Communication présentée lors du SASE (Society for the Advancement of Socio-Economics) 2003, Aix-en-Provence (France), 26 au 28 juin 2003.



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Communication présentée lors du SASE (Society for the Advancement of Socio-Economics) 2003, Aix-en-Provence (France), 26 au 28 juin 2003. Créations d entreprises et promotion sociale : entrepreneurs ethniques et chômage. Le cas du par Gabrielle A. Brenner, Teresa V. Menzies, et Louis Jacques Filion Cahier de recherche no. 2003-09 Juin 2003 ISSN: 0840-853X Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sous quelque forme que ce soit est interdite. Les textes publiés dans la série des cahiers de recherche de la Chaire d entrepreneurship Maclean Hunter n engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

Créations d entreprises et promotion sociale : entrepreneurs ethniques et chômage. Le cas du. 1 Gabrielle A. Brenner, HEC Montréal Teresa V. Menzies, Faculty of Business, Brock University, St. Catherine s Louis Jacques Filion, HEC Montréal Résumé Cette étude compare 101 entrepreneurs ethniques dans trois grandes villes canadiennes qui, avant de lancer leur entreprise, étaient au chômage à d autres entrepreneurs ethniques de ces trois villes. Ces entrepreneurs sont davantage des immigrants de la première génération et moins intégrés au marché du travail canadien. Leurs années d expérience sur le marché du travail en dehors du semblent ne pas être valorisées par le marché du travail canadien. Ils sont en général moins éduqués que les autres entrepreneurs de notre échantillon et connaissent moins la langue officielle de la ville où ils sont installés. Une proportion plus élevée de femmes en chômage semblerait prendre la route entrepreneuriale, peut-être un signe des plus grandes difficultés rencontrées par les femmes, surtout immigrantes sur le marché du travail Abstract This study compares 101 ethnic entrepreneurs in three Canadian cities who were unemployed before starting their businesses with other ethnic entrepreneurs of these cities. These entrepreneurs are more first generation immigrants and less integrated to the Canadian job market. Their years of experience on the job market outside seem not to count in the Canadian job market. They are on average less educated than the other entrepreneurs of our sample, have less knowledge of the official language of the city where they settled. A higher proportion of unemployed women seems to be taking the entrepreneurial road, maybe a sign of the greater difficulties faced by immigrant women on the job market. 1 Cette recherche a été rendue possible grâce à une subvention du CRSH (Conseil de recherches en sciences humaines du ). Merci à James A. Brander, adjoint au doyen, Faculté de commerce et d administration de l Université de Colombie-Britannique à Vancouver qui assume la gestion financière de ce projet. Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute reproduction sous quelque forme que ce soit est interdite. Les textes publiés dans la série des cahiers de recherche de la Chaire d entrepreneurship Maclean Hunter n engagent que la responsabilité de leurs auteurs.

INTRODUCTION Une solution possible au chômage semble être l auto-emploi. Ainsi Guérir et Vallat (2000) rapportent qu alors que le nombre d entreprises créées en France a diminué de 13% entre 1989 et 1995, le nombre de chômeurs qui créent leur entreprise a lui augmenté. Ceci ne devrait pas surprendre. Ainsi, Brenner et Brenner (1987) citent de nombreuses études d où il ressort que ce qui pousse certains entrepreneurs à créer leur entreprise est le manque d alternative attirante (p. 30). Albert Shapero (1975) note que l un des motifs les plus courants pour la création d entreprise est le déplacement des populations. Et Dahmèn (1970) dans une étude de l industrie suédoise note que les années de crise 1922 et 1932 ont vu un accroissement de créations d entreprises, attribué au nombre de chômeurs qui ont créé leur propre entreprise. Cependant on peut se demander si une entreprise créée dans de telles circonstances n est pas plus fragile que des entreprises créées par des entrepreneurs dont les situations sont moins précaires, surtout dans le cas d un nouvel immigrant ou d un nouveau chômeur qui n a pas les liens avec le milieu d affaires local qu ont les entrepreneurs de type plus «traditionnel». Dans cet article, nous utilisons une base de données unique sur les entrepreneurs ethniques au pour voir s il existe des différences entre les entreprises créées par des entrepreneurs qui étaient au chômage avant de créer leur entreprise et les autres entrepreneurs de l échantillon. REVUE DE LA LITTÉRATURE La création d entreprise peut être due à deux grandes catégories de motifs : les motifs «positifs» (compétence d affaires, opportunités, désir de créer une entreprise etc.) et les motifs «négatifs» (discrimination sur le marché du travail, chômage, manque d alternative attrayante etc.). Chavan et Agrawal (1999) dans une étude de 209 entrepreneurs ethniques australiens montrent que les facteurs «négatifs» sont les plus importants pour les entrepreneurs ethniques de la première génération, qui créent leur entreprise plus par manque d alternatives. Ce résultat est aussi celui de Clark et Drinkwater (1999) sur la création d entreprises par les membres de minorités. Cela nous permet d énoncer notre première hypothèse : Les entrepreneurs ethniques qui créent leur entreprise après une période de chômage sont ceux qui ont fait face aux plus grandes difficultés d intégration sur le marché du travail dans le pays d accueil. - 2 -

