Jugement n 2017-0011 Audience publique du 27 juin 2017 Jugement prononcé le 27 juillet 2017 EHPAD de Mézières-en-Brenne Indre 036 005 872 Exercice 2013 Vu le code des juridictions financières ; RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LA CHAMBRE, Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu l'article 60 de la loi de finances n 63-156 du 23 février 1963 modifié ; Vu les textes législatifs et réglementaires relatifs à la comptabilité des établissements publics locaux ; Vu le décret n 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; Vu l arrêté de charge provisoire du 7 janvier 2016 pris par la chef du pôle interrégional d apurement administratif de Rennes à l encontre de M. X..., comptable de l EHPAD de Mézières-en-Brenne, au titre de sa gestion du 1 er janvier au 28 novembre 2013 ; Vu le réquisitoire du ministère public R/16/0033/J du 16 décembre 2016 ; Vu les justifications produites au cours de l instruction ; Vu l ensemble des pièces du dossier ; Vu le rapport n 2017-0044 du 2 mai 2017 de M. Benoist Delage, premier conseiller, communiqué au ministère public le 3 mai 2017 ; Vu les conclusions n C/17/0054/J2 du 29 mai 2017 du procureur financier ; Après avoir entendu lors de l audience publique du 27 juin 2017, M. Benoist Delage, premier conseiller, en son rapport, et Mme Cécile Daussin Charpantier, procureur financier, en ses conclusions, les autres parties, dûment avisées de la tenue de l audience, n étant ni présentes, ni représentées ; 1- Sur le régime de responsabilité applicable et les moyens développés par les parties ATTENDU qu aux termes de l article 60, paragraphe I, troisième alinéa, de la loi du 15, rue d'escures BP 2425 45032 ORLÉANS CEDEX 1 T +33 2 38 78 96 00 F +33 2 77 41 05 91 centre-val-de-loire@crtc.ccomptes.fr Site internet www.ccomptes.fr
23 février 1963 susvisée, la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics «se trouve engagée dès lors qu un déficit ou un manquement en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu une recette n a pas été recouvrée, qu une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par le fait du comptable public, l organisme public a dû procéder à l indemnisation d un autre organisme public ou d un tiers ou a dû rétribuer un commis d office pour produire les comptes ( )» ; que cette responsabilité s apprécie au moment des faits ; ATTENDU qu aux termes de l article 19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, le comptable est tenu d exercer en matière de dépenses le contrôle de la validité de la dette dans les conditions prévues à l article 20 du même décret ; que ce contrôle porte notamment sur l exactitude de la liquidation, l intervention des contrôles préalables prescrit par la réglementation et la production des pièces justificatives ; ATTENDU que, par le réquisitoire susvisé du 16 décembre 2016, le procureur financier a saisi la chambre de deux charges fondées sur les observations du pôle interrégional d apurement administratif de Rennes, énoncées dans l arrêté de charge provisoire du 7 janvier 2016 susvisé et relatives à des paiements effectués par M. X..., comptable de l EHPAD de Mézières-en-Brenne, durant l exercice 2013 ; ATTENDU que la charge n 1 concerne le versement d indemnités horaires pour travail de nuit à un agent, pour un total de 1 444,50, en l absence d état nominatif décompté et d une décision individuelle du directeur tel que le prévoit la rubrique n 2202 de la nomenclature annexée à l article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ; ATTENDU que la charge n 2 concerne le versement d indemnités forfaitaires pour travail les dimanches et jours fériés à trois agents, pour un total de 3 275,16, en l absence d état nominatif décompté et d une décision individuelle du directeur tel que le prévoit la rubrique n 2202 de la nomenclature annexée à l article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ; ATTENDU que l ordonnateur prétend que les dispositions combinées de l article 20 de la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de l article 88 de la loi n 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale l exonèrent de devoir prendre la décision individuelle manquante ; que l utilisation du présent de l