La régulation de la main-d œuvre et des conditions de travail dans l industrie de la construction au Québec : un résumé des principaux mécanismes



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La régulation de la main-d œuvre et des conditions de travail dans l industrie de la construction au Québec : un résumé des principaux mécanismes Document préparé à l intention du Chantier sur la saisonnalité par Jean Charest, Ph. D., École de relations industrielles, Université de Montréal Septembre 2011 1- Présentation Nous présentons dans ce document les principaux mécanismes qui régissent la main-d œuvre et les conditions de travail qui s appliquent aux salariés de l industrie de la construction au Québec. Nous aborderons les aspects suivants : la saisonnalité de l emploi, les règles établissant les taux de salaires, les différents avantages sociaux tels que congés fériés, congés de maladie, vacances annuelles, retraite ainsi que le régime de perfectionnement de la main-d oeuvre. Avant d entamer l exposé de ces mécanismes, il est pertinent de présenter la Commission de la Construction du Québec (CCQ) car les règles qui régissent les conditions de travail dans cette industrie sont différentes à bien des égards de celles des autres travailleurs québécois. 1 Seulement pour situer l importance de cette industrie, rappelons qu on y compte quelque 153 000 salariés qui ont travaillé 144 millions d heures en 2010 (moyenne annuelle de 940 heures ou équivalent de sept mois de travail), totalisant une masse salariale de $5 milliards; près de 25 000 employeurs dont 82% ont cinq salariés ou moins (mais ne représentent que 21% de la masse salariale versée); le tout se répartissant sur l ensemble du territoire du Québec et dans quatre grands secteurs d activité : le résidentiel, l institutionnel/commercial, l industriel, les travaux de génie civil et la voirie. On comprendra encore mieux l importance de cette industrie en indiquant qu elle a généré des investissements de $46 milliards en 2010, soit 14% du PIB québécois et créant 230 000 emplois directs par mois, soit un emploi sur vingt au Québec (www.ccq.org). 2- Un régime particulier : la loi R-20 et la CCQ On entend souvent dire que l industrie de la construction est un cas particulier, ce qui rejoint en partie la réalité notamment quant à certaines modalités de sa régulation. Il importe de présenter à cet effet d une part la loi qui la gouverne et d autre part l institution qui en assure l application, soit la loi R-20 et la Commission de la construction du Québec. Issue à l origine du régime des décrets de convention collective adopté au Québec en 1934 qui permettait l établissement de certaines conditions de travail pour les syndiqués et les nonsyndiqués d une industrie et cela dans des régions données, la régulation de l industrie de la 1 L objectif étant ici de présenter succinctement l ensemble des mécanismes régissant la main-d œuvre et les conditions de travail, nous référons le lecteur intéressé par une connaissance plus approfondie de cette industrie à consulter l ouvrage de Louis Delagrave : Histoire des relations du travail dans la construction au Québec (PUL, 2009) ainsi que le site de la CCQ : www.ccq.org.

