Mise en œuvre de la gestion intégrée de l eau

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Transcription:

ARTICLE TECHNIQUE Mise en œuvre de la gestion intégrée de l eau Arrimage entre les outils d aménagement du territoire et les plans directeurs de l eau Malgré le fait que l ensemble des principaux bassins versants du Québec soit doté d un plan directeur de l eau (PDE), la gestion intégrée de cette ressource s opérationnalise très lentement. L urgence semble pourtant évidente : changements climatiques, croissance de l urbanisation et intensification des usages forestiers et agricoles multiplient les pressions sur la qualité et la quantité des eaux souterraines et de surface. Par Fabienne Mathieu urbaniste, M.B.A., ÉCOgestion-solutions, services-conseils en urbanisme, en environnement et en gestion intégrée de l eau fabienne.mathieu@ecogestion.ca Le difficile arrimage entre les plans directeurs de l eau (PDE) et les outils d aménagement et de développement du territoire sont possiblement l une des causes de la lente opérationnalisation. Le législateur n ayant pas accordé de portée légale aux PDE, ceux-ci ont tout avantage à utiliser les outils d urbanisme que sont les schémas d aménagement et de développement (SAD) et les plans d urbanisme pour mettre en œuvre leur plan d action. Le contexte Encadré par la Loi sur l aménagement et l urbanisme (LAU) adoptée en 1979, le schéma d aménagement et de développement constitue le document officiel de planification et d organisation du territoire d une municipalité régionale de comté (MRC). Il sert de guide au développement économique, social et environnemental en établissant notamment les orientations et les objectifs des grandes affectations du sol. Plus spécifiquement, il établit des normes minimales encadrant les usages, les constructions et le lotissement des terrains. Il peut également déterminer certaines zones où l occupation du sol sera soumise à des contraintes particulières, par exemple, les zones inondables, les zones à risques et les zones vulnérables telles que les périmètres de protection des puits d alimentation en eau potable, etc. Issu de la Politique nationale de l eau adoptée en 2002, le plan directeur de l eau se définit comme un instrument de gestion intégrée. Il permet de dresser un portrait rassemblant l information nécessaire à la compréhension des problèmes hydriques et environnementaux à l échelle d un bassin versant. Il exprime une certaine vision des priorités et propose un plan d action spécifiant des objectifs, des orientations et des moyens de mise en œuvre concrets. Les organismes de bassins versants (OBV) ont pour mandat d élaborer les PDE en concertation avec les usagers et les acteurs de l eau. Malgré le fait que les villes et les municipalités soient les principaux utilisateurs et gestionnaires des ressources en eau, les premiers PDE ont mis plus de dix ans à trouver écho dans le monde municipal. Problème d échelles territoriales? Faible engagement de la part des administrateurs et des élus? Ou, encore, mauvaise compréhension des buts visés par les PDE? Toujours est-il que rares sont les MRC et les municipalités qui se sont investies dans les démarches d élaboration et de mise en œuvre des PDE. Bien que la Loi sur l eau (article 15, section IV) stipule que les MRC doivent «prendre en considération» le contenu des PDE visant en tout ou en partie des ressources que l on trouve sur leur territoire, cette dernière ne donne aucune orientation ou directive quant à la mise en œuvre de ce processus. La Loi ne prévoit pas non plus de mécanismes légaux pour s assurer que les orientations et objectifs relatifs à la mise en œuvre des PDE soient applicables aux niveaux régional et municipal. Résultat : les PDE réfèrent rarement aux pouvoirs légaux dont disposent les MRC et les municipalités en vertu de la Loi sur l aménagement et l urbanisme pour protéger, restaurer ou mettre en valeur les milieux hydriques. Le projet d arrimage entre les SAD et les PDE vise à combler cette lacune. Grâce à la mise en place d un mécanisme de collaboration, il doit permettre à ces acteurs stratégiques que sont les MRC et les municipalités d œuvrer en synergie afin d élaborer des outils de planification et de gestion harmonisés des ressources en eau. Dans le contexte des changements climatiques, du développement accéléré des villes et de l étalement urbain, une telle démarche propose des solutions concrètes, adaptatives et durables pour protéger notre principale ressource collective : l eau. 46 Vecteur Environnement Septembre 2014