indicatif dans la rédaction des articles 1 er du décret n 92-7 du 2 janvier 1992 instituant une indemnité forfaitaire pour travail des dimanches et jours fériés et 1 er du décret n 88-1084 du 30 novembre 1988 relatif à l indemnité horaire pour travail normal de nuit et à la majoration pour travail intensif implique qu il n a pas la faculté d attribuer ces primes ; que, cependant, ces dispositions ne font pas obstacles à l application de celles prévues par l article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales en ce qu elles permettent d attester de l autorisation donnée par l établissement, à chaque agent pris individuellement, d effectuer un travail de nuit ou de dimanches et jours fériés ; qu en conséquence, ce moyen doit être écarté ; ATTENDU que l ordonnateur précise également que les agents de l EHPAD de Mézières-en- Brenne réalisent un travail intensif au sens de l article 2 du décret n 88-1084 du 30 novembre 1988 précité dans la mesure où ils réalisent durant leurs services de nuit les mêmes tâches que celles qu ils accomplissent en service de jour ; que cette affirmation ne permet cependant pas de déterminer - en l absence de décision préalable - quels agents sont concernés ; qu en conséquence, ce moyen doit être écarté ; 2 / 6 ATTENDU que le comptable en cause n a soulevé, au cours de l instruction, aucun moyen nouveau par rapport à celui développé auprès du pôle interrégional d apurement administratif de Rennes, à savoir qu il n y aurait pas besoin de décision du directeur pour autoriser les agents concernés à effectuer les heures ouvrant droit aux indemnités précitées
au vu des décrets les fondant ; que ce moyen rejoint celui de l ordonnateur et doit être écarté de la même manière ; 2- Sur la présomption de charge n 1 soulevée à l encontre de M. X... au titre de l exercice 2013 Sur l existence d un manquement du comptable à ses obligations ATTENDU que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; que la rubrique n 2202 de la nomenclature annexée à l article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit que soit produit avec les mandats un état nominatif décompté et une décision individuelle du directeur ; ATTENDU que des indemnités horaires pour travail de nuit normal ont été payées à Mme Y pour un montant de 1 444,50 selon le détail suivant : Mandats N Date Montant Montant du Quantité Mme Y Taux Mt Indemnité de nuit normale et majoration pour travail intensif 11 22/01/13 90 139,30 2 015,06 135 1.07 144,45 202 15/02/13 91 682,82 1 977,65 117 1.07 125,19 347 20/03/13 114 927,72 2 879,33 117 1.07 125,19 414 17/04/13 91 365,59 1 957,26 135 1.07 144,45 606 21/05/13 89 374,82 1 957,26 135 1.07 144,45 726 21/06/13 94 856,21 1 919,75 135 1.07 144,45 833 11/07/13 94 126,15 1 923,59 117 1.07 125,19 924 23/07/13 92 589,04 1 903,67 135 1.07 144,45 1137 23/09/13 89 481,72 1 759,90 81 1.07 86,67 1254 23/10/13 91 866,09 1 875,73 117 1.07 125,19 1431 20/11/13 111 769,50 3 047,46 126 1.07 134,82 Total 1 444,50 ATTENDU que si l état nominatif est présent, les bulletins de paie détaillant la rémunération ayant été produits, il est constant qu aucune décision individuelle du directeur n a pu être fournie ; ATTENDU qu au surplus, les bulletins de paie mentionnent un travail de nuit normal mais prévoient le taux de majoration pour travail intensif ; que le contrôle de liquidation incombant au comptable n a, par conséquent, pas été effectué ; ATTENDU qu à la date de prise en charge des mandats litigieux, le comptable ne disposait pas des pièces justificatives réglementaires et cohérentes ; qu en conséquence, il aurait dû, dans l attente de la production par l ordonnateur du document prévu par la réglementation, suspendre les paiements ; qu en prenant en charge ces mandats, le comptable n a pas exercé le contrôle prévu à l article 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé ; qu en conséquence de ce manquement, M. X... a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l exercice 2013 ; 3 / 6
