LA COMMISSION DES SONDAGES FACE AUX ELECTIONS MUNICIPALES DE 2001

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Transcription:

6064 LA COMMISSION DES SONDAGES FACE AUX ELECTIONS MUNICIPALES DE 2001 L activité de la Commission des sondages, pendant la période précédant le scrutin des 11 mars et 18 mars 2001, s est répartie de la manière suivante : - l examen systématique de la fiabilité de tous les sondages publiés ayant un rapport direct ou indirect avec les élections municipales ; - l instruction des réclamations ; - le contrôle du respect de l interdiction de publication pendant la semaine précédant le scrutin. Le présent rapport examinera successivement les questions relatives au contrôle de la fiabilité des sondages et celles relatives à l interdiction de publication, compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour de cassation. 1

1- Le contrôle de la fiabilité des sondages. Le précédent rapport de la Commission des sondages, consacré aux élections européennes de 1999, relevait que «l intérêt croissant [pour le scrutin] sinon de l opinion publique, du moins de ses relais médiatiques, s est traduit par une augmentation considérable du nombre des sondages ainsi que des réclamations qui ont été enregistrées à la Commission». La même constatation peut être faite à propos des élections municipales de 2001. Alors que les élections municipales de 1989 avaient donné lieu à 112 sondages relevant du champ de contrôle de la Commission et 20 réclamations, ces chiffres s élèvent, pour la période allant du 23 septembre 1999 au 4 mars 2001, à 203 sondages portant sur des intentions de vote aux élections municipales et à 46 réclamations. Afin de faire face à cette augmentation sensible des sondages et des réclamations, la Commission a assuré une activité notablement plus dense que celle qu avaient suscitée les précédentes élections municipales. Ce phénomène traduit la permanence d un véritable besoin de régulation dans le domaine des sondages électoraux que la compétence et le professionnalisme largement reconnus des instituts et le caractère bien établi de la «doctrine» de la Commission ne suffisent pas à satisfaire. Deux remarques d ordre général méritent tout d abord d être développées : - comme cela avait déjà été le cas lors du précédent scrutin municipal, les commanditaires de sondages ne se sont pas systématiquement adressés aux grands instituts parisiens. 2

Ils ont privilégié, à de nombreuses reprises, le recours à des organismes locaux, souvent plus spécialisés dans les enquêtes de marketing que dans les sondages électoraux, mais plus proches d eux. Nombre d entre eux ne s étaient d ailleurs pas déclarés à la Commission préalablement à la réalisation du sondage comme le prévoient les textes. Six nouveaux instituts, (PTC à Rouen, EMC à Perpignan, les Nouveaux Armateurs à La Rochelle, Fournier à Lyon, BSC à Ivry et Multilignes à Paris) ont dû ainsi procéder à une régularisation de leur situation vis-à-vis de la Commission. La Commission attire l attention des organismes sur la nécessité de se déclarer préalablement, conformément à ce que prévoient les textes ; - s agissant des 46 réclamations dont la Commission a été saisie, elles ont donné lieu à 13 mises au point et 33 rejets dont 7 pour «incompétence» (les sondages litigieux ne relevant pas du champ d application de la loi de 1977), 5 pour tardiveté et 21 au fond. La Commission attire l attention des organes ayant assuré la diffusion du sondage litigieux sur la nécessité de réserver, pour la publication des mises au point, un emplacement comparable à celui consacré au sondage. L examen des 203 sondages conduit en outre la Commission à formuler les observations suivantes relatives au contrôle qu elle exerce sur leur fiabilité. Elles portent respectivement sur les conditions de réalisation des sondages, leurs conditions de diffusion et enfin, le développement des «vrais-faux» sondages ainsi que des enquêtes sur Internet. 3

