C est donc Keolis qui a conduit Rennes Métropole à son entrée dans le mouvement Open Data?

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Transcription:

Christophe MILLOT Innovation numérique au service de l information voyageur Keolis Rennes Vous avez piloté la 1ère ouverture des données de transport en France. Pour quelles raisons Keolis s est-elle engagée sur la voie de l Open Data? Nous sommes sur un territoire plutôt propice à ce genre de réflexions. A Rennes, les acteurs sont en place depuis longtemps. Des acteurs publics, des personnes sensibilisées à ces problématiques d ouverture des données, sur ce qui touche à la transparence, à l idée d agréger les énergies citoyennes autour de projets commun, etc. Parallèlement, il y a eu une situation déclenchante : suite à la mise en place d un service de vélo, on s est aperçu que des développeurs récupéraient nos données, les parsaient et créaient des applications. C était pour la plupart de bonnes applications, mais le fait que les données n étaient pas disponibles et organisées ne les rendait pas toujours très stable, ni très rapide, etc. Elles rendent cependant un service aux utilisateurs. Dans cette même période, nous songions à la refonte du site internet du réseau STAR, et quand vous produisez un outil d informations, la première question que vous vous posez est : Quel en est l usage? A qui je m adresse? Et quel service apporter à l utilisateur? On peut facilement passer des heures sur cette question et trouver des usages en pagaille. Mais il faut bien comprendre qu il y a un coût de production de ces outils (c est très cher), et qu il n est pas envisageable, de produire des outils qui ne répondraient pas à des usages identifiés. Nous nous sommes dits : soyons intelligents, permettons à des développeurs de le faire, ouvrons les données sur une plate-forme adéquate (avec des clés d API, etc.) et mettons cela à disposition d une communauté citoyenne. Nous avons donc commencé à regarder ce qui avait été fait dans les pays anglo-saxons (à Boston, à Londres à l époque), et on s est dit : Il n y a pas de raison que la France ne le fasse pas, ce n est pas cohérent. Keolis est seulement délégateur de service public (délégateur de service public signifie qu elle travaille pour le compte de Rennes Métropole). Après cette première réflexion, nous avons mis en place ce projet, puis nous sommes allés voir Rennes Métropole pour leur expliquer : voilà ce qu on pense judicieux de faire en matière d ouverture des données. Est-ce que vous, en tant que communauté d agglomération connue pour sa dynamique d innovation, ce projet vous semble opportun?. Rennes métropole a complètement adhéré au projet, et c est parti comme ça. C est donc Keolis qui a conduit Rennes Métropole à son entrée dans le mouvement Open Data?

Ils avaient déjà l idée et des personnes travaillant au sein de Rennes Métropole étaient déjà très sensibilisées à ces problématiques là. Mais il fallait trouver une donnée territoriale forte. C est difficile de faire de l Open Data en disant : Je vais ouvrir la donnée sur les arbres un peu exceptionnels du jardin du Thabor.. Certes, mais je ne suis pas certain que cela crée une dynamique suffisante pour engager un territoire sur l Open Data. Les données de transport sont vraiment au cœur de l agglomération. Ce sont des données riches, dynamiques et importantes. Elles permettent très rapidement de créer des applications utiles au quotidien. Ce qui est intéressant, pour répondre aux différents usages, c est d être capable de croiser ces données pour produire un service qui va répondre à un public ciblé : les personnes à mobilité réduite par exemple. Nous ne pouvons pas faire un site STAR dédié aux personnes à mobilité réduite. Néanmoins, on peut intégrer l information sur les personnes à mobilité réduite. Alors qu un développeur possédant la donnée (la nôtre plus une donnée tierce autour de ces problématiques là) est capable de faire une application. Et il n y a pas de souci de rentabilité immédiate, c est avant tout une démarche citoyenne qui ne s oppose pas aux intérêts économiques des parties prenantes. C est tout l intérêt de l Open Data. L Open Data souffre de nombreuses limites (multiplication des points d'accès, modèles de données non uniformes), ce qui peut être gênant pour des applications à un niveau national/international. Par exemple, il existe une application transport pour Rennes, une autre pour Nantes, etc. sans qu il soit possible de réunir les données de transport