construction est assujettie à une loi particulière depuis 1968, soit la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'œuvre dans l'industrie de la construction, connue sous le nom de loi R-20. Pour l essentiel, cette loi prévoit la constitution du régime des relations du travail ainsi que les fonctions de la CCQ et des divers comités afférents qui assurent l application de la loi. 2 En matière de relations du travail, la loi détermine les associations syndicales et patronales reconnues, auxquelles l appartenance est obligatoire pour chaque travailleur ou employeur ; le régime de négociation collective (pour l essentiel, centralisé au sein des différents secteurs) ; l application universelle des conditions de travail négociées et enfin, les mécanismes de représentativité de chacune des parties. Pour sa part, la CCQ et les comités reliés (neuf au total) assument pour l essentiel les fonctions suivantes : l application des conventions collectives, l administration des régimes d avantages sociaux (vacances, assurances, retraite, etc.), la gestion de la main-d œuvre (aspects qualitatifs et quantitatifs de la main-d œuvre), le régime de formation et de qualification professionnelles (incluant le perfectionnement des travailleurs). La CCQ est financée à parts égales par les employeurs et les travailleurs de l industrie (au total 1,5% de la masse salariale) auxquelles s ajoutent différentes contributions pour les régimes d avantages sociaux ou de perfectionnement. Elle est dirigée par un conseil d administration de 17 membres dont 6 représentants des associations patronales et 6 des associations syndicales, ce qui traduit le paritarisme qui caractérise cette industrie dans pratiquement toute sa structure. Son budget annuel de fonctionnement est d environ $80 millions, on y retrouve dix fonds en fidéicommis en particulier pour les différents régimes d avantages sociaux et on compte près de mille employés oeuvrant sur tout le territoire québécois soit au siège social (Montréal) ou dans l un des dix points de service. 2 3- Une forte saisonnalité de l emploi On peut caractériser l emploi dans l industrie de deux manières : son instabilité annuelle et sa forte saisonnalité. Si depuis une décennie maintenant l industrie connaît une forte activité annuelle, il n en a pas toujours été ainsi. Au cours des quatre dernières décennies, au fil des sommets et des creux de l investissement, l instabilité annuelle de l emploi a été estimée à trois fois celle de l ensemble de l économie. Concrètement, cela s est traduit par 155 000 travailleurs actifs dans les années 1970 mais seulement 75 000 dix ans plus tard, 85 000 dans les années 1990 puis une progression pour revenir récemment pratiquement au sommet des années 1970. On peut imaginer les entrées et les sorties de main-d œuvre qui découlent de tels cycles. Par ailleurs, l industrie de la construction a une forte saisonnalité de l emploi, soit encore là pratiquement trois fois celle des autres industries. Même si les changements technologiques et une meilleure planification des travaux ont contribué à diminuer cette saisonnalité, il reste que durant les mois d hiver on compte deux fois moins de travailleurs actifs que durant l automne. Il en résulte un nombre moyen d heures travaillées annuelles légèrement inférieur à mille 2 Mentionnons que la loi a été revue à plusieurs reprises au fil des ans et que divers travaux particuliers en sont exclus, d où l utilisation fréquente du terme assujetti pour spécifier un secteur, des travaux ou des employeurs ou des travailleurs oeuvrant sous la gouverne de R-20.

(équivalent à 7 mois) comme nous l avons vu précédemment. 3 Le salaire annuel moyen en 2010 était de $32 522. 4 En fait, on doit ajouter à ces deux caractéristiques de l emploi, un aspect relié au régime de relations du travail pour compléter ce bref portrait de la variabilité dans l emploi. Ce régime ne prévoit pas de règles d ancienneté, ni de rattachement particulier d un employé à un employeur dans l industrie. Pour l essentiel, on peut dire que le lien d emploi a au mieux la durée du chantier même si on observe que des travailleurs suivent un même employeur sur plus d un chantier au fil des ans. Il existe donc en quelque sorte une forte mobilité de la main-d œuvre au sein de l industrie et sur tout le territoire, ce qui s observe dans les faits. En effet, la mobilité est estimée à deux fois celle des autres industries si on la mesure par les cessations d emploi permanentes au cours d une année. Globalement, ces conditions, outre qu elles conduisent à une insécurité de revenus pour nombre de travailleurs, se traduisent par un important défi pour les employeurs et l industrie dans son ensemble soit celle d attirer et de conserver sa main-d œuvre. Entre 1997 et 2006, la CCQ a estimé que 13% des travailleurs actifs durant une année ne l étaient plus l année suivante. Sur un cycle de cinq ans, plus ou moins 40% des travailleurs qui gagnent l industrie la quittent. 