GUIDE SUR LE RECOUVREMENT DES AVOIRS CRIMINELS EN FRANCE

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Transcription:

GUIDE SUR LE RECOUVREMENT DES AVOIRS CRIMINELS EN FRANCE G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 1

INTRODUCTION Le recouvrement des avoirs est déterminant dans la lutte contre le crime organisé et la corruption, dans le but de priver les délinquants de leurs profits illicites et de s assurer que le crime ne paie pas. Au cours des dix dernières années, la France a ainsi renforcé ses outils légaux disponibles, dans le but d instaurer un cadre légal efficace, le recouvrement des avoirs constituant une priorité de la politique pénale française. La France a développé des outils efficaces permettant un accès rapide à l information financière (par exemple FICOBA, un fichier bancaire centralisé créé en 1982) et a accru ses capacités de lutte avec la création d une unité de police spécialisée, dédiée à l identification des avoirs criminels (PIAC : plate forme d identification des avoirs criminels). Par ailleurs, trois modifications législatives majeures ont été votées ces cinq dernières années améliorant le cadre légal de la saisie et de la confiscation des avoirs criminels. La France s associe également à cet égard à des actions internationales, pour promouvoir les bonnes pratiques et faciliter la coopération internationale, comme l initiative STAR (Stolen Asset Recovery Initiative), le réseau CARIN (Camdem Asset Recovery Interagency Network) et l initiative du point focal émanant d Interpol et de STAR (Asset Recovery Focal Point Initiative). Le présent guide a pour objectif de donner une description compréhensive du système juridique français relatif au recouvrement des avoirs criminels, afin de permettre aux pays requérants, dans le cadre d une demande d entraide, de mieux comprendre ce qui est légalement possible en France, quel type d information est disponible, quel type d investigation peut être conduit et comment procéder pour obtenir un recouvrement effectif des avoirs criminels par le biais de la coopération internationale. Le développement d une meilleure compréhension des systèmes juridiques et le développement d une confiance mutuelle entre les différents acteurs concernés par le recouvrement des avoirs criminels est un facteur clé pour améliorer l efficacité de la coopération judiciaire internationale. A cette fin, les autorités françaises sont prêtes à développer une coopération informelle et s efforcent de faciliter l échange d information. Il convient néanmoins de rappeler que la coopération informelle ne peut légalement se substituer à une demande d entraide officielle, qui constitue la seule manière efficace de préparer et d assurer la réussite de ces demandes en lien avec le gel et la confiscation d avoirs criminels. G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 2

CONTACTS En France, l autorité centrale pour la coopération judiciaire en matière pénale est le bureau de l entraide pénale internationale (BEPI), situé au sein de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la Justice à Paris. Ministère de la Justice Direction des affaires criminelles et des grâces Bureau de l'entraide pénale internationale 13 place Vendôme 75042 Cedex 01 TEL: 00.331.44.86.14.22 La France dispose également de magistrats de liaison en poste dans treize pays (Algérie, Brésil, Canada, Croatie, Allemagne, Italie, Maroc, Pays-Bas, Roumanie, Espagne, Sénégal, Royaume-Uni et Etats-Unis). Ces magistrats facilitent le traitement des demandes d entraide entre les autorités judiciaires françaises et les autorités des pays requérants. Ils apportent conseils et aide pratique en matière de coopération internationale. LES AGENCES DE RECOUVREMENT DES AVOIRS La France a créé deux agences dédiées aux dossiers impliquant une problématique de recouvrement des avoirs, et désignées comme points focaux dans les réseaux de coopération susmentionnés. La PIAC, plate-forme d identification des avoirs criminels, est une unité de police, créée en 2005, dédiée à l identification des avoirs criminels, qui a le pouvoir de conduire des enquêtes financières et patrimoniales sous la supervision d une autorité judiciaire. Elle centralise également toutes les informations en lien avec la détection des avoirs illégaux sur l ensemble du territoire français et à l étranger. Elle a été désignée comme point focal des différents réseaux susmentionnés. L AGRASC (agence pour la gestion et le recouvrement des avoirs saisis et confisqués), est un organisme de gestion et d assistance, juridique et pratique, des juridictions. Elle peut être mandatée pour exécuter des demandes d entraide pénale internationale, sous le contrôle d une autorité judiciaire. G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 3