sous une même application facilement. Est-ce que cette problématique a été soulevée, par des développeurs par exemple? En tant que précurseur de l'open Data en France, êtes-vous préoccupé par ces questions? Comment les dépasser afin de permettre plus d'innovation? C est un vrai problème. L uniformisation de la donnée, sa qualité, son interopérabilité... Elles peuvent être d origines et de natures différentes, etc. Pour les croiser ce n est pas simple qu elles soient brutes ou mises en forme via une API ; c est très compliqué. Il s agit d un des freins de l Open Data. Nous, nous y réfléchissons? Bien sûr, mais à notre échelle de transporteur, avec nos propres filiales : ce n est pas notre rôle. C est vraiment le rôle de l autorité publique que de favoriser cette uniformisation. Collaborez-vous avec Rennes Métropole pour justement uniformiser vos données et répondre à ces problématiques? C est en effet un travail de collaboration, et ça l a été presque dès le départ. Pas tout à fait dès le départ, car on arrivait sur un terrain vierge, et Rennes Métropole ne savait donc pas exactement comment les développeurs voulaient travailler. On a mis à disposition nos données au format GTFS : un format standard, compréhensible et rapidement accessible, pour garantir le succès de l utilisation des données ouvertes. On a ensuite demandé aux

développeurs quelles étaient leurs attentes ; et, avec leur collaboration, nous avons amélioré la qualité du jeu de données. Ensuite, Rennes Métropole a suivi la même démarche pour les données sur son portail. Mais rendre les données de l ensemble du territoire interopérable constitue un véritable défi. C est pourtant ce vers quoi il faut tendre si l on veut donner une vraie force et un vrai intérêt à l Open Data. Cela risque néanmoins d être compliqué, étant donné que l Europe manque elle-même d uniformité dans sa démarche. Nous n avons pas de plate-forme numérique européenne par exemple. Il n y a pas de vraie organisation autour de ça. Il n y a aujourd hui pas d application qui puisse vous dire : Je prends mon vélo en bas de chez moi, puis le bus du réseau STAR, puis le TGV jusqu à Paris, puis le Thalys pour aller jusqu à Londres, ce n est pas possible, même si les développeurs y mettaient beaucoup de volonté. Ce n est pas possible du fait des limites actuelles de l Open Data dont on vient de parler. L Open Data est un éternel chantier, un chantier de longue haleine. Pour mettre en valeur l ouverture des données de transport, vous avez lancé un concours d applications. D où vous est venue cette idée? Quel est le résultat concret de ce concours, dans notre vie de tous les jours? Nous nous sommes inspirés de ce qu a fait la ville de Londres. Il s agit d un moyen intéressant de créer une communauté, de motiver les développeurs. Notre concours est probablement un de ceux qui a le mieux réussi, peut-être aussi grâce à sa position de pionnier. Il y avait aussi 50 000 de gains, ce qui représente une certaine somme, subdivisée en plusieurs catégories de développement. 70 applications ont été développées, dont 40 pour le transport. Ça a donc été un vrai succès, probablement la meilleure expérience dans le domaine sur le territoire depuis que la France est rentrée dans la dynamique Open Data. Peut-être parce que nous étions les premiers à lancer ce concours, peut-être parce que la Bretagne est un territoire propice? Je ne saurais le dire, mais les retombées médiatiques : Canal +, etc. on été au rendez-vous. Le modèle rennais est devenu un standard, c est à dire qu aujourd hui toutes les communautés d agglomération qui ouvrent leurs données suivent le même schéma : création d un portail, ouverture d un forum communautaire, Entertainment. On essaie d animer (plus ou moins bien d ailleurs selon les portails et les agglomérations), on essaie de qualifier la donnée en coopération avec les développeurs, on fait un test, un concours et voilà, ça s arrête là. C est ça la problématique de l Open Data aujourd hui, dans la manière dont le processus est lancé dans les territoires : ça s arrête souvent après le concours. Ce n est pas une fin en soi un concours, ça devrait plutôt être : mais quel est le modèle économique derrière? Est-ce que c est le rôle des acteurs qui fournissent la donnée de trouver le modèle économique ou est-ce que c est le rôle des citoyens de s organiser pour créer un modèle, économique ou pas d ailleurs, un modèle de pensée, d action, de pouvoir citoyen? Mais voilà, en général, ça s arrête après le concours.

