Les individus sont de plus en plus impliqués dans. L éducation financière influence t elle les décisions des individus?



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Transcription:

L éducation financière influence t elle les décisions des individus? Luc ARRONDEL CNRS PSE et Majdi DEBBICH et Paris School of Economics (PSE) Frédérique SAVIGNAC Cette lettre présente le résultat de travaux de recherche menés à la. Les idées exposées dans ce document reflètent l opinion personnelle de leurs auteurs et n'expriment pas nécessairement la position de la. Les éventuelles erreurs ou omissions sont de la responsabilité des auteurs. L éducation financière est une composante spécifique du capital humain des individus qui peut influencer leurs décisions financières. Ce Rue de la Banque présente les derniers résultats de travaux réalisés à la sur le lien entre éducation financière et comportements financiers en France. L éducation financière est évaluée à l aide d une enquête originale. Les résultats montrent de fortes disparités du niveau d éducation financière au sein de la population. L éducation financière est corrélée avec le diplôme mais elle varie aussi en fonction du sexe, de l âge et des opinions politiques des individus. Ce dernier lien est susceptible de traduire l opinion des individus quant aux rôles respectifs de l État providence et de la responsabilité individuelle. Enfin, le niveau d éducation financière influence les comportements financiers des ménages : on met ainsi en évidence un lien positif entre d une part l éducation financière et d autre part la capacité à planifier pour le long terme et la détention d actions. Les individus sont de plus en plus impliqués dans des prises de décisions financières complexes et de long terme. Par exemple, le vieillissement structurel de la population et les réformes des retraites ou de l assurance santé, régulièrement au centre des débats, incitent davantage à la responsabilité individuelle pour le financement des vieux jours. De plus, la complexité des produits financiers et l évolution de l environnement économique rendent difficiles les décisions financières pour les individus. Sur le plan académique, de nombreux travaux se sont développés afin d évaluer les niveaux d éducation financière des populations et leur impact sur leurs comportements financiers tels que l épargne, les choix de portefeuille ou la préparation de la retraite (voir Lusardi et Mitchell, 214 pour une revue de la littérature). Cette lettre résume les principaux résultats obtenus sur données françaises 1. Nous utilisons une enquête originale pour évaluer la disparité des niveaux d éducation financière dans la population puis pour étudier les liens entre l éducation financière et i) la planification financière, ii) la détention d actions. Identifier les déterminants de ces décisions, en particulier le rôle de l éducation financière, est un enjeu essentiel pour la mise en œuvre de politiques publiques en matière d orientation de l épargne vers le long terme. Comment mesurer l éducation financière? L éducation financière est généralement définie comme une composante spécifique du capital humain qui permet aux individus de maîtriser des notions financières relativement simples. Ce concept couvre ainsi des dimensions variées : capacités cognitives, culture financière, capacité à acquérir et traiter de l information. 1 Voir Arrondel et al. (213) et Arrondel et al. (214). 1 www.banque-france.fr

Notre analyse empirique se base sur les données de PATER (PAtrimoines et préférences face au TEmps et au Risque), une enquête originale qui vise essentiellement à mesurer les préférences individuelles en matière d épargne (voir Arrondel et Masson, 214). La vague 211 de l enquête porte sur un échantillon représentatif de la population adulte française et inclut plusieurs questions pour évaluer la compréhension de concepts financiers de base (taux d intérêt, inflation et risque). L éducation financière est évaluée principalement à partir de trois questions usuellement retenues dans la littérature et selon la méthodologie préconisée par Lusardi et Mitchell (214). Les questions posées sont les suivantes (réponses correctes en bleu) : Q1) Prenons l hypothèse que vous ayez déposé 1 sur un compte épargne ayant un rendement de 2 % par an. Selon vous, au bout de cinq ans, combien détiendrez vous sur votre compte épargne, si vous n avez pas touché à votre dépôt initial? La question posée permet à l individu d indiquer qu il ne sait pas répondre (modalité «Je ne sais pas»). Il peut aussi refuser de répondre (modalité «Ne répond pas»). Les résultats détaillés sont donnés dans le tableau 1. 48 % des personnes interrogées répondent correctement à la question sur les intérêts composés. Concernant le concept d inflation, 61 % des personnes interrogées comprennent l impact de l inflation sur leur pouvoir d achat. Suivant l adage populaire qui veut qu on ne mette pas tous «ses œufs dans le même panier», les personnes interrogées semblent avoir moins de difficultés à répondre à la troisième question sur la diversification des risques (67 % de réponses correctes). Plus intéressant, seuls 31 % des individus sont capables de répondre correctement à l ensemble des trois questions. Ce résultat est cohérent avec ceux obtenus dans d autres pays, en particulier les États Unis (voir Lusardi et Mitchell, 214). Moins de 1 Exactement 1 Plus de 1 Q2) Imaginez que le taux d intérêt auquel est rémunérée votre épargne, placée sur un compte, soit de 1 % et l inflation de 2 % par an. Selon vous, au bout d un an, avec l argent sur ce compte, vous serez en mesure d acheter? Plus qu aujourd hui Autant qu aujourd hui Moins qu aujourd hui Q3) Voici 4 produits financiers. Classez les de 1 à 4 du moins risqué au plus risqué selon vous. Livret d épargne Actions Obligations SICAV/Fonds commun de placement (FCP) Pour la question Q3 relative à la diversification des risques, nous considérons que la réponse est correcte lorsque les «actions» sont classées comment étant plus risquées qu une «SICAV» ou un «FCP» et incorrecte sinon. T1 Statistiques descriptives des questions d éducation financière (% pondérés) Ensemble Âge 2 6 Taux d intérêt Plus de 1 47,98,33 Exactement 1 27,64 27,87 Moins de 1 7,16 7,12 Je ne sais pas/nrp 17,22 14,68 Inflation Plus 2,68 2,66 Autant 8,77 9,38 Moins 61,18 61,69 Je ne sais pas/nrp 27,38 26,27 Risque Correcte 66,8 72,13 Incorrecte 18,3 18,14 Je ne sais pas/nrp 14,61 9,73 Total Toutes correctes 3,92 33,76 Aucune correcte 1,1 12,36 Au moins 1 «Je ne sais pas/nrp» 33,39 29,4 Toutes «Je ne sais pas» 2,7 1,9 Nombre d observations 3 616 2 49 Source : PATER 211. 2