RECOUVREMENT DES AVOIRS CRIMINELS : CADRE JURIDIQUE FRANÇAIS IDENTIFICATION DES AVOIRS L identification des avoirs volés peut être obtenue au moyen de différents fichiers, gérés par des autorités publiques ou sous leur contrôle. Sur cette base, des ordonnances peuvent être rendues pour obtenir une information complémentaire sur les personnes ou les entités concernées. La demande d entraide peut être utilement modifiée en fonction de ces informations disponibles. Les principaux fichiers utilisés sont les suivants : Fichier national des comptes bancaires : FICOBA est un fichier centralisé, créé en 1982 et géré par la direction générale des finances publiques. Il contient toutes les informations pertinentes relatives à la création, la modification et la fermeture de l intégralité des comptes détenus en France, dans le cadre d une institution financière française ou étrangère opérant en France. Sur cette base, l information relative aux flux financiers peut être obtenue directement auprès de la banque concernée, sur réquisition judiciaire. Fichier national des données patrimoniales (BNDP) : il contient des informations en lien avec des avoirs détenus par des personnes connues de l administration fiscale à travers leurs diverses déclarations d impôts. Il contient notamment des extraits d actes de transfert de propriété à titre onéreux (ventes d immeuble ou de terrains), ou à titre gratuit (donations et héritages), ainsi que les identités et adresses des personnes et propriétés concernées. TRACFIN a un accès à cette base sur simple requête (sans passer par une ordonnance judiciaire). Le fichier immobilier : ce fichier contient des informations relatives aux terrains construits (immeubles) ou non. Il peut être utilisé pour déterminer l identité des propriétaires des terrains, et leur lieu de résidence s ils ne vivent pas dans la propriété en question. Le fichier peut être utilisé pour déterminer l identité des occupants des locaux particuliers (le locataire ou l occupant sans droit ni titre), et savoir s il s agit d une résidence principale ou secondaire. Personnes morales : le registre du commerce et des sociétés (RCS) contient des informations relatives aux sociétés et fonds de commerce enregistrés, et notamment les informations permettant l identification des actionnaires, ainsi que les principales informations financières et comptables. L information est accessible au public, à travers un site internet www.infogreffe.com. G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 4

GEL ET CONFICATION DES AVOIRS Le système judiciaire français de recouvrement des avoirs criminels est basé sur la condamnation pénale : aucune confiscation ne peut être ordonnée sans déclaration de culpabilité par une juridiction. La confiscation constitue une peine complémentaire de l emprisonnement et/ou de l amende. Le champ des avoirs susceptibles d être confisqués est très large, en raison de mécanismes de confiscation élargie et du renversement de la charge de la preuve. Bien que la confiscation en l absence de condamnation pénale n ait pas été introduite en droit interne, la France peut accepter d exécuter ce type de confiscation lorsqu elle est prononcée par une juridiction étrangère, sous certaines conditions, au titre de l entraide pénale internationale. Le dispositif français repose sur les principes suivants : La confiscation des types de biens suivants peut être ordonnée : tout bien qui constitue l instrument de l infraction, et dont le condamné est le propriétaire ou dont il avait la libre disposition ; tout bien qui constitue l objet ou le produit direct ou indirect de l infraction, même si le condamné n en est pas juridiquement le propriétaire ; il est donc possible de confisquer le produit de l infraction même s il appartient juridiquement à un tiers. La confiscation peut être ordonnée par le tribunal à titre de peine complémentaire pour tout délit punissable d un an emprisonnement ou plus, même si le texte définissant l infraction ne prévoit pas expressément une telle peine complémentaire. Par ailleurs, la confiscation élargie peut être prononcée dans deux cas : lorsque l infraction est punie d au moins cinq ans d emprisonnement, et a généré un profit ; dans ce cas, tous les biens appartenant au condamné, ou dont il a la disposition (sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi), peuvent être confisqués, s il ne peut en prouver l origine licite (il y a un renversement de la charge de la preuve) ; pour certaines infractions limitativement énumérées par la loi, le tribunal peut ordonner la confiscation de tout ou partie du patrimoine appartenant au condamné, quelle que soit son origine, licite ou non, et même en l absence de tout lien avec l infraction ou une activité illicite (possibilité applicable notamment en matière de blanchiment et de terrorisme). G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 5

