NOVEMBRE 2002. Elaboration d'un outil De recueil de plaintes De troubles musculosquelettiques Au poste de travail



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NOVEMBRE 2002 ISSN 0397-4529 228 Elaboration d'un outil De recueil de plaintes De troubles musculosquelettiques Au poste de travail Carole Hazotte Cette étude, réalisée dans le Laboratoire de biomécanique et d'ergonomie (LBE) a donné lieu à un mémoire soutenu dans le cadre du DES de médecine du travail Le 1 e r juillet 2002 Université Henri Poincaré NANCY 1 Faculté de médecine de NANCY INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE ET DE SECURITE SIEGE SOCIAL : 30, RUE OLIVIER-NOYER, 75680 PARIS CEDEX 14 CENTRE DE LORRAINE : AVENUE DE BOURGOGNE, 54501 VANDOEUVRE CEDEX

AVANT-PROPOS La démarche de prévention des troubles musculosquelettiques du membre supérieur (TMS-MS) en milieu professionnel fait désormais l'objet d'un consensus. Elle repose sur trois principes fondamentaux : l'interdisciplinarité, la participation de tous les acteurs concernés et l'approche globale des situations de travail permettant d'aborder les facteurs de risque et leurs déterminants dans leur ensemble. Elle vise à transformer le travail pour maîtriser le risque de TMS-MS dans le cadre d'un projet qui comporte trois étapes : la mobilisation qui consiste à sensibiliser les différents partenaires de la démarche et à accroître ainsi leur motivation en matière de prévention des TMS, l'investigation qui comporte la recherche de données sur la santé des opérateurs et l'analyse ergonomique des situations de travail pour identifier les facteurs de risques de TMS et leurs déterminants la maîtrise du risque qui découle des deux premières étapes et passe par la transformation des situations de travail pour réduire le risque de TMS. La démarche de prévention doit être adaptée au contexte de l'entreprise et être susceptible d'évoluer en fonction des attentes et des contraintes qui pèsent sur l'ensemble des acteurs et des structures concernés. L'une des difficultés de la démarche de prévention est d'adapter les modalités de surveillance de la santé des salariés en fonction des objectifs opérationnels de maîtrise du risque. Dans cette perspective, plusieurs équipes de recherche se sont intéressées au développement d'outils de recueil de plaintes de TMS au poste de travail. Le présent document expose dans une première partie une synthèse bibliographique relative aux outils de recueil de plaintes de TMS développés en milieu professionnel au cours des deux dernières décennies. A partir de cette synthèse, l'auteur propose dans une deuxième partie l'élaboration d'un outil de recueil de plaintes de TMS adapté au contexte de l'entreprise dans laquelle une démarche de prévention des TMS est en cours. L'implantation de l'outil de recueil dans un secteur de l'entreprise a fait l'objet d'une pré-étude qui est également relatée dans ce document. A l'issue de cette phase expérimentale, l'évaluation de l'outil a conduit à son adaptation afin d'étendre son utilisation à un échantillon plus large de salariés au sein de l'entreprise. Le travail réalisé a permis de proposer un outil qui paraît pertinent dans le cadre de la démarche de prévention, à condition de respecter des préalables indispensables : l'intégration de l'outil dans une démarche structurée telle que celle proposée par l'inrs en trois étapes, "mobiliser, investiguer, maîtriser", l'utilisation des informations recueillies dans le respect de la confidentialité des données, par des personnes et/ou des structures compétentes pour en évaluer la pertinence et en valider les résultats. La validation de l'outil dans un secteur plus étendu de l'entreprise permettra d'en préciser les limites. Cet outil pourrait permettre d'accroître la réactivité de l'entreprise en matière de prévention des TMS en introduisant un système de veille médical et ergonomique en complément d'autres dispositifs, au service de la démarche de prévention. Docteur Agnès Aublet-Cuvelier Laboratoire de Biomécanique et d'ergonomie

ELABORATION D'UN OUTIL DE RECUEIL DE PLAINTES DE TMS AU POSTE DE TRAVAIL I. INTRODUCTION 5 II. OBJECTIFS D'UN OUTIL DE RECUEIL DE PLAINTES AU POSTE DE TRAVAIL...? III. CONTENU DE LA FICHE DE RECUEIL 9 1. Représentation du corps humain 9 2. Evaluation des caractéristiques des plaintes 11 2.1. Intensité des plaintes 11 2.1.1. Evaluation simple, binaire 11 2.1.2. Echelle d'évaluation descriptive 11 2.1.3. Echelle verbale simple 12 2.1.4. Echelle visuelle analogique 12 2.1.5. Echelle numérique de Borg 13 2.1.6. Synthèse 14 2.2. Fréquence de survenue des plaintes 15 2.3. Type de plaintes 15 2.4. Durée des plaintes et rythme d'apparition en fonction de l'activité de travail.16 2.5. Synthèse 16 3. Mise en relation des plaintes avec les activités professionnelles 17 4. Informations socio-démographiques 19 5. Retentissement des plaintes sur les plans médical, professionnel et extra-professionnel19 5.1. Retentissement médical 19 5.2. Retentissement professionnel 20 5.3. Retentissement extra-professionnel 21 IV. MODALITES DE RECUEIL DES DONNEES 23 1. Support papier / informatique 23 1.1. Support papier 23 1.2. Outil informatisé 23 1.3. Comparaison des deux modes de recueil 24 2. Rythme de recueil 24 2.1. Administration répétée de la fiche de recueil de plaintes 24 2.2. Présentation unique de la fiche 25 2.3. Recueil de plaintes sur un mode spontané 26 2.4. Conclusion 26