Une fois créée, une entreprise doit survivre. Guérir et Vallat (2000), comparant les facteurs de succès des entreprises créées par les chômeurs en France, ont montré que la création d entreprises par les chômeurs de longue durée semble être plus risquée car ces derniers ont tendance à cumuler les caractéristiques discriminantes négatives comme le manque d expérience, le niveau de formation inférieur à la moyenne et les secteurs risqués. Également, dans leur échantillon, les créateurs immigrés réussissaient moins bien que les autres. Dans son étude des entrepreneurs issus de l immigration, l Agence pour la Création d Entreprises (2002) remarque que ces entrepreneurs bénéficient moins de prêts bancaires et d aide publique que les autres. Masurel et al. (2002) dans leur étude des entrepreneurs ethniques à Amsterdam ajoutent que l accès au réseau ethnique peut avantager ce genre d entrepreneurs. Ceci nous permet d énoncer une deuxième hypothèse de recherche : Les entrepreneurs ethniques qui créent leur entreprise après une période de chômage utilisent plus le réseau ethnique que les autres entrepreneurs et moins les ressources de la société d accueil. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE Cet article s inscrit dans le cadre d un projet de recherche de la chaire d entrepreneurship Maclean Hunter de HEC Montréal visant à comprendre les caractéristiques et les contributions entrepreneuriales de certaines communautés ethniques au. Pour arriver à cette fin, nous avons procédé à une collecte de données dans les trois métropoles canadiennes, trois grandes villes à forte proportion d immigrants : Montréal, Toronto et Vancouver. Cet article porte sur cinq groupes ethniques: les Chinois, les Italiens, les Juifs, les Indiens/Sikhs et les Vietnamiens. Les entrepreneurs dans l échantillon sont au nombre de 697. Toutefois, nous nous devons de mentionner que nous n avons pas les statistiques d ensemble disponibles sur ces groupes pour mesurer si nos données sont statistiquement représentatives de ces populations dans les villes étudiées. Ces statistiques ne deviennent disponibles que quelques années après leur cueillette qui ne coïncide pas avec les périodes de cueillette de nos propres données. Ainsi, compte tenu de la mouvance de l immigration au, les analyses qui suivent ne peuvent pas être étendues à l ensemble de ces populations. Les résultats qui suivent sont considérés uniquement pour les fins de cette recherche. LES QUESTIONNAIRES DE L ENQUÊTE. Deux types de questionnaires ont été utilisés pour collecter les données de cette recherche, l un consacré aux entrepreneurs et l autre aux non-entrepreneurs. Ces - 3 -

