LES OBJECTIFS ENVIRONNEMENTAUX DANS LES PDU : QUELLE ARTICULATION AVEC LES DOSUMENTS-CADRES? Les transports constituent l un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre en France. Ils sont également une source importante de consommation énergétique et génèrent l émission de particules polluantes, notamment des oxydes d azote et des particules fines. Il s agit donc d un secteur stratégique pour l atteinte des objectifs nationaux énergétiques et climatiques et de qualité de l air. Par rapport à ces objectifs nationaux, les Plans de Déplacements Urbains (PDU) doivent aujourd hui être compatibles avec les objectifs ou orientations d un certain nombre de documents-cadres : les objectifs climatiques et de qualité de l air des Schémas Régionaux Climat Air Énergie (SRCAE) et prochainement des Schémas Régionaux d Aménagement, de Développement et d Égalité des Territoires (SRADDET), les orientations des Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT), les objectifs climatiques des Plans Climat Énergie Territorial (PCET), les objectifs de qualité de l air des Plans de Protection de l'atmosphère (PPA). L'objectif de cet article est de présenter une analyse 1 des PDU réalisés depuis 2013. Quelle articulation les PDU prévoient-ils entre leurs objectifs environnementaux et ceux des autres documents-cadres? Comment sont obtenus les objectifs transports chiffrés dans le PDU : à l'aide d'un outil de modélisation transport? Comment sont-ils traduits en objectifs environnementaux (gaz à effet de serre (GES), polluants) : à l'aide d'outils de modélisation d émissions de GES et de polluants? Au final, quelle place occupent les objectifs environnementaux dans les PDU? Nous avons analysé le contenu de 20 PDU français récents et nous avons interrogé les deux Autorités Organisatrices de la Mobilité en charge de la réalisation des PDU de Annemasse et de Lille. Les principaux résultats sont les suivants. 1- Six PDU reprennent des objectifs transport et/ou climatiques du SRCAE Concernant l'articulation entre les PDU et les SRCAE de leur région, six PDU récents reprennent des objectifs Transport (bien souvent l'objectif de report modal) et/ou les objectifs climatiques du SRCAE local. Ainsi, le PDU de Tours, élaboré en 2013, reprend dans son horizon 2023 : les objectifs Transports du SRCAE de la région Centre ; ils consistent en un objectif de report modal vers les modes alternatifs à la voiture particulière ; les objectifs du SRCAE : baisser de 20 % à 2020 les émissions de gaz à effet de serre (GES). Le PDU de Marseille, élaboré en 2013, vise également à l horizon 2023 : 1 «Les objectifs environnementaux dans les Plans de Déplacements Urbains : quelle articulation avec les documents-cadres?», mémoire de stage réalisé en avril-août 2015 par Marie Bonnot, à la Direction Territoriale Centre-Est du Cerema. Les Rencontres de la Mobilité Intelligente 2016 1/5
les objectifs de report modal inscrits dans le SRCAE de la région Provence-Alpes- Côte-d Azur, les objectifs du SRCAE de baisse des émissions de GES (-20 à -22% à 2023). Le PDU d Artois-Gohelle, élaboré en 2014, vise pour 2024 le même objectif de report modal vers les transports en commun (TC) que le SRCAE de sa région : le doublement de la fréquentation des TC par rapport à 2006. Le PDU de Thionville, élaboré en 2013, reprend l objectif du SRCAE de la Région Lorraine d atteindre 15 % de covoiturage parmi les déplacements réalisés en voiture particulière. Le PDU d Ile-de-France, qui date de 2014, vise : les mêmes objectifs que le SRCAE d augmentation de la part modale des TC (+20%) et des modes doux (+10%) par rapport à 2010, les objectifs du SRCAE de réduire de 20 % les émissions de GES en 2020. Enfin, le PDU de Caen va au-delà des objectifs du SRCAE à 2030 puisqu il vise une baisse des émissions de GES de 31 % contre 26 % affichés dans le SRCAE. On observe donc des premières articulations de PDU récents avec les SRCAE locaux, portant sur des objectifs Transports et Climat. 