre sur l alimentation de la nappe que celle des eaux d irrigation. En rive gauche, dans la zone irriguée par les crues de l oued N fis, le piézomètre 2576/53 montre une baisse de 10 m entre 1981 et 1987, suivie d une légère hausse ne dépassant pas 5 m entre 1987 et 1990 résultant du retour des eaux d irrigation dérivées des crues au cours de ces années. Après 1990, on note une stabilisation du niveau piézométrique (figure 3b). Fig. 3 Variation piézométrique du périmètre N fis (a, rive droite ; b, rive gauche) de 1980 à 2000. 3.1.2 Secteur OH2 Entre 1980 et 1987, on enregistre une baisse du niveau piézométrique de 9 m. Après 1987, une hausse du niveau de la nappe est enregistrée, le niveau piézométrique passe de 447 m en 1985 à 457 m en 1990 (figure 4). 3.1.3 Secteur Z1 Au piézomètre 763/53 (figure 5), la baisse de 13 m du niveau de la nappe entre 1980 et 1988 est liée a la sécheresse qu a subi la région au cours de ces années, induisant une utilisation plus forte des eaux de la nappe. A partir de 1987, on constate une remontée du niveau de la nappe malgré la persistance de la sécheresse (précipitations inférieures à la valeur moyenne de 250 mm). Ceci peut être dû à la mise en eau du secteur Z1, entraînant une réduction des prélèvements d eau souterraine et aussi des réinfiltrations par retour des eaux d irrigation.

Actes du Séminaire Modernisation de l Agriculture Irriguée 6 Fig. 4 Variation piézométrique du périmètre OH2 de 1980 à 1998. Fig. 5 Variation piézométrique du Secteur Z1 de 1980 à 2000.

Actes du Séminaire Modernisation de l Agriculture Irriguée 7 3.1.4 Secteurs H 2 et Z7 du Haouz central Entre 1981 et 1989, le niveau de la nappe diminue d environ 5 m (figure 6a).. Après 1990, l augmentation du niveau piézométrique d environ 3 m paraît liée à la mise en eau de ce secteur. La même évolution est enregistrée au niveau du piézomètre 774/53 (figure 6b), sur le secteur Z7 mais avec une baisse modérée du niveau piézométrique de l ordre de 2 m entre 1981 et 1989, suivie par une remontée du niveau d eau à partir de 1990, date de mise en eau du secteur. Fig. 6 Variation piézométrique au niveau des secteurs H2 (a) et Z7 (b) entre 1980 et 2000. 3.1.5 Secteur R3 Au niveau du périmètre R3, on enregistre une baisse continue mais faible, de l ordre de 0,33 m par an (figure 7). Cette évolution s explique par l exploitation de la nappe par pompage malgré l aménagement de la zone pour l irrigation à partir des eaux de surface acheminées par le canal de rocade vers le Haouz central. Fig. 7 Variation piézométrique au niveau du secteur R3 de 1985 à 2000. 3.1.6 Haouz central, hors secteurs irrigués En dehors de ces secteurs irrigués, l amplitude mesurée au piézomètre 911/44 (figure 8) est de 1,6 m, les hausses et baisses résultent de la proximité du piézomètre par rapport à l oued Tensift.

Actes du Séminaire Modernisation de l Agriculture Irriguée 8 Fig. 8 Variation piézométrique en dehors des périmètres irrigués de 1971 à 2000. 3.2 Périmètre de la Tassaout amont Dans le périmètre de la Tassaout amont (figure 9), la baisse du niveau piézométrique entre 1980 et 1987 va de 2 m au Nord du périmètre à 6 m à l Ouest. Ceci traduit une exploitation des eaux de la nappe, à la suite du déficit pluviométrique au cours de ces années. Après 1987, une légère remontée (1 m) est observée au nord du secteur en rapport avec l augmentation des précipitations en 1988 et 1990. Fig. 9 Variation piézométrique dans le périmètre de la Tassaout amont. 4 Discussion et conclusion Dans les secteurs irrigués, la relation entre climat et ressource en eau est explicite : au cours des années sèches se conjuguent en effet à la fois une plus grande demande en eau pour satisfaire les besoins physiologiques des cultures et une moindre disponibilité des eaux de surface (oueds et barrages), ce qui se traduit souvent par une plus forte sollicitation des eaux souterraines. Le moindre excès d irrigation atteint la nappe et la plus forte exhaure induit un rabattement de la nappe, la proportion de ces deux phénomènes étant variable selon l espace et le temps. La plupart des points d observation du Haouz montre une baisse de la nappe entre 1981 et 1987. Après 1987, différents secteurs connaissent une remontée piézométrique d ampleur variable liée à la mise en eau des périmètres. Ainsi les secteurs OH2, H2 et Z1 présentent des remontées de 2 à 8 m alors qu en rive droite du N fis la remontée peut atteindre 11 m.

Actes du Séminaire Modernisation de l Agriculture Irriguée 9 En dehors des périmètres irrigués, la relation entre infiltration pluviale et variation piézométrique n est pas évidente, le ruissellement concentré dans le réseau hydrographique semble plus important que l infiltration diffuse de la pluie. Ainsi, le piézomètre situé à proximité de l oued Tensift montre une évolution erratique, témoignant de la contribution importante des crues à la recharge de la nappe. Une analyse fine révèle une grande diversité des situations piézométriques et indique qu il n est pas possible d établir une relation simple et unique entre le fonctionnement des périmètres irrigués et la dynamique de la nappe phréatique. L analyse doit être entreprise pour chaque sous-ensemble ayant une relative homogénéité quant à ses caractéristiques hydrogéologiques naturelles, l apport des eaux de surface et l exploitation des eaux souterraines en complément de l irrigation. Par ailleurs, nous avons entrepris une modélisation physique des écoulements souterrains afin de mieux cerner la diversité des ressources et des usages de l eau dans le Haouz. Références [1] CSEC, Conseil supérieur de l eau et du climat, 2001. Plan directeur pour le développement des ressources en eau du bassin du Tensift, 9 e session, Agadir, Maroc, 21 juin 2001. [2] Debbarh A., Badraoui M., 2002. Vers une maîtrise des impacts environnementaux de l irrigation. Actes de l atelier du PCSI, 28-29 mai 2002, Montpellier, France, 14 p. [3] Ferrandini J., Le Marrec A., 1982. La couverture jurassique à paléogène du Haut Atlas de Marrakech est allochtone dans la zone des cuvettes d Aït Ourir (Maroc). C. R. Acad. Sc. T. 295, série II, 813-816. [4] Razoki B., 2001. Mise en place d un système de gestion de base de données pour la gestion des ressources en eaux souterraines de la plaine du Haouz (Meseta occidentale, Maroc). Thèse, université Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc, 166 p. [5] Sinan M., 1986. Paramètres hydrogéologique et géoélectriques en milieu alluvial fortement hétérogène. Thèse, université des sciences et technique du Languedoc, Montpellier, France.397 p.