3. Confidentialité des données recueillies 27 3.1. Anonymat des fiches 27 3.2. Lieu de recueil des fiches 27 3.3. Collecte des données 27 3.4. Conclusion 27 V. ANALYSE STATISTIQUE DES DONNEES RECUEILLIES 29 1. Indices 29 1.1. Prévalence des TMS...29 1.2. Moyenne des intensités des TMS 30 1.3. Indices d'inconfort 30 1.3.1. Indices de Stuart-Buttle 30 1.3.2. Indices de Corlett et Bishop 32 2. Analyse statistique des données 34 2.1. Variables indépendantes considérées 34 2.2. Tests statistiques sur enquêtes transversales 35 2.2.1. tests sur séries indépendantes : 35 2.2.2. Tests sur séries appariées : 35 2.2.3. Application par les auteurs 36 2.3. Tests statistiques sur études longitudinales... 37 VI. APPORTS D'UNE FICHE DE RECUEIL DE PLAINTES AUX POSTES DE TRAVAIL PAR RAPPORT AUX AUTRES OUTILS DE SURVEILLANCE 39 1. Introduction 39 2. Avantages 40 3. Inconvénients 40 4. Facteurs de réussite 40 VIL SYNTHESE 41 1. Contenu de la fiche 41 1.1. Localisation des plaintes 41 1.2. Intensité des plaintes 41 1.3. Fréquence de survenue des plaintes 41 1.4. Relations établies par les salariés entre les plaintes et les conditions de travail 42 1.5. Renseignements d'ordre personnel 42 1.6. Renseignements concernant le retentissement médical des plaintes.. 42 2. Modalités de recueil 42 3«Conclusion 43

VIII. INSTAURATION D'UNE FICHE DE RECUEIL DE PLAINTES AU SEIN D'UNE ENTREPRISE - 45 1. Présentation de l'entreprise. 45 2. Mise en œuvre de la démarche de prévention des TMS 45 2.1. La mobilisation du personnel : 45 2.2. L f investigation 46 2.3. La maîtrise du risque:. 47 3. Instauration de la fiche de recueil de plaintes 47 3.1. Objectifs de la fiche... 47 3.2. Contenu de la fiche 48 3.3. Implantation de la fiche...49 3.4. Périodicité de recueil 49 3.5. Modalités de recueil des données 49 3.6. Collecte des fiches 49 3.7. Analyse des données 49 3.8. Transfert des informations recueillies....49 IX. EVALUATION A L'ISSUE DE LA PHASE EXPERIMENTALE D'IMPLANTATION 51 1. Première phase expérimentale d'implantation 51 1.1. Suivi des objectifs 51 1.2. Informations recueillies 51 1.3. Modifications réalisées 51 2. Deuxième phase expérimentale d'implantation 52 2.1. Recueil systématique de fiches 52 2.2. Recueil spontané de fiches 52 X. DISCUSSION 55 1. Mode de recueil des fiches 55 1.1. Recueil systématique de fiches 55 1.2. Recueil spontané de fiches 55 2. Relations plaintes - travail 56 3. Conclusion 56 XI. CONCLUSION. 57 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 58 ANNEXES.. 61

ANNEXES Annexe 1 : Rappel sur les TMS Annexe 2 : Fiches de recueil recensées dans la littérature. Annexe 3 : Analyse statistique longitudinale des données recueillies - exemples Annexe 4 : Les différentes fiches de recueil de plaintes instaurées lors de la démarche. Annexe 5 : Fiches de recueil de plaintes: synthèse des informations recueillies lors des différentes sessions.

I. INTRODUCTION Les troubles musculo-squelettiques ( TMS) du membre supérieur relevant du tableau n 57 du Régime Général et du tableau n 39 du Régime Agricole sont aujourd'hui la première cause de maladie professionnelle en France et dans la plupart des pays industrialisés, devançant les classiques maladies professionnelles telles que la surdité, les dermatoses et les pneumoconioses. Les TMS résultent d'un déséquilibre entre les contraintes biomécaniques et les capacités fonctionnelles de l'opérateur. Ce déséquilibre peut être accentué du fait de facteurs psychosociaux qui sont susceptibles de retentir, directement ou par l'intermédiaire du stress, sur les contraintes biomécaniques et sur les capacités fonctionnelles de l'opérateur. L'environnement du travail contribue significativement au développement des TMS et peut ainsi diminuer les capacités de travail. Les systèmes de surveillance de la santé ont pour but d'effectuer la détection précoce des lésions attribuables au travail répétitif et des facteurs de risque qui y sont associés. La surveillance de la santé comprend [9] : 1) la surveillance passive : elle repose sur des informations contenues dans des bases de données et des dossiers existants : les rapports du service médical de l'entreprise, les reconnaissances de maladie professionnelle issues du tableau du Régime Général 57 et fournies par la CNAM et les enquêtes ponctuelles relatives aux TMS. Dans certains pays, des données complémentaires peuvent être fournies par les dossiers d'assurance, les dossiers d'indemnisation des travailleurs, les demandes de mutation, les dossiers d'absentéisme... 2) la surveillance active : elle permet d'obtenir des informations avant même que les gens ne se sentent contraints de les signaler. Les deux outils de surveillance active sont : - l'interrogatoire et l'examen clinique réalisés par le médecin - la fiche de recueil de plaintes aux postes de travail L'objectif de ce présent travail est de recenser les outils nécessaires pour élaborer une fiche de recueil de plaintes aux postes de travail. Après avoir évoqué dans une première partie les objectifs d'un outil de recueil de plaintes aux postes de travail, seront ensuite exposés le contenu des différentes fiches retrouvées dans la bibliographie, les différentes modalités de recueil des données, l'analyse statistique des données recueillies puis les apports d'une fiche de recueil de plaintes par rapport aux autres outils de surveillance.

Enfin, à partir des éléments de la synthèse bibliographique, il sera proposé dans une dernière partie une fiche de recueil de plaintes aux postes de travail qui sera utilisée dans une entreprise de petit équipement ménager de Lorraine.

II. OBJECTIFS D'UN OUTIL DE RECUEIL DE PLAINTES AU POSTE DE TRAVAIL Quinze études ont pu être recensées sur le développement d'un outil de recueil de plaintes aux postes de travail. La première date de 1976, réalisée par Corlett et Bishop. Les autres études ont été effectuées pour la plupart entre 1994 et 1996, aux Etats-Unis. Certains outils de recueil de plaintes ont été implantés au sein d'une entreprise ; d'autres au sein d'un laboratoire, dans le cadre de recherches expérimentales. Pour la majorité des auteurs, les deux principaux objectifs sont de dépister les signes précurseurs de TMS afin d'agir avant l'apparition des troubles avérés [6, 9, 11, 14, 15, 16, 17] et d'évaluer l'efficacité des interventions médicales et ergonomiques mises en œuvre aux postes de travail [4, 9, 11, 13, 14, 18]. Saldana [14] espère également identifier les métiers à hauts risques de TMS. Silverstein [16] souhaite, par cette méthode de recueil, établir les relations qui existent entre les plaintes de TMS et les facteurs de risque liés au travail afin de les réduire. Enfin, Stuart-Buttle [17] souhaite en plus recueillir l'opinion des salariés sur les facteurs aggravants et tenir compte de leurs suggestions pour améliorer le poste.

