Notes de lecture Du pinceau à la typographie : regards japonais sur l écriture et le livre.



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Transcription:

Notes de lecture Du pinceau à la typographie : regards japonais sur l écriture et le livre. Textes réunis et présentés par C.-A. Brisset, P. Griolet, C. Marquet et M. Simon-Oikawa, Paris, EFEO, coll. «Etudes thématiques», 20, 2006. Co-édité avec la MFJ (T ky ) et le CEJ de l INALCO ; notes, index, illustrations, 417 p. L ouvrage dont il s agit ici est remarquable à beaucoup d égards. Par son objet tout d abord, qui, sans prétendre à l exhaustivité, nous donne accès aux principales étapes de l histoire du livre au Japon. Le fait que les auteurs des textes qui y ont été réunis soient Japonais est une autre de ses originalités. Comment étudie-t-on de nos jours l écriture et le livre au Japon? Comment y aborde-t-on l illustration? Comment en parle-t-on? Ce n est pas un des moindres intérêts de ce volume que d informer le lecteur francophone du dernier état de la recherche japonaise en matière de calligraphie, d édition ou de gravure. On doit en être particulièrement reconnaissant à l équipe de chercheurs français qui a conçu et édité ce livre, issu d un séminaire organisé à son initiative en 1999 à la Maison franco-japonaise de T ky. Avaient été invités des spécialistes encore peu connus en France mais qui font autorité dans leur pays. Ce sont leurs interventions qui ont été réunies ici, traduites, mais aussi complétées et enrichies par des notes nombreuses qui en proposent comme le contrepoint occidental, et précédées chacune d une brève introduction en forme de synthèse. L introduction générale du volume, due à Christophe Marquet, situe ces articles dans le contexte de la recherche internationale, en signalant la nouveauté de certains des sujets traités : le commerce de la librairie, la circulation et la réception du livre, les questions d illustration, ou encore les techniques de l imprimerie ou le graphisme des caractères typographiques, et en leur apportant lui-même des compléments d ordre historique ou bibliographique c est le cas par exemple des «éditions chrétiennes» et de leur rôle dans la diffusion de la typographie au Japon. Pascal Griolet offre quant à lui, dans un article final intitulé «En guise de conclusion : la rencontre avec le courant électrique», un prolongement dans le temps à l aventure japonaise de l écriture, en relatant les aléas et les métamorphoses des caractères japonais à l ère de la diffusion électrique, depuis l apparition du télégraphe au Japon en 1854 jusqu à la création de la norme internationale Unicode qui propose actuellement sur Internet plus de 38 000 caractères accessibles tant au Japon qu en Chine ou en Corée. Non sans observer, pour clore l ouvrage, que le mode d analyse des signes utilisé par Unicode est en réalité tout à

230 NOTES DE LECTURE fait semblable à celui qu avaient imaginé les graveurs de poinçons chinois de l Imprimerie royale il y a près de deux siècles. Il importe enfin de souligner le soin extrême avec lequel a été choisie et mise en page c est-à-dire dans le voisinage immédiat du texte qui lui correspond l illustration exceptionnellement abondante de ces articles, que complètent 18 planches couleur placées en fin de volume. Très utile au lecteur japonisant, cette information visuelle l est plus encore pour le chercheur peu familier de la culture japonaise. Mais telle n est pas son unique raison d être. Traverse en effet toute l entreprise, en lui donnant sa profonde et essentielle unité, la préoccupation constante des éditeurs de mettre en valeur tout ce que l on pourrait appeler «la part d image» du livre japonais, et qui concerne aussi bien son écriture, calligraphiée ou imprimée, que son illustration. Pouvoir donner à voir cette part d image était une condition indispensable à la réussite du projet. Les dix articles, qui sont autant de monographies. ont été regroupés en trois sections. La première, «De l écriture manuscrite à l imprimerie», s ouvre par un texte de Nagoya Akira, conservateur au musée Got à T ky, consacré au style calligraphique créé par Fujiwara no Teika (1162-1241), figure majeure de la poésie japonaise, et à la fortune que ce style a connu à travers les siècles. L existence de nombreux documents autographes permet d en suivre la genèse avec précision. Elle est mise ici en relation avec la transformation de l écriture japonaise qui s opère à la même époque, et qui associe les kanji aux kana. A la calligraphie cursive traditionnelle Teika a substitué en effet un style qui isole chaque unité graphique, accentue les contrastes entre traits fins et épais, et aligne les signes de façon plus rigoureuse. Redécouvert à la fin du XVI e siècle, le style Teika y est encore très apprécié de nos jours pour son originalité et sa puissance, mais aussi parce qu il s adapte facilement à la typographie. And Takahiro s est intéressé à la manière dont les missionnaires portugais de la fin du XVI e siècle ont perçu l écriture japonaise, en se livrant à une analyse minutieuse du Vocabulario da Lingoa de Iapam imprimé à Nagasaki en 1603-1604, où la langue japonaise a été pour la première fois retranscrite en caractères latins. L article est centré sur le lexique de l écriture et sur les aspects de ce lexique auxquels les jésuites ont été le plus sensibles. Il est complété en annexe par l intégralité des 840 termes du dictionnaire consacrés à ce sujet, classés par catégories. L auteur commente dans son article le vocabulaire ayant trait au matériel d écriture le mot «pinceau» traduit en portugais par «plume à écrire» par exemple ou le sort particulier que les jésuites ont réservé au concept de «voie» ou d, présent à l époque dans le terme hitsud pour désigner l art d écrire, mais auquel ils devaient aussi avoir recours pour diffuser la foi chrétienne. Si la xylographie a toujours été préférée au Japon à la typographie, c est parce qu elle convenait mieux aux textes écrits en «style cursif enchaîné», permettait une réimpression à

