ARRET AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 OCTOBRE 2010

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Transcription:

COUR DU TRAVAIL DE MONS ARRET AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 OCTOBRE 2010 R.G. 2007/AM/20735 8 ème Chambre Accident du travail Secteur Public - Preuve de l événement soudain Efforts répétitifs. Article 579, 1 du Code judiciaire. Arrêt contradictoire, en partie définitif, ordonnant une expertise médicale pour le surplus. EN CAUSE DE : P.P., Appelant, comparaissant par son conseil, Maître VANDENBOSSCHE, avocate à Ellezelles ; CONTRE S.C.R.L. INTERCOMMUNALE DE PROPRETE PUBLIQUE, en abrégé IPALLE, Intimée, comparaissant par son conseil, Maître CAILLEAU loco Maître VERSLYPE, avocat à Tournai. ****** La Cour du travail, après en avoir délibéré, rend ce jour l arrêt suivant : Vu l appel interjeté contre le jugement contradictoire prononcé le 9 mars 2007 par le Tribunal du travail de Tournai, appel formé par requête reçue au greffe de la Cour le 8 juin 2007; Vu, produites en forme régulière, les pièces de la procédure légalement requises, et notamment la copie conforme du jugement entrepris ; Vu les conclusions de la partie intimée reçues au greffe le 7 novembre 2007 ;

Vu les conclusions de la partie appelante reçues au greffe le 10 février 2009 ; Vu les conclusions additionnelles et de synthèse de la partie intimée reçues au greffe le 8 octobre 2009 ; Vu le dossier de la partie appelante. Entendu les conseils des parties en leurs dires et moyens à l audience publique du conseil du 22 septembre 2010. ******* RECEVABILITE L appel, régulier en la forme et introduit dans le délai légal, est recevable. ******* FONDEMENT 1. Les faits et antécédents de la cause 1. L appelant a été engagé au service de l intimée en qualité de «gardien de parc à conteneurs», à dater du 28 octobre 1996. Aux termes de l article 1 du contrat de travail, ses attributions consistent en ordre principal «en assistance au public, en surveillance et en entretien du parc à conteneurs de et à Tournai». Les 10 et 11 octobre 2001, il taille des haies de lauriers-cerises au moyen d un taille-haie à moteur durant 2 heures dans le courant de chacune de ces journées. Le 16 octobre 2001, se plaignant de douleurs à l épaule droite, il se rend au service des urgences du site CHRT, site DORCAS à Tournai. Il y est procédé à une radiographie et un traitement anti-inflammatoire lui est proposé. Le lendemain, soit le 17 octobre 2001, il consulte le service des urgences de la Clinique Notre-Dame de Tournai où les examens réalisés montrent une discopathie C5-C6 et C6-C7 avec radiculopathie C7 droite. L appelant est en incapacité de travail du 16 octobre 2001 au 31 décembre 2001. L accident est déclaré à l employeur le 16 octobre 2001 et une déclaration d accident du travail est remplie par le comptable de la société IPALLE le 17 octobre 2001. Il y est notamment mentionné quant aux circonstances de l accident : «Manipulation de longue durée d un appareil lourd et encombrant».

