Notre compréhension de l'évolution de la stratégie de la CNULD

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Transcription:

Notre compréhension de l'évolution de la stratégie de la CNULD / par le GTD - ReSaD La stratégie 2008-2018 La stratégie 2008-2018 de la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification (CNULCD) a été adoptée lors de la COP 8 en 2007 à Madrid et visait à doter la Convention d une orientation plus focalisée et de renforcer sa mise en œuvre par la création d un véritable partenariat mondial de lutte contre la désertification, la dégradation des terres et les effets de la sécheresse (DDTS). A ces fins, 4 objectifs stratégiques et 5 objectifs opérationnels ont été retenus, les objectifs stratégiques reprenant les objectifs de la Convention, à savoir: 1. Amélioration des conditions de vie des populations touchées grâce à l amélioration et à la diversification des moyens d existence, à l adoption de techniques rémunératrices de gestion durable des terres et à la réduction de leurs vulnérabilités face aux changements climatiques et à la sécheresse ; 2. Amélioration de l état des écosystèmes touchés grâce à l amélioration de la productivité des terres et des services écosystémiques et à la réduction de leur vulnérabilité face aux changements climatiques et à la sécheresse ; 3. Dégager des avantages généraux comme la préservation de la biodiversité, l utilisation durable des ressources naturelles et l atténuation des changements climatiques ; 4. Instauration des partenariats efficaces entre acteurs nationaux et internationaux afin de mobiliser des ressources en faveur de la mise en œuvre de la Convention grâce à la mise à disposition de ressources financières et non-financières pour les pays Parties touchés. Les 5 objectifs opérationnels permettaient de définir les modes d action de la stratégie : 1. Plaidoyer, sensibilisation et éducation afin de renforcer l information et la médiatisation de la DDTS ; 2. Définition du cadre d action en évaluant les obstacles, en révisant les Programmes d Actions Nationaux (PAN) et en renforçant les synergies entre les différents programmes d actions des Conventions de Rio et les programmes de développement et de coopération ; 3. Faire autorité dans les domaines des sciences, technologies et connaissances par l apport d un soutien au suivi national, la constitution d une base de référence, la connaissance des facteurs biophysiques et socioéconomiques ainsi que des interactions entre l adaptation aux changements climatiques, l atténuation de la sécheresse et la remise en état des terres dégradées et au partage accru des connaissances entre les différents acteurs ; 4. Renforcer les capacités des pays touchés par l évaluation de leurs moyens et la mise en œuvre de leur PAN ; 5. Accroître le financement et le transfert de technologie pour les pays Parties touchés en provenance des pays Parties développés et des institutions et mécanismes financiers internationaux et novateurs.

Bilan mitigé Si la mise en place d une telle stratégie a en effet permis de combler certaines imprécisions quant aux orientations de la CNULCD et des priorités pour y parvenir, le bilan de la stratégie 2008-2018 se révèle mitigé malgré la mise en place de nombreuses initiatives. Les défis de la DDTS persistent pour des causes anthropiques et naturelles. Le défi est immense mais peine à être relevé. Tout d abord, on constate que l atténuation de la sécheresse et la réduction de la vulnérabilité des populations à ces dernières se révèlent être insuffisantes. En effet, de nombreux pays subsahariens ont subi de graves crises alimentaires suite aux situations de sécheresses en 2016 comme Djibouti, l Ethiopie et la Somalie. En avril 2017, après une forte sécheresse dans la corne de l Afrique et au Sahel, des millions de personnes sont à nouveau menacées de famine au Nigéria, en Somalie, au Soudan du Sud et au Yémen. La crise pourrait s étendre au Burkina Faso, au nord du Mali, à la Mauritanie, au Niger, au Sénégal et au Tchad. Ceci interroge l efficacité des dispositifs internationaux dans leur ensemble face à des situations de crises qui, bien que mieux prévues par les systèmes d alerte, n arrivent pas à être anticipées et gérées de manière satisfaisante. Concernant la part de la CNULCD dans ce constat, cela peut s expliquer par la mise en œuvre relativement tardive de la stratégie 2008-2018: en 2013, uniquement onze Etats avaient révisé leurs Programme d Action National (PAN) en lien avec la stratégie 1. En 2015, seulement 48% des PAN avaient été révisés alors que la cible des PAN révisés en lien avec la stratégie pour l année 2014 était de 80% 2. Se pose d ailleurs aussi la question de la pertinence et de l efficacité de ces PAN dans les pays car leur intégration et mise en œuvre dans les stratégies nationales sont souvent de trop faible intensité face aux enjeux. Cependant, quelques objectifs de la stratégie ont été réalisés avec succès grâce à la diffusion du concept de Neutralité en matière de Dégradation des Terres (NDT) adopté à Rio en 2012 (Rio+20) dans le document «L avenir que nous voulons». Ceci a permis de faire gagner en précision et en visibilité la CNULCD et de constituer un fort argument de synergie avec les autres conventions internationales comme la CCNUCC (Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques) et la CDB (Convention sur la Diversité Biologique). La CNULCD se trouvant de ce fait moins marginalisée que par le passé. 1 CNULCD (2013), Mid-term evaluation of the 10-year strategic plan and framework to enhance the implementation of the Convention (2008 2018), p.9. 2 Ibid.

