Durée de vie des centrales nucléaires en Suisse et dans le monde : des choix pragmatiques



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Transcription:

Case postale 194 1951 Sion Tél. +41 21 517 67 67 info@frenergie.ch www.frenergie.ch Bulletin 125 11 juillet 2013 Durée de vie des centrales nucléaires en Suisse et dans le monde : des choix pragmatiques Avant l accident de Fukushima au Japon le 11 mars 2011, on parlait un peu par- tout d une renaissance de l énergie nucléaire. Le Conseil fédéral évoquait même la nécessité de construire de nouvelles centrales nucléaires. Par la suite, la catastrophe a déclenché, dans de nombreux pays, des discussions de fond sur l usage du nucléaire. La Suisse et l Allemagne ont décidé de sortir du nucléaire, de très nombreux pays projettent la construction de nouvelles centrales. Mais partout la question se pose. A partir de quand et selon quels critères faut-il fermer une centrale existante? Sur ce thème aussi les approches divergent d un pays à l autre. Un changement radical en Suisse : la Stratégie énergétique 2050 2 Le développement dans le monde 3 Durées d exploitation et sécurité : la Suisse est en tête au niveau européen 4 Les fonds de désaffectation et de gestion des déchets radioactifs sont tout à fait suffisants 5 Responsabilité civile en matière nucléaire : pas de dispositions particulières helvétiques 6 Conclusion 7

Un changement radical en Suisse : la Stratégie énergétique 2050 Dans un contexte de changement climatique mondial, l énergie nucléaire semblait être il y a quelques années encore une solution idéale à notre consommation croissante d électricité. Parfois, on parlait de l «électricité verte» produite par l énergie nucléaire et on évoquait une renaissance du nucléaire car, à l instar de la production d électricité issue de la force hydraulique, celle issue du nucléaire est extrêmement pauvre en CO 2. Puisqu en Suisse, le mix électrique est composé presque exclusivement de l énergie hydraulique (env. 55 %) et de l énergie nucléaire (env. 40 %), nous pouvions bénéficier jusque-là d une production presque exempte de CO 2. Ce mix permet, en outre, des prix concurrentiels et une production continuelle et prévisible. Etant donné les objectifs mondiaux en matière de changement climatique et la sécurité d approvisionnement, ce mix électrique peut donc être qualifié d exemplaire. Pour ces raisons, le Conseil fédéral déclarait encore en février 2007 être «convaincu de la nécessité de construire de nouvelles centrales nucléaires.» Depuis et en très peu de temps, notre gouvernement a radicalement changé d avis. Immédiatement après l accident de réacteur survenu au Japon à la centrale nucléaire de Fukushima Daijichi, la conseillère fédérale Doris Leuthard a décidé, le 14 mars 2011, de suspendre les procédures relatives aux demandes d autorisation pour la construction de nouvelles centrales nucléaires. Plus tard au cours de l année 2011, la décision fut prise par le Conseil fédéral et le Parlement d abandonner progressivement l énergie nucléaire. Lors de la session d hiver 2011, le Parlement a adopté trois motions demandant de ne plus accorder à l avenir d autorisation générale pour construire de nouvelles centrales nucléaires. Ce fut la décision de principe pour une nouvelle politique énergétique (appelée «Stratégie énergétique 2050»), dont débattra prochainement le Parlement. Selon le Conseil fédéral, le message sur la stratégie énergétique 2050 doit être adopté en septembre 2013. Selon la nouvelle politique énergétique, les cinq centrales nucléaires suisses existantes doivent être mises à l arrêt à la fin de leur durée de vie et ne pas être remplacées par de nouvelles constructions. Le Parlement a renoncé à interdire explicitement la technologie nucléaire afin de ne pas empêcher la mise en application de conquêtes technologiques à l avenir. 2