2. Par citation signifiée le 9 juin 2004, l appelant saisit le Tribunal du travail de Tournai et lui demande de : - dire pour droit que l accident du 11 octobre 2001 est un accident du travail, - condamner en conséquence l intimée à payer les indemnités légales dues majorées des intérêts compensatoires et judiciaires, ainsi ques les frais et dépens de l instance. Par le jugement entrepris du 9 mars 2007, le Tribunal du travail de Tournai déclare la demande recevable, la dit non fondée et en déboute le demandeur ; il condamne la défenderesse aux frais et dépens de l instance. Les premiers juges considèrent qu aucun évènement suffisamment limité dans le temps n est épinglé et qu en conséquence, l existence d un évènement soudain n est pas établie. 2. Objet de l appel 1. L appelant sollicite la réformation du jugement entrepris et demande à la Cour de lui allouer le bénéfice de son acte introductif d instance. Il considère que des efforts importants et prolongés pour effectuer un travail particulier peuvent être considérés comme un évènement soudain lorsqu ils peuvent être localisés dans le temps et qu en l espèce, les efforts intenses accomplis pendant 2 heures les journées des 10 et 11 octobre 2001 constituent l évènement soudain. 2. L intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris. A l audience du 22 septembre 2010, elle précise qu à titre subsidiaire, elle conteste le lien de causalité entre l évènement invoqué et la lésion. Elle considère que non seulement l appelant n apporte pas la preuve du lien de causalité entre le travail presté chez son employeur et la survenance de son problème médical mais qu en outre, les durées de travail incriminées (2 jours de travail pendant 2 heures chaque jour) sont suffisamment longues pour ne pas être considérées comme étant un évènement soudain. Elle précise que la manifestation soudaine d une lésion ne peut se confondre avec l évènement soudain. 3. DECISION 3.1. Rappel des principes L appelant est un agent du secteur public et par conséquent, bénéficie d une couverture contre les accidents du travail en vertu de la loi du 3 juillet 1967 sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public.

Aux termes de l article 2 de la loi du 3 juillet 1967, on entend par accident du travail, l'accident survenu dans le cours et par le fait de l'exercice des fonctions et qui produit une lésion ; l'accident survenu dans le cours de l'exercice des fonctions est présumé, jusqu'à preuve du contraire, survenu par le fait de l'exercice des fonctions. Lorsque la victime ou ses ayants-droit établissent, outre l existence d une lésion, celle d un événement soudain, la lésion est présumée, jusqu à preuve du contraire, trouver son origine dans un accident. Dans le cadre du mécanisme de la preuve en matière d accident du travail et par dérogation au droit commun, la victime doit établir trois éléments : un événement soudain, sa survenance dans le cours de l exécution des fonctions et une lésion. Une fois ces éléments prouvés, la victime de l accident du travail bénéficie de deux présomptions légales à savoir que : - l accident survenu dans le cours de l exercice des fonctions est présumé, jusqu à preuve du contraire, survenu par le fait de l exercice des fonctions; - lorsque l existence d un événement soudain et d une lésion est établie, celle-ci est présumée, jusqu à preuve du contraire, trouver son origine dans l accident. Il incombe alors au débiteur des indemnités de renverser la présomption de causalité selon les modes de preuve habituels, en établissant que la lésion n a pas été provoquée par l événement soudain mais qu elle est imputable uniquement à une déficience de l organisme de la victime. L exercice habituel et normal de la tâche journalière peut constituer l événement soudain à la condition que, dans cet exercice, puisse être décelé un élément qui a pu produire la lésion ; il n est pas exigé que cet élément se distingue de l exécution du contrat de travail (Cass., 20 octobre 1986, J.T.T., 1986, 504 ; Cass., 19 février 1990, Pas., 1990, I, 701 ; Cass., 4 février 1991, Pas., 1991, I, 537 ; Cass., 20 janvier 1997, J.T.T., 1997, 292 ; Cass., 18 mai 1998, J.T.T., 1998, 329 ; Cass., 24 novembre 2003, J.T.T., 2004, 34). La Cour de cassation a précisé à plusieurs reprises qu exiger une agression, une brusque réaction, un faux mouvement, un coup ou une chute équivalait à exiger l existence d un élément particulier distinct de l exécution du contrat de travail, critère non requis par la loi du 10 avril 1971 (Cass., 5 avril 2004, J.T.T., 2004, 468 ; Cass., 2 janvier 2006, Juris, JC06122). Notamment, la Cour suprême cassa un arrêt ayant considéré que la manipulation de lourdes poubelles ne constituait pas un événement soudain dès lors que n était pas établi un élément particulier tel que «un faux mouvement, une chute, un coup» (Cass., 23 septembre 2002, J.T.T., 2003, 21). Une position inconfortable prolongée causant des lésions par surcharge peut ainsi être considérée comme un événement soudain (Cass., 28 avril 2008, R.G. S.07.0079.N, Justel n F-20080428-2). 3.2. Application en l espèce L objet du litige concerne plus particulièrement la soudaineté de l évènement, dès lors que l évènement soudain invoqué par l appelant est : «les efforts intenses accomplis pendant 2 heures les journées des 10 et 11 octobre 2001».