La confiscation en valeur peut être ordonnnée, plutôt que la confiscation d un bien identifié, sans condition spécifique, dans le but de faciliter la mise en œuvre de la confiscation. Tout bien susceptible de confiscation peut être saisi avant le jugement, durant l enquête, dans le but de garantir la confiscation prononcée ultérieurement par le tribunal. Des procédures spécifiques ont été établies dans ce but, particulièrement adaptées aux biens immatériels et immobiliers. Lorsque la personne visée ne peut être déclarée coupable de l infraction initiale objet de l enquête, il existe d autres infractions au sein du code pénal français permettant une mesure de confiscation, et basées sur des mécanismes atténuant et/ou renversant la charge de la preuve : blanchiment ; recel ; et non-justification de ressources par une personne en relation habituelle avec une ou plusieurs personnes se livrant à des activités délictueuses. LIGNES DIRECTRICES GENERALES POUR LA COOPERATION JUDICIAIRE INTERNATIONALE Les autorités judiciaires françaises offrent une assistance étendue en matière pénale aux pays requérant cette assistance via des commissions rogatoires ou des demandes d entraide. Les demandes des autorités étrangères sont traitées en principe de la même manière que des demandes similaires provenant d autorités françaises. CADRE JURIQUE La plupart des échanges relatifs à la coopération judiciaire internationale en matière pénale en France ont pour cadre des conventions bilatérales ou multilatérales, qui prévalent sur la loi nationale. Dans la perspective du recouvrement des avoirs criminels, les conventions multilatérales suivantes peuvent être prises en considération : la Convention des Nations Unies de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants, drogues et substances psychotropes ; la Convention du Conseil de l Europe de 1990 sur le blanchiment, l identification, la saisie et la confiscation des produits du crime ; G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 6

la Convention de l OCDE de 1997 sur la corruption d agents publics étrangers dans le cadre des transactions commerciales internationales ; la Convention des Nations Unies de 2000 contre le crime organisé transnational ; la Convention des Nations Unies de 2003 contre la corruption. Lorsqu aucune convention internationale n est applicable, les dispositions générales du code de procédure pénale s appliquent, et les demandes d entraide sont exécutées sur la base d un principe de réciprocité. Ces demandes d entraide émanant d autorités judiciaires étrangères doivent être transmises par voie diplomatique. Elles sont alors exécutées selon la loi française, mais les exigences légales du pays requérant peuvent être prises en considération dès lors qu elles ne limitent pas l exercice des droits procéduraux énumérés par le code de procédure pénale français. La demande ne peut être exécutée si elle est susceptible de menacer l ordre public ou les intérêts fondamentaux de la nation. L autorité requérante est informée dans ce cas qu aucune action, totale ou partielle, ne peut être prise en exécution de cette demande. Selon la législation française et la jurisprudence, la réciprocité d incrimination n est généralement pas requise en matière de coopération lorsqu aucune mesure de coercition n est nécessaire pour exécuter la demande. Cependant, une telle exigence peut s imposer en raison d une convention applicable au cas d espèce ou si l exécution de la demande nécessite l usage de la force. Les éléments de preuve transmis par la France en exécution d une demande d entraide pénale internationale ne doivent servir qu au but spécifique formalisé dans cette demande. Si une utilisation de la preuve autre que celle mentionnée dans la requête est demandée, le pays requérant doit préalablement obtenir le consentement de la France à cette autre utilisation. ETAPES PRATIQUES A SUIVRE POUR OBTENIR L ENTRAIDE DE LA FRANCE Les étapes suivantes doivent être respectées : Consultation de l autorité centrale Dans les dossiers les plus graves, il est recommandé que l autorité centrale étrangère contacte l autorité centrale française préalablement à la formalisation de la demande G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 7

d entraide pour s assurer que l assistance recherchée est autorisée dans le cadre des lois de la république française et que la demande sera conforme aux exigences de la législation française. Une demande d entraide incomplète ne sera pas systématiquement retournée sans exécution dans de tels cas, mais des informations complémentaires pourront être requises le cas échéant. Précisions à apporter sur le cadre légal applicable Le traité, la convention (Merida, Palerme, OCDE ou autre) ou tout autre cadre juridique s appliquant à la demande d entraide doit être clairement spécifié. Si aucune convention n est applicable, la demande sera exécutée sur la base du principe de réciprocité. Identification de l autorité conduisant les investigations et requérant l assistance Il est absolument nécessaire que l autorité centrale française puisse identifier de manière précise l autorité judiciaire requérante. Résumé de l affaire Il est nécessaire de fournir un résumé détaillé et complet du dossier faisant l objet d une enquête ou de poursuites, incluant une liste des preuves servant de support aux investigations. Ce résumé devra clairement faire le lien entre les faits et la demande d entraide, et souligner l importance de la preuve recherchée dans le cadre des investigations. Plus spécifiquement dans le cadre de demandes ayant pour but l identification, le gel ou la confiscation d avoirs criminels, il est primordial de fournir toutes les informations nécessaires sur les liens établis entre l infraction et les avoirs provenant de cette infraction (cf. infra). Dispositions légales applicables Il est nécessaire d identifier et de joindre une copie de toutes les dispositions légales pertinentes pour les investigations et les poursuites, y compris les peines applicables et le cadre procédural de votre législation. Assistance recherchée Il est nécessaire de souligner en termes précis l assistance recherchée auprès de la France. Toutes les exigences particulières devant être remplies (par exemple, certifications et authentifications nécessaires) doivent être clairement présentées. G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 8