Michel Leclerc Similitudes et différences entre un SAD et un PDE La portée des schémas s étend à l ensemble des composantes naturelles, économiques et sociales d un territoire, alors que les plans directeurs se concentrent sur les activités et les usages ayant un impact sur l eau. Il n en demeure pas moins que ces deux outils de planification présentent de nombreuses similitudes et poursuivent une finalité commune, soit celle d assurer un développement durable du territoire. Du point de vue rédactionnel, le PDE et le SAD nécessitent un exercice analogue de planification stratégique. Les étapes à suivre sont similaires : portrait de la situation, diagnostic, définition des orientations et des objectifs, élaboration d un plan d action et identification d indicateurs de suivi. Les MRC ont la responsabilité d élaborer les schémas, travail qu elles confient à leur service de l aménagement du territoire ou à un consultant externe. La démarche implique différents mécanismes consultatifs, tels que la formation d un groupe de travail ou d un comité de suivi, la publication et la diffusion d un résumé et, finalement, la tenue d une assemblée publique de consultation. En vertu de la Loi sur l eau, le gouvernement mandate les organismes des bassins versants pour rédiger les PDE qui visent leur territoire. Cette démarche s effectue en concertation avec tous les acteurs de l eau, plus spécifiquement avec des représentants de divers ministères, les administrations locales et régionales, les associations ou organismes, dont la mission est en lien avec la protection des cours d eau, des lacs, etc. Quant à l arrimage entre les SAD et les PDE, il a fait l objet de quelques expériences par le passé, mais est demeuré au stade expérimental et aucune directive ou pratique n encadre sa réalisation. La méthodologie exposée ici est issue d un projet pilote réalisé dans le cadre d un partenariat entre la MRC de La Côte-de-Beaupré, l OBV CharlevoixMontmorency et la firme ÉCOgestion-solutions, Tableau 1 Similitudes et différences entre un PDE et un SAD PDE SAD Comparaison Organisme responsable OBV MRC Partenariat indispensable Rôle Outil de gestion intégrée de l eau Outil de planification de l aménagement et du développement du territoire Même démarche de planification stratégique Loi Loi sur l eau (soumise à l approbation gouvernementale) Loi sur l aménagement et l urbanisme (soumise à l approbation gouvernementale) En conformité avec les orientations gouvernementales Territoire couvert Échelle du bassin versant Échelle de la MRC Complexité d arrimage Public cible Usagers et gestionnaires de l eau Citoyens, décideurs et gestionnaires Mêmes acteurs concernés Mise en œuvre Aucun pouvoir de mise en œuvre Pouvoir limité de mise en œuvre (règlementaire) Faiblesse face à la mise en œuvre des PDE Enjeux Qualité des eaux de surface et souterraines Santé des personnes et qualité de vie Convergence des enjeux Quantité Qualité de vie et vitalité du développement Sécurité (inondations, zones à risque...) Sécurité des Accessibilité Qualité de vie, récréotourisme Qualité des écosystèmes hydrologiques Protection et mise en valeur des milieux naturels Vecteur Environnement Septembre 2014 47

ARTICLE TECHNIQUE Mise en œuvre de la gestion intégrée de l eau Arrimage entre les outils d aménagement du territoire et les plans directeurs de l eau La méthodologie exposée ici est issue d un projet pilote réalisé dans le cadre d un partenariat entre la MRC de La Côte-de-Beaupré, l OBV Charlevoix- Montmorency et la firme ÉCOgestion-solutions. experts-conseils en urbanisme, environnement et gestion intégrée de l eau. La démarche d arrimage Le rôle des acteurs La MRC de la Côte-de-Beaupré a amorcé, en 2009, un exercice de planification stratégique comprenant la conception d un nouveau schéma d aménagement et de développement durable (SADD), dont l adoption était prévue pour l été 2013. De son côté, l OBV Charlevoix-Montmorency devait rédiger son projet de plan directeur de l eau pour juin de la même année. Profitant de cette concordance d échéance, les deux organismes ont choisi de travailler en synergie. Les intervenants engagés dans le projet pilote ont fondé un partenariat axé sur les résultats. D abord, le service de l aménagement du territoire de la MRC, mandaté pour la rédaction du SADD, a coordonné les démarches consultatives avec les intervenants municipaux, notamment avec les comités mis en place pour la révision du schéma. À la fin du processus, il a intégré les résultats de l arrimage au SADD. En parallèle, l OBV Charlevoix-Montmorency, responsable des PDE, a réalisé la cartographie et le portrait synthèse relatif à l