III. CONTENU DE LA FICHE DE RECUEIL Le contenu de la fiche de recueil de plaintes dépend des objectifs de chaque auteur. Dans la majorité des cas, elle comprend : 3) une représentation illustrée du corps humain où chaque salarié peut identifier le siège exact de la plainte, 4) les caractéristiques des plaintes, à savoir, l'intensité, la fréquence de survenue, le type et la durée des plaintes, 5) les relations qui existent entre les plaintes rapportées et les activités professionnelles, 6) des informations socio-démographiques, 7) le retentissement médical, professionnel et extra-professionnel des plaintes. 1. Représentation du corps humain Afin d'identifier le siège exact de la plainte, Corlett et Bishop [4] en 1976 ont imaginé un dessin sur lequel était représenté un corps humain. Leur schéma montrait la face postérieure d'un homme séparée en 12 régions. Aucune articulation n'était incluse ; ils différenciaient la droite de la gauche pour les membres inférieurs mais pas pour les membres supérieurs ( figure 1). Figure 1 : représentation du corps humain selon Corlett et Bishop (1976).

Cette représentation schématique a été ensuite revue et corrigée par Corlett en 1990 car, selon lui, elle était trop succincte : le corps humain était toujours représenté de dos mais, cette fois-ci, il était divisé en 27 parties incluant les différentes articulations et différenciant la droite de la gauche pour les membres supérieurs et inférieurs. D'autres auteurs se sont inspirés de la méthode de Corlett et Bishop ; pour indiquer l'emplacement exact de la gêne, ils ont aussi schématisé un corps humain, facilitant la reconnaissance et le choix du siège de la plainte. Suivant les auteurs, le corps humain est représenté de profil, de dos et / ou de face et les schémas sont divisés en plusieurs parties passant par un minimum de sept dans l'étude de Ulin [18] à un maximum de quarante-neuf parties dans l'étude de Stuart- Buttle[17]. Ulin [18] en 1993 est le seul à représenter un homme de profil, qu'il a divisé en sept régions : 1 ) tête et cou 2) épaule et membre supérieur 3) coude et partie inférieure du bras 4) poignet et main 5) torse 6) partie supérieure du membre inférieur 7) partie inférieure du membre inférieur Sur ce schéma, la droite de la gauche ne sont pas différenciées et le siège de la douleur est représenté grossièrement. Grant [6], Marley [11] et Van der Grinten [19] se sont tous les trois inspirés de la méthode de Corlett et Bishop et comme eux, ils ont représenté un homme dessiné de dos mais le nombre de parties était différent suivant les auteurs. Ainsi, Grant a séparé son schéma en dix-huit parties. Pour Marley, la séparation du corps humain en douze ou dix-huit régions n'est pas suffisante pour répondre à son objectif, à savoir, déceler les signes précoces des TMS ; c'est pourquoi, il a divisé son schéma en vingt-cinq régions différentes en y ajoutant les pieds, les genoux, les coudes et les yeux. Van der Grinten [19] a représenté quarante régions sur son schéma incluant ainsi toutes les articulations. Le fait de représenter le corps humain uniquement de dos présente un inconvénient majeur : il n'est pas possible d'identifier toutes les localisations des plaintes signalées (en particulier de profil et de face). Ce schéma n'est pas représentatif de la réalité, conduisant à une sous-évaluation de la prévalence des TMS [8].

Sauter [15] a, quant à lui, dessiné un homme de face, divisé en dix-huit régions. Saldana [14] et Stuart-Buttle [17] ont tous deux représenté un homme dessiné de face et de dos, séparé respectivement en trente-huit et quarante-neuf parties. Pour ces différents outils, les opérateurs devaient ainsi hachurer les régions douloureuses, plusieurs localisations pouvant être par conséquent hachurées. Cameron [2] dans son étude arrive à la conclusion selon laquelle la conception de l'illustration du corps humain qui permet de collecter les renseignements les plus pertinents est la suivante : le corps humain doit être dessiné de face et de dos, les différentes articulations doivent être incluses, la droite et la gauche doivent être différenciées, les lignes utilisées sur le schéma pour délimiter les différentes parties du corps doivent correspondre autant que possible aux particularités anatomiques. Dès lors, toutes les localisations du corps humain peuvent être recensées. 2. Evaluation des caractéristiques des plaintes Les plaintes signalées par les opérateurs peuvent être caractérisées par l'intensité, la fréquence de survenue, le type et la durée. 2.1, Intensité des plaintes L'intensité de la plainte peut être mesurée par plusieurs échelles d'évaluation dont les principales sont : 2.1.1. Evaluation simple, binaire L'évaluation simple binaire consiste à répondre à la question par «oui» ou par «non».très peu d'auteurs utilisent cet outil d'évaluation car il est peu précis. Kuorinka [8] l'a utilisé dans le questionnaire «Scandinave» relatif aux plaintes detms. 2.1.2. Echelle d'évaluation descriptive L'échelle d'évaluation descriptive offre une série d'adjectifs ou d'adverbes pour caractériser l'intensité des plaintes. Par exemple, l'intensité pourra être légère, modérée ou sévère. Parmi les études recensées, aucun auteur n'a utilisé cette échelle en l'état pour coter l'intensité des plaintes.

2.7.3. Echelle verbale simple L'échelle verbale simple associe à l'échelle d'évaluation descriptive ci-dessus une valeur numérique pour chaque adjectif ou adverbe. De nombreux auteurs utilisent cette échelle pour évaluer l'intensité des troubles. Tel est le cas de Stuart-Buttle [17] qui a coté son échelle comme suit : - 1 = minime - 2 = légère - 3 = modérée - 4 = sévère - 5 = intolérable De même, Marley [11] propose une échelle d'évaluation cotée de 0 à 10 où 0 correspond à «l'absence de gêne» et 10 correspond à «une gêne extrêmement inconfortable». 0 = pas de gêne 1 2 = bien confortable 3 4 5 = modérément inconfortable 6 7 8 = très inconfortable 9 10 = extrêmement inconfortable 2.1 A. Echelle visuelle analogique L'ANAES [1] propose une échelle de douleur très utilisée en médecine évaluer l'intensité de la douleur. pour L'échelle est représentée par un segment, habituellement de 10 cm de long comportant à chaque extrémité la description verbale de l'intensité de la douleur. L'intensité de la douleur est définie par la personne interrogée par un trait tracé sur l'échelle comme dans l'exemple ci-dessous.

