Mouvement Européen. France. Comité d'orientation Stratégique FICHE. Economie et Finance



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Transcription:

Mouvement Européen France Comité d'orientation Stratégique FICHE Economie et Finance Mai 2014

La crise de la zone Euro a mis en évidence la nécessité de mettre en place des mécanismes de mutualisation entre les pays membres: l Union Bancaire et une nouvelle politique budgétaire. Ces mécanismes sont indispensables pour préserver la libre circulation des biens et services, des personnes et des capitaux dans la zone Euro. Ne pas oublier que l Euro a permis le développement d une période de prospérité de presque 10 ans L entrée en vigueur du traité de Maastricht, lancement de l Union Economique et Monétaire a donné à la liberté des mouvements de capitaux, le même statut que les autres libertés du marché intérieur (libre circulation des personnes, biens et services). Ce processus de libéralisation a permis aux citoyens européens d effectuer de nombreuses opérations financières à l étranger (ouverture de comptes, investissements, etc ) et aux grandes entreprises et aux PMEs d investir dans d autres entreprises européennes, de participer activement à leur gestion et de lever des fonds dans de bonnes conditions afin de créer des emplois qui ont bénéficié aux citoyens européens. De 1999 à 2008, la zone Euro a crée 15 millions d emplois. Le taux de chômage est passé de 9,1% à 7,5% pendant cette période. 7,5% était le taux de chômage le plus bas depuis 25 ans. Durant la période précédente 1990 1998, les pays qui ont intégré la zone Euro n avaient crée que 5 millions d emplois. Les opérations transfrontalières se sont multipliées depuis la naissance de l Euro. Le commerce entre pays membres de la zone Euro (intra-euro) a augmenté de plus de 50% entre 1999 et 2011. Les échanges entre pays de la zone Euro représentaient 20% du PIB de la zone en 2011 contre seulement 15% en 1999. En moyenne de 1999 à 2011, plus de 50% des exportations d un pays de la zone Euro s est fait avec un autre pays de la zone Euro. Comprendre l intégration des marchés financiers et bancaires Les banques ont accompagné leurs clients dans leurs développements à l étranger (financement des exportations, acquisitions, ). Une devise unique a permis aux entreprises dans toute la zone Euro de ne plus se préoccuper du risque de change entre les états membres de la zone et se concentrer sur leurs activités opérationnelles. Le financement de l économie en Europe s est principalement effectué au travers de services de crédits offerts par les banques aux ménages et aux entreprises (à hauteur de 75% - 80%, le reste étant fourni directement par les marchés financiers). La croissance des crédits bancaires s est accompagnée de la croissance du marché interbancaire permettant aux banques de s échanger entre elles des actifs financiers et permettre aux banques ayant des liquidités excédentaires de les prêter aux banques ayant des besoins de financement. L Union monétaire et le marché intérieur ne peuvent bien fonctionner que si l on dispose d un système de paiement et de crédit transfrontières permettant de multiplier les échanges économiques en confiance dans toute l Europe. Le développement des opérations bancaires transfrontalières a renforcé l intégration des marchés financiers et bancaires dans la zone. Hors depuis la crise, les systèmes nationaux et de crédit se sont fragmentés. La défiance envers un Etat ou une banque se traduit par des sorties de capitaux et par des primes de risque en hausse brutale remettant en cause la libre circulation des capitaux et des biens. La crise de la zone Euro : phénomènes de contagion et de fragmentation La crise dans la zone Euro est la conséquence d une dette excessive. Elle s est matérialisée au moment où les investisseurs n ont pas voulu financer les déficits budgétaires et extérieurs des Etats, comme en témoigne l élargissement des écarts de rendement des taux d intérêt des emprunts d Etats. Taux des emprunts d Etats 10 ans Source : Datastream moyenne mensuelle Dans une zone de monnaie unique regroupant plusieurs Etats, il faut que l économie puisse être financée partout dans des conditions proches ou similaires, quelle que soit la solvabilité (capacité à rembourser les dettes) de l Etat considéré. Hors, depuis 2008, les marchés nationaux se sont fragmentés par la divergence des taux d intérêt de marché des emprunts d Etats. Ce phénomène a été accompagné d un repli des prêts interbancaires transfrontaliers. Alors que les prêts transfrontaliers entre banques de la zone Euro culminaient à près de 7% en juin 2008, ils étaient retombés à 4,1% des actifs bancaires à la fin 2012, niveau inférieur à celui qui prévalait au moment de l introduction de l Euro : 5,1%.