A Keolis, nous avons une autre opération derrière. Mais c est une opération qui est liée à la mise à disposition de nouvelles données, notamment celles liées au métro, c est à dire les données en temps réel du métro et la numérotation des bus qui permet de reconstruire un voyage, chose que l on ne peut pas faire aujourd hui. Et on voudrait, dans la mesure du possible, labéliser les applications : dire, en tant que professionnel du transport, que cette application est bien développée, elle rend un service, elle est bien mise à jour, elle est stable, etc. On a prévu de proposer ce principe de labellisation (le projet est déjà en route). Un développeur nous dira par exemple : Je veux que mon application soit labélisée, et il faudra ensuite qu il remplisse un certain nombre de critères et d engagements, tout en restant dans la dynamique de l Open Data. En fonction de ces labels, nous feront de la promotion d applications. Ce n est pas un modèle économique mais un modèle de référence. Je suis utilisateur d applications, je ne connais pas Rennes, j arrive sur Rennes, je recherche bus, je vois 4 applications : laquelle est du réseau STAR? Laquelle est officielle? L utilisateur se pose la question, mais avec cette labellisation, il n aura plus besoin de se la poser : je prends celle-ci car elle est labélisée. On peut la considérer comme une application de confiance. Mise à part les concours, avez-vous eu d autres pistes pour innover à l aide de l Open Data, dans le domaine du transport ou ailleurs, autres que le concours d applications? D un point de vue personnel, il y a quelque chose que je ne comprends pas : sur un territoire comme le nôtre, je pense qu il y a une quinzaine de cartographies qui véhiculent de l information. Je trouve que c est considérable. Elles sont toutes sur Google Maps, OpenStreet Map, et elles véhiculent de l information de nature diverse. Je pense que ce qui serait très intéressant, ça serait une cartographie territoriale, qui soit conçue et mise à jour par le Système d'information Géographique de l agglomération, surtout qu on a un SIG ici à Rennes qui est très réputé, avec un fort niveau de détails dans la cartographie. On pourrait très bien, dans OpenStreet Map, amener ces différentes couches de données du SIG pour créer une plate-forme réceptacle d un ensemble de données ouvertes, que ce soit de la donnée transformée ou de la donnée brute. Il faudrait ensuite trouver une organisation pour maintenir et mettre à jour ces données-là. Mais je pense qu une espèce de pot commun comme celui-là, autour de la donnée de transport, qui reste à mon avis la donnée lien, est une bonne idée. Keolis exploite un réseau, et représenter un réseau à l intérieur d une cartographie dynamique dans laquelle viennent se crowdsourcer différents types de données peut-être quelque chose à faire. Je ne sais pas sous quelle forme, mais il y a quelque chose à faire. Nous avons aussi d autres projets : on va faire une refonte de star.fr et on va essayer de faire une plate-forme, et non pas un site : on va tenter de croiser un certain nombre de données ouvertes, et remettre à disposition via des web services ou des APIs, un certain nombre de ces croisements de données. On va travailler de manière itérative : ce n est pas un projet où on écrit tout, ligne à ligne, pour ensuite développer, mais on va plutôt essayer de le faire point à point. Je pense que ce qui nous manque cruellement, c est cette facult à travailler ensemble, dans une même direction. Et je pense que l Open Data est un levier pour revenir à ces valeurs-là. J espère en tout cas, au-delà de ce que ça peut produire en termes