Pas de douleur douleur maximale imaginable L 1 extrémité gauche correspond à «l'absence de douleur». Plus le trait est proche de cette extrémité, moins la douleur est intense. L' extrémité droite correspond à la «douleur maximale imaginable» Plus le trait est proche de cette extrémité, plus la douleur est intense. La valeur retenue correspond à la distance en centimètres entre l'extrémité correspondant à l'absence de douleur et le trait tracé par le sujet interrogé. Aucun adjectif n'est mentionné entre les deux extrémités afin de ne pas influencer les opérateurs. Parmi les auteurs recensés, aucun n'a utilisé cette échelle pour coter l'intensité des plaintes. 2.1.5. Echelle numérique de Borg Dans l'échelle numérique de Borg, les valeurs numériques s'étendent de zéro à dix. La note zéro correspond à «pas de douleur» et la note dix correspond à «la douleur maximale imaginable». Entre les deux extrêmes, des adjectifs sont associés à certains chiffres mais pas à tous. Le sujet doit donc entourer le chiffre qui décrit le mieux l'importance de sa douleur [1 b]. 0 rien 0,3 0,5 extrêmement légère 1 très légère 1,5 2 légère 2,5 3 modérée 4 un peu douloureuse 5 douloureuse 6 7 très douloureuse 8 9 10 douleur intolérable ; maximum possible L'échelle numérique de Borg introduit un système de référence. En effet, chaque chiffre est proportionnel à l'intensité de la plainte ; ainsi, une intensité perçue à 4 sera deux fois plus importante qu'une intensité perçue à deux.

Cette échelle est très souvent utilisée pour évaluer aussi les efforts perçus car elle est plus précise que les autres. Saldana [14], Ulin [18] et Van der grinten [19] utilisent dans leur étude l'échelle numérique de Borg pour évaluer l'intensité des plaintes. 2.1.6. Synthèse Selon l'anaes [1], les scores calculés à partir des échelles d'évaluation de l'intensité de la douleur : - ont une valeur descriptive pour un individu donné, - ne permettent pas de connaître la nature de la plainte, - permettent uniquement des comparaisons intra-individuelles c'est-à-dire comparent, chez un même individu, l'intensité de la plainte avant et après les modifications apportées aux postes de travail. Cameron [2], quant à lui, pense qu'il est possible de faire des comparaisons inter-individuelles de l'intensité des plaintes, c'est-à-dire, de comparer à un même poste de travail l'intensité de la plainte entre deux individus. En conclusion, plusieurs échelles peuvent être utilisées. Cependant, elles diffèrent en terme de facilité d'utilisation et de précision de mesure. Cameron en 1996 a comparé les différentes échelles et les a classées suivant leur facilité d'utilisation et leur précision de mesure (figure 2). évaluation binaire Echelles d'évaluation D Echelle visuelle analogique Echelle de Borg Déchelle d'évaluation descriptive D échelle verbale simple Oui / non mauvaise Précision très bonne Figure 2 : comparaison des différentes échelles d'évaluation d'après Cameron ( 1996).

La figure 2 montre que l'évaluation binaire est de loin l'échelle la plus facile à utiliser mais qu'elle est aussi la moins précise. L'échelle visuelle analogique et l'échelle numérique de Borg sont quant à elles, les plus précises mais elles sont aussi les plus difficiles d'utilisation. Il n'est pas précisé cependant dans l'étude pourquoi ces deux échelles sont plus difficiles d'utilisation. La synthèse des différentes études recensées dans la littérature montre que les deux échelles les plus couramment utilisées sont l'échelle verbale simple et l'échelle numérique de Borg. 2.2. Fréquence de survenue des plaintes La fréquence de survenue des plaintes n'est pas mentionnée dans toutes les études bibliographiques. En effet, suivant la périodicité d'administration de l'outil de recueil de plaintes, deux situations peuvent être différenciées : - si l'étude exige des mesures répétées sur plusieurs heures ou plusieurs jours, un individu ne sera pas capable de reporter les changements significatifs concernant la fréquence de survenue des plaintes. Dans ce cas, il est inutile de la faire figurer sur l'outil de recueil - en revanche, si les évaluations sont espacées de plusieurs jours ou de plusieurs mois, il peut être utile dans ce cas d'étudier la fréquence de survenue des plaintes. Tous les auteurs [2, 9, 11, 15] sauf Laubli [10] qui cote la fréquence de survenue des plaintes à l'aide de l'échelle d'évaluation descriptive, l'évaluent avec la même échelle, à savoir l'échelle verbale simple cotée de la façon suivante : 2.3, Type de plaintes 0 = jamais 1 = rarement : quelques fois par mois 2 = parfois : quelques fois par semaine 3 = souvent : presque tous les jours 4 = constamment En matière de plaintes, différents signes subjectifs peuvent être décrits par le salarié [9], à savoir : - de l'inconfort, - des malaises, - des douleurs (engourdissements, picotements, brûlures, œdème), - des sensations d'épuisement, - de la fatigue mentale. Ces différents types de plaintes reflètent les sensations anormales éprouvées par le salarié.

Le type de plaintes, lorsqu'il apparaît dans le questionnaire peut être précisé par les abréviations suivantes ( extraites d'un questionnaire québécois [9]): - D : douleur - EP : engourdissements/picotements - DEP : douleur/ engourdissements / picotements - M : malaise - B : brûlure - E : enflure - R: raideur - A : autre Saldana [14], Sauter [15], Silverstein [16] et Van Der Grinten [19] ont utilisé ces paramètres dans leurs études. Les questions sur le type de plaintes ne constituent pas des diagnostics cliniques. Elles aident seulement à dépister des problèmes potentiels de santé en rapport avec l'environnement de travail [9]. 2.4. Durée des plaintes et rythme d'apparition en fonction de l'activité de travail La durée des plaintes est un critère peu usité pour l'élaboration de la fiche de recueil [2]. Kuorinka [8], dans «le questionnaire Scandinave» est le seul auteur à s'y intéresser à travers la question suivante : Quelle est la durée totale pendant laquelle vous avez eu des plaintes pendant les 12 derniers mois? Ojour 1 à 7 jours 8 à 30 jours plus de 30 jours mais pas tous les jours tous les jours En ce qui concerne le rythme d'apparition des plaintes en fonction de l'activité de travail, aucune étude recensée ne l'a mentionné. 2.5, Synthèse La plupart des études bibliographiques fournissent des informations sur l'intensité et / ou la fréquence des TMS. Marley [11] estime que l'association des deux paramètres est indispensable.