établissement du diagnostic. Il a intégré à sa démarche la consultation des différents organismes de bassins versants et, en fin de parcours, a ajusté les PDE afin qu ils intègrent les orientations, les objectifs et les actions de l arrimage. Enfin, ÉCOgestion-solutions a planifié, coordonné et dirigé les activités. Elle a élaboré la méthodologie du projet. Elle a également animé les séances de travail et rédigé les différents rapports. Elle a proposé un catalogue d actions répondant aux objectifs des différents acteurs de l eau liés au projet et a formulé des recommandations adressées à ses deux partenaires. Amorcé en septembre 2012, le projet pilote d arrimage s est conclu en juin 2013 par l adoption du projet de schéma d aménagement et de développement par le conseil des maires de la MRC et par le dépôt d un projet de plan directeur de l eau auprès du ministère du Développement durable, de l Environnement, de la Faune et des Parcs. Le contexte territorial Les territoires couverts par les PDE chevauchent souvent plusieurs MRC tandis que les territoires des MRC empiètent sur plusieurs bassins versants qui peuvent être sous la responsabilité de différents organismes des bassins versants. Cette réalité territoriale peut complexifier la démarche étant donné que l arrimage doit se faire entre des schémas d aménagement et de développement et des plans directeurs de l eau dont les enjeux peuvent être différents. Pour simplifier la méthodologie, une analyse préliminaire des principaux enjeux doit être réalisée. Le but de l arrimage étant de travailler sur l aménagement du territoire, il est logique de se concentrer sur les secteurs bâtis et les zones urbanisées, là où les problématiques en lien avec l eau sont les plus diversifiées et là où elles ont le plus d impact. Le territoire de la MRC de La Côte-de-Beaupré empiète sur les bassins versants de trois OBV (OBV Charlevoix-Montmorency, la Corporation du bassin de la Jacques-Cartier, l Organisme de bassin versant Lac-Saint-Jean), mais la totalité de son secteur urbanisé est localisée au sud, dans les bassins versants des rivières Montmorency et Sainte-Anne du Nord. Hormis l impact de certaines activités spécifiques telles que la foresterie, la villégiature, la pêche, les carrières et un parc éolien, cette particularité territoriale fait en sorte que la majorité des problèmes en lien avec la gestion intégrée de l eau est concentrée sur le territoire de l OBV Charlevoix-Montmorency. Carte des territoires concernés 48 Vecteur Environnement Septembre 2014

La méthodologie Le projet s est déroulé en six grandes étapes. 1. À l étape 1, nous avons dressé un portrait des ressources en eau à l échelle de la MRC en combinant les données relatives à l occupation du territoire, aux infrastructures en eau et aux contraintes d aménagement à celles relatives à la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines, aux contraintes et aux risques de nature anthropique et aux opportunités de création de projets ou de mise en valeur de la ressource. Graphique 1 Schéma de la démarche Par tradition, les MRC n abordent généralement pas la thématique «eau» de façon spécifique dans leur schéma. Cette dernière est plutôt traitée au travers des thématiques telles que les milieux naturels, les infrastructures, l agriculture, la foresterie 2. Dans un second temps, l analyse du portrait a permis la détection de problématiques et conduit à la formulation d un diagnostic stratégique pour chaque enjeu en lien avec la gestion intégrée de l eau : la qualité, la quantité, la sécurité, l accessibilité et les écosystèmes. Afin de mettre en évidence l envergure des problèmes et faciliter les échanges lors des consultations, nous avons regroupé sur des cartes les sujets en lien avec un même enjeu. 3. La troisième étape avait pour but de définir des orientations communes qui pouvaient être insérées intégralement dans le schéma d aménagement et de développement préparé par la MRC et les plans directeurs de l eau rédigés par l OBV Charlevoix-Montmorency. Des approches différentes en termes de structuration et de choix dans les thématiques nous ont amenés à certains ajustements. En effet, il s est avéré non indispensable et complexe d un point de vue purement formel de libeller les orientations de manière similaire. Nous avons donc formulé les orientations relatives aux enjeux «eau» de manière à ce qu elles puissent s insérer dans les axes d intervention du SADD, ce qui a eu pour avantage de provoquer une reconnaissance mutuelle des orientations et des priorités des deux parties. 