La stratégie 2018-2030 En conséquence la stratégie 2018-2030 doit viser à éviter, réduire et inverser la désertification et la dégradation des terres, à atténuer les effets de la sécheresse et à participer à l objectif d un monde neutre en dégradation des terres de l agenda 2030. A ces fins, les objectifs stratégiques de la stratégie 2008-2018 ont été conservés avec toutefois des modifications allant dans le sens d une plus grande précision opérationnelle. 1. Améliorer l état des écosystèmes affectés, combattre la désertification et la dégradation des terres, promouvoir la GDT et contribuer à la neutralité en matière de dégradation des terres (LDN) : ceci doit permettre d améliorer la productivité des terres et des écosystèmes liés, de réduire leur vulnérabilité, d adopter des cibles nationales volontaires de LDN et de mettre en œuvre des mesures de GDT ; 2. Améliorer les conditions de vie des populations touchées : ceci doit conduire à une amélioration de la sécurité alimentaire, de l accès à l eau et des styles de vie grâce à leur diversification ainsi qu à une participation accrue des populations locales dont des femmes et des jeunes dans la prise de décision concernant la DDTS et à une réduction des migrations forcées par la désertification et la dégradation des terres. 3. Générer des bénéfices environnementaux globaux à travers la mise en œuvre de la Convention : la GDT et la lutte contre la désertification et la dégradation des terres doit permettre de conserver et d utiliser durablement la biodiversité, de faire face aux changements climatiques et de renforcer les synergies entre les Conventions de Rio ; 4. Mobiliser des ressources financières et non-financières additionnelles en faveur de la mise en œuvre de la Convention en instaurant des partenariats efficaces aux niveaux internationaux et nationaux : ceci doit permettre la mobilisation de ressources financières publiques et privées supplémentaires, des coopérations Nord-Sud, Sud-Sud et triangulaires et de multiplier les efforts afin de promouvoir le transfert de technologies. Ce qui change Quelques changements d importance peuvent être analysés. La mise en œuvre de la NDT En premier lieu, étant donné le succès de la NDT dans la stratégie de médiatisation de la Convention, la nouvelle stratégie est en quelque sorte plus orientée vers sa mise en œuvre effective. A cet effet, la nouvelle stratégie doit participer à la réalisation des objectifs de la Convention mais aussi contribuer aux Objectifs du Développement Durable (ODD) et en particulier à l objectif 15 et sa cible 15.3 relative à l atteinte de la NDT. La CNULCD a d ailleurs reçu un mandat pour cette cible. En accord avec cette nouvelle vision, la stratégie s est alignée avec l agenda des ODD en prenant place sur la même période de 2018 à 2030. De plus, si dans la stratégie 2008-2018 l objectif était «d inverser et de prévenir» la DDT (Désertification et Dégradation des Terres), l alignement avec la NDT a transformé cet objectif par «éviter, réduire et inverser» la DDT. Puis, l objectif de NDT a été intégré dans l objectif stratégique concernant l état des écosystèmes. La création d une interface de science