En revanche, le type de plaintes, la durée pendant laquelle le sujet a présenté la plainte et son rythme d'apparition en fonction de l'activité de travail sont très peu usités pour l'élaboration de la fiche de recueil de plaintes [2]. L'utilisation d'une fiche de recueil de plaintes aux postes de travail sur laquelle est notée la localisation, l'intensité et la fréquence des plaintes présente des avantages : 1) c'est un outil peu coûteux 2) elle permet d'obtenir des informations sur les signes précurseurs des troubles musculo-squelettiques 3) elle permet d'orienter le diagnostic ergonomique en fonction des informations recensées Cependant, des inconvénients sont à noter : 1) la manière dont l'individu perçoit et signale sa plainte varie souvent en fonction du sexe, de l'âge, de la culture et des modèles de croyance en matière de santé [9], 2) l'opérateur peut-être méfiant face à l'exploitation de l'information fournie [9] : non respect du secret médical, sanctions de l'employeur..., 3) parfois, il existe une mauvaise compréhension du sens des questions, 4) le degré d'alphabétisation doit être pris en considération : en effet, les analphabètes ne répondent pas au questionnaire. 3. Mise en relation des plaintes avec les activités professionnelles De multiples facteurs professionnels tels que les facteurs biomécaniques et /ou les facteurs psycho-sociaux contribuent au développement et à l'aggravation des TMS. C'est pourquoi, il est intéressant d'obtenir des informations sur l'activité de travail des opérateurs qui contribuent à établir des relations entre leur activité professionnelle et leurs plaintes. Chaque employé peut être affecté à plusieurs postes de travail au cours de la journée. Or, les facteurs de risque sont différents d'un poste à l'autre ; l'opérateur peut donc développer une pathologie bien spécifique à chaque poste de travail. Par exemple, dans l'étude de Saldana [14], quinze postiers ont participé volontairement à l'étude : ils devaient noter au début de la journée puis après chaque poste de travail ( tri du courrier, mise en liasse, chargement de voiture et livraison du courrier), le siège et l'intensité de la plainte ressentie. Les résultats ont montré que c'est le tri du courrier et la mise en liasse qui ont un retentissement principalement sur les mains alors que les autres postes entraînent plutôt des scapulalgies.

De même, Ulin [18] a réalisé une étude de laboratoire dans laquelle 18 étudiants (9 hommes et 9 femmes) devaient introduire des vis à l'aide d'outils pneumatiques dans de la tôle perforée selon trois rythmes différents (8 ;10 et12 vis par minute) : 4) dans un plan horizontal : d'abord coude au corps puis coude étendu, 5) dans un plan vertical à trois emplacements différents : à hauteur du genou, du coude puis de l'épaule. Les étudiants devaient noter la gêne qu'ils percevaient et la difficulté avec laquelle ils réalisaient cette tâche après chaque changement de position et après chaque changement de rythme de travail. Les résultats de l'étude étaient les suivants : 1) il n'y avait pas de plainte spécifique lorsque les employés introduisaient les vis dans le plan horizontal. 2) en revanche, dans le plan vertical, les plaintes variaient suivant l'emplacement : - le dos était la partie du corps la plus touchée quand ils introduisaient les vis à hauteur du genou, - les poignets et les mains étaient préférentiellement atteints quand ils introduisaient les vis à hauteur du coude, - enfin, les épaules étaient les plus touchées quand ils introduisaient les vis à hauteur de l'épaule. Les résultats de ces deux études confirment que le siège de la douleur est étroitement lié au poste de travail et qu'ainsi, à la fin de la journée, les employés peuvent exprimer plusieurs plaintes. Afin d'établir étroitement le lien qui existe entre plaintes et les activités professionnelles, Marley [11] mais aussi Stuart-Buttle [17] ont demandé aux opérateurs des informations concernant leur emploi et les différents postes de travail qu'ils occupaient ; ils devaient préciser les différents métiers exercés au cours de leur vie. Pour chacun d'eux étaient demandés : - le département dans lequel ils l'avaient exercé, - le poste de travail occupé et les références réalisées, - le nombre d'années travaillées à chaque poste de travail permettant d'apprécier la durée d'exposition, - le nombre d'heures de travail réalisées par semaine. D'autres auteurs se sont également intéressés aux facteurs de risques professionnels mais de façon plus succincte. En général, seul le poste de travail et le nombre d'heures travaillées à ce poste étaient demandés [6, 15].

En conclusion, la fiche de recueil de plaintes permet de préciser l'origine des douleurs en fonction du poste de travail occupé ; elle permet également d'établir des relations entre l'activité professionnelle des opérateurs et leurs plaintes. 4. Informations socio-démographiques Les caractéristiques individuelles sont intéressantes à connaître car elles constituer des facteurs de risque de TMS ; il est donc utile de les recenser. peuvent Les différentes fiches de recueil de plaintes collectent en général des informations concernant l'âge, le sexe, la taille ( cm) et le poids. Stuart-Buttle [17] y ajoute la latéralité et Saldana [14] fait préciser aux opérateurs leur niveau d'études. Les différentes études ont conclu que : - les femmes ont significativement plus de TMS que les hommes toutes parties confondues [12, 17], - il existe une relation entre TMS et vieillissement : la prévalence des TMS augmente avec l'âge [12, 17], - la taille est inversement corrélée avec les TMS : plus les opérateurs sont grands, moins ils risquent de développer de TMS [12], - enfin, selon Morken [12], il existe une relation entre TMS et poids : il conclut dans son étude que les TMS sont plus importants pour les épaules et le bas du dos chez les sujets obèses que chez ceux qui ne le sont pas. 5. Retentissement des plaintes sur les plans médical, professionnel et extra-professionnel 5,1, Retentissement médical Certaines fiches de recueil de plaintes incluent des questions relatives au retentissement médical des plaintes. Les deux principales questions qui sont posées par les auteurs [8, 10, 11, 17] sont les suivantes : 1) votre gêne a-t-elle motivé une consultation auprès d'un médecin, un kinésithérapeute ou tout autre spécialiste? 2) avez-vous déjà été soigné pour votre gêne dans les mois précédents? Il est intéressant de savoir si la gêne ressentie par le salarié a nécessité ou non un traitement. En effet, certains salariés rapportent leur plainte à une personne