3 4- Le régime de détermination des salaires et des avantages sociaux Bien qu il existe certaines variations dans les conditions de travail selon les secteurs et les métiers (dont nous ne ferons pas mention ici), on peut dire en gros que l industrie s est dotée d un régime plutôt unique et centralisé en matière de détermination des salaires et des avantages sociaux qui se traduit par des standards d application plutôt universelle pour les travailleurs. Sur le plan de la gestion, la CCQ fait office, si on veut faire une image simple, d un vaste département de gestion des ressources humaines pour l ensemble des employeurs et des travailleurs de l industrie. En d autres mots, on peut résumer le régime sans trop le simplifier à des règles uniques et une gestion centralisée. Nous présentons dans les prochains paragraphes à cet égard : la fixation des salaires; la détermination des avantages sociaux et le régime de perfectionnement. 4.1 La détermination des salaires Fixés lors des négociations centralisées au plan sectoriel (i.e. pour chacun des quatre secteurs qui composent l industrie) qui ont lieu en général aux trois ans, les salaires sont sensiblement les mêmes d un secteur à un autre pour un même métier. 5 Cette pratique de détermination des salaires a pris naissance à l époque de la loi des décrets où ceux-ci étaient fixés sur une base régionale pour un même métier dans la logique de la mobilité de la main-d œuvre sur le territoire. Suite à l adoption de la loi R-20 en 1968 qui privilégiait une négociation centralisée, la première négociation provinciale de 1970 a amorcé le processus d harmonisation des salaires à l échelle provinciale qui s est étendu environ jusqu au milieu des années 70. Depuis cette époque, le 3 On observe certaines différences entre les métiers et aussi selon les statuts. Ainsi, les compagnons ont travaillé en moyenne 1058 heures en 2010 alors que les apprentis en ont faits 792. 4 Plus précisément, $40 643 chez les compagnons et $21 393 chez les apprentis. 5 Seul le résidentiel se démarque avec un différentiel négatif d environ neuf pour cent par rapport aux autres, ceci étant relié essentiellement à un désassujettissement temporaire du secteur par rapport à R-20 dans les années 1990.

principe a été largement respecté par les parties. Ainsi, dans un même métier, on peut parler en gros d un salaire unique entre les employeurs et les régions. Ce qui différencie le salaire d un travailleur dans un métier donné est l échelle correspondant aux différents stades de l apprentissage. À titre d exemple, un charpentier-menuisier compagnon dans le secteur industriel gagne à l été 2011 : $33,60. Pour l apprenti classe 1, le salaire est de : $20,16; celui de classe 2 : $23,52; enfin, celui de classe 3 : $28,56 (chaque classe correspondant à 2 000 heures d apprentissage). 4.2 La détermination des avantages sociaux On peut dire sensiblement la même chose du régime des avantages sociaux que de celui des salaires, à savoir que l industrie applique un régime universel pour tous les travailleurs et les employeurs qui couvre principalement les congés fériés, les vacances, les assurances et la retraite. Ces pratiques remontent aussi à l époque de la loi des décrets et ont été depuis harmonisées à l ensemble de l industrie sur tout le territoire du Québec. En matière de congés fériés et de vacances annuelles, les conventions collectives déterminent la date et les périodes de vacances alors que les employeurs cotisent à chaque mois à la CCQ pour chacun de leurs travailleurs un total de 13% pour couvrir ces avantages : 10 congés fériés, 10 jours de vacances (les vacances de la construction instaurées à la fin juillet depuis 1970) et l équivalent de 2,5 jours de congés de maladie. Il s en suit une obligation pour les employeurs de déclarer de la sorte toutes les heures travaillées effectuées par leurs travailleurs. Ces sommes sont gérées dans des comptes en fidéicommis par la CCQ et deux fois par année (fin juin et fin novembre), celle-ci envoie un chèque à chacun des salariés de l industrie au prorata de ses heures travaillées. De plus, il existe un régime d assurance obligatoire de portée universelle pour tous les travailleurs (cotisation payée et versée par l employeur à la CCQ) qui inclut l assurance maladie, l assurance salaire et l assurance vie. En cas de changement d employeur, de secteur ou de région, le travailleur conserve le même accès au régime et les mêmes protections. Le régime est administré également par la CCQ. Enfin, un régime de retraite obligatoire et universel pour tous les travailleurs est également administré par la CCQ via un compte en fidéicommis où les cotisations des employeurs et des travailleurs sont versées pour chacune des heures travaillées (la gestion des fonds est confiée à la Caisse de dépôt et placement du Québec). Les cotisations et les prestations sont déterminées lors des négociations collectives. De la même façon que pour le régime d assurance, chaque travailleur conserve donc l accès à son régime peu importe l employeur assujetti pour lequel il travaille et cela, bien sûr, au prorata de ses heures travaillées. 