politique (SPI) et l assignation d un de ses premiers objectifs à la précision de la NDT est un signal qu il faut considérer comme très positif sur les apports possibles de la science. Changement de l ordre des objectifs stratégiques L alignement avec la NDT a renforcé l objectif stratégique sur l état des écosystèmes et l a placé en première position dans la stratégie 2018-2030 reléguant en seconde position l objectif stratégique concernant l amélioration des conditions de vie des populations touchées. Il n est pas du tout certain que cette inversion soit une bonne nouvelle même si la relation de cause à effet est évidente. Le mandat de la CNULCD concernant les zones arides et leurs populations est un défi suffisamment pertinent et justifié à la fois pour des questions de solidarité et d équité que pour des questions de stabilité politique. Il est risqué d asservir le devenir des populations vulnérables au seul devenir des écosystèmes. Toutefois, la bonne nouvelle est l intégration de l amélioration de la sécurité alimentaire et de l accès à l eau pour les populations touchées, de même pour la participation accrue de la population locale et plus spécifiquement des femmes et des jeunes et la réduction des migrations forcées par la DDTS. Concernant les écosystèmes, il ne s agit plus seulement d améliorer et de réduire la vulnérabilité, mais des actions et objectifs plus tangibles, comme la productivité, des cibles nationales et des mesures sont désormais requis. Concernant les avantages généraux, la gestion durable des terres (GDT) est mentionnée comme le moyen d atteindre l objectif. Le développement de nouvelles sources de financement La NDT doit aussi être mobilisé afin d accroître les financements visant à la mise en œuvre de la stratégie. A cette fin, les partenariats publics-privés doivent être renforcés et le Mécanisme Mondial doit développer de nouvelles opportunités de financement dont «le fonds NDT pour la mise en œuvre de la stratégie». En effet, la formulation évolue de «mise à disposition» à «mobiliser» dénotant un point de vue plus actif y compris pour des sources de financement non conventionnelles et additionnelles. Dans un contexte de raréfaction de l argent public, le recours aux partenariats privés est une obligation. Il n est toutefois pas sans risques car tout investissement privé vise avant tout un retour financier qui devra être encadré par des contraintes liées à la poursuite de l intérêt général. Qui les garantira? Au-delà se pose aussi la question lancinante des bénéficiaires dont les plus vulnérables. Pas de prise en compte de la sécheresse? Enfin, un objectif stratégique concernant l atténuation de la sécheresse, l augmentation de la résilience et la réduction de la vulnérabilité des populations et des écosystèmes à cette dernière est rédigé mais pas intégré de façon formelle à la nouvelle stratégie 2018-2030. Cette question fait débat et des velléités d un véritable protocole sécheresse font jour, portées notamment par l Afrique de l Est.