qui n'appartient pas au service médical de l'entreprise, par exemple leur médecin traitant ou un médecin spécialiste ; d'autres sont soignés au service médical, mais leur cas n'est pas répertorié car le traitement est minime. La fiche de recueil de plaintes apporte donc des informations qui n'auraient pu être recueillies autrement. Le fait de recueillir des informations sur le retentissement médical des plaintes peut également faciliter le suivi des patients par le médecin du travail, permettre une exploitation statistique des données et permettre d'agir précocement sur l'activité de travail ( aménagement de poste...) pour prévenir l'aggravation des troubles. 5.2. Retentissement professionnel 1) Pour le salarié, les TMS liés au travail représentent une cause de restriction d'aptitude pouvant aboutir à des mutations..., d'absences prolongées et / ou répétées, d'augmentation des déclarations des maladies professionnelles, de reconversion professionnelle, de licenciement pour inaptitude médicale et de départs en préretraite. 2) Les conséquences pour l'employeur et l'entreprise peuvent être considérables, à savoir : - sur le plan financier : coûts engendrés par les maladies professionnelles reconnues et coûts engendrés par le recrutement et la formation de nouveaux salariés, - sur le plan de la production : baisse de la qualité de production et baisse de la productivité, - sur le plan de la gestion des ressources humaines : difficulté de gestion du personnel dû aux absences et turn-over. Kuorinka [8] est un des seuls auteurs à s'être intéressé au retentissement professionnel des TMS. Il a introduit cette dimension dans son questionnaire en y incluant les deux questions suivantes : 1) depuis 12 mois, combien de journées de travail avez-vous perdu à cause de votre gêne? 2) avez-vous dû changer d'emploi à cause de votre gêne? Stuart-Buttle [17] s'est également intéressé à ce sujet mais de manière différente : il a demandé aux salariés leur avis sur les relations qu'ils établissent entre leur activité professionnelle et leur(s) plainte(s). Pour cela, il a ajouté, à la fin de sa fiche de recueil de plaintes, un paragraphe dans lequel il demande aux opérateurs de donner leur avis quant à l'origine de leurs plaintes et de formuler des suggestions pour améliorer leurs conditions de travail. L'avis des salariés est intéressant à connaître car ils connaissent mieux que quiconque leur poste de travail et peuvent éclairer les enquêteurs et ergonomes

sur les modifications éventuelles à apporter. Ils se sentent directement impliqués dans la démarche de prévention ce qui favorise leur participation. 5.3, Retentissement extra-professionnel Le retentissement extra-professionnel des plaintes peut se manifester par une réduction des activités de travail à la maison ou des activités de loisirs du fait d'une restriction des capacités fonctionnelles qu'elles engendrent. Kuorinka [8] est un des seuls auteurs à avoir abordé ce sujet dans le questionnaire «S c a n d i n a v e» au moyen des deux questions suivantes : - y-a-t-il eu une réduction de vos activités au cours des 12 derniers mois? a ) activités de travail ( à la maison ou en dehors de la maison). oui non b ) activités de loisirs? oui non - vos problèmes vous ont-ils empêché d'avoir une activité normale?

IV. MODALITES DE RECUEIL DES DONNEES Dans cette partie, les avantages et les inconvénients des supports utilisés seront développés; puis, le rythme de recueil des fiches sera précisé suivant l'objectif recherché. Enfin, dans un dernier chapitre, la confidentialité des données sera évoquée. 1. Support papier / informatique Deux formes d'outils de recueil de plaintes sont signalées dans la littérature : le support papier et l'outil informatisé. 1.1. Support papier Le support papier est utilisé par la grande majorité des auteurs [4, 6, 11, 15, 16, 17, 18]. Le questionnaire doit être court, d'une page maximum, simple et facile à comprendre, le degré d'alphabétisation des salariés devant être pris en considération. 1.2. Outil informatisé Le recueil de plaintes au moyen d'un outil informatisé n'est pas une idée nouvelle. Slack et ail en 1966 [14] avait déjà élaboré un questionnaire informatisé sur les allergies. Saldana [14] en 1994 a développé une méthode informatisée de recueil de plaintes aux postes de travail : The Discomfort Assessment System, «le DAS» : Pour la mettre en place, il utilise un ordinateur avec un écran tactile. L'utilisation d'un clavier n'est pas nécessaire. Les opérateurs doivent sélectionner leur choix en appuyant légèrement sur l'écran avec le stylo. Leur réponse est alors enregistrée. L'étude de Saldana montre qu'après une formation préalable, les opérateurs sont capables rapidement d'utiliser l'ordinateur seuls et ainsi de compléter le questionnaire sans aide. Selon lui, ce principe est en général accepté par tout le monde, à tous les âges, quel que soit le niveau d'instruction ou l'origine ethnique des salariés. Toutefois, ce sont les personnes les plus jeunes au niveau d'instruction élevé qui répondent le plus vite au questionnaire. Il faut noter que ce système a été utilisé dans un secteur tertiaire, l'étude ayant été réalisée chez des postiers.

1.3. Comparaison des deux modes de recueil Selon Kuorinka [9], les instruments de collecte des données de surveillance doivent se caractériser par leur facilité d'utilisation, par leur uniformité et bien souvent, par leur rapidité de recueil plutôt que leur précision. Par rapport au support papier, l'outil informatisé présente quelques avantages : il est plus facile à utiliser, les informations sont plus rapidement collectées et il élimine le besoin de personnel entraîné pour administrer la fiche de recueil de plaintes. L'outil informatisé a cependant ses limites : il nécessite la mise à disposition d'un ordinateur, ce qui n'est pas toujours possible, et la formation préalable des salariés à son utilisation. D'après les différentes études recensées, que ce soit le support papier ou la méthode informatisée : - les salariés doivent être formés préalablement à l'outil; pour cela, des réunions d'informations et formations des salariés doivent être réalisées et les enquêteurs doivent rester les premiers jours sur place pour aider les opérateurs en difficulté; - le personnel doit être formé pour collecter, interpréter et analyser les résultats. 2. Rythme de recueil Suivant l'objectif recherché, le recueil de plaintes peut être effectué selon trois modalités: de façon répétée, de façon unique ou spontanément. 2.1. Administration répétée de la fiche de recueil de plaintes La fiche de recueil de plaintes est présentée aux opérateurs à intervalles réguliers et pendant une période donnée lorsque l'auteur souhaite établir un lien entre les plaintes recensées et l'activité professionnelle et / ou évaluer l'efficacité des interventions médicales et ergonomiques. Tel est le cas de Corlett et Bishop [4] qui en 1976 ont demandé à des pilotes d'avion, qui devaient tester le confort de différents sièges, de compléter une fiche de recueil de plaintes à intervalles réguliers. Dans un premier temps, ils devaient remplir la fiche de recueil de plaintes tous les trois-quart d'heures pendant trois heures, ce qui permettait de mettre en évidence les différentes plaintes et d'identifier les facteurs de risque. Puis, après avoir apporté des améliorations aux postes de travail ( ajustement des sièges en hauteur), le questionnaire était administré à nouveau avec la même périodicité. Corlett et Bishop ont alors comparé les résultats avant et après les changements apportés : il existait une diminution nette du taux de plaintes après les