Cette fragmentation a freiné la dynamique de crédit dans les pays qui en éprouvaient davantage le besoin. En Grèce, c est la crise de l Etat souverain qui a détérioré la qualité de crédit des actifs détenus par les banques entrainant un affaiblissement de celles-ci. En Irlande et en Espagne, ce sont les banques qui ont mis en difficulté les Etats. La dérive des déficits publics des Etats provient de la diminution des recettes fiscales résultant de l effet dépressif de la crise bancaire et l augmentation des dépenses publiques liée à la décision de mettre en place des plans de soutien aux banques et à l économie pour sortir le plus vite de la récession. La crise de la zone Euro a été aggravée par la crise bancaire espagnole qui a vu les dépôts et autres sources de financement des institutions financières fondre de 300 Mrds (presque l équivalent de 30% du PIB espagnol). Le phénomène de fuite des dépôts de certains pays périphériques s est accompagné d un mouvement de «renationalisation» des dettes souveraines provoqué par les établissements financiers et investisseurs institutionnels achetant de la dette de leur propre pays et vendant la dette des pays périphériques, renforçant la fragmentation des marchés financiers. Ce rapatriement des capitaux à l intérieur des frontières nationales a réduit les degrés d intégration des marchés d emprunts d Etat, interbancaires et des dépôts. Les banques qui se sont développées à l international pour accompagner le développement de leurs clients entreprises au-delà des frontières profitant notamment de l ouverture du marché commun, se sont retrouvées en forte difficulté obligeant la BCE à intervenir au travers de diverses mesures telles que les opérations de refinancement à moyen long terme dites «LTRO» à 3 ans. Les injections massives de liquidités sur le marché monétaire ainsi que les opérations monétaires sur titres, «OMT», de la BCE ont joué un rôle majeur dans la résolution de la crise de la zone Euro et ont permis de faciliter le financement du secteur bancaire, principal canal de financement de nos économies de la zone. Les marchés financiers restent, toutefois, fragmentés. Les canaux de transmission de la politique monétaire ne sont pas suffisants pour résoudre le problème de la fragmentation persistante du système bancaire et financier. Ce sont les banques des pays périphériques de la zone Euro qui ont le plus souffert. Ce phénomène a entrainé un écart important des conditions de crédit d une région à l autre de la zone Euro malgré un taux directeur unique fixé par la Banque Centrale. L écart est particulièrement marqué pour les crédits aux petites et moyennes entreprises qui sont en Italie et en Espagne, presque deux fois plus élevés qu en France ou en Allemagne. En marche vers L Union Bancaire L approfondissement de la crise bancaire conduit inévitablement à centraliser la supervision des banques et la résolution des faillites bancaires. La décision de bâtir l Union Bancaire est prise en 2012. Les objectifs de l Union Bancaire répondent aux problématiques décrites précédemment : - Casser le lien entre risques souverains et risques bancaire afin d éviter les spirales dangereuses et la contagion, au cœur de la crise, - Améliorer la transmission de la politique monétaire (les conditions de crédit sont différentes d une région à l autre de la zone Euro, et ce, malgré le taux d intérêt directeur unique fixé par la banque centrale), - Renforcer la sécurité et la convergence en évitant les risques de fragmentation, - Permettre la recapitalisation des banques en difficulté par le Mécanisme Européen de Stabilité. L Union Bancaire comprend quatre volets 1) Tout d abord l Union Bancaire repose sur un socle commun, un règlement uniforme renforçant les exigences de solvabilité et de liquidité de l ensemble des établissements bancaires. La transposition par l UE des règles de Bâle III se fait au travers des textes CRDIV-CRR, applicables à partir du 1 er janvier 2014 avec une mise en œuvre progressive des nouvelles exigences jusqu à 2019. 2) A partir du 4 novembre 2014; la BCE va devenir le contrôleur prudentiel direct des plus grands établissements bancaires de la zone (128 grands groupes bancaires européens dont 13 français représentant 90%