deux questionnaires résultent de l adaptation de ceux utilisés dans des études antérieures par Brenner, Célas et Toulouse ( 1992a et b ). Ils sont conçus de sorte qu on puisse cerner le profil socio-démographique des répondants, les entreprises et l expérience entrepreneuriale des entrepreneurs. Lorsque la littérature le permettait, des questions fermées ou à choix multiples ont été utilisées pour recueillir les informations recherchées. C est par exemple le cas dans les questions portant sur le niveau d éducation, la langue d usage, les sources de financement, le chiffre d affaires, les raisons de partir en affaires, etc. Dans le cas contraire, des questions ouvertes ont été plutôt utilisées demandant aux répondants d ordonner leurs réponses. LA COLLECTE ET L ANALYSE DES DONNÉES Dans le but de faciliter cette collecte des données, l initiative a été prise d utiliser des personnes appartenant à chacun des groupes ethniques pour administrer les questionnaires sur le terrain. Cela a favorisé un meilleur climat de confiance tout en permettant de surmonter des barrières relatives à la langue et de favoriser l identification d autres répondants. Pour les fins de cet article, nous avons isolé les entrepreneurs qui ont répondu avoir été au chômage avant de lancer leur entreprise des autres entrepreneurs, soit 101 entrepreneurs divisés comme le montre le tableau 1 selon la ventilation ethnique et le tableau 2 selon la ville. Ainsi ces entrepreneurs viennent un peu plus de Vancouver que de Montréal et Toronto. Seulement neuf entrepreneurs canado-italiens (sur un total de 129) et 12 entrepreneurs vietnamiens (sur un total de 116) ont été au chômage avant de créer leur entreprise. Par contre 31 entrepreneurs d origine chinoise, 25 Juifs et 24 Indiens/Sikhs se trouvaient dans cette catégorie. Tableau 1 Ventilation de l échantillon par groupes ethniques Groupe ethnique Pourcentage Chinois 31 30.7 Italien 9 8.9 Vietnamien 12 11.9 Indien/Sikh 24 23.8 Juif 25 24.8 Total 101 100 Tableau 2 Répartition géographique de notre échantillon Région géographique Pourcentage Montréal 32 31.7 Toronto 31 30.7 Vancouver 38 37.6 Total 101 100-4 -

Une question posée aux entrepreneurs est celle de la raison première de la création de l entreprise, et une des réponses suggérées à cette question est «créer mon emploi». Un test statistique a permis d établir que la P-value obtenue est significative à un niveau de 0.01. Ainsi ces entrepreneurs ont créé leur entreprise pour se créer un emploi. Les entrepreneurs qui avaient un statut de sans-emploi avant de partir en affaires, sont des immigrants dans une plus grande proportion (24 % contre 20% pour les autres entrepreneurs ethniques) que les autres entrepreneurs ethniques comme le montre le tableau 3, et cela avec un haut degré de signification. Comme les immigrants sont moins intégrés au marché du travail de la société d accueil, ce résultat était anticipé. Tableau 3 : Comparaison de notre échantillon par rapport au reste des entrepreneurs Variables analysées Lieu de naissance : - Le - L étranger Notre échantillon Reste des entrepreneurs Pourcentage Pourcentage 20 20 139 24.3 80 80 433 75.7 Test de Khi- Carré 20.711 *** Niveau de signification *:p<=0.05 **:p<=0.01 ***:p<=0.001 Le tableau 4 donne la répartition par sexe des entrepreneurs sans emploi avant de partir en affaires comparée à la distribution des autres entrepreneurs ethniques de l échantillon. Tableau 4 Répartition des entrepreneurs ethniques selon le sexe Statut de sans-emploi avant de partir en affaires Autre statut % % Femmes 41 40.6 129 22.5 Hommes 60 59.4 444 77.5 Total 101 100 573 100 Test de Khi- Carré 14.883 *** De ce tableau, il apparaît que parmi les sans-emploi avant de partir en affaires, les femmes sont proportionnellement en plus grand nombre que les hommes : 22.5% parmi les femmes entrepreneures en général, mais 40.6% parmi les femmes sans emploi tandis que les hommes sont à 77.5% chez les entrepreneurs en général, mais seulement à 59.4% chez les chômeurs. Cette différence est significative à un niveau de 1%. Il semble donc que les femmes, qui font en général face à plus d obstacles dans le marché du travail, sont celles qui proportionnellement ont le plus recours à l entrepreneurship pour se sortir de leurs difficultés. - 5 -