4. À la quatrième étape, nous avons dressé une liste d objectifs par orientation. Pour ce faire, nous avons analysé, interprété et classé par orientation PDE des objectifs déjà présents dans le document de planification stratégique de la MRC. Cette liste a par la suite été complétée par chacun des partenaires en vue d obtenir une diversité d objectifs qui soit adaptée à la stratégie de chacun et qui couvre toutes les orientations préétablies. Avant d établir la liste des moyens de mise en œuvre en lien avec l aménagement du territoire, un sondage a été réalisé auprès des municipalités dans l optique d identifier les sujets les plus sensibles. Les résultats ainsi obtenus ont permis de prioriser les objectifs et d identifier les thématiques sur lesquelles concentrer la recherche de solutions en vue de proposer une gamme d actions correspondant aux préoccupations des intervenants du milieu. 5. Dès le début de la démarche, ÉCOgestionsolutions avait amorcé la préparation d un catalogue d actions constitué d exemples de projets, de démarches ou d interventions normatives répertoriés grâce à des consultations d experts et des revues de littérature. Nous avons ainsi dressé une liste de plusieurs propositions d actions pour la mise en œuvre de chaque objectif. Après le sondage, les recherches se sont dirigées vers les actions en lien avec les objectifs qui avaient été priorisés. 6. Enfin, après une première sélection par la MRC et l OBV des actions les mieux adaptées à leur contexte, chacune de ces actions a été analysée en fonction de son intégration possible à l intérieur du SADD. Plusieurs actions s avéraient stratégiques, mais s intégraient difficilement au contenu d un SADD. Par contre, étant donné Vecteur Environnement Septembre 2014 49

ARTICLE TECHNIQUE Mise en œuvre de la gestion intégrée de l eau Arrimage entre les outils d aménagement du territoire et les plans directeurs de l eau leurs impacts positifs sur les ressources en eau, ces dernières ont tout de même été conservées et d autres outils de planification et de développement à l échelle de la MRC (ex. : plan de gestion des matières résiduelles, plan de développement de la zone agricole, etc.) ont été choisis pour leur mise en œuvre. Les résultats Les retombées directes et indirectes d un arrimage sont multiples. D un point de vue économique, le projet permet de : partager les expertises dans une optique d économie de temps et d argent; Tableau 2 Extrait du plan d action relatif à l arrimage Objectifs principaux du PDE Actions du SADD et du PDE Axes d intervention du SADD Orientation : Avoir accès à une eau de qualité Protection de l eau de surface Réduire les risques de contamination en provenance des fosses septiques. Raffiner la cartographie du réseau hydrique pour faciliter l application des mesures de protection de l eau. Protection des prises d eau souterraine Réduire les risques de contamination chimique de l eau souterraine. Orientation : Avoir accès à une quantité d eau suffisante Assurer un approvisionnement suffisant en eau potable Favoriser la saine gestion et la valorisation des eaux de pluie. Orientation : Assurer la sécurité des Réduire les risques associés à l érosion Réduire la sensibilité à l érosion des segments présentant un risque. À l intérieur du périmètre d urbanisation, exiger que les nouveaux développements soient conçus avec un réseau d aqueduc et d égout. Analyser l ensemble du réseau hydrique dans le secteur situé entre la falaise et le fleuve afin de distinguer les cours d eau des fossés. Faire approuver la carte du réseau hydrique par le MDDELCC à titre d outil de référence officiel et l intégrer à l intérieur du SADD. Cartographier les prises d eau et leurs zones de recharge en zones de contraintes afin qu elles soient soumises à certaines restrictions d usage. Prohiber les usages à risque de contamination à l intérieur des périmètres de protection. Intégrer dans les schémas d aménagement et les règlements d urbanisme des mesures de gestion durable des eaux pluviales. Cartographier les zones de glissement de terrain dans les zones de contraintes et ajuster les usages et les normes en conséquence. Orientation : Favoriser l accessibilité aux plans d eau et aux cours d eau Favoriser l accessibilité aux lacs et aux cours d eau Augmenter la longueur des rives à caractère public. Orientation : Protéger et mettre en valeur les écosystèmes Réduire les impacts des usages anthropiques sur l eau Contrer les apports en sédiments dans le réseau hydrique. Crédit : ÉCOgestion-solutions, 2013 Pour les développements en bordure d un lac ou d un cours d eau, conserver un certain pourcentage de rives à des fins publiques. Exiger que les municipalités prévoient, dans leur règlement de zonage, des normes visant à conserver à l état naturel une superficie minimale de terrain (sol non remanié et non déboisé) pour les demandes de permis de construction à l extérieur des périmètres d urbanisation. Aménagement responsable et cohérent des milieux urbanisés Milieux de vie conviviaux et durables Milieux de vie conviviaux et durables Protection et mise en valeur des milieux forestiers Pérennité des espaces récréatifs et touristiques Milieux de vie conviviaux et durables 50 Vecteur Environnement Septembre 2014