2- Cinq PDU reprennent les objectifs de qualité de l air du PPA local En matière d'articulation entre les PDU et les PPA, cinq PDU récents reprennent les objectifs de qualité de l'air du PPA local. Ainsi, les PDU de Strasbourg et de Tours reprennent exactement les objectifs chiffrés de leur PPA local, en matière de réduction des taux d oxydes d azote et des particules en suspension : à l horizon 2015 (-23 % de NOx et -43 % de PM10) et 2025 (-100 % de NOx et -83 % de PM10) pour Strasbourg, à l horizon 2023 (-40 % de NOx et -30 % de PM) pour Tours. Pour le seul secteur des transports, les PDU d'aix-en-provence et de Marseille se fixent pour 2023 des objectifs d amélioration de la qualité de l'air (réduction des NOx et Particules Fines (PM)) qui sont supérieurs à ceux de leurs PPA locaux respectifs. De même pour le PDU de la Côte Basque, dont le PPA local a été approuvé en 2013, soit deux plus tôt que le PDU. Des objectifs communs en matière de qualité de l air existent donc entre des PDU récents et les PPA locaux. Les Rencontres de la Mobilité Intelligente 2016 2/5
3- Sept PDU reprennent des objectifs du PCET local Concernant le lien entre les PDU et les PCET, 7 des PDU récents analysés reprennent soit les objectifs Transport, soit les objectifs de réduction des émissions de GES du PCET local. Ainsi, le PDU de la Côte Basque affiche le même objectif de réduction de 12 % des émissions de GES à 2020 que le PCET local. Le PDU de Besançon fait quant à lui référence aux objectifs transport du PCET local : atteindre une part modale de la voiture individuelle de 50 % à l horizon 2025 par un report sur les modes alternatifs, notamment les transports publics. Il ne fixe pas d objectifs chiffrés environnementaux, rendu difficile par la hausse attendue du nombre de déplacements sur le territoire. Le PDU et le PCET de Marseille se fixent les mêmes objectifs de parts modales à l horizon 2020 : 57 % en modes alternatifs à la voiture individuelle et aux deux-roues motorisées. Concernant les objectifs de baisse des émissions de GES, le PDU va au-delà du PCET pour le seul secteur des transports à l horizon 2020. Le PDU de Brest reprend les objectifs transport du PCET local à 2020 : doublement de la fréquentation des TC, pour atteindre une part modale de 20 %. Mais, concernant les objectifs GES, le PDU précise : «cette perspective d amélioration reste insuffisante pour atteindre les objectifs [climatiques] du PCET en 2025, et plus encore dans une optique de division par quatre des émissions de GES pour 2050». Trois autres PDU se fixent des objectifs climatiques en plus de leurs objectifs transport : les objectifs Transport et Climat du PDU d Aix-en-Provence ne sont pas systématiquement similaires mais restent relativement proches ; les objectifs climat pour 2020 du PDU de Lorient (-25 %) vont au-delà de ceux du PCET (-20%) ; le PDU de Mulhouse reprend les objectifs climat du PCET de réduire de 20 % les émissions de GES à 2020. On observe donc des premières articulations de PDU récents avec les PCET locaux, portant sur des objectifs Transports et Climat. 4- Des outils pour traduire des objectifs transports en objectifs climatiques Par ailleurs, les entretiens téléphoniques menés en juin 2015 auprès des deux Autorités Organisatrices de la Mobilité en charge de la réalisation des PDU de Annemasse et Lille nous ont permis d'identifier différents types d'outils utilisés pour : traduire les leviers Transports mobilisables à l'horizon +10 ans du PDU en objectifs Transports quantifiés. Pour illustrer nos propos, citons : Les Rencontres de la Mobilité Intelligente 2016 3/5