Le développement dans le monde En Allemagne, peu de temps après l accident au Japon, le gouvernement fédérai a décidé de sortir définitivement du nucléaire d ici à 2022. Par la suite, sept centrales nucléaires ont été immédiatement arrêtées. Cela en l absence de référendum ou de consultation de l opinion publique. L Allemagne semble prête à accepter les conséquences qui en résulteront pour l industrie. Elle est le seul pays au monde à avoir réagi à cet accident de façon aussi radicale. Au niveau international, on a qualifié ce phénomène de «German Angst» (la peur allemande) et de «Hang zur deutschen Romantik» (tendance au romantisme allemand) pour tenter de l expliquer. Certes, l Autriche a salué la décision de l Allemagne, car les Autrichiens se montrent traditionnellement critiques vis-à-vis de l énergie nucléaire et ne produisent pas d énergie d origine nucléaire. Toutefois, on ignore aujourd hui si l Allemagne, après l abandon définitif en 2022, aura recours à l électricité nucléaire provenant de l étranger et/ou à de nouvelles centrales à charbon. Ou si elle parviendra à mettre en œuvre un gigantesque plan de renouvellement technologique en plus d un système énergétique qui serait essentiellement basé sur les énergies renouvelables. Le fait est qu aujourd hui en Allemagne, plus de la moitié de l électricité est issue de sources fossiles. Actuellement dans le monde, près de 440 centrales nucléaires sont exploitées dans 31 pays. Selon l Agence internationale de l énergie atomique (AIEA), l électricité d origine nucléaire va progresser dans le monde au cours des prochaines décennies. Un recul n est probable qu en Europe de l Ouest (sortie accélérée en Allemagne et renoncement à de nouvelles constructions en Italie), des installations de troisième génération étant parfois déjà en cours d achèvement et d autres en projet en France et en Finlande. La Grande-Bretagne n a, elle non plus, aucunement l intention de renoncer à l énergie nucléaire et a autorisé, fin mars 2013, la construction de la nouvelle centrale nucléaire de Hinkley Point C. En Europe de l Est, la République tchèque et la Slovaquie souhaitent utiliser davantage l énergie nucléaire afin de réduire leur consommation de charbon. Les États-Unis possèdent actuellement plus de 100 réacteurs en service qui fournissent environ un cinquième de l électricité consommée. Après plus de 30 ans, la construction de deux nouveaux réacteurs a été autorisée en février 2012. Grâce au soutien du président Obama à l égard des technologies nucléaires, l industrie du nucléaire a reçu une garantie de crédit de plus de huit milliards de dollars. 20 autres demandes de nouveaux réacteurs sont actuellement en attente d autorisation. Face aux dernières innovations en matière de fracturation hydraulique permettant l extraction de pétrole et de gaz de schiste, nous verrons si ces projets seront mis en œuvre. Cependant, ces décisions ne seront pas guidées par les mêmes motivations que dans l espace germanophone, mais par des considérations purement économiques : aux États-Unis, c est la production la moins coûteuse qui l emportera. En ce qui concerne l évolution mondiale, le World Energy Outlook 2012 de l Agence internationale de l Énergie (AIE) indique que, selon les estimations, la production d électricité d origine nucléaire ne va diminuer que légèrement en proportion de l ensemble des moyens de production. En effet, la part de l énergie nucléaire dans le mix électrique mondial en 2035 devrait atteindre les 12 %, au lieu des 13 % estimés en 2011. Début 2012, on recensait dans le monde 62 projets de construction. À l avenir, la plus grande hausse devrait intervenir en Chine. Suivent ensuite la Corée du Sud, l Inde et la Russie. De nouveaux pays doivent également faire leur entrée dans le nucléaire. C est le cas, par exemple, de l Australie et du Vietnam qui souhaitent adopter cette forme de production d électricité. Le Japon, en revanche, cherche à l avenir à diminuer sa dépendance vis-à-vis du nucléaire. 3