Un autre indicateur de la difficulté d intégration dans le marché du travail est le nombre d années d expérience sur le marché du travail au avant de lancer l entreprise, et pour les immigrants, le nombre d années d expérience de travail avant leur arrivée au. Ce dernier indicateur est cependant problématique car il n est pas certain que les années d expérience avant l arrivée au soient reconnues au. Les tableaux 5 et 6 comparent la moyenne des années d expérience au et avant l arrivée au des sans-emploi immigrants avant de lancer leur entreprise et des autres entrepreneurs de notre échantillon. Ainsi en moyenne les entrepreneurs sans emploi de notre échantillon avaient 4.4 années d expérience de travail au, contre 7.9 années pour les autres entrepreneurs, et cette différence est significative à un niveau de 1% Tableau 5 Nombre d années d expérience de travail au Nombre d années d expérience de travail au Statut de sans-emploi avant de partir Autre statut en affaires MANOVA Moyenne Écart type Moyenne Écart type 4.42 6.38 7.97 7.05 22.424 *** Tableau 6 Nombre d années d expérience de travail avant l arrivée au Nombre d années d expérience de travail avant l arrivée au Statut de sans-emploi avant de partir Autre statut en affaires MANOVA Moyenne Écart type Moyenne Écart type 5.34 8.82 3.57 6.14 5.256 ** Ces entrepreneurs comptent moins d années d expérience au que les autres entrepreneurs ethniques de l échantillon. Ils apparaissent ainsi relativement moins intégrés au marché du travail de la société d accueil. Les entrepreneurs sans emploi avaient en moyenne 5.3 années d expérience de travail avant leur arrivée au contre 3.5 pour les autres entrepreneurs (la différence étant significative au niveau de 5%). Ceci pourrait signifier que les années d expérience sur le marché du travail avant de venir au ne sont pas toujours pertinentes par rapport au domaine dans lequel l entreprise est créée au et ne constitueraient pas toujours un atout pour l immigrant chômeur qui crée une entreprise. Ces entrepreneurs sont en général moins éduqués que les autres entrepreneurs comme le montre le tableau 7, mais les différences ne sont pas très importantes (bien que statistiquement très significatives). Ainsi 39.6% de ces entrepreneurs ont atteint un niveau d éducation universitaire contre 45.9% des autres entrepreneurs de l échantillon. - 6 -

Tableau 7 : Comparaison de notre échantillon par rapport au reste des entrepreneurs Variables analysées Niveau d éducation atteint : - Aucun niveau Notre échantillon Reste des entrepreneurs Pourcentage Pourcentage 4 4.2 29 5.5 Test de Khi- Carré - Elémentaire 4 4.2 24 4.5 - Secondaire 28 29.2 124 23.5 31.007 ** - Collège 22 22.9 109 20.6 - Premier cycle 21 21.9 135 25.6 - Deuxième cycle et plus 17 17.7 107 20.3 Niveau de signification *:p<=0.05 **:p<=0.01 ***:p<=0.001 Une autre donnée qui peut montrer l intégration dans la société d accueil est la connaissance de la langue parlée. Les tableaux 8-1 à 8-4 comparent la langue parlée à la maison et au travail par les entrepreneurs sans emploi avant de lancer leur entreprise et les autres entrepreneurs à Montréal, d une part et Toronto et Vancouver combinées de l autre. La raison de cette différenciation est la langue de la majorité : français à Montréal, anglais à Toronto et Vancouver. Ainsi, à Montréal, 31.3% des entrepreneurs sans emploi avant de lancer leur entreprise parlent l anglais à la maison, et 9.4% parlent le français. Au travail, 43.8% parlent l anglais, et 25% le français. Dans les deux cas, ces nombres ne sont pas significativement différents de ceux des entrepreneurs qui avaient un emploi avant de partir en affaires. À Toronto et Vancouver, l anglais est parlé à la maison par 39.1% des entrepreneurs sans emploi et par 44.9% des autres et cette différence est significative au niveau de 1%. Au travail, 66.7% des entrepreneurs sans emploi parlent l anglais contre 74% des autres entrepreneurs, et cette différence est significative à un niveau de 1%. Il semble donc exister une différence entre Montréal, où l ignorance des langues officielles ne semble pas constituer une barrière, et Toronto et Vancouver où l ignorance de l anglais semble contribuer au chômage et donc à la décision de partir en affaires. Ceci peut être le résultat du bilinguisme plus grand qui règne à Montréal où les gens sont de plus en plus habitués à composer avec des différences linguistiques Ces données ne pourraient être révélatrices de la pointe d un iceberg qui indique que Toronto et Vancouver se situent davantage dans une dynamique nord-américaine d intégration anglo-saxonne, alors que Montréal ressemble de plus en plus à une mosaïque multiethnique où le niveau non seulement de tolérance mais aussi d acceptation de différentes langues et cultures semble inégalé ailleurs dans les Amériques. - 7 -