Comme cela a été relevé ci-avant, le critère de soudaineté repris dans le texte légal ne vise pas ce qui est subit, instantané ou immédiat. L évènement soudain ne se réduit pas nécessairement à une seule action ou à un seul geste mais peut consister en actes successifs, en manipulations renouvelées, en mouvements répétés ou en efforts prolongés, pour autant qu ils s inscrivent dans le cadre de la soudaineté, c est-à-dire notamment qu ils puissent être ciblés dans le temps, avoir une date certaine. Concernant la date certaine, les termes rencontrés en jurisprudence sont le plus souvent «délai raisonnable», «certains laps de temps», «temps restreint» ou «laps de temps court». En l espèce, la Cour considère que les efforts et mouvements accomplis par l appelant pendant 2 heures pour chaque journée des 10 et 11 octobre 2001 afin de manipuler le taillehaie à moteur relativement lourd peut représenter l évènement soudain constitutif de l accident du travail, celui-ci étant circonscrit dans un laps de temps limité à 4 heures de travail sur 2 journées consécutives. Un tel évènement est localisable dans le temps et l espace. La seule circonstance que la lésion soit apparue de manière évolutive au cours d un événement non instantané n interdit pas à la Cour de considérer cet évènement comme un évènement soudain (en ce sens : Cass., 28 avril 2008, R.G. S.07.0079.N, Justel n F- 20080428-2). Par ailleurs, l existence des lésions est établie par les différents certificats médicaux versés aux débats. * Il ressort des éléments qui précèdent que l appelant prouve l existence des éléments suivants : - un événement soudain, - survenu dans le cours de l exercice des fonctions; - une lésion. Ces éléments étant établis, l appelant bénéficie de la présomption de causalité, prévue à l article 2 de la loi du 3 juillet 1967, à savoir que : lorsque l existence d un événement soudain et d une lésion est établie, celle-ci est présumée, jusqu à preuve du contraire, trouver son origine dans l accident. A titre subsidiaire, l intimée conteste le lien de causalité entre l accident et la survenance de son problème médical. Eu égard au caractère réfragable de la présomption instituée par l article 2 de la loi du 3 juillet 1967 et à la nature médicale de la contestation, il s impose de désigner un expert lequel aura pour mission de dire si les lésions constatées en octobre 2001 (discopathies C5- C6 et C6-C7 avec petit bombement postéro-médian en C5-C6 et bombement relativement marqué postéro-latéral droit en C6-C7) ont été causées même partiellement par l événement soudain (efforts et mouvements accomplis pendant 2 heures pour chaque

journée des 10 et 11 octobre 2001 afin de manipuler un taille-haie à moteur relativement lourd) ou si au contraire, elles résultent d une cause exclusivement endogène. La mission d expertise sera prolongée, si l expert devait conclure que la lésion n est pas due exclusivement à l état pathologique antérieur de l appelant, par la seconde mesure précisée ci-dessous afin de ne pas retarder davantage la mise en état de la cause. PAR CES MOTIFS, ******* La Cour du travail, Statuant contradictoirement, Vu la loi du 15 juin 1935 sur l emploi des langues en matière judiciaire, notamment l article 24, Déclare l appel recevable et fondé ; Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu il a statué sur la recevabilité de la demande originaire et sur les frais et dépens. Dit pour droit que l appelant établit l existence d un événement soudain et d une lésion et qu il bénéficie ainsi, jusqu à preuve du contraire, de la présomption de causalité instituée par l article 2 de la loi du 3 juillet 1967. Avant de statuer plus avant sur la relation causale entre cet événement et la lésion et, le cas échéant, sur l indemnisation en assurance-loi, désigne, en qualité d expert, le docteur Claude FIEVET, dont le cabinet est sis à 7500 Tournai, rue du Curé de Château, 13, lequel, en se conformant aux dispositions applicables à l expertise des articles 962 à 991 du Code judiciaire, aura pour mission, après avoir examiné l appelante et s être entouré des tous renseignements utiles, notamment des documents médicaux des parties : En premier lieu : - de décrire les lésions dont l appelant se dit atteint à la suite de l événement soudain constitué des efforts et mouvements accomplis pendant 2 heures pour chaque journée des 10 et 11 octobre 2001 afin de manipuler un taille-haie à moteur relativement lourd ; - de dire si cet événement a pu occasionner les lésions dont il souffre ou si celles-ci sont exclusivement dues à un état pathologique préexistant ou à un processus évolutif et dégénératif autonome ; En second lieu, au cas où la relation causale entre l événement soudain et la lésion ne peut être exclue, :