de richesses, pour moi la richesse c est la faculté de travailler ensemble autour d un bien commun et de valeurs communes. Vous n êtes donc pas opposé à la réutilisation des données par les entreprises privées? Non, mais en même temps, l Open Data coûte cher. Mettre la donnée à disposition sur des serveurs, ça a un coût énorme : humain, financier, structurel. Pour qu une entreprise privée utilise de la donnée, il faut qu elle puisse à un certain moment contribuer à l accès à ces données, en payant le coût de mise à disposition de ces données. Dans l Open Data, on ne peut pas vendre la donnée au-delà de son coût de production et de mise à disposition. Il faut donc le calculer et fournir les clés d APIs qui permettent d effectuer un nombre plus important de requêtes par exemple. Car il est évident que supporter 100 000 requêtes par jour n a pas le même coût que pour quelques milliers. Tant que le nombre de requêtes reste acceptable, il y a un bon équilibre. Il faut que les entreprises utilisent les données ouvertes. Public, privé : il faut arrêter d opposer ces deux modèles, l un économique, l autre citoyen. Ils ne peuvent que travailler ensemble. Il faut faire preuve de bon sens et qu on réapprenne à collaborer. Il faut aller dans ce sens, il n existe pas d autres alternatives. Mais cela reste compliqué dans la pratique. Vous avez été en contact avec des développeurs pour le développement des applications. Quels étaient les profils de ces développeurs, étaient-ils tous indépendants, y avait-il des entreprises privées? Tout à fait, il y avait aussi des entreprises. Je pense qu il faut autant de professionnels que d amateurs (amateurs avec tout de même un certain niveau). Dans notre concours, il y avait quelques particuliers comme par exemple Yan Bonnel, mais aussi des sociétés comme GFI Informatique, Mobile Z, 3 ou 4 start-up qui voulaient montrer ce qu elles savaient faire. Certains ont pu retirer de très bons bénéfices et se construire une vitrine grâce au concours ; et pour les particuliers, ça leur a permis de trouver un travail. Il y avait un élève de première ou terminale (qui n avait pas encore passé son baccalauréat), qui a développé Mobile Rennes, une super application : très jolie, assez aboutie. C est évident qu après avoir passé son baccalauréat et montré ce qu il a fait, le prix qu il a eu au concours (prix du jury), il s assure un bel avenir. Il y a des particuliers qui se sont vraiment investis. On ne voyait pas de différences entre les professionnels et les amateurs. D ailleurs les gagnants n étaient pas des professionnels pour la plupart, mais plutôt des amateurs, peut-être aussi parce qu ils avaient plus de disponibilités, ils y ont peut-être passé des jours et des nuits pour faire leurs applications. Ils avaient 3 à 5 mois pour faire leurs applications, ce qui est très court, c était en 2010, les plates-formes de développement mobile n étaient pas aussi abouties qu aujourd hui, les créations étaient donc assez impressionnantes. Qu est-ce que vous apporte l ouverture de ces données de transport, où est le bénéfice pour Keolis?