Toutes ces données semblent confirmer la première hypothèse, à savoir que les entrepreneurs ethniques qui créent leur entreprise après une période de chômage sont ceux qui ont fait face aux plus grandes difficultés d intégration sur le marché du travail dans le pays d accueil. Nous allons maintenant essayer de tester notre deuxième hypothèse, à savoir que les entrepreneurs de notre échantillon ont plus recours aux ressources du réseau ethnique et moins à celles de la société d accueil que les autres entrepreneurs. Une de nos questions avait trait au pourcentage de financement initial venant de diverses sources. Ainsi, les entrepreneurs chômeurs, avant de lancer leur entreprise, ont-ils en moyenne financé 11.7% du capital initial par un prêt bancaire, contre 18.7% pour les autres entrepreneurs de l échantillon. Cette différence est significative à un niveau de 10%. Par contre, 18.4% de leur capital initial venait d un prêt familial contre 11% pour les autres entrepreneurs (différence significative au niveau de 1%). Bien qu ils utilisent plus le prêt d amis membres de leur communauté (6.3% contre 3.2% du capital initial), cette différence n est pas statistiquement significative. Le tableau 9 donne la décomposition du nombre d employés total, membres de la famille et membres du groupe ethnique. Si le nombre d employés total aussi bien à temps plein que partiel est supérieur pour les autres entreprises, il n y a aucune différence statistiquement significative qui apparaît, et le moindre nombre d employés des entrepreneurs chômeurs dans presque toutes les catégories peut refléter plutôt le fait que leurs entreprises sont relativement plus petites que celles des autres entrepreneurs de l échantillon, comme le montre le tableau 10, qui donne la décomposition du chiffre d affaires, comparant les entrepreneurs chômeurs avec les autres entrepreneurs et qui montre qu en moyenne les entreprises des entrepreneurs chômeurs sont plus petites que celles des autres entrepreneurs. - 8 -

Tableau 8-1 Distribution des entrepreneurs par langues les plus parlées à la maison (Région de Montréal) Langue la plus parlée par les entrepreneurs à la maison Anglais Français Autres relative relative relative Statut de sans-emploi avant de partir en affaires 10 31.3 3 9.4 19 59.4 Autre statut 52 26.9 17 8.8 124 64.2 Niveau de signification *:p<=0.1 **:p<=0.05 ***:p<=0.01 Test de Ki-Carré 0.297 Tableau 8-2 Distribution des entrepreneurs par langues les plus parlées au travail (Région de Montréal) Langue la plus parlée par les entrepreneurs au travail Anglais Français Autres relative relative relative Statut de sans-emploi avant de partir en affaires 14 43.8 8 25 10 31.3 Autre statut 79 41.1 58 30.2 55 28.6 Niveau de signification *:p<=0.1 **:p<=0.05 ***:p<=0.01 Test de Ki-Carré 0.361 9

Tableau 8-3 Distribution des entrepreneurs chômeurs et non chômeurs parlant l anglais à la maison (Région de Toronto et Vancouver) Langue la plus parlée par les entrepreneurs à la maison Anglais Français Autres relative relative relative Statut de sans-emploi avant de partir en affaires 27 39.1 0 0 42 60.9 Autre statut 170 44.9 0 0 209 55.1 Niveau de signification *:p<=0.1 **:p<=0.05 ***:p<=0.01 Test de Ki-Carré 3.766 *** Tableau 8-4 Distribution des entrepreneurs chômeurs et non chômeurs parlant l anglais au travail (Région de Toronto et Vancouver) Langue la plus parlée par les entrepreneurs au travail Anglais Français Autres relative relative relative Statut de sans-emploi avant de partir en affaires 46 66.7 0 0 23 33.3 Autre statut 280 74.1 2 0.5 96 25.4 Niveau de signification *:p<=0.1 **:p<=0.05 ***:p<=0.01 Test de Ki-Carré 3.185 *** 10