1-1 Les conditions de réalisation des sondages. Le dépôt d une réclamation auprès de la Commission des sondages est apparu, tout au long de la campagne municipale, comme pouvant constituer un instrument du combat électoral, tout particulièrement dans la phase de désignation des candidats. Le phénomène a été spécialement marquant à Paris. Si la Commission n entend pas prendre position sur les effets, réels ou supposés, des sondages sur le comportement des électeurs, elle constate en revanche l impact non négligeable que ces sondages exercent sur l offre politique et la conduite du débat électoral. Il est ainsi frappant de relever que l organisation d un débat télévisé consacré aux élections à Paris n aurait sans doute pu raisonnablement être imaginée sans la présence du maire sortant, si celui-ci n avait pas été marginalisé, à l excès du reste au vu des résultats du premier tour, dans les sondages électoraux. Saisie à plusieurs reprises de la question de la sélection des candidatures soumises au choix des personnes sondées, la Commission a dégagé la position de principe suivante : dans la période antérieure au dépôt des candidatures, le choix des hypothèses de vote soumises aux personnes interrogées relève de la responsabilité des instituts en accord avec le commanditaire du sondage sous le seul contrôle, par la Commission, de l erreur manifeste d appréciation. Dans le même ordre d idée, le recours à la Commission est utilisé, par un certain nombre de «petits» candidats, comme une arme contre des sondages d autant plus facilement considérés comme mauvais qu ils leur sont défavorables. 4

La réalité oscille entre la «réclamation abusive» 1 et un réel problème relatif à la représentativité des échantillons de taille réduite. Plus petit est l échantillon des personnes interrogées et plus délicate est l estimation des intentions de vote en faveur de ces «petits» candidats. Bien que les textes n imposent aucune taille minimale, la Commission souhaite rappeler l importance, pour la fiabilité des résultats obtenus, de la constitution d un échantillon de taille suffisante. Alors même qu une enquête effectuée sur la base d un échantillon d une taille inférieure à 500 personnes est entachée d une marge d erreur non négligeable, la Commission avait retenu, lors des élections municipales de 1989, un seuil informel de 400 personnes au-dessus duquel elle estimait ne pas devoir critiquer systématiquement les enquêtes réalisées. Saisie, à plusieurs reprises, de griefs tirés du défaut de représentativité de l échantillon, la Commission des sondages a été amenée à confirmer cette position. La question des redressements a, de nouveau, fait l objet de prises de position de la Commission. Les redressements effectués sur la base de critères socio-démographiques n ont pas soulevé plus de difficultés qu à l habitude. Les redressements politiques et ceux visant à assurer une bonne représentativité territoriale de l échantillon, compte tenu de la dispersion géographique des personnes interrogées 2, ont en revanche conduit la Commission à confirmer une «doctrine» désormais bien établie. Il est à noter qu étaient en cause non pas des abus de redressement mais au contraire une absence totale de redressement. 1 De nombreuses réclamations ne comportent en effet aucun moyen sérieux. 2 Cette condition de représentativité est particulièrement importante s agissant des élections municipales. 5

La position de la Commission des sondages peut être résumée de la manière suivante. En premier lieu, la Commission rappelle que les textes en vigueur n imposent aux instituts aucun redressement des résultats bruts. En second lieu, le contrôle que la Commission exerce consiste à vérifier que les redressements opérés ou l absence de redressement n ont pas pour effet de fausser les résultats de l enquête. Les instituts disposant d une large marge d appréciation en la matière, la Commission limite sa censure aux cas de redressement ou de non-redressement manifestement erronés ou arbitraires. Les sondages examinés n ont révélé aucune erreur manifeste d appréciation de cet ordre. 1-2 Les conditions de diffusion des sondages. Une série de considérations porte sur les conditions de diffusion des sondages. Comme il avait été constaté lors des précédentes élections municipales, la Commission relève qu un nombre élevé de sondages n étaient pas initialement destinés à faire l objet d une diffusion publique. La Commission rappelle que, quelles que soient les modalités de diffusion, délibérées ou involontaires, le critère qui déclenche sa compétence est purement objectif : il suffit que le sondage ait fait l objet d une publication intégrale voire partielle pour qu il soit attrait dans la sphère de contrôle de la Commission. Dans une telle hypothèse, les instituts sont en principe tenus de communiquer leur notice à la Commission alors même que peut se poser la question du respect de la confidentialité à laquelle ils s étaient initialement engagés dans le cas où le sondage commandé ne devait initialement pas être rendu public et ne l a été qu à la suite d une «fuite». 6