Par ailleurs, au regard de l assistance recherchée, les informations suivantes doivent être incluses : Témoignages et dépositions Fournir une liste de questions à poser au témoin. Préciser les règles procédurales applicables dans votre législation pour l audition des témoins et des personnes mises en cause. Ces règles seront prises en compte dans la mesure où elles ne portent pas atteinte aux droits procéduraux et aux droits de la défense prévus par le code de procédure pénale français. Plus spécifiquement, transmettre tous les détails pertinents, notamment : - les informations à fournir aux témoins et personnes mises en cause quant à l exercice de leurs droits ; - le serment qui doit être prêté par le témoin ; - les conditions régissant l obligation de comparaitre pour le témoin, et les mesures coercitives pouvant être appliquées ; - l autorité compétente doit clairement indiquer si le témoin doit être entendu par un juge le cas échéant, et non par un officier de police. Identification et saisie Fournir des détails sur la situation des locaux à perquisitionner. Donner toute information pertinente sur le type d objet devant être saisi. Si la preuve recherchée est contenue dans un réseau informatique situé à l intérieur des locaux à perquisitionner, donner toute information technique pertinente quant à ce réseau. Préciser si le consentement exprès de la personne au domicile de laquelle la perquisition est effectuée est requis. Mentionner toutes les précautions utiles pour le placement sous scellé et l authentification des objets saisis. Ordonnances de saisie des avoirs criminels Fournir le nom, l adresse, la nationalité, la date et le lieu de naissance et toutes les informations disponibles concernant la localisation de la personne mise en cause dont le comportement a donné lieu à l ordre de saisie d un avoir. Fournir les particularités des avoirs dont la saisie est envisagée, et expliquer dans le détail le lien entre l infraction susceptible d avoir été commise et l avoir visé. G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 9

Si elle est disponible, fournir toute information utile sur les droits des tiers en relation avec cet avoir. Préciser si l avoir est l objet, l instrument ou le produit de l infraction ou si la saisie a pour but le gel de tous les biens appartenant à la personne mise en cause. Dans ce cas, si plusieurs infractions font l objet d investigations, préciser pour quelle infraction le gel des avoirs est prévu dans votre législation (cette demande pouvant être soumise au principe de réciprocité d incrimination). Fournir une copie officielle et certifiée de l ordonnance. Ordonnance de confiscation des avoirs criminels Fournir le nom, l adresse, la nationalité, la date et le lieu de naissance et toutes les informations disponibles concernant la localisation de la personne déclarée coupable par un jugement, ayant également ordonné la confiscation d un avoir. Fournir les particularités des avoirs dont la confiscation est envisagée, et expliquer le lien entre l infraction commise et ces avoirs. Si elle est disponible, fournir toute information utile sur les droits des tiers en relation avec ces avoirs. Préciser si l avoir est l objet, l instrument ou le produit de l infraction ou si la confiscation est étendue à tous les biens détenus par la personne condamnée. Fournir une copie intégrale, officielle et certifiée conforme de la décision de confiscation. Préciser si la décision est définitive ou non. Si une demande d exécution d un ordre de gel a préalablement été faite en relation avec la propriété confisquée, fournir les références de cette demande. Exigences de confidentialité En France, l existence et la nature de demandes d entraide sont confidentielles. Cependant, comme certaines divulgations peuvent être nécessaires particulièrement lorsque les droits des tiers doivent être garantis, l exigence de la confidentialité doit être, le cas échéant, expressément exposée dans la demande. Demandes urgentes Indiquer les délais éventuels devant être respectés pour l exécution de la demande, et les raisons de ces contraintes (par exemple : procès en cours, investigations sensibles, détention provisoire en cours, procès pendant, etc. ). Préciser si la prescription de l action publique est encourue (fournir les dates précises). G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 10

Points de contact Fournir une liste de noms et numéros de téléphone des contacts pour les autorités judiciaires en charge du dossier. Fournir également le nom et, si possible, les coordonnées de votre autorité centrale, dans le cas où l autorité judiciaire souhaiterait vous contacter pour obtenir des informations complémentaires. Traduction Lorsqu aucune convention applicable ne prévoit autrement, la France exige la traduction des demandes d entraide en français, ou leur envoi accompagné d une traduction. G8 Partenariat de Deauville : guide sur le recouvrement des avoirs criminels en France 11