Tableau 9 Employés dans l entreprise Nombre d employés Statut de sans-emploi avant de partir en affaires Autre statut Moyenne Écart type Moyenne Écart type MANOVA temps plein 2.88 3.83 9.77 36.12 3.622 temps partiel 1.83 3.26 7.91 106.19 0.327 membres de la famille à temps plein 0.72 1.52 18.58 422.13 0.173 membres de la famille temps partiel 0.72 0.72 18.61 422.50 0.174 membres groupe ethnique temps plein 1.84 2.99 2.89 6.44 2.525 membres groupe ethnique temps partiel 1.29 2.74 1.22 3.75 0.037 Niveau de signification *:p<=0.05 **:p<=0.01 ***:p<=0.001 Tableau 10 Niveau du chiffre d affaires de l entreprise Statut de sans-emploi avant de partir en affaires Autre statut relative relative [0,100000] 49 51.6 166 31.7 [100001,250000] 11 11.6 92 17.6 Niveau du [250001,500000] 17 17.9 87 11.6 chiffre [500001,1000000] 5 5.3 61 11.6 d affaires de [1000001,2500000] 10 10.5 56 10.7 l entreprise [2500001,10000000] 2 2.1 43 8.2 Plus de 10000000 1 1.1 19 3.6 Total 95 100 524 100 Niveau de signification *:p<=0.05 **:p<=0.01 ***:p<=0.001 Test de Khi-Carré 19.812 *** Ainsi, si pour le démarrage les chômeurs utilisent plus leur famille et moins la banque, on ne trouve pas dans notre échantillon que les entrepreneurs chômeurs utilisent plus le réseau familial ou ethnique pour le recrutement de leur personnel. Au niveau des fournisseurs et des clients, les entrepreneurs chômeurs semblent avoir plus recours au réseau ethnique pour les ventes : ainsi, en moyenne, ils vendent 52% aux membres de leur groupe ethnique contre une moyenne de 43% pour les autres entrepreneurs de l échantillon, et cette différence est statistiquement significative au niveau de 5%. Ceci semble être un indice assez clair d une moins grande intégration 11

dans la société d adoption. Par contre il n y a pas de différence significative au niveau du pourcentage des achats faits auprès de fournisseurs membres du groupe ethnique. Ainsi notre deuxième hypothèse, à savoir que les entrepreneurs ethniques qui créent leur entreprise après une période de chômage utilisent plus le réseau ethnique que les autres entrepreneurs et moins les ressources de la société d accueil, n est que partiellement vérifiée. CONCLUSION Nous avons dans cet article fait ressortir quelques caractéristiques des entrepreneurs chômeurs avant de lancer leur entreprise par rapport aux autres entrepreneurs de notre échantillon. Il apparaît ainsi que ces entrepreneurs sont plus des immigrants de la première génération, moins intégrés au marché du travail canadien. Leurs années d expérience sur le marché du travail en dehors du semblent ne pas être valorisées par le marché du travail canadien. Ils sont en général moins éduqués que les autres entrepreneurs de notre échantillon, connaissent moins la langue officielle de la ville où ils sont installés. Une proportion plus élevée de femmes en chômage semblerait prendre la route entrepreneuriale, peut-être un signe des plus grandes difficultés rencontrées par les femmes, surtout immigrantes sur le marché du travail. Ceci constitue une hypothèse qu il serait intéressant de vérifier, car traditionnellement le monde des entrepreneurs ethniques et en particulier celui des immigrants a été grandement dominé par les hommes. Ceci pourrait aussi refléter la place grandissante occupée par les femmes sur le marché du travail au. Cependant ces entrepreneurs ne semblent pas utiliser le réseau ethnique autant qu on aurait pu le croire. Cette étude n est que préliminaire et soulève des questions auxquelles d autres études s efforceront de répondre. BIBLIOGRAPHIE Agence pour la Création d Entreprises, «Création d entreprises par les entrepreneurs issus de l immigration : l exemple des entrepreneurs d origines maghrébines», Maghreb Ressources Humaines, 2002. Brenner, Reuven et Gabrielle A. Brenner. «Who Are the Entrepreneurs? (or don t confuse brains with a bull market», In R. Brenner, Rivalry In business, science, among nations. Cambridge : Cambridge University Press, 1987. Chavan, Meena and Rakesj K. Agrawal. «The Changing Role of Ethnic Entrepreneurs in Australia», International Council for Small Business, 1999. Clark, Kenneth and Stephen Drinkwater. «Pushed Out or Pulled In? Self- Employment among Ethnic Minorities in England and Wales», University of Manchester, 1999. 12

Dahmèn, Erik. Entrepreneurial Activity and the Development of Swedish Industry 1919-1939. Homewood, Irwin, 1970. Guérir, Isabelle et David Vallat. «Les clefs du succès de la création d entreprises par les chômeurs», Centre Walras, 2000. Masurel, Enno, Peter Nijkampf, Murat Tastan and Gabriella Vindigni. «Motivation and Performance Conditions for Ethnic Entrepreneurship», Growth and Change (Spring 2002). Shapero, Albert. «The Displaced, Uncomfortable Entrepreneur», Psychology Today, 11 (November 1975 : 83-88.) 13