4 / 6 Sur l existence d un préjudice financier causé par le manquement ATTENDU qu aux termes du paragraphe VI de l article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : «( ) lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à l organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l organisme public a dû procéder à l indemnisation d un autre organisme public ou d un tiers ou a dû rétribuer un commis d office pour produire les comptes, le comptable a l obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante» ; ATTENDU qu une dépense dépourvue de base juridique justifiant du service fait pour les agents concernés revêt un caractère indu ; qu une dépense indue cause un préjudice financier à l établissement considéré ; 3- Sur la présomption de charge n 2 soulevée à l encontre de M. X... au titre de l exercice 2013 Sur l existence d un manquement du comptable à ses obligations ATTENDU que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications ; que la rubrique n 2202 de la nomenclature annexée à l article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales prévoit que soient produits avec les mandats un état nominatif décompté et une décision individuelle du directeur, et s agissant des agents contractuels, le contrat en portant mention ; ATTENDU que des indemnités horaires de dimanche et jours fériés ont été payées à Mmes Y, Z et A pour un montant de 3 275,16 selon le détail suivant : Mandats Mme Y Mme Z Mme A N Date Montant Montant Montant Montant Q Taux Montant Q Taux Montant Q Taux Montant 11 22/01/13 90 139,30 2 015,06 13 5.88 76,44 1 881,33 10 5.88 58,80 1 372,69 24 5.88 141,12 202 15/02/13 91 682,82 1 977,65 13 5.88 76,44 1 935,36 20 5.88 117,60 1 410,82 32 5.88 188,16 347 20/03/13 114 927,72 2 879,33 20 5.88 117,60 1 906,39 10 5.88 58,80 1 295,96 8 5.88 47,04 414 17/04/13 91 365,59 1 957,26 30 5.88 176,40 1 942,84 20 5.88 117,60 1 372,54 24 5.88 141,12 606 21/05/13 89 374,82 1 957,26 30 5.88 176,40 1 916,28 16 5.88 94,08 1 372,54 24 5.88 141,12 726 21/06/13 94 856,21 1 919,75 23 5.88 135,24 1 994,63 34 5.88 199,92 1 410,53 32 5.88 188,16 833 11/07/13 94 126,15 1 923,59 13 5.88 76,44 1 895,17 10 5.88 58,80 1 269,64 8 5.88 47,04 924 23/07/13 92 589,04 1 903,67 20 5.88 117,60 1 906,39 10 5.88 58,80 1 334,39 16 5.88 94,08 1137 23/09/13 89 481,72 1 759,90 3 5.88 17,64 1 672,51 10 5.88 58,80 1 223,53 16 5.88 94,08 1254 23/10/13 91 866,09 1 875,73 10 5.88 58,80 1 628,56 20 5.88 117,60 1 337,75 8 5.88 47,04 1431 20/11/13 111 769,50 3 047,46 20 5.88 117,60 1 672,51 10 5.88 58,80 1 051,13 Total 1 146,60 Total 999,60 Total 1 128,96 ATTENDU que si les états nominatifs sont présents, les bulletins de paie détaillant les rémunérations ayant été produits, il est constant qu aucune décision individuelle du directeur s agissant d un des trois agents n a pu être fournie et que les contrats relatifs aux deux agents ne portent aucune mention relative au travail du dimanche et jours fériés ; ATTENDU qu à la date de prise en charge des mandats litigieux, le comptable ne disposait pas des pièces justificatives réglementaires ; qu en conséquence, il aurait dû, dans l attente de la production par l ordonnateur du document prévu par la réglementation, suspendre les paiements ; qu en prenant en charge ces mandats, le comptable n a pas exercé le contrôle prévu à l article 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé ; qu en conséquence de ce manquement, M. X... a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au titre de l exercice 2013 ; Sur l existence d un préjudice financier causé par le manquement
5 / 6 ATTENDU qu aux termes du paragraphe VI de l article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée : «( ) lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I, a causé un préjudice financier à l organisme public concerné ou que, par le fait du comptable public, l organisme public a dû procéder à l indemnisation d un autre organisme public ou d un tiers ou a dû rétribuer un commis d office pour produire les comptes, le comptable a l obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante» ; ATTENDU qu une dépense dépourvue de base juridique justifiant du service fait pour les agents concernés revêt un caractère indu ; qu une dépense indue cause un préjudice financier à l établissement considéré ; ATTENDU que les deux manquements des charges 1 et 2 sont de même nature sur le même exercice ; qu il y a par conséquent lieu de constituer M. X... débiteur de l EHPAD de