A propos de publication partielle des résultats, une réclamation a permis à la Commission de réaffirmer sa position constante : le commanditaire du sondage est libre de ne procéder qu à une publication partielle dès lors, d une part, que la publication permet l identification précise du sondage dont il est fait mention, et, d autre part, que la publication reste cohérente et ne comporte pas d inexactitude de nature à fausser les résultats de l enquête. 1-3 Le développement des «vrais-faux» sondages et des enquêtes sur Internet. La campagne électorale a été marquée par le développement d opérations qui peuvent être qualifiées de «vrais-faux» sondages. Un certain nombre d entre elles ont été menées selon des modalités classiques : enquêtes menées par un journal estudiantin ou encore café transformé en «bureau de vote». D autres, plus nombreuses, ont été effectuées sur Internet. La Commission insiste sur le point suivant : elle n est aujourd hui pas en mesure d assurer un contrôle exhaustif des opérations pré-électorales qui utilisent Internet comme support. Ce n est en effet qu au gré des réclamations dont elle est saisie que la Commission a été amenée à connaître d opérations effectuées sur certains sites, notamment des sites de candidats. Le schéma est toujours le même : les internautes sont invités à voter pour tel ou tel candidat sans qu aucune représentativité des votants soit assurée. 7

Bien que la technique amplifie sensiblement l impact de telles opérations, la problématique reste la même que pour les «vrais-faux sondages» : il s agit d enquêtes qui risquent d être considérées comme des sondages alors que leurs conditions de réalisation ne permettent d assurer ni la représentativité des personnes interrogées ni la qualité et la sincérité des résultats obtenus. La Commission des sondages tient à exprimer sa préoccupation face au développement de telles opérations. La liberté d expression fait toutefois obstacle à ce que ce type d enquêtes soit interdite voire, en l absence de textes le prévoyant, encadrées. Elle rappelle cependant qu incombe aux responsables de ces opérations, le devoir de lever toute ambiguïté quant à leur véritable nature afin de ne laisser subsister aucune ambiguïté de nature à tromper l opinion. Cette question a conduit la Commission à prendre position dans un communiqué en date du 20 février 2001 : «La Commission relève le développement sur des sites Internet, d enquêtes d opinion consistant à recueillir les intentions de vote des internautes. Elle invite à la plus grande prudence les auteurs de telles enquêtes, lesquelles ne répondent à aucun des critères techniques et scientifiques qui doivent présider à la réalisation des sondages, notamment en ce qui concerne la constitution d un échantillon représentatif. Ces opérations ne doivent en aucun cas être présentées comme des sondages et la diffusion de leurs résultats doit s accompagner de précautions de nature à souligner les limites de leur fiabilité et à relativiser leur portée». 8

2- L article 11 de la loi du 19 juillet 1977. Rappelons, si besoin en était, que l article 11 de la loi du 19 juillet 1977 dispose que la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage ayant un rapport direct ou indirect avec une élection sont interdits par quelque moyen que ce soit pendant la semaine qui précède le scrutin ainsi que pendant le déroulement de celui-ci. Par une décision Meyet du 2 juin 1999, le Conseil d Etat a admis la compatibilité entre cette interdiction et les exigences de la convention européenne de sauvegarde des droits de l homme et des libertés fondamentales. Mais, par une décision du 4 septembre 2001, qui revient sur une jurisprudence du 14 mai 1996, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé qu en «interdisant la publication, la diffusion et le commentaire par quelque moyen que ce soit de tout sondage d opinion en relation avec les consultations visées par l article 1 er de la loi du 19 juillet 1977, les textes fondant la poursuite instaurent une restriction à la liberté de recevoir et de communiquer des informations qui n est pas nécessaire à la protection des intérêts légitimes énumérées par l article 10.2 de la convention susvisée» et «qu étant incompatibles avec ces dispositions conventionnelles, ils ne sauraient servir de fondement à une condamnation pénale». suivantes. Cette décision appelle, de la part de la Commission des sondages, les observations 9