du marché bancaire français). 3) La directive visant à établir dans chaque pays un système de redressement et de résolution des défaillances bancaires a été définitivement adoptée par le Parlement Européen le 15 avril 2014. Ce cadre paneuropéen doit être mis en oeuvre en dernier ressort, lorsque les autres capacités d absorption des pertes (notamment par les fonds propres) des banques sont épuisées afin de préserver la stabilité financière et réduire au minimum l exposition des contribuables aux pertes en cas d insolvabilité. Ce cadre est complété d un Mécanisme de Résolution Unique (MRU) et d un Fonds de Résolution Unique, distinct du fonds de garantie des dépôts également adoptés le 15 avril 2014. Cette directive introduira à partir du 1 er janvier 2016, un système de renflouement interne (bail-in) en cas de défaillance bancaire, consistant à faire supporter les pertes en premier lieu aux actionnaires, et, si cela est nécessaire, aux créanciers selon leur rang de priorité prédéfini en transformant leurs dettes en capital afin de reconstituer les fonds propres de l établissement. Le fonds de résolution unique européen sera constitué progressivement sur une période transitoire de 8 ans (2016-2024) pour atteindre 1% des dépôts garantis des établissements bancaires ( 55Mrds). Le Mécanisme de Résolution Unique s appliquera aux Etats membres de la zone Euro (périmètre du mécanisme de supervision) ainsi qu à ceux qui ont conclu des accords de coopération étroite pour y adhérer. Il remplacera les dispositifs nationaux existants. Pendant la phase transitoire, des sources nationales alimentées par des prélèvements sur les banques ou le Mécanisme Européen de Stabilité (MES) pourront être utilisées (le MES crée par un traité européen signé le 11 juillet 2011, restera consacré aux Etats de la zone Euro en difficultés financières qui ne peuvent emprunter sur les marchés de capitaux). 4) Le troisième texte adopté par le Parlement Européen le 15 avril 2014 a amendé la directive sur la garantie des dépôts, qui prévoyait que les dépôts des épargnants sont protégés en cas de faillite bancaire jusqu à 100,000 maximum. Ce dernier texte renforce encore la protection des déposants, en leur assurant de pouvoir récupérer leur épargne dans un délai raccourci de sept jours ouvrés. L union bancaire doit être complétée L union bancaire doit permettre à l avenir de réduire les risques d arrêt brutal du financement transfrontalier. Toutefois, l union bancaire ne peut pas répondre, seule, à l instabilité sur le marché de la dette souveraine. Les écarts de conjoncture entre Etats membres sont parfois trop importants. Une politique budgétaire à l intérieur de la zone Euro peut améliorer significativement le fonctionnement économique et institutionnel de la zone et contribuer à améliorer son potentiel de croissance. Vers une nouvelle politique budgétaire appropriée Le budget européen (pour l ensemble de l union) est de taille très modeste (à peine 1% du PIB) et coexiste avec les budgets nationaux (les dépenses publiques nationales sont 50 fois supérieures au budget de l Union). Ce budget n est pas complété par la création d un budget de la zone Euro. La zone Euro est encore plus caractérisée depuis l origine, par la coexistence d une politique monétaire unique, et du maintien des responsabilités budgétaires essentiellement au niveau national. Ce choix correspond à la volonté de concilier les avantages économiques d une monnaie unique et de préserver la souveraineté des Etats. Mais la crise a montré que les politiques budgétaires nationales, même coordonnées, ne permettent pas d assurer une stabilisation macroéconomique et financière optimale en zone Euro. L Euro est en effet une monnaie «déterritorialisée» qui est utilisée sur chaque territoire comme le serait une monnaie étrangère en changes fixes, mais dans le cadre d un système de paiements unique. En théorie économique, une monnaie est le medium dans lequel la dette sociale est honorée, et dans lequel les impôts sont prélevés. La monnaie est souveraine par délégation; elle a pouvoir libératoire sur toute dette dans l espace de souveraineté de l Etat. Hors, la crise a montré que les politiques budgétaires nationales ne peuvent pas faire face aux chocs asymétriques car les cycles économiques ne sont pas synchronisés dans la zone Euro. Les écarts de conjoncture entre Etats membres sont fréquents et parfois importants. Un budget central est nécessaire pour assurer une capacité de stabilisation en zone Euro. Un budget européen plus significatif peut alléger les dettes nationales et la pression sur les états et faire supporter de grands projets intra-européens par des ressources propres collectées au niveau européen. Les dépenses à mettre en commun sont les dépenses difficilement supportables pour un seul pays, telles que les dépenses d infrastructures, en particulier des réseaux intra-européens (énergie, transports, télécommunications), ainsi que les dépenses d investissement «d avenir» dans l éducation et la Recherche & Développement qui peuvent bénéficier de mutualisation des efforts financiers des Etats membres. Ces dépenses sont parfois les premières sacrifiées en cas de difficulté d un Etat. Elles pourraient aussi être mieux coordonnées, lorsque mises en commun à l échelle de la zone Euro. Pour ne pas alourdir le budget de chaque état, et préserver la capacité de financement dans les phases basses de cycle, le budget de la zone Euro doit avoir ses ressources propres.