Point de vue de la société civile D une manière générale, il y a ostensiblement une tendance des dirigeants de la CNULCD à la précision des objectifs et il faut s en féliciter, même si cela arrive tardivement : la CNULCD a trop longtemps souffert d un manque de clarification dans divers domaines, propice à un jeu de renvoi des responsabilités entre les Etats et au sein-même de ceux-ci. De plus, un déficit de science n a pas aidé à faire certaines clarifications. Cependant, les changements effectués au sein de cette nouvelle stratégie interpellent la société civile sur l évolution de la Convention qui tend à s éloigner de ses objectifs originels qui sont malheureusement toujours d actualité. Objectif de la convention En premier lieu, l intégration du LDN au sein de la stratégie pose question sur le mandat géographique de la Convention. En effet, le LDN est intégré aux objectifs du développement durable, c est donc un objectif mondial alors qu à ce jour, la CNULCD ne concerne uniquement les pays Parties touchés c est-à-dire les pays appartenant à des «zones arides, semi-arides et/ou subhumides sèches touchées ou menacées par la désertification» 3. Le cadre d action de la Convention pourrait donc être élargi lors de l adoption de la stratégie 2018-2030. Le GTD n est pas en faveur d un élargissement de la zone géographique concernée par la Convention pour plusieurs raisons : L élargissement de la zone géographique reviendrait à répartir les moyens financiers et nonfinanciers vers plus de pays contribuant à la réduction de ces derniers pour les pays Parties touchés actuels ; Il ne semble pas pertinent d élargir la zone géographique étant donné que la Convention est loin d avoir eu une incidence significative sur les zones touchées actuelles ; L Afrique a toujours été considérée comme une zone prioritaire et il est nécessaire qu elle le reste dans cette Convention. Le GTD pense que le cadre de la Convention dans les zones arides pourrait d ailleurs être précisé en mentionnant les écosystèmes particulièrement pertinents à préserver. Pour illustration, les agroécosystèmes oasiens sont à la fois un moyen d atteinte des cibles de NDT pour les pays concernés et un élément structurant des zones arides. Mandat de la convention En deuxième lieu, les objectifs stratégiques concernant l état des écosystèmes et l amélioration des conditions de vie des populations touchées ont été inversés au profit du premier. Si officiellement il n y a pas de hiérarchie entre les objectifs, ce changement n est toutefois pas neutre étant donné que cela implique la mise en place de mécanismes de mise en œuvre différents. Le GTD n est donc pas en 3 Article premier de la CNULCD.

faveur de l inversion de ces objectifs. En effet, la CNULCD a placé les populations comme priorité de son action : «Affirmant que les êtres humains dans les zones touchées ou menacées sont au centre des préoccupations dans la lutte contre la désertification et pour l atténuation des effets de la sécheresse» 4. Cette modification implique donc une modification du mandat de la Convention et de ses orientations fondamentales. Etant donné la situation actuelle de détresse des populations touchées, ce changement pourrait aggraver les défis actuels comme les migrations forcées ce qui irait à l encontre des objectifs initiaux de la stratégie. Problème de financement En lien avec l objectif de NDT, le Mécanisme Mondial a reçu comme mandat la création d un fonds spécifique (Fonds NDT) indépendant afin de permettre la mise en œuvre de la stratégie. Cependant, après la première phase de faisabilité et durant la phase de mise en place, il est apparu que si le fonds investirait à hauteur de 80% 5 dans les pays en développement, les investissements dans les pays Parties touchés de la Convention se révéleront marginaux à cause du niveau de risque élevé d investissement dans ces zones. Le GTD émet un doute quant au mandat du Mécanisme Mondial, organe de la CNULCD, dans le développement de ce fonds. En effet, le fonds NDT va permettre de contribuer à l objectif de NDT mais pas principalement dans les zones touchées par la Convention. Il ne va donc pas permettre la mise en œuvre de la stratégie, ou va permettre sa mise en œuvre uniquement dans le cas d un élargissement de la zone géographique concernée par la Convention, changement que le GTD conteste. La place de la société civile La société civile est présente dans la majorité des champs d actions de la Convention, que ce soit dans le travail de plaidoyer, de sensibilisation, d appui dans la prise de décision, dans la mise en œuvre et dans le suivi-évaluation des projets de GDT. Elle est mentionnée dans le document original de la Convention et dans les stratégies précédentes. Toutefois, aucune mention spécifique de la société civile n a été faite dans le document provisoire de la stratégie 2018-2030. Le GTD déplore cette situation qui remet en cause l esprit fondateur de la CNULCD réputée pour sa prise en compte de la société civile. La société civile étant au plus proche des populations sur le terrain, il est primordial que son rôle et son implication soit mentionné et reconnu dans la nouvelle stratégie. 4 Préambule de la CNULCD. 5 Présentation de Mirova par Gautier Queru lors de Désertif Actions 2017 le 27 juin 2017.