Durées d exploitation et sécurité : la Suisse est en tête au niveau européen Ces deux dernières années, en Suisse, les sujets tels que les durées d exploitation, la sécurité, le financement de la désaffectation des centrales nucléaires et de la gestion des déchets radioactifs et, tout dernièrement, la législation sur la responsabilité civile en matière nucléaire ont été au centre des débats politiques. Ainsi, la gauche réclame par exemple la fixation de durées maximales d exploitation pour nos centrales nucléaires et utilise la sécurité comme argument. Pour des raisons de complexité, il n existe aucune norme ou directive de sécurité internationale qui fixe la durée de vie d une centrale nucléaire. Au niveau mondial, la durée d exploitation réaliste est de 60 ans, voire plus. Aux Etats-Unis, 2 / 3 des centrales en exploitation ont obtenu une prolongation de la licence de 40 à 60 ans. En France et en Suède, des programmes d investissements sont actuellement réalisés pour atteindre 60 ans. Il existe, pour résumer, deux procédures différentes pour garantir la sécurité : les autorisations d exploiter à durée déterminée avec une échéance fixe (Allemagne, Japon) et les autorisations d exploiter à durée indéterminée. Pour ces dernières, les installations sont soit contrôlées de manière séquentielle, par exemple pour la France tous les 10 ans, soit de manière continue comme en Suisse. Dans ce cas, les installations ne sont pas arrêtées de manière arbitraire mais lorsque la sécurité ne peut plus être garantie. «En Suisse, ce n est pas l âge d une installation mais sa sécurité qui est décisive», soulignait il y a six mois le directeur de l IFSN, Hans Wanner. Des demandes de limitation des durées maximales d exploitation font actuellement débat en Suisse. D un côté, les Verts souhaitent obtenir, avec leur initiative pour sortir du nucléaire, une durée d exploitation de 45 ans, de l autre, en avril 2013, la Commission de l environnement du Conseil national (CEATE) a avancé comme compromis une contre-proposition indirecte d une durée de vie de 50 ans (40 + 10). Le Conseil fédéral avait déjà rejeté l initiative des Verts quelques semaines auparavant et avait présenté sa stratégie énergétique 2050 comme contre-projet indirect. Il faut donc comprendre qu aucune limitation de durée d exploitation n est prévue tant que la sécurité est garantie. En Suisse, l autorisation d exploiter pour une durée indéterminée implique l obligation de mettre continuellement à niveau les installations en fonction des technologies disponibles. À la centrale de Mühleberg, on envisage par exemple des mises à niveau pour accroître la sécurité sismique, de nouveaux tirants d ancrage pour la stabilisation de l énorme jupe du cœur du réacteur ou la création de réservoirs d eaux supplémentaires, afin que le refroidissement normal soit également assuré si celui-ci ne pouvait pas être effectué par les eaux de l Aare. Grâce à l obligation de mise à niveau continue, les centrales nucléaires suisses sont toujours maintenues à la pointe des innovations technologiques et des connaissances actuelles. Dans d autres pays accordant des autorisations d exploiter limitées (Allemagne, USA, Japon), des contrôles de sécurité sont certes exécutés de manière renforcée au moment de la prolongation, mais des mises à niveau ne sont autorisées par la loi pendant la durée d exploitation accordée que dans des cas extrêmes. Cela signifie que pendant la durée de l autorisation le plus souvent 40 ans les standards autorisés lors de l obtention de l autorisation d exploitation doivent être maintenus. Au terme de l autorisation d exploiter, l exploitant doit cependant obtenir une nouvelle approbation. En vue de son obtention, de nombreux rapports d exploitation et preuves sont à remettre aux autorités. L autorisation d exploiter est limitée dans le temps aux États-Unis par exemple, mais également en Finlande, en Grande-Bretagne et en Hongrie. La volonté d investissement à long terme diminue en raison de durées d exploi- 4

tation définies, et il est également plus difficile de trouver du personnel qualifié. La Suisse, en revanche, instaure un système de mises à niveau continues qui oblige les centrales à des investissements permanents dans l amélioration de la sécurité et du rendement. Le stress-test 2012 de l Union européenne a clairement indiqué que les centrales suisses faisaient partie des plus sûres de toute l Europe. Le représentant de la commission européenne en charge des stress-tests, Monsieur Bojan Tomic, a déclaré lors du Forum de l IFSN en septembre 2012 : «La Suisse est en tête au niveau européen.» Il en attribuait la raison au principe des mises à niveau continues appliqué de façon conséquente. Alors même que ces installations répondent aux normes de sécurité, vouloir les arrêter apparaît comme un non-sens économique, car cela affaiblirait l indépendance énergétique de la Suisse et conduirait à une hausse des prix de l électricité. En outre, l Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) est actuellement déjà en mesure d arrêter à tout moment une centrale lorsqu elle ne respecte plus les prescriptions de sécurité. En cas d arrêts prématurés, malgré le respect de tous les aspects techniques de sécurité, des demandes de dommages-intérêts des exploitants de centrales nucléaires peuvent en outre intervenir. Tous s accordent sur un point: la sécurité est la priorité absolue. Les fonds de désaffectation et de gestion des déchets radioactifs sont tout à fait suffisants En Suisse, le calcul des coûts liés à la désaffectation et à la gestion des déchets est mis à jour tous les 5 ans. Les calculs sont ainsi adaptés au niveau le plus récent des connaissances et de la technique. Cela permet d assurer qu au moment de la mise hors service des centrales, les moyens sont suffisants pour couvrir les coûts qui seront occasionnés par la suite. La loi suisse sur l énergie nucléaire impose notamment aux exploitants de supporter eux-mêmes tous les coûts liés à la désaffectation des centrales nucléaires et à la gestion des déchets radioactifs. Les coûts d élimination des déchets générés pendant la période d exploitation et après l arrêt (env. 5 ans) sont payés directement par les exploitants. Un fonds a été constitué pour la désaffectation et un autre pour les coûts de gestion des déchets au terme de l exploitation, auxquels les exploitants cotisent pendant toute la durée de vie de la centrale nucléaire. Les coûts de la désaffectation et de la gestion des déchets sont estimés tous les cinq ans par swissnuclear sur mandat de la commission des fonds constituée par le Conseil fédéral. L étude de coûts sert à déterminer l alimentation des fonds. Les dernières études de coûts ont été réalisées en 2011. Le 5 novembre 2012, l IFSN a fait appel à des experts externes pour vérifier ces études de coûts : elles ont été jugées réalistes. Il en résulte que les coûts prévus sont, corrigés du renchérissement, au total 10 % plus élevés que les estimations de coûts de l année 2006. Les coûts liés à la désaffectation et à la gestion des déchets après la mise hors service s élèvent donc à 11,4 milliards de francs. Si l on y ajoute les coûts pendant la période d exploitation (9,3 milliards de francs, correspondant au stockage intermédiaire des combustibles usés, au transport vers Zwilag et aux études de la Nagra), on obtient un montant total de 20,654 milliards de francs (2006: 18,782 milliards de francs). Les contributions des exploitants aux deux fonds ont été augmentées en conséquence et les nouveaux calculs ont été réajustés afin de pouvoir garantir à l avenir des moyens suffisants pour les coûts engendrés. Le parti socialiste suisse (PS) a critiqué ces estimations de coûts lors d une conférence de presse en avril 2013. Il a 5