modifications ergonomiques. Cette évaluation subjective les a conduits à conclure à l'efficacité des modifications apportées aux postes de travail. De même, Reynolds [13] en 1994 a employé de façon périodique son outil de recueil de plaintes dans une usine de pneus afin d'évaluer l'efficacité des modifications apportées. Les opérateurs devaient répondre au questionnaire quatre fois par jour, avant chaque pause, et cela huit jours avant et huit jours après les modifications apportées aux postes de travail. A chaque fois, une nouvelle fiche de recueil de plaintes était distribuée afin de ne pas influencer les salariés dans leur réponse. Les résultats de l'étude ont montré paradoxalement, juste après les changements ergonomiques apportés, une augmentation immédiate des TMS. Reynolds l'explique par un changement de position des opérateurs qui mettaient d'autres muscles sous tension. Mais, au bout de quelques jours, le taux de plaintes avait chuté de façon significative. Reynolds [13] a réalisé ensuite une deuxième étude dans laquelle elle a proposé l'outil de recueil de plaintes à 18 salariés d'une usine de confection. Le but de son travail était d'évaluer l'efficacité des modifications ergonomiques apportées sur les postes de travail. Dans un premier temps, l'outil de recueil était administré trois fois par jour pendant huit jours, soit quatre jours avant et quatre jours après les modifications ergonomiques. Il n'est pas expliqué dans l'étude pourquoi le questionnaire était administré au rythme de trois fois par jour. Après les modifications ergonomiques apportées (inclinaison des machines à coudre, travail assis des opérateurs, coupeurs de fils automatiques ), il a été démontré une diminution significative du taux de plaintes. Dans un deuxième temps, l'outil de recueil était à la disposition des salariés pour une période de cinq mois : il n'est pas spécifié dans l'étude si l'outil de recueil de plaintes était proposé régulièrement aux opérateurs ou s'ils l'utilisaient de façon spontanée. L'objectif était, dans ce cas précis, d'apprécier l'efficacité des modifications apportées ou de mettre en évidence la survenue de nouveaux problèmes. L'évaluation à long terme a montré une diminution significative du taux de plaintes. 2.2, Présentation unique de la fiche Lorsque le questionnaire est administré une seule fois, les principaux objectifs sont alors, de dépister par ce moyen les signes précurseurs de TMS avant qu'ils ne soient avérés, de recueillir éventuellement l'opinion des salariés sur les facteurs aggravants et de tenir compte de leurs suggestions pour améliorer le poste. Stuart-Buttle [17], dans son étude, a présenté une fiche de recueil de plaintes de façon unique à 699 employés d'une industrie alimentaire concernant la volaille. A la fin de sa fiche de recueil de plaintes, il demande aux opérateurs de donner leur avis quant à l'origine des plaintes et de formuler leurs suggestions pour améliorer leurs conditions de travail.

Sur les 699 employés, 65 % ont signalé une plainte, le dos étant la partie du corps la plus fréquemment touchée avant le membre supérieur. Concernant leurs suggestions sur l'amélioration des conditions de travail, la rotation sur plusieurs postes de travail est la proposition la plus souvent émise. Selon Saldana [14], le fait de proposer le questionnaire une seule fois ou de façon sporadique présente un inconvénient majeur: les employés ne se souviennent pas toujours de leur(s) plainte(s) au moment du questionnaire. En effet, beaucoup de plaintes sont transitoires et / ou se produisent la nuit, hors du contexte professionnel ; ceci peut induire un biais de mémorisation aboutissant à une sous-évaluation de la prévalence réelle des plaintes. 2.3, Recueil de plaintes sur un mode spontané Parmi les études recensées, Grant [6] a proposé aux opérateurs de remplir la fiche de recueil de plaintes de façon spontanée c'est-à-dire chaque fois qu'ils émettent une plainte. Son principal objectif était d'identifier les signes précurseurs de TMS. Il a utilisé une fiche de recueil de plaintes auprès de 100 joailliers. Les opérateurs répondaient spontanément, selon leurs besoins, aux questionnaires. Sur les cent opérateurs, 67 % des personnes ont rapporté des plaintes concernant les poignets, 78 % concernant les épaules, 56% concernant le cou et 45 % concernant les coudes. De même, Silverstein [16] en 1997 a réalisé une étude chez 626 salariés de quatre usines automobiles, dans le Michigan. Dans l'une des quatre usines, 80 salariés ont répondu spontanément au questionnaire. L'étude a duré dix-huit mois. Son principal objectif était également de dépister les signes précurseurs de TMS. Les résultats obtenus ont été comparés à l'examen clinique couplé à l'interrogatoire (cf. chapitre VI). 2.4, Conclusion Plusieurs types de recueil de plaintes peuvent être proposés : - de façon périodique sur une courte durée si l'objectif principal est d'évaluer l'efficacité de changements ergonomiques, - une seule fois ou de façon spontanée si l'objectif est de dépister les signes précurseurs de TMS et leurs facteurs de risque.