Comment l éducation financière varie t elle dans la population? Ces résultats agrégés masquent de fortes disparités au sein de la population en fonction de l âge, du niveau d éducation, du genre et de la situation sur le marché de l emploi. Ils montrent que certains groupes sociodémographiques ont des niveaux d éducation financière particulièrement faibles (cf. graphiques 1). La plupart de ces différences demeurent significatives même en tenant compte simultanément d autres caractéristiques sociodémographiques. Comme attendu, le niveau d étude est positivement corrélé à l éducation financière. Cependant, il ne suffit pas à expliquer à lui seul les différences de niveau d éducation financière. On observe également que les individus les plus jeunes et les plus âgés répondent moins souvent correctement que les individus d âge moyen, ce qui reflète un profil concave de l éducation financière au cours du cycle de vie. Des différences significatives dans la propension à répondre correctement aux questions s observent aussi en fonction du sexe. D une part, les hommes ont tendance à répondre plus souvent correctement à chaque question. D autre part, les femmes répondent en moyenne plus souvent qu elles ne connaissent pas la réponse à une question. Ce phénomène, déjà observé dans la littérature, reflète un excès de confiance des hommes dans certains comportements, contrairement aux femmes qui éviteraient de répondre lorsqu elles hésitent (Barber et Odean, 21). Pour résumer, les hommes d âge moyen qui travaillent et ont atteint un niveau d étude supérieur sont caractérisés par les niveaux d éducation financière les plus élevés. En plus de ces facteurs sociodémographiques, des facteurs idéologiques et culturels comme les opinions politiques pourraient expliquer les différences dans la propension à répondre correctement aux questions. On observe des différences significatives de niveau d éducation financière en fonction des opinions politiques, et ce même en tenant compte de l effet des variables sociodémographiques discutées plus haut. En d autres termes, ces différences d éducation financière entre groupes d opinions politiques ne sont pas le reflet de la composition sociodémographique (âge, revenu, éducation, etc.) des électeurs. Les individus qui déclarent ne pas avoir d opinion politique ont tendance à répondre moins souvent correctement aux questions d éducation financière tandis que les électeurs des partis centristes répondent plus souvent correctement. En France, les électeurs centristes sont vraisemblablement caractérisés par une vision plutôt «libérale» de l économie. La performance de ces électeurs en éducation financière pourrait donc être liée à leur opinion quant aux rôles respectifs de l État providence et de la responsabilité individuelle dans la G1 Éducation financière par groupe de population (part en % de la population répondant correctement aux trois questions d éducation financière en France) Par niveau d éducation atteint 7 6 4 3 2 Primaire (Isced1) Collège (Isced2) Par catégorie d âge 4 3 3 2 2 1 Par sexe 4 3 3 2 2 1 Lycée (Isced3) 1 er cycle (Isced) 2 e cycle (Isced) 3 e cycle (Isced6) Moins de 3 ans 36- ans 1-6 ans Plus de 6 ans Hommes Source : PATER, 211. Femmes 3