Mézières-en-Brenne du montant des indemnités précitées de travail intensif de nuit et de travail du dimanche et jours fériés, soit 4 719,66 sur l exercice 2013 ; 4- Sur les intérêts légaux ATTENDU qu aux termes du paragraphe VIII de l article 60 de la loi susvisée du 23 février 1963 «Les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics» ; ATTENDU qu en l espèce, la date du premier acte de mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable est celle à laquelle le comptable a reçu notification du réquisitoire ; qu il y a donc lieu d augmenter la somme susvisée des intérêts légaux à compter du 9 janvier 2017 ; 5- Sur le contrôle de la dépense ATTENDU qu aux termes du paragraphe IX de l article 60 de la loi n 63-156 du 23 février 1963, «les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou du respect par celuici sous l appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, une remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans l obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa dudit VI» ; ATTENDU que la comptable n a pas pu fournir de plan de contrôle sélectif de la dépense pour l exercice 2013 ; que cependant un plan de contrôle sélectif de la dépense du 28 janvier 2013 prévoit, s agissant de rémunérations, d une part, le contrôle a priori des nouveaux entrants et, d autre part, un contrôle a posteriori sur les primes dont le montant pour l exercice est supérieur à 1 000 pour les agents dont le nom commence par les lettres de A à K, en juin, et, en décembre, pour ceux dont le nom commence par les lettres de L à Z ; que le montant des primes concernées excédant le seuil fixé, les règles de contrôle sélectif des dépenses n ont pas été appliquées ;
6 / 6 PAR CES MOTIFS, ORDONNE CE QUI SUIT : Article 1 er : M. X... est constitué débiteur de l Établissement d hébergement de personnes âgées dépendantes de Mézières-en-Brenne, au titre de l exercice 2013, pour un montant de quatre mille sept cent dix-neuf euros et soixante-six centimes (4 719,66 ) augmenté des intérêts de droit à compter du 9 janvier 2017 ; Article 2 : La décharge de M. X... pour sa gestion de l exercice 2013, jusqu au 28 novembre, ne pourra intervenir qu après l apurement du débet prononcé ci-dessus ; Article 3 : Pour l application des dispositions du second alinéa du paragraphe IX de l article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée, le montant du cautionnement constitué par M. X... au titre de l exercice 2013 pour lequel il est constitué débiteur par l article 1 er du présent jugement s élève à 151 000 ; Article 4 : En cas de demande de remise gracieuse, il devra être laissé à la charge du comptable une somme de 453, correspondant à trois millième de son cautionnement ; Après avoir délibéré, hors la présence du rapporteur et du procureur financier ; Fait et jugé par Mme Catherine Renondin, présidente de la chambre régionale des comptes du Centre-Val de Loire, présidente de séance, M. Vincent Sivré, président de section, Mme Sonia Lavoux Fontaine, première conseillère, M. Olivier Cuny, premier conseiller et Mme Morgane Coguic, conseillère. En présence de Mme Muguette Lemaire, greffière de séance. La greffière de séance La présidente de la chambre régionale des comptes du Centre-Val de Loire Muguette Lemaire Catherine Renondin En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu ils en seront légalement requis. Voies et délais de recours : Article R. 242-19 du code des juridictions financières : «Les jugements et ordonnances rendus par les chambres régionales des comptes peuvent être attaqués dans leurs dispositions définitives par la voie de l'appel devant la Cour des comptes». Article R. 242-22 du code des juridictions financières : «La requête en appel, signée par l'intéressé, doit être déposée ou adressée par lettre recommandée au greffe de la chambre régionale des comptes. La requête doit contenir, à peine de nullité, l'exposé des faits et moyens, ainsi que les conclusions du requérant. Elle doit être accompagnée des documents sur lesquels elle s'appuie et d'une copie du jugement ou de l ordonnance attaqué». Article R. 242-23 du code des juridictions financières : «L'appel doit être formé dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ( )».