La démarche visait à apporter un service aux voyageurs. Car au départ, nous n avions aucune vision sur le bien-fondé de l opération. On est quand même une entreprise à vocation de service public, mais une entreprise privée. Il existe une directive européenne qui dit que il faudra ouvrir les données publiques, on aurait pu attendre comme beaucoup d entreprises le font. La première directive date de 1978, mise à jour en 2003, et pourtant beaucoup d organismes n ont toujours pas ouvert leurs données. Et donc quand le directeur de la filiale a donné son accord, et qu on avait annoncé notre intention au groupe Keolis en disant qu on allait ouvrir nos données et que n importe qui pourraient y accéder, On s est entendu répondre : Vous êtes malades? C est un peu notre gagne-pain. La valorisation de la donnée, c est quelque chose que l on vend aux agglomérations. Donc il a fallu un certain courage au groupe Keolis pour dire : D accord, on va le faire. On a un modèle super stable, on est leader dans le monde, on vend nos produits qui sont reconnus pour être de qualité. On arrête, on va faire autrement, on va donner accès à nos données et on laissera les autres le faire. Au départ, on n y allait pas pour gagner de l argent. Je pense que la vraie dynamique c est celle-là, c est de se dire : il y a quelque chose à faire sur un territoire qui est propice. Et Keolis, en tant qu acteur privé, s est engagé à répondre aux attentes de ce territoire-là. Mais l idée n était sûrement pas de gagner de l argent, de manière sûre et certaine. Ça améliore la qualité du service que l on rend. Mais il n y a pas de règle qui dit : Plus tu as d applications, plus tu as de voyageurs.. Par contre, plus le voyageur est rassuré dans le déplacement, mieux c est. C est à dire qu à n importe quel moment, s il veut se déplacer, il a une information : ça le rassure et potentiellement, il se dit qu avec ce bus-là, il peut aller là où il a besoin d aller. C est ce que ça apporte. Mais ça ne fait pas gagner d argent à un réseau de transport. C est un modèle, une distribution d informations que je trouve intéressante dans sa dynamique. Est-ce que des associations, personnes, usagers, etc. se sont opposés à l ouverture de ces données? Si oui, pour quelles raisons? Bien sûr. Car c était quelque chose de nouveau, relativement délicat à expliquer puisqu on n en connaissait pas encore les tenants et les aboutissants. Vous ne savez pas où vous allez réellement quand vous faites ça. En interne, au niveau des concepteurs de la donnée, on vous pose beaucoup de questions : Pour quoi faire? Il faut tout réexpliquer, systématiquement. Ce n est pas une opposition de fond, mais c est une demande d explication. Et l exercice n est pas forcément simple, étant donné que ça n avait jamais été fait sur notre territoire. On vous demande un modèle, un exemple, et vous répondez que ça s est fait dans les pays anglo-saxons. Mais nous ne sommes pas dans un pays anglosaxon. Mais à force de contact, on finit par convaincre et cela ne pose pas plus de problèmes. Ensuite, au niveau des responsables et des dirigeants, il y a certainement dû avoir des oppositions. Ne serait-ce que de la part des services informatiques du groupe Keolis. Mais là, encore, ce n est pas une opposition analysée, ce n est pas : J ai fait le calcul, il ne faut pas y aller. C est plutôt un doute, une crainte, une intuition. En plus, on vit en France où la crainte et la peur sont par défaut les premiers sentiments face à l innovation et les

nouveautés, on est assez défiants. Le pays n est pas forcément propice à ce genre de nouveautés. Donc automatiquement, il y a des oppositions. Mais rien d irrémédiable. On a réussi à remettre tout le monde dans la bonne dynamique et ça s est finalement très bien fait, ça a été un vrai succès pour Keolis, c est clair. Je crois que Daniel Delaveau a eu un prix pour la démocratie à ce propos. Concernant le concours d applications, quels ont été les lauréats? 3 prix : - une application de transport - une application qui permettait de créer ou trouver des parcours pour faire du jogging ou du sport. - HandiMap : calculateur de déplacement pour les personnes à mobilité réduite. Au vu du niveau, on aurait pu faire gagner que les applications de transport mais il fallait avoir un spectre un peu plus large. La première application qui a vraiment eu du succès, c est Transport Rennes par Yan Bonnel. Car c était la première, un mois après l ouverture du concours, elle était déjà prête Il a un très gros niveau, ses applications sont souvent mises à jour, il y a maintenant Transport Rennes, Transport Bordeaux, Transport Montpellier. Rennes Go était aussi une très bonne application, qui existe maintenant sur plusieurs territoires. Nous avons gardé le contact avec toutes ces personnes. Par exemple, on s appelle régulièrement avec Yan Bonnel pour se tenir informé. C est un contact très intéressant. il ne gagne pas un centime, je ne sais même pas s il rentabilise son temps, ses travaux, les besoins matériels, etc. C est quelqu un qui a une démarche citoyenne tout à fait respectable et il peut vraiment nous appeler quand il veut. C est intéressant.