2-1 En l absence de modification de l article 11 de la loi de 1977, les condamnations pénales qui seraient prononcées en application de cette disposition seraient susceptibles d être annulées en application de cette décision. L interdiction prévue par la loi risque donc, en l état actuel de la jurisprudence, d être dépourvue de sanction pénale, et partant, de portée concrète. En l état du droit applicable, la Commission n envisage dès lors plus de saisir le parquet des manquements à l article 11 de la loi du 19 juillet 1977 qu elle serait amenée à constater ; on peut d ailleurs relever que les élections municipales de 2001 n ont donné lieu à aucune publication, dont la Commission ait eu connaissance, de sondage pendant la semaine précédant le premier ou le second tour de scrutin. 2-2 Cette situation place la Commission des sondages dans une position difficile, faute de moyens suffisants à sa disposition - alors même qu elle s est récemment dotée d un deuxième expert - pour assurer en temps utile et de manière efficace le contrôle des sondages publiés à quelques jours, voire le jour du scrutin. Une telle difficulté à réagir en temps réel est d autant plus dommageable que la liberté de diffuser des sondages électoraux jusqu au moment du vote ne s entend qu accompagnée, en contrepartie, de la garantie de la qualité de ces sondages. Or, quel serait l effet utile d une mise au point indiquant l absence de fiabilité d une enquête qui serait rendue publique postérieurement au vote? 2-3 Une telle situation reporte éventuellement sur le juge de l élection la charge de mesurer si, et dans quelle mesure, la publication tardive d un sondage, qu il soit ou non constitutif d une manœuvre, a faussé les résultats du scrutin. 10

Le Conseil Supérieur de l Audiovisuel a ainsi relevé, dans sa recommandation en vue de l élection présidentielle en date du 23 octobre 2001 que «une telle diffusion pourrait toutefois être considérée par le Conseil constitutionnel comme de nature à altérer la sincérité du scrutin, avec les conséquences électorales que cela pourrait comporter». 2-4 En ce qui concerne la modification de la loi du 19 juillet 1977, la position constante de la Commission des sondages avait été de considérer qu il ne lui appartenait pas, en tant que telle, de prendre position sur ce point qui relève d un choix politique. Toutefois, la Commission des sondages considère que la décision du 4 septembre 2001, en rendant l article 11 de la loi inapplicable, l amène à se prononcer en faveur d une modification législative pour des raisons de bonne exécution de sa mission. Elle estime en effet qu une modification de la loi du 19 juillet 1977 s impose à bref délai, d autant plus que certaines dispositions de la loi autres que l article 11 gagneraient à être précisées ou adaptées. La motivation de la décision de la Cour de cassation ne permet pas d apprécier si l interdiction de publication est, dans son principe, incompatible avec la convention européenne des droits de l homme ou si l incompatibilité découle de la durée excessive de cette interdiction. Dans cette dernière hypothèse, une interdiction débutant à minuit, le vendredi précédant le scrutin comme le prévoit la proposition de loi adoptée par le Sénat en mai 2001 - pourrait être de nature à concilier le respect de la liberté d information et l exigence d un contrôle efficace. Une telle interdiction dont le début coïnciderait avec la fin de la campagne électorale couvrirait les 24 heures précédant le scrutin ainsi que le jour du scrutin dans sa totalité. 11

Il est essentiel que la Commission et ses experts, pour pouvoir assurer, avant le jour de l élection, le contrôle le plus efficace de sondages qui pourront être publiés ou diffusés très peu de temps avant le scrutin, disposent très rapidement des éléments nécessaires à ce contrôle, ce qui est loin d être la pratique habituelle des instituts qui envoient les notices au dernier moment, parfois même après la publication du sondage, obligeant ainsi le secrétariat à des rappels téléphoniques. La Commission souhaite donc, dans cette optique que l article 3 de la loi du 19 juillet 1977 soit modifié afin de prévoir que la notice que les instituts doivent remettre à la Commission parvienne au secrétariat de la Commission au plus tard 24 heures avant la publication ou la diffusion du sondage. 12