NOTES DE LECTURE 231 moindres frais, et facilitait l illustration. C est le thème que développe Kond K shi. Après avoir fait l historique détaillé des impressions xylographiques au Japon depuis le XVI e siècle, il s attache plus longuement à l époque d Edo. A cette époque en effet, la xylographie a trouvé de nouveaux graveurs parmi les guerriers sans emploi. Elle y est devenue également un art à part entière. Les graveurs d art n ont pas connu au Japon la célébrité qui était la leur en Chine. Néanmoins, l auteur de l article a pu reconstituer l histoire d une dynastie de graveurs réputés, les Kimura Kahei I à V, actifs de 1756 à 1928, auxquels il consacre ici une étude particulièrement détaillée. Le dernier article de cette section est dû à Komiyama Hiroshi, lui-même concepteur de caractères. Il est consacré à la typographie. L auteur rappelle que les caractères typographiques japonais dits de «style Ming» ont été créés au XIX e siècle par les Occidentaux, dans le cadre de l essor de l orientalisme chinois et de l évangélisation de l Asie. L initiative en revient à la France et à l Imprimerie royale. L imprimerie de la Compagnie anglaise des Indes orientales a pris le relais, suivie en Chine par les différentes missions anglaises, américaines, ou allemandes. C est le directeur des presses de la mission presbytérienne américaine de Shanghai, William Gamble, qui a introduit les caractères de «style Ming» au Japon en 1869. Dans cet article d une grande précision technique, Komiyama Hiroshi souligne la nouveauté de la conception de caractères chinois «divisibles» que l on doit à l Imprimerie royale, dont on n avait pas encore eu l idée, semble-t-il, en Extrême-Orient. «La mise en images de l écriture». Les deux premiers articles de cette section sont consacrés à l illustration de deux ouvrages également célèbres, l un en Chine, l autre au Japon. Kobayashi Hiromitsu analyse l influence de la peinture sur l édition du livre illustré à la fin des Ming en prenant pour exemple l illustration du roman Au bord de l eau. Il compare les deux versions d une édition de 1610 publiée à Wulin et comportant 200 illustrations, dont l une est conservée au Japon, dans la bibliothèque de l université de Tenri, l autre à Beijing. Il montre comment les graveurs se sont inspirés, pour traiter le fond des images, des deux formes traditionnelles de la peinture de paysage en Chine académique ou «lettrée» mais aussi d un style de paysage «lettré» qui était apparu à leur époque. Il montre également que ces artistes n ont pas fait un usage simplement esthétique de leurs emprunts, mais qu ils les ont utilisés comme de véritables commentaires visuels. Deguchi Hisanori s intéresse quant à lui au rôle qu a pu jouer l émergence d une catégorie nouvelle de lecteurs, jusqu alors plus attachée à une culture de tradition orale, dans l illustration japonaise du XVII e siècle. Il s appuie lui aussi sur deux versions d un même texte : le Gikei-ki (La Chronique de Yoshitsune), récit épique né d une compilation dont l origine remonte au XV e siècle, et qui a fait l objet au Japon d une série ininterrompue d éditions xylographiques illustrées. Les deux versions mises en parallèle datent l une de l ère Kan.ei (1624-1644), l autre de l ère Kanbun (1661-1673). Observant dans l une et l autre certains décalages

