Acte de la journée d automne du 19 novembre 2009 Crise et reprise: oser la formation Le rôle de la formation et de la requalification pour les bénéficiaires de l aide sociale aussi IV. Période de crise: une opportunité pour la formation et la requalification Jacques-André Maire, conseiller national, chef du service de la formation professionnelle et des lycées, NE Jeudi 19 novembre 2009 Lausanne, Palais de Beaulieu
Selon la statistique suisse de l'aide sociale établie par l'ofs et rendue publique en juin 2009, plus de la moitié des jeunes adultes bénéficiant de prestations d'aide sociale n'ont pas de diplôme post-obligatoire et ne sont pas en train de suivre une formation. Ce sont en effet: 51,1% des bénéficiaires de l'aide sociale âgés de 18 à 25 ans qui sont dans cette situation 23,6% sont en formation 24,9% sont en possession d'un diplôme du secondaire 2 et 0,5% seulement possède un diplôme du degré tertiaire. L'environnement social ainsi que la provenance cantonale jouent aussi un rôle important. Ainsi, les régions dans lesquelles la part des enfants dont les parents sont sans formation professionnelle est élevée et où les problèmes sociaux sont fréquents présentent aussi un taux d'aide sociale important chez les jeunes adultes. De plus, les personnes sans formation tendent à dépendre plus longtemps que les autres de l'aide sociale. Les personnes sans formation post-obligatoire et celles issues de familles économiquement défavorisées sont souvent assistées durablement, à savoir pendant 3 ans au minimum. Il en va de même pour les jeunes parents ayant des obligations d'entretien à l'égard de leurs enfants. En revanche, les jeunes adultes en train de suivre une formation s'affranchissent plus rapidement de l'aide sociale. Bien évidemment ces tendances relevées en 2009 par l'ofs n'ont fait que s'accroître en raison de la crise financière et économique. Mais de façon générale, le rappel de ces faits met bien en évidence l'importance fondamentale de la formation par rapport à l'intégration sociale et professionnelle en général et des jeunes en particulier. En tout temps il faut donc mener une véritable offensive pour la formation. Sans être toujours d'accord sur les moyens à mettre en œuvre, tout le monde s'accorde sur ce type d'objectif. Pour preuve, on peut citer l'objectif fixé par la Conférence des chefs de départements de l'instruction publique des cantons suisses qui veut qu'à l'horizon 2015, 95% d'une classe d'âge obtiennent une certification reconnue de niveau secondaire 2. A titre indicatif, la moyenne suisse se situe actuellement aux alentours de 90 pourcent. La période de très bonne conjoncture économique qui a marqué les années précédant la brutale crise financière de 2008 a confirmé que les personnes peu ou pas qualifiées ont bien moins de chance de trouver un travail ou que si elles en trouvent un, celui-ci a un caractère généralement précaire. Par conséquent, le manque de formation est un des facteurs qui explique l'existence dans nos sociétés d'un taux de chômage que l'on peut qualifier d'incompressible. Durant la période de crise que nous traversons, la difficulté de trouver un emploi touche également un très grand nombre de jeunes diplômés. C'est pourquoi durant une telle période des mesures exceptionnelles doivent être prises en plus des efforts habituels de formation. Concrètement, ces mesures sont préconisées notamment par le Conseil fédéral dans les programmes de stabilisation de l'économie et plus particulièrement dans le troisième de ces programmes auquel se sont opposés les groupes parlementaires de l'udc et du parti libéral-radical avec une énergie 2
difficilement compréhensible. Dans les cantons particulièrement touchés par la crise économique, tels que par exemple les cantons de l'arc jurassien, des mesures cantonales bienvenues complètent ce dispositif dont l'importance est fondamentale, tout particulièrement pour les jeunes et de façon plus générale pour l'ensemble des chômeurs qui devraient pouvoir retrouver un emploi lors d'une nouvelle embellie de la conjoncture qui malheureusement tarde à venir. 1. Mesures visant à diminuer les risques au moment de la transition entre l'école obligatoire et la formation professionnelle initiale Grâce à l'aide financière de la Confédération, la plupart des cantons suisses ont aujourd'hui mis sur pied un concept de case management. Les mesures prévues dans le cadre de ce concept visent à accompagner les élèves présentant des difficultés en fin de scolarité obligatoire, afin de les aider à trouver une place d'apprentissage. Grâce aux efforts conjugués des cantons et des milieux économiques qui ont pris conscience ces dernières années de l'importance de préparer une relève professionnelle de qualité, l'offre de places d'apprentissage semble bien résister à la crise actuelle: selon les chiffres de l'offt, 87.000 places ont été offertes en 2009 pour 88.000 en 2008. Ainsi, les efforts conjugués d'acteurs des services cantonaux et de représentants de l'économie régionale tendent à limiter autant que faire se peut le nombre de jeunes restant sans solution à la sortie de l'école obligatoire. Ceux qui demeureraient néanmoins dans une telle situation peuvent avoir recours au préapprentissage, ou, s'ils doivent s'inscrire au chômage, au semestre de motivation. L'émergence des formations initiales de 2 ans conduisant à une attestation fédérale joue également un rôle bienvenu dans l'accès à la formation professionnelle pour les élèves à faible potentiel scolaire. 