gestion patrimoniale des ménages. En revanche, aucune différence significative n est observée entre électeurs de gauche et de droite. Ce résultat peut sans doute s expliquer par la composition de l électorat de droite qui rassemble des électeurs aussi bien «libéraux» que «conservateurs» (Rémond, 1968). L éducation financière est elle liée à la capacité à planifier financièrement? Americks et al. (23) montrent que la capacité à planifier joue un rôle significatif pour expliquer les différences de comportements d accumulation du patrimoine. Pour cette raison, l identification des déterminants de la propension à planifier, en particulier l effet de l éducation financière, est cruciale du point de vue des politiques publiques. Plus précisément, nous cherchons ici à vérifier s il existe une relation positive entre niveau d éducation financière et capacité à planifier financièrement sa retraite chez les Français, comme c est le cas aux États Unis (Lusardi et Mitchell, 211). L enquête PATER contient une question qui vise à évaluer la capacité à planifier des ménages sur le modèle de celle proposée par Americks et al. (23). Les ménages ont ainsi été interrogés sur le fait de préparer un plan financier sur le long terme : Q4) Avez vous déjà fait un bilan précis de la situation patrimoniale de votre ménage (avoirs, placements financiers) afin de préparer vos projets d'avenir? Pour l analyse empirique, seuls sont pris en compte les non retraités âgés de 2 à 6 ans. Parmi ce sous échantillon, près de 2 % se considèrent comme des «planificateurs» ; c est à dire qu ils ont répondu positivement à la question posée ci dessus. Nous utilisons cette information pour estimer les déterminants de la propension à planifier. L éducation financière apparaît positivement et significativement corrélée à la propension à planifier 2 : les individus qui ont un niveau d éducation financière élevé sont plus enclins à établir un plan financier spécifique pour le long terme. Néanmoins, une causalité inverse peut apparaître si «les planificateurs» décident d accroître volontairement leur éducation financière. Des tests statistiques complémentaires permettent de conclure que cette causalité inverse n affecte pas nos résultats. Ceci pourrait s expliquer par la nature même de notre mesure d éducation financière. Celle ci évalue en effet des connaissances financières de base qui sont davantage liées aux capacités cognitives qu à la culture financière et à l expérience des individus. En d autres termes, encourager des politiques qui promeuvent la diffusion de l éducation financière (de préférence, tôt dans le cycle de vie) pourrait être efficace pour inciter les individus à s orienter davantage vers le long terme et à planifier leur avenir financier. Et à la détention d actions? Une énigme empirique bien connue dans la littérature concerne la faible proportion de ménages détenant des actions. Ce phénomène est connu sous le nom d énigme de la détention d actions ou stockholding puzzle (Haliassos et Bertaut, 199). On observe que la plupart des ménages, en particulier en France, ne détiennent pas d actions, même en très faible proportion dans leur patrimoine financier, alors que la théorie standard du choix de portefeuille prédit une parfaite diversification des portefeuilles. Le faible niveau d éducation financière des ménages est un des facteurs susceptible d expliquer ces comportements (voir van Rooij et al., 211 sur données néerlandaises). Cette question est analysée dans le cas de la France 3 en étudiant simultanément la décision de détenir des actions et sa demande conditionnelle (part du portefeuille financier investie en actions). Nos résultats montrent d une part que l éducation financière joue bien un rôle dans la décision de détenir (ou non) des actions : les individus les plus éduqués financièrement sont aussi les plus enclins à détenir des actions dans leurs portefeuilles (et ce même en tenant compte de l aversion pour le risque des individus et de leurs anticipations subjectives sur les rendements futurs). En revanche, on observe que l éducation financière n affecte pas la part du portefeuille investie en actions : les rendements espérés et l aversion au risque apparaissent alors, comme attendu par la théorie, comme les principaux déterminants de la part investie en actions. En conclusion, ces résultats indiquent que l éducation financière peut atténuer les coûts d entrée sur le marché des actions, mais qu elle n a pas d impact significatif sur les montants détenus. 2 Parmi les autres déterminants significatifs, on trouve l éducation et le revenu. 3 Voir Arrondel et al. (214). 4

Bibliographie Arrondel L. et Masson A. (214) «Mesurer les préférences des épargnants», Économie et Statistique, n 467 468, p. 49. Arrondel L., Debbich M. et Savignac F. (213) «Éducation financière et planification financière en France»,, document de travail, n 46, décembre. Télécharger le document Arrondel L., Debbich M. et Savignac F. (213) «Financial literacy and financial planning in France», Numeracy, 6(2), Article 8. Arrondel L., Debbich M. et Savignac F. (214) «Financial literacy, information and stockholding», mimeo. Americks J., Caplin A. et Leahy J. (23) «Wealth accumulation and the propensity to plan», Quarterly Journal of Economics, 118(3), p. 7 48. Barber B. M. et Odean T. (21) «Boys will be boys: gender, overconfidence, and common stock investment», Quarterly Journal of Economics, 116(1), p. 261 292. Haliassos M. et Bertaut C. C. (199) «Why do so few hold stocks?», The Economic Journal, (432), p. 11 1129. Lusardi A. et Mitchell O. S. (211) «Financial literacy and retirement planning in the United States», Journal of Pension Economics and Finance, (4), p. 9 2. Lusardi A. et Mitchell O. S. (214) «The Economic Importance of financial literacy: theory and evidence», Journal of Economic Literature, 2(1), p. 44. Rémond R. (1968) «La droite en France de la première Restauration à la V e République», Aubier Montaigne. Van Rooij M., Lusardi A. et Alessie R. (211) «Financial literacy and stock market participation», Journal of Financial Economics, 1, p. 449 472. Éditeur Directeur de la publication Marc-Olivier STRAUSS-KAHN Directeur de la rédaction Françoise DRUMETZ Réalisation Direction de la Communication Décembre 214 www.banque-france.fr