L impôt sur les sociétés Dans un objectif de recherche d effet stabilisateur dans la zone Euro, les recettes peuvent venir de l impôt sur les sociétés, très sensibles à la conjoncture, indexées aux profits des entreprises. Au travers d un pourcentage limité, versé au niveau central, cet impôt permet aux pays affichant la meilleur conjoncture de contribuer le plus, réduisant les déséquilibres entre les différents pays de la zone. Une recette provenant d une partie de l IS permet de réduire la concurrence fiscale entre Etats membres. Une part de la TVA pourrait être reversée dans la zone Euro en fonction du type de dépenses à financer. Par ailleurs, la mise en œuvre de nouvelles taxes au niveau européen favorise la réduction des éventuelles distorsions fiscales au sein de la zone. Emissions de dettes communes Un programme d émission de dettes communes en Euro bénéficiant d une garantie conjointe et solidaire des Etats membres mettrait un point final à la fragmentation de la zone Euro. Certaines recettes budgétaires pourraient être affectées au remboursement de ces Eurobonds (une partie des recettes de l IS ou de TVA par exemple). Le débat a été lancé en 2010 et plusieurs propositions d Eurobonds ont vu le jour (dettes bleues rouges, émissions d Eurobonds à hauteur de 60% du PIB). Ces programmes restent dans une perspective de long terme difficilement applicables avant d autres avancées en matière budgétaire. Toutefois, une étape plus réaliste serait de commencer par la mise en place d une structure de taux à court terme au travers d un fonds court terme (Eurobill Fund) permettant l émission de titres à 2 ans bénéficiant d une garantie au pro-rata des Etats qui participent. Les Etats pourraient remplacer leur dette court terme par des emprunts auprès de ce fonds dont les émissions deviendraient une référence sur le marché à court terme en étant les seuls titres souverains émis dans la zone Euro. Une assurance chômage commune La prise en charge au niveau central d une partie de dépenses liées au chômage concourrait à l objectif de stabilisation du budget. Un socle commun au sein de la zone Euro sur lequel se rajouteraient les dispositifs nationaux spécifiques pourrait concerner les travailleurs ayant adopté un contrat de travail européen. En rendant portable, d un pays à l autre, une partie, même limitée des droits sociaux, favoriserait la mobilité du travail au sein de la zone Euro. L effet stabilisateur d un budget de la zone Euro est démontré Selon les calculs de la direction du Trésor, 2% du PIB pourrait prendre à sa charge 20% de la stabilisation opérée par les budgets nationaux si l on choisissait les recettes les plus cycliques et les dépenses les plus contra-cycliques. Un projet d union budgétaire s inscrit dans une démarche politique de moyen terme avec une gouvernance rénovée et une légitimité démocratique par un contrôle parlementaire sur le budget (contenu et exécution). Un comité budgétaire européen pourrait être mis en place pour coordonner les comités nationaux, en s inspirant du schéma de gouvernance de l union bancaire. Conclusion La fin de l année 2013 et le début de 2014 affichent une activité en hausse pour la première fois depuis la fin de 2011 en zone Euro permettant des prévisions de croissance du PIB pour l année 2014 comprises entre 1,2% et 1,4%. Mais La demande intérieure reste fragile quoiqu en progression et la zone peut souffrir d un ralentissement de l activité mondiale. Dans ce contexte, à un moment où la priorité des gouvernements est de renouer avec la croissance et l emploi, il ne faudrait pas que les efforts accomplis depuis deux ans qui commencent à porter leurs fruits soient interrompus par une volonté de remettre en cause les fondements de la zone Euro de favoriser une coopération plus étroite entre les Etats membres pour garantir une stabilité économique et monétaire, nécessaire à la prospérité et la croissance. Références - ECB Monthly Bulletin, «10th Anniversary of the ECB», 2009 - D Schoenmaker, «The Financial Trilemma», Economics Letters, 2011; - ECB Monthly Bulletin, «Intra-Euro area trade linkages and external adjustment», January 2013; - M Aglietta, T Brand, «UnNewDealpourl Europe», Odile Jacob, Mars 2013; - P Artus, A Benassy-Quéré, L Boone, J Gailloux, J Delpa, E Farhi, P-O Gounichas, J Tirole, G Wolff, Les Notes du Conseil d Analyse Economique N 3, «Compléter l Euro», Avril 2013; - N Caudal, N Georges, V Grossmann-Wirth, J Guillaume, T Lellouch, A Sode, Lettre Tréso-Eco N 120 Octobre 2013, «UnbudgetpourlazoneEuro». - Expert Group on Debt Redemption Fund and Eurobills, «Final Report», March 2014