parlé d un trou de plus de 7 milliards de francs dans les deux fonds, d un taux de couverture inférieur à 50 % et a demandé que les projections financières des fonds se basent sur des perspectives de rendement de 3,5 % maximum. Ces reproches doivent être pris au sérieux et être vérifiés. Le calcul est vite fait: comme indiqué plus haut, les coûts estimés d un montant de 11,4 milliards de francs doivent être garantis par les deux fonds. Si sur ces 11,4 milliards de francs, 5,2 sont couverts par les recettes d installation, les coûts à couvrir par les fonds sont de 6,3 milliards de francs. Cela signifie qu au total, les exploitants doivent verser 6,3 milliards de francs dans ces fonds pour que le compte soit bon. Fin 2012, on avait atteint 72 % de la durée de la période de versement. Par conséquent, 4,5 milliards auraient déjà dû se trouver dans le fonds. Qu en est-il réellement? Fin 2012, le fonds contenait 4,8 milliards de francs, ce qui correspond à un taux de couverture de 106 %. Il ne peut donc pas être question d un taux de couverture inférieur à 50 %. Et qu en est-il des projections financières soi-disant trop élevées? On table sur un rendement de 5 % (au lieu du rendement maximum de 3,5 % demandé par le PS). Pour obtenir le rendement réel, il faut déduire 3 % de renchérissement, ce qui donne un rendement réel pronostiqué de 2 %. L évolution au fil du temps du fonds de désaffectation montre que ce chiffre est réaliste. De 1985 à 2012, le rendement réel de ce fonds était de 3,1 % (rendement de 4,6 % moins 1,5 % de renchérissement). Par conséquent, l hypothèse de base d un rendement réel de 2 % est même une hypothèse conservatrice et n est absolument pas trop élevée. Responsabilité civile en matière nucléaire : pas de dispositions particulières helvétiques Du 15 mars au 30 juin 2013, le Conseil fédéral a lancé la procédure de consultation concernant une révision totale de l ordonnance sur la responsabilité civile en matière nucléaire. Elle vise à déterminer notamment le montant de la couverture, la méthode de calcul des primes fédérales et la réduction de la couverture pour les installations à faible risque. Avec la loi susmentionnée, la Suisse s est déclarée prête dès 2008 à prendre en charge la couverture devant être assurée au niveau national d un montant de 1,5 milliard de francs conformément aux conventions internationales, ladite loi ne pouvant entrer en vigueur avant que l ordonnance afférente ne soit disponible. La consultation permettra de déterminer les demandes des forces politiques suisses à ce sujet. Ce faisant, il importera que la Suisse ne prévoie pas de dispositions particulières helvétiques, pour le transport par exemple, mais qu elle reste le plus possible dans le cadre du droit international. 6

Conclusion En regardant au-delà de nos frontières, on constate que les pays exploitant actuellement des centrales nucléaires sont peu nombreux à y renoncer à l avenir et que la production d électricité d origine nucléaire ne va pas diminuer d ici à 2035. L évolution actuelle relative à l énergie nucléaire en Suisse est, exception faite de l Allemagne, un cas particulier. Quant aux durées de vie des centrales, elles sont appréciées de manière très diverse selon les pays. Liens utiles sur le sujet: www.iea.org www.iaea.org www.uvek.admin.ch www.bfe.admin.ch www.ensi.ch www.nuklearforum.ch www.swissnuclear.ch www.kernenergie.ch 7