4.3 Le régime de perfectionnement Au début des années 1990, soit bien avant l adoption de la loi dite du 1% au Québec, les parties négociantes ont convenu d instituer une cotisation de $0,20 par heure travaillée afin de créer un fonds de perfectionnement visant à faciliter l accès au développement des compétences de la main-d œuvre. Suite à une objection d une des parties négociantes, les avoirs se sont accumulés pendant quelques années (près de $100 millions en 2000) et ce n est que vers la fin des années 1990 que les activités de perfectionnement ont véritablement démarré sous l égide de ce fonds 4

(divisé dans les faits entre deux fonds, un pour le secteur résidentiel et un pour les autres secteurs de l industrie). Les fonds sont administrés par des comités de gestion paritaires sous la responsabilité de la CCQ. Ces fonds permettent pour l essentiel de répondre aux besoins de perfectionnement des travailleurs de l industrie en couvrant les frais reliés à la prestation des activités de perfectionnement et les frais de participation des travailleurs (déplacement, hébergement) bien qu aucun salaire ne soit versé aux travailleurs pour le temps consenti au perfectionnement (qui se fait en dehors des heures travaillées). Les activités de perfectionnement sont estimées et planifiées par un comité paritaire de la CCQ qui fait une veille annuelle des besoins par métier et par région. Les activités sont dispensées essentiellement dans les centres de formation professionnelle sur l ensemble du territoire québécois et sont davantage concentrées dans les périodes de faible activité de l industrie pour favoriser la participation des travailleurs. Tous les travailleurs ont accès aux activités de perfectionnement dès lors qu ils ont cumulé 400 heures de travail au cours des deux dernières années. Pendant ses activités de perfectionnement, le travailleur en chômage peut conserver ses prestations d assurance-emploi ainsi qu obtenir un remboursement des frais de garde si applicable. Il doit à cet effet contacter au préalable un agent du Centre local d emploi. De 1997-1998 à 2009-2010, le nombre de travailleurs ayant participé à une activité de perfectionnement est passé de 1 797 à 20 843, ce qui représente environ 14 % de tous les travailleurs de l industrie ou un travailleur sur sept qui a participé au perfectionnement par rapport à seulement 2 % en 1997-1998, ou un travailleur sur 50. Le coût annuel de réalisation des activités de perfectionnement est passé de $3 millions en 2000 à un peu plus de $15 millions en 2010, auquel se sont ajoutés $13 millions versés en incitatifs aux travailleurs (déplacement, hébergement), soit 45 % du total des argents consentis en 2010. Depuis le début des fonds jusqu en 2009-2010, c est pratiquement $180 millions qui ont été investis dans les activités de perfectionnement dans l industrie, mis à part d autres dépenses inhérentes au fonctionnement. Les fonds comptent actuellement sur une réserve accumulée d environ $175 millions. 5 Conclusion L industrie de la construction comporte plusieurs caractéristiques qui pourraient a priori rendre la gestion de la main-d œuvre fort complexe, voire nuire à la performance de l industrie elle-même : petite taille de nombreux employeurs, instabilité et saisonnalité de l emploi, mobilité intersectorielle et géographique des travailleurs, heures moyennes travaillées variables, etc. À tous égards, on peut suggérer que les principaux mécanismes qui gouvernent les conditions de travail et l emploi sous l égide du principe général de la mutualisation et du paritarisme au sein de la CCQ contribuent à atténuer, du moins pour les travailleurs eux-mêmes, les effets nuisibles que l on pourrait anticiper sur le plan des conditions salariales et des avantages sociaux. Qu il soit soumis à une forte saisonnalité, instabilité ou non, le travailleur de la construction bénéficie de conditions uniformes d un employeur à un autre, d un emploi à un autre ou d un statut à un autre. Les régimes de protection universelle dans cette industrie sont certainement des avantages collectifs que la plupart des employeurs de cette industrie ne pourraient offrir seul considérant leur petite taille. À ce titre, on peut suggérer que toute l industrie bénéficie de ces mécanismes de détermination des conditions de travail et de régulation de l emploi.