comme exemples de levier Transports : réalisation d'une ligne de tramway, de nouvelles pistes cyclables, comme exemple d objectifs Transports quantifié : pourcentage de report modal visé, traduire les objectifs Transports quantifiés en objectifs d amélioration de la qualité de l'air et/ou de réduction des émissions de GES. Ces outils sont en particulier : le Diagnostic Environnemental de la Mobilité local, le modèle de déplacements urbain local, le modèle d'émission de polluants de l'association de Surveillance de la Qualité de l'air locale, etc. Ainsi, l Autorité Organisatrice de la Mobilité d Annemasse a eu recours au modèle multimodal des déplacements transfrontalier existant pour : tester différents scénarios pour le PDU approuvé en 2014 : scénarios d offres (avec et sans tramway) et scénarios de demande (hausses de population et d emplois), estimer les parts modales, les charges de trafic et de clientèles TC des différents scénarios testés. Puis elle a travaillé avec Air Rhône-Alpes et a eu recours au logiciel IMPACTS de l Ademe pour réaliser une estimation environnementale du PDU à partir des résultats du modèle multimodal de déplacements. Citons également l Autorité Organisatrice de la Mobilité de Lille qui, pour élaborer son PDU en 2010, a également eu recours à un modèle de déplacements, et qui a par ailleurs mobilisé l outil Diagnostic Energie Emissions Mobilité (DEEM) 2 pour réaliser le diagnostic des émissions de GES sur son territoire. 6- Conclusion : des premières articulations observées entre PDU et documents-cadres L analyse proposée ici met en évidence des premières articulations locales entre les PDU les plus récents et d autres documents-cadres : SRCAE, PPA et PCET, en matière d objectifs environnementaux. Les entretiens réalisés nous ont également permis d identifier des freins à la bonne articulation entre le PDU et les autres documents-cadres. Ainsi : les échelles géographiques et temporelles sont bien souvent différentes. C est notoirement le cas entre le PDU et le SRCAE pour ce qui concerne les échelles géographiques. Le frein est moins fort concernant la différence d échelles temporelles car on peut s assurer que les objectifs de l un (le PDU par exemple) s inscrivent sur le chemin temporel des objectifs de l autre (le SRCAE par exemple) ; 2 http://www.territoires-ville.cerema.fr/deem-diagnostic-energie-emissions-des-mobilites-a903.html Les Rencontres de la Mobilité Intelligente 2016 4/5
les échelles de gouvernance sont également différentes, les objectifs multiples attendus du PDU peuvent s avérer contradictoires : en effet, outre les aspects environnementaux, d autres aspects s imposent aux PDU tels que l amélioration de la qualité de vie et du bien-être des habitants, l accessibilité, la tarification sociale, etc. En perspective, la simplification des documents-cadres, inscrite dans la loi sur la Transition Énergétique, va-t-elle contribuer à lever ces freins mis en évidence? Cette loi va-t-elle changer les exigences de compatibilité entre les documents-cadres? AUTEURS de l article : Virginie LASSERRE et Marie BONNOT Brève bibliographie du/des présentateur(s) Virginie LASSERRE, chef d unité «Évaluation des politiques et des systèmes de déplacements» au Cerema, Direction Territoriale Centre-Est 25, avenue François Mitterrand, case n 1 69674 Bron Cedex. Tel : 04-72-14-31-82. Formation : Doctorat en électronique instrumentation Expériences professionnelles : - au CEREMA (depuis janvier 2015) : chef d unité «Évaluation des politiques et des systèmes de déplacements» - au CERTU (2010-2014) : chargée de projets en prospective des déplacements Exemples de productions éditoriales : «Les seniors : un enjeu pour les politiques de déplacements» (janvier 2013), «Transport, énergie, climat : comment mobiliser la prospective territoriale?» (janvier 2015) Dernières communications au congrès ATEC-ITS France : «Des scénarios futurs pour les politiques de transport» (2015), «Penser l avenir du secteur des transports face aux enjeux énergétiques et climatiques : les apports de la prospective territoriale pour élaborer des politiques locales» (2014), «Villes numériques : une fin en soi?» (2013) - au CETE de Lyon (2002-2010) : chargée d études en modélisation des déplacements urbains Exemple d étude réalisée : «Étude de déplacements de la desserte du projet de grand stade de football de l OL» (2007-08) - au CETMEF (1999-2002) : chargée de projets au Département Surveillance de la Navigation Maritime et Sauvetage Les Rencontres de la Mobilité Intelligente 2016 5/5