2. Mesures visant à favoriser la transition entre la formation professionnelle et l'obtention d'un premier emploi Dans les cantons latins qui ont une offre bien fournie d'écoles professionnelles et d'écoles supérieures à plein temps, on a pu constater lors de la dernière rentrée scolaire une augmentation sensible du nombre de jeunes qui, ne trouvant pas d'emploi après l'obtention de leur CFC, sont entrés dans une année de formation à plein temps pour préparer une maturité professionnelle post-cfc qui leur permet d'accéder par la suite aux filières HES. Les entrées en écoles supérieures à plein temps (formation de 2 voire 3 ans) sont également en hausse sensible en raison de la crise. Ce niveau de formation, préparant notamment à l'accession à des postes de cadre dans les PME, est une solution très pertinente pour des jeunes qui sans cela devraient avoir recours à l'assurance chômage. Ils acquièrent ainsi des compétences supplémentaires qui pourront leur être précieuses au moment de la reprise économique. L'employabilité des diplômés d'écoles tertiaires est démontrée, comme l'indiquent les statistiques OFS ci-dessus. Il faut toutefois relever que ces solutions de formations subséquentes 3
à plein temps génèrent d'importants coûts pour les collectivités publiques et nécessitent une prise en charge financière par les parents ou par l'entourage des jeunes qui peuvent éventuellement avoir recours à une bourse d'études. Une autre solution, préconisée par les programmes de relance fédéraux ou cantonaux, est l'organisation de stages professionnels d'une durée de 1, 3 ou 6 mois. Cette solution permet aux jeunes diplômés de bénéficier d'une première expérience professionnelle qui aura toute son importance dans la recherche ultérieure d'un emploi. Quant aux institutions ou entreprises qui accueillent ces jeunes stagiaires, elles peuvent ainsi préparer de façon plus spécifique le recrutement de leurs futurs collaborateurs. Durant ces périodes de stage, l'assurance chômage prend à sa charge 75% des coûts, tandis que le 25% restant (mais au minimum 500 francs par mois pour un poste à plein temps) sont à la charge de l'employeur. Dans le cadre de son programme de soutien à l'emploi, le canton de Neuchâtel a décidé de prendre en charge cette part de salaire à la place de l'employeur. Cette mesure, basée sur une stratégie «gagnant-gagnant» rencontre dans notre canton un beau succès, puisque depuis l'été ce sont près de 400 places de stages professionnels qui ont été offertes (pour moitié environ par des employeurs privés) et près de 120 nouveaux porteurs de CFC bénéficient actuellement de cette première expérience professionnelle. Dans les semaines à venir, les nouveaux diplômés des hautes écoles qui n'ont pas trouvé d'emploi bénéficieront également de cette mesure. Au cas où les places de stage ne seraient pas offertes en nombre suffisant, les programmes de relance prévoient également le recours possible aux entreprises d'entraînement. Celles-ci permettent aux jeunes diplômés d'étoffer leur expérience pratique et d'acquérir de nouvelles connaissances professionnelles, en particulier dans le domaine commercial ou encore dans celui de l'artisanat ou de la technique suivant l'orientation de ces entreprises qui approvisionnent le réseau national, voire international, en produits fictifs. L'assurance chômage permet également d'effectuer des séjours linguistiques à l'étranger, moyennant une prise en charge partielle des frais par la personne concernée (de l'ordre de 1.500 francs pour trois mois). Etonnamment ce type de mesure ne rencontre pas actuellement le succès escompté dans notre région. 3. Mesures de formation durant les RHT (réduction de l'horaire de travail ou chômage partiel) L'objectif de ces mesures est de mettre à profit le temps libéré par les RHT pour acquérir des compléments de formation ciblés. Le soutien fédéral est octroyé via l'assurance chômage qui prend en charge le 80% des salaires, laissant aux entreprises concernées le libre choix de compléter ou non le salaire des employés qui se forment pendant leur période de chômage partiel. Il appartient au service cantonal de l'emploi d'autoriser ou non la mise en place de ces mesures de formation. Il convient en effet de contrôler que l'entreprise ne profite pas, sous couvert de formation, de poursuivre ses activités de production pendant les périodes de RHT. 4