- de fixer les taux et durées des incapacités temporaires de travail subies, appréciées en fonction de son emploi habituel au moment de l accident ; - de déterminer la date de consolidation des lésions ainsi que le taux de l incapacité permanente éventuelle en fonction de la perte de capacité concurrentielle de la victime sur le marché général du travail. Pour remplir sa mission, l expert devra : 1 dans les huit jours de la réception de la copie du présent arrêt, soit refuser sa mission par une décision motivée, soit aviser les parties (par lettre recommandée) et la cour et les conseils (par lettre missive) des lieu, jour et heure où il débutera ses travaux, en sollicitant des parties qu elles se munissent de tous les documents pertinents et qu elles se fassent assister, si elles le jugent utile, du médecin de leur choix ; 2 acter les constatations et observations des parties ; 3 dresser un rapport des réunions qu il organise et l envoyer en copie à la cour, aux parties et aux conseils, par lettre missive, et, le cas échéant, aux parties qui ont fait défaut, par lettre recommandée ; 4 communiquer les «préliminaires» de son rapport, auxquels il est joint un avis provisoire, à la cour, aux parties et à leurs conseils, en fixant à ceux-ci un délai d un mois pour lui faire connaître leurs observations ; 5 reprendre leurs observations (sauf si elles sont tardives) dans son rapport et les rencontrer ; 6 concilier les parties si faire se peut ; en cas de conciliation, déposer au greffe un constat de conciliation, les pièces et notes des parties et un état de frais et honoraires détaillé ; en adresser une copie, le même jour, par lettre recommandée, à chacune des parties et par lettre missive, à leurs conseils 7 faire de ces opérations, discussions et conclusions, un rapport final motivé, détaillé et signé qu il terminera par la formule légale du serment : «Je jure avoir rempli ma mission en honneur et conscience, avec exactitude et probité» ; 8 déposer dans les six mois de la réception du présent arrêt, au greffe de la cour, la minute de son rapport, les documents et notes des parties, ainsi qu un état de frais et honoraires ; 9 adresser le même jour, par lettre recommandée, à chacune des parties, une copie de son rapport et de son état d honoraires et frais et, par lettre missive, à leurs conseils ; 10 dans le cas où il ne pourrait déposer son rapport dans le délai imparti par le présent arrêt, l expert sera tenu, en application de l article 974 du Code judiciaire, de solliciter de la cour, par écrit motivé, l augmentation de ce délai, avec un rapport intermédiaire sur l état d avancement de ses travaux ; Ordonne à la partie intimée de consigner au greffe de la Cour, dans les quinze jours de la demande qui lui en sera faite par l expert, un montant de 1.000 comme provision destinée à couvrir une partie de ses frais.

Dit que cette provision peut être libérée à concurrence de la somme de 750 au profit de l expert. Dit que le contrôle de l expertise, prévu par l article 973 du Code judiciaire sera assuré par le Président de la 8 ème chambre ; Réserve à statuer pour le surplus. Ainsi jugé et prononcé, en langue française, à l'audience publique du 27 octobre 2010 par le Président de la 8 ème chambre de la Cour du travail de Mons, composée de : Madame P. CRETEUR, Conseiller présidant la Chambre, Monsieur F. WAGNON, Conseiller social au titre d employeur, Monsieur J. DEL FABBRO, Conseiller social au titre de travailleur ouvrier, Madame V. HENRY, Greffier, qui en ont préalablement signé la minute.