232 NOTES DE LECTURE entre l image et le texte, Deguchi Hisanori constate que ces décalages ont une origine différente mais témoignent tous du même désir de la part de l éditeur d attirer un lectorat nouveau. Ont été introduits en effet dans le récit soit des personnages issus des «livrets de danse», qui connaissaient alors un grand succès, soit des références à des versions restées orales, contradictoires avec la version écrite, mais dont les lecteurs avaient gardé le souvenir. Inagaki Shin.ichi, initiateur des recherches sur les «images ludiques» au Japon, traite quant à lui des «jeux d écriture» à l époque d Edo. Ces jeux, très anciens au Japon, se multiplient en effet à ce moment-là, où apparaît un nouveau type de vie urbaine et s invente une culture inédite. La nécessité de maîtriser l écriture, pour un public d origine populaire, a suscité toutes sortes de jeux graphiques avec les kana, les uns à vocation mnémotechnique, les autres destinés à l apprentissage des enfants, d autres encore d usage plus largement social comme les almanachs ou les récits illustrés. On trouve ici l inventaire détaillé de ces jeux, que la diffusion de l imprimé a contribué à développer de manière exceptionnelle, et auxquels des artistes comme Hokusai ou Hiroshige n ont pas hésité eux-mêmes à s exercer. Kawanabe Ky sai (1831-1889) est un des derniers grands maîtres de l ukiyo-e, l un de ceux également dont l œuvre a été le plus appréciée en Occident. Lui-même était particulièrement bien documenté sur les coutumes occidentales et sur la manière dont on représentait les Japonais en Europe. «L ouverture à la civilisation occidentale» est l un de ses thèmes de prédilection. Oikawa Shigeru analyse en spécialiste les illustrations où il l a traité. Il montre comment Ky sai les a mises au service de deux causes opposées, celle de l ouverture à l Occident, mais aussi celle de son refus. Sous le titre général : «La diffusion du livre et son évolution matérielle à l époque moderne», les deux derniers articles du volume traitent d aspects de la production éditoriale japonaise jusqu ici négligés par les chercheurs. Le premier nous fait découvrir la diffusion du livre par les libraires. Cette diffusion a joué un rôle très important à l époque d Edo. A partir d enquêtes menées dans tout le Japon, Suzuki Toshiyuki montre comment l édition est née au XVII e siècle à saka sur la base d un système de troc entre les publications savantes éditées par les libraires de Ky to et les «livres d amour et de passion» produits à saka. Il signale également que la diffusion des «livres savants» passait par un système de «vente aux enchères» d ouvrages neufs et d occasion, organisé par la corporation des libraires, et enfin que les libraires-éditeurs ne se limitaient pas à la production et à la vente de livres imprimés, mais faisaient le commerce des livres manuscrits ou des livres importés de Chine, et qu ils pratiquaient le prêt, jouant ainsi un véritable rôle de diffuseur du savoir écrit sous toutes ses formes. Iwakiri Shin.ichir s est intéressé pour conclure aux conséquences de la modernisation du Japon à l ère Meiji dans le

NOTES DE LECTURE 233 domaine du livre. Elles sont importantes et très diverses. En même temps que se répandait l usage de l impression typographique, c était la forme même du livre que l on cherchait à adapter au modèle occidental. Cela concernait son format, le mode de reproduction des images et aussi, métamorphose peut-être plus insolite, qui fait penser à son équivalent pictural l introduction du «tableau» dans l univers de la peinture sur «rouleau» sa reliure. A côté de la reliure japonaise traditionnelle, légère, on voit en effet apparaître celle, «à couverture cartonnée», que l on pratiquait en Occident. «Les changements survenus au cours de l ère Meiji sont prodigieux», conclut l auteur de l article : leur histoire «reste encore à écrire». Anne-Marie Christin