Ainsi, l'entreprise doit fournir un projet précis de formation (avec objectifs et planification) et, le cas échéant, elle pourra avoir recours à des formateurs internes ou externes. Précisons encore que les employés ne peuvent pas être obligés à se former. Afin d'encourager ce type de mesures, le service cantonal neuchâtelois de l'emploi peut financier, via le fonds d'insertion professionnelle, des formations destinées aux personnes peu ou pas qualifiées (concrètement n'ayant pas de CFC). En plus d'un soutien financier qui peut aller jusqu'à 3.000 francs par personne sur une durée de 6 mois mais sans excéder 500 francs par jour de formation, le service de l'emploi apporte également des conseils et met à disposition un réseau de formateurs (notamment via le Centre de formation neuchâtelois pour adultes: CEFNA). Parmi les formations ainsi mises en œuvre pour augmenter l'employabilité et la mobilité des personnes peu ou pas qualifiées, on peut relever à titre d'exemple qu'ont été mis sur pied des cours de langues, en particulier de français pour allophones, des formations techniques visant à acquérir des compétences de base, des cours liés à la sécurité ou au contrôle de la qualité, ainsi que des formations de base en informatique ou encore la préparation au permis de cariste. Comme les périodes de chômage partiel ont tendance à se prolonger, les entreprises sollicitant l'aide de l'etat sont actuellement en nette augmentation. Ce sont ainsi déjà plusieurs centaines de personnes qui ont pu en bénéficier dans le canton de Neuchâtel. Dans le domaine de la formation des adultes, on peut encore relever que plusieurs cantons offrent, dans le cadre d'expériences pilotes soutenues par l'offt, la possibilité d'obtenir un CFC via une procédure de validation des acquis de l'expérience (VAE). Ce type de procédure, reconnue désormais par la nouvelle loi sur la formation professionnelle, s'adresse à des adultes ayant au minimum 5 ans de pratique dans un domaine professionnel dans lequel elles ont ainsi acquis de réelles compétences pouvant être prouvées dans le cadre de l'élaboration d'un portfolio soumis à un jury d'experts qui sont les mêmes que ceux qui évaluent les examens de CFC. Au cas où certaines compétences ne seraient pas acquises, ces personnes sont orientées vers des modules de formation permettant de combler ces lacunes. Cette nouvelle forme de qualifications professionnelles devrait pouvoir se généraliser à l'ensemble des métiers au terme des expériences pilotes, élargissement déjà réalisé dans le canton de Genève qui recourt à ces pratiques avec succès depuis plusieurs années. Il s'agit-là d'une solution prometteuse pour bon nombre d'adultes qui n'ont pas eu la possibilité pour des raisons diverses d'acquérir une formation professionnelle par la voie traditionnelle. Actuellement, le financement des procédures de VAE par les participants est très inégal d'un canton à l'autre. Une harmonisation est nécessaire et des aides substantielles devraient être octroyées. 4. Conclusion Une période de crise telle que celle que nous vivons est lourde de conséquences, en premier lieu pour les personnes qui ne peuvent pas accéder à un premier emploi ou pour celles qui perdent leur emploi. Si ces personnes ont la perspective de se former pour être en mesure de mieux rebondir une fois la récession passée, elles resteront 5
en meilleure santé physique et psychique et risqueront beaucoup moins de dépendre sur le long terme des assurances sociales. Il est donc du devoir des autorités politiques, comme des responsables de l'économie, d'utiliser la période de crise pour investir massivement dans la formation. Comme évoqué ci-dessus, les efforts de formation peuvent prendre diverses formes, telles que par exemple: poursuite d'une formation initiale de base pour acquérir une maturité professionnelle, une formation en école supérieure ou en HES qui augmente les compétences et l'employabilité; accomplir un stage professionnel de premier emploi, payé par l'assurance chômage, pour parfaire ses connaissances et acquérir une première expérience professionnelle précieuse pour le curriculum vitae et la recherche ultérieure d'un emploi; utiliser le temps libéré par des périodes de chômage partiel afin de combler des lacunes de formation ou d'acquérir des compétences professionnelles complémentaires pour améliorer l'employabilité et la mobilité des personnes concernées. Actuellement ces formations sont de courte durée: si la crise devait se prolonger, il faudrait prévoir un soutien financier accru pour permettre aux intéressés d'accomplir des formations certifiantes; développer la VAE et améliorer sa prise en charge financière par les collectivités publiques. Les pouvoirs publics, tout comme les acteurs privés de l'économie, ont un intérêt évident à mettre à profit la période de crise pour améliorer le niveau de formation tant des jeunes que des adultes. Les personnes concernées et les acteurs de l'économie pourront bénéficier du retour sur ce véritable investissement lorsque la conjoncture économique s'améliorera. 6