harmoniser les priorités et les échéanciers pour rationaliser les investissements; assurer la cohésion des moyens de mise en œuvre pour maximiser les résultats; réaliser des économies à l intérieur des budgets municipaux grâce à : v la réduction des risques et des dommages en lien avec les inondations et l érosion; v la diminution des coûts de traitement de l eau potable qui résulte d une réduction du gaspillage et d une meilleure qualité d eau brute; v une diminution des coûts de traitement des eaux usées par la réduction des eaux de ruissellement et l utilisation de techniques de gestion durable des eaux pluviales. D un point de vue écologique, il a permis d utiliser l approche écosystémique de gestion intégrée de l eau qui tient compte de l ensemble des composantes biotiques et abiotiques, telles que le sol, l air, l eau ainsi que tous les organismes vivants qui cohabitent dans un bassin ou l influencent. Les retombées du projet sur les écosystèmes sont multiples, elles : favorisent l amélioration de la qualité des eaux de surface et la protection des eaux souterraines; contribuent à la conservation de la biodiversité; aident au maintien et à la restauration des rives grâce à des normes strictes; contribuent à la sauvegarde d espèces menacées ou vulnérables. D un point de vue social, la démarche a permis de : mettre en parallèle deux visions et ainsi faciliter la compréhension des liens de cause à effet existant entre les usages du territoire et les problématiques reliées à l eau; jumeler les mécanismes de concertation, d élargir et de diversifier les auditoires et, de ce fait, de faciliter les consensus; garantir l intégration de mesures normatives dans les règlements municipaux et d assurer une certaine équité entre les municipalités d une même MRC dans le cas de moyens de mise en œuvre plus coercitifs. Les retombées L exercice d arrimage a permis à la MRC de La Côte-de-Beaupré et à l OBV Charlevoix- Montmorency d associer leur vision, de se doter d orientations et d objectifs communs et, surtout, d identifier des actions stratégiques qui contribueront à résoudre des problématiques Il s agit de la première expérience québécoise d élaboration simultanée d un plan directeur de l eau (PDE) et d un schéma d aménagement et de développement durable (SADD) ayant abouti à l adoption d objectifs et de moyens de mise en œuvre communs en lien avec les pouvoirs règlementaires associés à l aménagement du territoire. réelles et documentées. Il démontre clairement que, au-delà de la simple prise en considération des plans directeurs de l eau dans les plans d aménagement, il est possible d adopter des moyens de mise en œuvre harmonisés à l échelle régionale, municipale et même à l échelle des bassins versants. Cette expérience place la MRC de La Côte-de- Beaupré devant les MRC du Québec en matière d innovation dans une optique de développement durable qui soit réellement responsable. Finaliste dans la catégorie «Municipalités et communautés autochtones» dans le cadre du deuxième gala Misez Eau! organisé par le Regroupement des organismes de bassin versant du Québec (ROBVQ), elle s est d ailleurs méritée non pas un, mais deux prix : soit le premier prix dans sa catégorie ainsi que le prix coup de cœur du jury. Cette expérience a suscité beaucoup d intérêt auprès de plusieurs MRC et organismes de bassin versant. ÉCOgestion-solutions travaille donc à la production d un guide d accompagnement destiné à démystifier et faciliter la réalisation de démarches similaires. Références ÉCOgestion-solutions. (2013). Rapport d arrimage entre le plan directeur de l eau de la zone Charlevoix- Montmorency et le schéma d aménagement et de développement durable de la MRC de La Côtede-Beaupré. MRC de La Côte-de-Beaupré. (2013). Schéma d aménagement et de développement durable. Projet de règlement N0 184. OBV Charlevoix-Montmorency. (2013). Plan directeur de l eau de la zone hydrique Charlevoix- Montmorency, Projet pour commentaires. Vecteur Environnement Septembre 2014 51