3. Confidentialité des données recueillies 3.1, Anonymat des fiches Dans toutes les études recensées, les auteurs préconisent un recueil anonyme des données afin de respecter le secret médical et de protéger les salariés de sanctions de la part de leur employeur. De plus, l'expérience montre que les salariés répondent plus facilement au questionnaire s'il est anonyme. Pour respecter l'anonymat des fiches, Stuart-Buttle [17] ne fait figurer aucun nom dans son étude ; seuls la date, l'heure, le sexe et l'âge sont demandés. Dans l'étude de Dickinson [5], la confidentialité des données est assurée et il l'explique aux salariés par une lettre qu'il joint à la fiche de recueil de plaintes. Chaque fiche est ensuite retournée aux enquêteurs dans une enveloppe fermée. 3.2, Lieu de recueil des fiches Suivant les études, les fiches de recueil de plaintes sont remplies à l'infirmerie de l'entreprise ou sur les lieux du travail. Ainsi, dans l'étude de Stuart-Buttle [17], les employés quittent leurs postes de travail et se rendent à l'infirmerie pour remplir leur questionnaire alors que dans l'étude de Saldana [14], l'ordinateur est placé sur une étagère, sur les lieux de travail. Cette deuxième méthode présente un inconvénient majeur : en effet, le fait que l'outil de recueil soit placé sur les lieux du travail ne favorise pas l'anonymat car, un opérateur, passant près de l'ordinateur saura qu'un de ses collègues remplit le questionnaire et pourra même avoir connaissance de sa réponse. Ainsi, il pourra influencer son collègue de travail sur sa décision de remplir le questionnaire et sur le type de réponse apportée. 3.3, Collecte des données Les fiches de recueil de plaintes, suivant les auteurs, sont collectées et / ou analysées soit par les professionnels de santé de l'entreprise et plus souvent par l'infirmière [17], soit, plus rarement par l'ergonome de l'entreprise [6] ou par des moniteurs formés préalablement [16]. 3.4, Conclusion La façon dont le questionnaire est administré exerce un effet sur le taux de réponse. L'absence d'anonymat et la pression exercée par les collègues de travail peuvent influer sur les résultats.

V. ANALYSE STATISTIQUE DES DONNEES RECUEILLIES Etant donné la grande variabilité du contenu des fiches de recueil de plaintes et les différentes échelles d'évaluation utilisées d'une étude à l'autre, il n'est pas surprenant que l'analyse statistique des données varie d'un auteur à l'autre (2). Les statistiques descriptives telles que les prévalences sont les plus communément utilisées. Des valeurs moyennes et des écarts-type sont souvent rapportés. Dans certaines études, des indices d'inconfort du corps entier et par région du corps sont créés à partir des différentes données recueillies dans la fiche et sont ainsi utilisés pour l'analyse statistique des données, incluant une large variété de tests statistiques paramétriques et non paramétriques. Dans une première partie, les différents indices mentionnés dans la littérature seront développés ; dans une deuxième partie, seront détaillées les différentes variables indépendantes prises en compte pour l'analyse ainsi que les tests statistiques utilisés. Enfin, dans une troisième partie, une analyse longitudinale des données, réalisée dans certaines études, sera explicitée. 1. Indices. Les différents indices répertoriés dans la littérature sont nombreux : 1,1. Prévalence des TMS La prévalence instantanée des troubles musculo-squelettiques (TMS) correspond à la proportion de personnes présentant un TMS parmi une population donnée à un instant t donné. C'est une variable quantitative, très utilisée. Elle varie de 0 à 1 mais est généralement exprimée en pourcentage. La prévalence des TMS peut être calculée de façon globale pour le corps entier ou par région du corps. Saldana [14] a fait une analyse descriptive dans laquelle il a rapporté la proportion d'inconfort par région du corps. Pour cela, il a rassemblé les trente-huit parties du corps réparties dans six aires principales : le cou, les épaules, les coudes, les mains, le dos et les jambes. Par exemple, la région des épaules comprend les faces antérieures et postérieures des épaules gauche et droite. La prévalence des TMS pour la région des épaules est alors calculée comme le nombre de personnes présentant une ou plusieurs douleurs dans la région des épaules rapporté au nombre total de personnes ayant répondu au questionnaire. Morken [12] a étudié la prévalence des TMS tout d'abord de façon globale puis par région du corps dans huit usines d'aluminium de Norvège où 6156 salariés étaient invités à répondre à un questionnaire. L'objectif de son étude était

d'étudier les relations qui existent entre l'âge, l'ancienneté et le taux des TMS. Au total, la représentation illustrée du corps humain était divisée en dix parties : la tête, le cou, les épaules, les coudes, les mains, le haut du dos, le bas du dos, les hanches, les genoux et les pieds. Les résultats de l'étude étaient les suivants, exprimés en pourcentage : 93 % des opérateurs et des employés de bureau ont rapporté des TMS, toutes parties confondues. Les parties du corps les plus fréquemment touchées étaient le bas du dos pour 76 % des hommes, le cou et les épaules pour respectivement 68 % et 67 % des femmes. Il a également démontré que la prévalence des TMS toutes parties du corps confondues augmente avec l'âge et l'ancienneté. 1.2. Moyenne des intensités des TMS Pour évaluer l'intensité des plaintes, Saldana [14] a demandé à chaque opérateur et après chaque tâche de travail, d'indiquer pour les trente-huit parties du corps humain représentées sur le schéma, l'intensité de leur(s) plainte(s) à l'aide de l'échelle numérique de Borg cotée de 0 à 10. L'évaluation était répétée sept jours de suite. Saldana a ensuite calculé la moyenne des intensités des plaintes de TMS pour chaque opérateur et il a reporté ces données sur un graphique, par opérateur, en indiquant la valeur minimale et la valeur maximale de l'intensité par région du corps ainsi que sa moyenne. 1.3. Indices d'inconfort 1.3.1. Indices de Stuart-Buttle Selon Stuart-Buttle [17], la prévalence et l'intensité des plaintes de TMS ne peuvent être étudiées indépendamment l'une de l'autre. En effet, si la prévalence et l'intensité des plaintes sont étudiées comme deux variables indépendantes l'une de l'autre, il est alors difficile d'apprécier ce qui est à prendre en compte : une forte prévalence avec une faible intensité ou une faible prévalence avec une forte intensité. C'est pourquoi, Stuart-Buttle a combiné la prévalence et l'intensité des plaintes rapportées pour élaborer des indices qui seraient représentatifs des plaintes exprimées. Il a pu ainsi, en comparant les différents résultats, hiérarchiser les différents problèmes ergonomiques à résoudre dans l'entreprise. Stuart-Buttle a imaginé trois formules pour l'analyse statistique des données de son étude : - deux indices d'inconfort, Discomfort index «Dl» : un indice d'inconfort corps entier et un indice d'inconfort par région du corps - un indice d'intensité moyenne maximale par région du corps : MMI